TERMINOLOGIE DÉCOLONIALE – 7 – Les termes liés aux diasporas, à la diversité et à l’inclusivité (CNCD-11.11.11)

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OSIM : ORGANISATIONS DE SOLIDARITÉ INTERNATIONALE ISSUES DES MIGRATIONS

Une OSIM (Organisation de solidarité internationale issue des migrations) est une organisation constituée par des personnes immigrées et/ou issues  de l’immigration, (…), effectuant des activités au Nord et/ou au Sud, dont les finalités sont totalement ou partiellement orientées vers la solidarité internationale et le développement en faveur des populations, dans un ou plusieurs pays (…), dont principalement le pays d’origine.

DIASPORA

La diaspora est un mot d’origine grecque qui renvoie à la dispersion, la dissémination. Le terme recouvre la dispersion d’un peuple à travers le monde. Peuvent être retenues trois caractéristiques essentielles :

      1. la conscience et le fait de revendiquer une identité ethnique ou  nationale,
      2. l’existence d’une organisation politique, religieuse ou culturelle du groupe dispersé (vie associative),
      3. l’existence de contacts sous diverses formes, réelles ou imaginaire, avec le territoire ou le pays d’origine.

DIVERSITÉ

La diversité désigne ce qui est varié, divers. Appliquée à une entreprise, elle désigne la variété de profils humains qui peuvent exister en son sein (origine, culture, âge, sexe/genre, apparence physique, handicap, orientation sexuelle, diplômes, etc.). Dans une organisation qui se veut inclusive, la diversité cherche à se décliner dans toutes les fonctions et aux différents niveaux de l’organisation. La diversité culturelle est le constat de l’existence de différentes cultures au sein d’une même population. Selon l’UNESCO, la diversité culturelle est “source d’échanges, d’innovation et de créativité (…). En ce sens, elle constitue le patrimoine mondial de l’humanité (…). La défense de la diversité culturelle est un impératif éthique, inséparable du respect de la dignité de la personne humaine.

INTERCULTURALITÉ ET MULTICULTURALITÉ

L’interculturalité désigne l’ensemble des relations et interactions entre des cultures différentes. Le concept implique des échanges réciproques. L’interculturalité est donc fondée sur le dialogue, le respect mutuel et le souci de préserver l’identité culturelle de toute personne. La multiculturalité désigne la coexistence de plusieurs cultures dans une même société. Le multiculturalisme est également une doctrine qui met en avant la diversité culturelle comme source d’enrichissement de la société.

APPROPRIATION CULTURELLE

L’appropriation culturelle était au départ un terme qui renvoyait à un processus d’utilisation d’éléments d’une culture par une autre culture. Au départ, non polémique, il désignait tout autant l’exportation de la fête d’Halloween dans les pays européens que le fait que des objets d’art appropriés pendant le temps colonial soient dans les musées des anciennes métropoles coloniales. Rapidement, le terme est devenu plus péjoratif pour désigner un processus d’emprunt entre les cultures qui s’inscrit dans un contexte de domination et d’exploitation. Il s’opposerait à un phénomène sociologique courant qui veut que les cultures entrent en contact les unes avec les autres et s’abreuvent les unes des autres, faisant de la culture une matière mouvante et malléable dans le temps. Les contacts entre cultures seraient alors désignés par le terme d’interculturalité. Au-delà de la question sémantique, il s’agit d’être conscient que les cultures ne constituent pas des blocs monolithiques, qu’elles interagissent les unes avec les autres et que dans le même temps, elles entretiennent également des rapports de pouvoir entre elles. L’appropriation de certains éléments culturels peut ainsi être le reflet d’un rapport de colonisation entre peuples ou d’images réappropriées dans un cadre connoté négativement.

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TERMINOLOGIE DÉCOLONIALE – 6 – Les termes liés à la justice raciale (CNCD-11.11.11)

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ANTIRACISME

Selon le Mouvement contre le racisme, l’antisémitisme et la xénophobie (MRAX), “l’antiracisme vise à combattre le racisme sous toutes ses formes en s’opposant aux discriminations, aux haines, aux préjugés, aux inégalités qu’il suscite. L’antiracisme revendique l’égalité des droits et des chances pour tous. Il refuse toute tentation de domination politique, sociale, culturelle d’une communauté sur une autre.”

BLACK LIVES MATTER #BLM

Le mouvement est né en 2013, après l’acquittement de George Zimmerman, le coordinateur d’une surveillance de voisinage blanc qui a tué par balles Trayvon Martin, un adolescent noir de 17 ans non armé. Il a été lancé par trois femmes afro-américaines impliquées dans les mouvements communautaires : Alicia Garza, Patrisse Cullors et Opal Tometi. Le mouvement s’est répandu à travers les États-Unis dans un premier temps, et dans le reste du monde par la suite notamment grâce aux réseaux sociaux. C’est un mouvement décentralisé. Il existe en Belgique une branche qui se nomme Belgian Network for Black Lives, lancée à l’été 2020, dans le contexte des manifestations faisant suite à la mort de George Floyd aux États-Unis.

PERSONNE ALLIÉE

Une personne alliée est une personne qui ne subit pas un système oppressif mais qui va s’associer aux personnes qui en sont victimes pour le combattre. Être une personne alliée suppose un travail d’introspection sur qui l’on est, ce que l’on représente et la place que l’on occupe dans la société (ex. prendre conscience de sa blanchité, de l’eurocentrisme). Le fait d’être une personne alliée ne s’arrête pas au travail d’introspection, il va plus loin en ce sens qu’il signifie aussi que la personne se positionne en faveur de mesures pour apporter des changements interpersonnels, sociaux et institutionnels en faveur de l’égalité.

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TERMINOLOGIE DÉCOLONIALE – 5 – Les termes liés à la “blanchitude” (CNCD-11.11.11)

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PRIVILÈGE BLANC

Terme popularisé par la chercheuse Peggy McIntosh, l’expression de “privilège blanc” renvoie à l’ensemble des avantages invisibles mais récurrents dont bénéficient les personnes blanches uniquement parce qu’elles sont blanches. Les personnes blanches n’ont pas à subir de discrimination en tant que Blancs, mais elles possèdent également des avantages a priori invisibles par rapport aux personnes racisées. Cette expression met par ailleurs en avant le fait que le racisme reste une relation entre groupes sociaux, l’avantage des uns dépendant du désavantage des autres. En se basant sur sa propre expérience, Peggy McIntosh a relevé vingt-six privilèges blancs dans le cadre de son article, parmi lesquels se trouvent une estime de soi différente, un statut social par défaut plus élevé, un meilleur pouvoir d’achat, un meilleur accès au marché du travail, une plus grande liberté de circulation et d’expression jusqu’aux sparadraps qui sont de couleur rose clair.

BLANCHITÉ OU BLANCHITUDE

Ces termes renvoient au fait d’appartenir à la prétendue race dite “blanche”. Le concept de blanchité fait ressortir que le fait d’être une personne “blanche” est une construction sociale au même titre qu’être une personne “noire” ou “arabe”. Par conséquent, être une personne blanche, c’est aussi subir une forme de racisation qui, dans ce cas précis, octroie avant tout des privilèges.

LA FRAGILITÉ BLANCHE

On évoque dans de nombreux mouvements antiracistes le concept de fragilité blanche, développé par la sociologue Robin J. Di Angelo, pour faire référence à un état émotionnel, généralement inconscient, dans lequel se trouvent les personnes blanches lorsqu’une personne racisée juge et critique leurs comportements comme racistes. Cet état émotionnel se traduit par des émotions comme la peur, la colère, la culpabilité et/ou peut amener la personne blanche à minimiser le ressenti des personnes racisées ou à arrêter la conversation. La fragilité blanche révèle que les personnes blanches sont rarement confrontées au racisme, et donc ressentent un sentiment d’inconfort lorsque la question est abordée.

RACISME ANTI-BLANC

Le racisme anti-blanc toucherait spécifiquement les personnes blanches. Toutefois, les préjugés raciaux des personnes faisant partie des groupes minoritaires ne sont pas historiquement chargés et n’émanent pas d’un système. Interrogé sur l’utilisation du terme “racisme anti-blanc”, le directeur d’Unia Patrick Charlier disait ainsi : “L’utilisation du terme ‘racisme anti-blanc’ est trompeur, car il laisse entendre que c’est une forme de racisme qui est équivalente au racisme à l’égard des personnes d’origine étrangère, ce qui est très loin d’être le cas sur un plan sociologique et structurel. Il tend à relativiser les problèmes de racisme auxquels sont confrontées les personnes issues des minorités.”

Selon Alexandra Pierre, “la thèse d’un racisme ‘anti-blanc’ correspondait plus à une peur, ou une perception d’une domination sociale et politique des minorités, qui cache une peur de perdre son statut privilégié.

SUPRÉMATIE BLANCHE

Idéologie selon laquelle les valeurs culturelles et les normes des peuples d’origine occidentale sont supérieures à celles des autres groupes humains. La suprématie blanche se manifeste dans l’Histoire (colonisation, etc.) et dans les institutions (justice, éducation, etc.) construite par ces nations. Elle se décline dans les habitudes, les structures sociales, les croyances, les stéréotypes. Selon Alexandra Pierre, “il faut distinguer le concept de ‘suprématie blanche’ du mouvement des suprémacistes blancs. Ces derniers ne sont évidemment pas étrangers à l’idée de domination blanche. Cependant, dans leur cas précis, ils l’incarnent de manière brutale, consciente et assumée, individuellement ou à travers des organisations politiques d’extrême droite.

MYTHE DU SAUVEUR BLANC

Le “white saviorism” est un terme que l’on peut traduire par le “complexe du sauveur blanc”. Il est né dans le cadre d’une critique du «volontourisme» (ou tourisme humanitaire) et s’est considérablement amplifié depuis l’émergence des réseaux sociaux en recouvrant des aspects plus larges. Ce terme a ainsi fait largement débat dans le cadre des campagnes de l’ONG britannique Comic Relief qui a envoyé des célébrités anglaises présentées comme des héros dans les pays africains pour ses opérations de récolte de fonds. Suite aux accusations de “white saviorism”, l’ONG a arrêté cette campagne et a décidé de renforcer son action antiraciste en dédiant des fonds pour lutter contre le racisme en Grande-Bretagne. Le “sauveur blanc” désigne ainsi le fait de mettre au centre de l’action les humanitaires blancs qui en profitent pour poser “en héros” et entourés de “pauvres petits enfants” présentés comme passifs sur les photos qu‘ils publient ensuite sur les réseaux sociaux. C’est donc une forme d’expérience émotionnelle, sincère ou déguisée, qui permet de valider des privilèges et de soigner son image. C’est là que se situe la frontière entre le volontouriste désintéressé qui vient pour offrir son aide “gratuitement”, et les white saviors qui y cherchent une valorisation sociale et personnelle en étalant leur bonté à la vue du plus grand nombre. Ceux-là croient faire une bonne action mais agissent bien souvent sans discernement et sans tenir compte des véritables besoins des populations locales. Ce faisant, ils ne leur sont pas d’un grand secours, et peuvent même leur causer du tort.

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TERMINOLOGIE DÉCOLONIALE – 4 – Les termes liés aux discriminations (CNCD-11.11.11)

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DISCRIMINATION

Dans la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale adoptée par les Nations Unies en 1965, la discrimination est définie comme “toute distinction, exclusion, restriction ou préférence fondée sur la race, la couleur, l’ascendance ou l’origine nationale ou ethnique, qui a pour but ou pour effet de détruire ou de compromettre la reconnaissance, la jouissance ou l’exercice, dans des conditions d’égalité, des droits de l’Homme et des libertés fondamentales dans les domaines politique, économique, social et culturel ou dans tout autre domaine de la vie publique.

Cette convention se décline en Belgique par trois lois fédérales qui constituent la législation anti-discrimination : la loi “Genre”, la loi “Antiracisme” et la loi “Anti-discrimination”. Cette législation condamne tant la discrimination que le harcèlement, le discours de haine ou les délits de haine envers une personne ou un groupe de personnes.

Par ailleurs, elle distingue 19 critères de discrimination, dont 5 critères raciaux, sur base desquels la discrimination est interdite et punissable : la prétendue race, la nationalité, la couleur de la peau, l’ascendance, l’origine nationale ou ethnique. Parmi les motifs de discrimination interdits par la loi générale relative aux “autres critères de discrimination”, on trouve deux autres critères qui font partie de l’antiracisme au sens large : les convictions religieuses ou philosophiques et la langue.

ACTIONS POSITIVES PARFOIS APPELÉES “DISCRIMINATIONS POSITIVES”

En Belgique, la législation utilise le terme d’”actions positives” plutôt que “discrimination positive”. L’action positive est définie dans la loi de 1981 tendant à réprimer certains actes inspirés par le racisme ou la xénophobie, comme un ensemble de “mesures spécifiques destinées à prévenir ou à compenser les désavantages liés à l’un des critères protégés [la nationalité, une prétendue race, la couleur de peau, l’ascendance ou l’origine nationale ou ethnique], en vue de garantir une pleine égalité dans la pratique“. Les actions positives sont également inscrites dans la loi tendant à lutter contre certaines formes de discrimination de 2007, dite loi anti-discrimination.

NON-MIXITÉ (CHOISIE)

Pratique qui consiste à organiser des rassemblements réservés aux personnes appartenant à des groupes discriminés en excluant la participation de personnes appartenant à des groupes considérés comme potentiellement discriminants ou oppressifs et/ou à réserver la parole aux personnes opprimées en excluant les membres de groupes dominants qui risquent de monopoliser la parole ou de ne pas accorder de crédit à leurs propos.

La pratique de la non-mixité fait souvent l’objet de débats : pour certains, elle permet l’émancipation des personnes et la liberté de parole, pour d’autres, elles recréent une forme de discrimination.

QUOTAS

Les quotas sont une des formes que peuvent prendre les actions positives. Ils représentent ici un seuil minimal institué par la loi, chiffré, qui vise à normaliser la présence d’un groupe sous-représenté dans un espace donné. Il est important de rappeler que les quotas n’ont pas vocation à être éternels, ils constituent une étape afin de lutter contre les plafonds de verre et les discriminations. La fonction des quotas est à terme de faire disparaître les structures de pouvoir qui excluent les personnes sur base de leur genre et/ou de leur “prétendue race” ou origine.

L’instauration de quotas tant pour les femmes dans les instances de décision que pour les personnes racisées fait souvent l’objet d’intenses débats, car ils contreviendraient à la notion même d’égalité. Force est de constater que pour  les femmes, les quotas ont fait un peu de chemin comme on peut le constater dans la législation électorale qui instaure l’obligation de constitution de listes électorales équilibrées en terme de sexe ou dans l’obligation faite aux associations d’avoir un tiers de membres de leur CA du même sexe. D’autres propositions de lois sont actuellement en discussion entre autres pour imposer des quotas de genre dans les comités de direction des entreprises publiques.

La question des quotas pour les personnes racisées est par contre moins consensuelle. On lui oppose l’interdiction de recensement ethnique en Belgique, qui pourrait pourtant être contourné comme le proposait les Assises de l’interculturalité en se basant sur la nationalité de la personne à la naissance ou celle de ses parents qui se trouvent inscrites dans le registre national.

STIGMATISATION

La stigmatisation est le processus social et la forme de contrôle social par lequel une personne est “mise à l’écart de la société à cause de différences considérées comme contraires aux normes de la société.

STÉRÉOTYPE

Un stéréotype est une image préconçue, une représentation simplifiée d’un individu ou d’un groupe humain. Il repose sur une croyance partagée relative aux attributs physiques, moraux et/ou comportementaux, censés caractériser ce ou ces individus. Le stéréotype remplit une fonction cognitive importante : face à l’abondance des informations qu’il reçoit, l’individu simplifie la réalité qui l’entoure, la catégorise et la classe.” Il peut être valorisant ou dévalorisant et permettent à l’individu de classer rapidement de nombreuses informations.

PRÉJUGÉ

Un préjugé est une opinion préconçue portant sur un sujet, un objet, un individu ou un groupe d’individus. Il est forgé antérieurement à la connaissance réelle ou à l’expérimentation : il est donc construit à partir d’informations erronées et, souvent, à partir de stéréotypes.

INTERSECTIONNALITÉ

Cette notion est issue d’analyses qui tiennent compte du fait que les différentes catégories sociales impliquent diverses formes d’oppressions qui ont chacune un impact sur les personnes concernées. C’est ainsi que tout individu se trouve à la croisée de différentes identités qui le caractérisent comme son origine géographique, ethnie, religion, orientation sexuelle, classe sociale, âge, la “race”, l’état de santé, aspect ou sexe. L’intersectionnalité permet de visibiliser les minorités dans les minorités, de penser la multiplicité des discriminations et d’éviter le cloisonnement des luttes en analysant la manière dont les différents systèmes d’oppression s’articulent et se renforcent mutuellement. À l’origine, le concept a été créé en 1989 par l’avocate nord-américaine Kimberlé Crenshaw pour parler de la situation particulière des femmes noires qui se retrouvent à l’intersection de plusieurs discriminations, sexistes et racistes.

XÉNOPHOBIE

Hostilité systématique manifestée à l’égard des étrangers ou des personnes perçues comme telles.” Le racisme et la xénophobie sont deux termes qui ont émergé au même moment. Pourtant, ils ne désignent pas les mêmes réalités  : la xénophobie est un terme d’origine grec qui désigne la haine ou le rejet de l’étranger. Alors que le mot racisme vise plutôt les origines des personnes et induit un classement des personnes en fonction de leur prétendue race.

RROMOPHOBIE

Selon Unia, les Rroms constituent aujourd’hui la plus grande minorité ethnique en Europe et sont la cible d’une discrimination systématique à l’école, au travail et dans la vie quotidienne. “La Rromophobie se définit comme la haine ou la peur des personnes perçues comme étant Rroms, Tsiganes ou ‘du voyage’ et implique l’attribution négative de l’identité d’un groupe. La Rromophobie est donc une forme de racisme, taillée dans la même étoffe que celui-ci. Elle entraîne marginalisation, persécution et violences.

NÉGROPHOBIE OU RACISME ANTI-NOIRS

Selon le réseau Canopé, “le racisme anti-Noirs définit les attitudes, comportements et discours d’hostilité à l’égard des ‘personnes noires’, terme d’assignation qu’il faut considérer dans toute sa subjectivité et son hétérogénéité.

ISLAMOPHOBIE

L’islamophobie peut se définir comme la peur, ou une vision altérée par des préjugés, de l’islam, des musulmans et des questions en rapport. Qu’elle se traduise par des actes quotidiens de racisme et de discrimination ou des manifestations plus violentes, l’islamophobie est une violation des droits de l’homme et une menace pour la cohésion sociale.

ANTISÉMITISME

Attitude de racisme ou d’hostilité systématique envers les Juifs, les personnes perçues comme telles ou leur religion.

MICRO-AGRESSIONS

Échanges quotidiens qui envoient des messages dénigrants à certaines personnes en raison de leur appartenance à un groupe. Une micro-agression fait partie du spectre général des agressions et peut être implicite, voire invisible pour les autres. Le pouvoir des micro-agressions réside dans le fait qu’elles sont invisibles et donc qu’il est parfois difficile de percevoir nos propres actions comme discriminatoires.

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TERMINOLOGIE DÉCOLONIALE – 3 – Les termes liés à la colonisation (CNCD-11.11.11)

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COLONISATION

La colonisation est une entreprise de mise sous tutelle d’un territoire par un autre Etat ou territoire. Le pays colonisateur exerce sur sa colonie une domination politique, militaire et économique au détriment des populations locales.

La colonisation a été justifiée par l’élaboration d’une image pseudo-scientifique des peuples colonisés par les anthropologues/ethnologues européens. L’évolutionnisme et le racisme “scientifique” ont permis de justifier les violences perpétrées durant la seconde vague de colonisation dans la deuxième moitié du 19e siècle, la “civilisation” devant être apportée aux peuples colonisés.

DÉCOLONISATION

La décolonisation désigne le processus par lequel un pays ou une région colonisée (re)devient indépendant. Mais selon une seconde acceptation, la décolonisation concerne la décolonisation des mentalités, des discours, des savoirs, de l’espace public, etc. En effet, les systèmes de pensées ayant justifié la colonisation ont tendance à persister dans l’organisation des sociétés actuelles (aussi bien dans les populations des ex-pays colonisateurs que dans les populations des ex-pays colonisés) et ce, malgré que nous soyons dans une ère a priori post-coloniale au sens premier du terme. En ce sens, la décolonisation vise à déconstruire ces mythes persistants qui ont des effets concrets sur les individus (ex : eurocentrisme, mythe du sauveur blanc, racisme).

NÉO-COLONIALISME

On parle de néo-colonialisme pour évoquer les formes recomposées que prennent aujourd’hui les rapports coloniaux, généralement au niveau politique et économique.

Les ex-puissances coloniales cherchent à maintenir par des moyens détournés la domination économique et culturelle sur leurs anciennes colonies (ex : politiques commerciales de l’Union européenne, exploitation des ressources naturelles et ressources humaines, hégémonie culturelle…). Ce terme tend à s’étendre à des États qui n’ont pas ou peu participé formellement à la colonisation, voire ont subi celle-ci, mais en reproduisent les mécanismes de domination (notamment les États-Unis et la Chine…).

POST COLONIALISME

Selon l’université de Lausanne : “Le terme de post-colonialisme est créé au moment de la décolonisation. Au départ, il désigne une période historique, le moment qui suit la décolonisation d’un pays auparavant colonisé. Par la suite, il est utilisé pour désigner le courant critique qui traite des effets matériels, mais surtout symboliques et discursifs de la colonisation, au sein d’un nombre important de disciplines (en littérature comparée, histoire, anthropologie, études du développement, etc.).

MISSION CIVILISATRICE

Durant l’expansion coloniale, la notion de “mission civilisatrice” apparaît comme la théorie qui considère que les nations européennes sont “supérieures” et ont pour devoir – ou auraient reçu la mission – de civiliser des civilisations non européennes considérées comme “inférieures”. Cette conception se retrouve dans tous les pays européens qui s’engagent dans la colonisation. En Angleterre, l’écrivain Rudyard Kipling l’a décrit dans son poème The white man’s burden (“le fardeau de l’homme blanc”), qui insiste sur la lourde tâche qui attend l’Européen dans sa mission d’apporter la civilisation au reste du monde.

Selon Pernille Røge qui s’intéresse à la colonisation française, “le concept de ‘mission civilisatrice’ renvoie aux présupposés éthiques de la colonisation. Il stipule la supériorité de la civilisation française sur toutes les autres civilisations et assigne aux Français la tâche, ou plutôt la ‘mission’, d’amener ces civilisations inférieures au niveau de la civilisation française. (…) Ce discours est alimenté par des préjugés raciaux et des dichotomies telles que ‘Noir’ et ‘Blanc’, ‘sauvage’ ou ‘barbare’ et ‘civilisé’, apparaissent alors comme autant de moyens mis en œuvre par le colonisateur pour justifier la domination des colonisés“.

ETHNOCENTRISME.

Étymologiquement, l’ethnocentrisme évoque l’idée de centrage et de fixation sur ses propres valeurs et/ou repères culturels et normatifs. L’ethnocentrisme suggère également une incapacité ou une difficulté à prendre distance à l’égard de ses propres représentations. Ce manque de distance provoque une projection de ses propres représentations sur autrui ; autrement dit, le regard ethnocentré observe et évalue les goûts, pratiques et représentations d’autrui à travers les “lunettes” de sa propre culture.

COLONIALITÉ

Ce concept émerge en Amérique Latine sous la houlette de plusieurs académiques qui crée un réseau pluridisciplinaire sur le sujet au début des années 2000. Le postulat de base consiste à voir dans le moment de l’arrivée des Européens en Amérique Latine en 1492 le point de bascule vers la mise sur pied d’un système-monde fondé sur l’économie capitaliste et la racialisation des groupes sociaux. Cette théorie se différencie du post-colonialisme qui fait débuter 300 ans plus tard ce point de bascule.

EUROCENTRISME

L’eurocentrisme est une forme d’ethnocentrisme, qui renvoie au fait d’analyser des situations uniquement d’un point de vue européen ou, plus largement, occidental, voire de considérer son modèle de société comme supérieure aux autres. L’auteur égyptien Samir Amin a forgé ce concept dans les années 1970, pour lequel l’eurocentrisme n’est pas seulement une vision du monde mais un projet global, homogénéisant le monde sur un modèle européen sous prétexte de « rattrapage » pour les pays non occidentaux.

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TERMINOLOGIE DÉCOLONIALE – 2 – Les mots autour de l’institutionnalisation du racisme (CNCD-11.11.11)

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RACISME ET RACISME SYSTÉMIQUE

Par définition, le racisme est une idéologie fondée sur la croyance qu’il  existe une hiérarchie entre les groupes humains, les prétendues “races”. Le racisme englobe les comportements et attitudes hostiles qui découlent de
cette idéologie, à l’égard d’un individu ou d’une catégorie d’individus.

La loi belge du 30 juillet 1981 tendant à réprimer certains actes inspirés par le racisme ou la xénophobie reconnaît deux types de discriminations :

      • Directe : la situation qui se produit lorsque, sur la base de l’un des critères protégés [la nationalité, une prétendue race, la couleur de peau, l’ascendance ou l’origine nationale ou ethnique], une personne est traitée de manière moins favorable qu’une autre personne ne l’est, ne l’a été ou ne le serait dans une situation comparable,
      • Indirecte: la situation qui se produit lorsqu’une disposition, un critère ou une pratique apparemment neutre est susceptible d’entraîner, par rapport à d’autres personnes, un désavantage particulier pour des personnes caractérisées par l’un des critères protégés.

Le racisme est également un phénomène systémique, c’est-à-dire qu’il ne  peut être réduit aux seules interactions individuelles. En effet, le racisme fait également partie des institutions et de la socialisation. On parle alors de
racisme systémique quand plusieurs dimensions du racisme (historique, structurelle et individuelle) coexistent et se renforcent mutuellement. Cette forme de racisme a pour effet de perpétuer les inégalités vécues par les personnes racisées notamment en matière d’accès au logement et aux services publics.

Le racisme systémique, parce qu’il est plus insidieux, peut paraître plus difficile à percevoir. La Commission canadienne des droits de la personne et de la jeunesse le définit comme “la somme d’effets d’exclusion disproportionnés qui résultent de l’effet conjugué d’attitudes empreintes de
préjugés et de stéréotypes, souvent inconscients, et de politiques et pratiques généralement adoptées sans tenir compte des caractéristiques des membres de groupes visés par l’interdiction de la discrimination.”

RACISME D’ÉTAT

D’après le philosophe Michel Foucault, le racisme d’État désigne “un racisme lié au fonctionnement d’un État qui est obligé de se servir de la race, de l’élimination et de la purification de la race, pour exercer son pouvoir souverain” (exemples : L’Allemagne nazie, l’Afrique du Sud sous l’apartheid, les États-Unis lors de la ségrégation raciale sous les lois Jim Crow…).

Dans le contexte francophone de l’antiracisme contemporain, l’expression a été reprise par certains mouvements pour désigner la manière dont les États modernes sont structurés, sous couvert d’égalité formelle, par un racisme “institutionnel” qui dépasse les intentions et les idéologies.

RACISME CULTUREL

Aujourd’hui, les individus ne sont plus ciblés uniquement sur base de leur couleur de peau, mais également sur base de leur culture et la prétendue incompatibilité de celle-ci avec la culture nationale. Dans son rapport de 2013, Unia indique ainsi que le tabou sur le racisme scientifique n’a pas mis fin au racisme, mais a plutôt fait évoluer les mots utilisés pour mettre plus en avant des “identités culturelles” incompatibles car trop différentes. Le rapport d’Unia va plus loin en précisant : “Ce ‘nouveau’ racisme est en mesure de présenter le comportement raciste comme une attitude ‘raisonnable’, ‘logique’ ou même ‘naturelle’ en ces temps modernes : pour éviter les conflits entre groupes dans une société devenant toujours plus diverse, il est important de respecter les ‘seuils de tolérance’ de l’autre et de conserver une ‘distance culturelle’. Dans la forme la plus extrême du ‘racisme culturel’, la cohabitation est même totalement impossible, car les différences culturelles entre les différents groupes dans la société seraient tout simplement insurmontables.

Ce discours permettrait ainsi de justifier les discriminations et mauvais traitements des “groupes racisés” en invoquant des normes et valeurs propres à ces groupes : “Les Roms vivent du vol et ne veulent pas mettre leurs enfants à l’école“, “Les Africains ne veulent simplement pas travailler dur“, etc.

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TERMINOLOGIE DÉCOLONIALE – 1 – Les mots autour de la notion de prétendue race (CNCD-11.11.11)

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RACE OU PRÉTENDUE RACE

Présupposant l’existence de groupes humains nommés “races”, la notion de “race” appliquée aux êtres humains apparaît dans la seconde moitié du 18e siècle et postule, par analogie avec les races d’animaux d’élevage, que les membres de chaque “race” ont en commun un patrimoine génétique.

Le fait d’attribuer aux descriptions physiques spécifiques à des groupes humains des aptitudes intellectuelles et des qualités morales différentes se forge dans le cours du 19e siècle, et vient classifier les différentes “races” en installant la suprématie de la “race blanche”. De nombreux auteurs du 19e siècle qui développent l’idéologie raciste recherchent la pureté de la “race”, en évitant que les groupes humains ne se mélangent. L’idéologie raciste a servi à justifier la colonisation, le régime d’apartheid tout comme en Afrique du Sud ainsi que la Shoah en Allemagne nazie.

Depuis plusieurs décennies, de nombreuses études scientifiques fondées sur la génétique ont montré l’ineptie du concept de race, qui n’est pas pertinent pour caractériser des groupes humains. En effet, la diversité génétique est plus importante entre les individus d’une même population qu’entre les groupes. Ainsi le projet scientifique “Génome humain” lancé en 1988 et finalisé en 2003, qui avait pour objectif d’établir le séquençage du génome humain, démontre qu’il n’existe que peu de variation entre l’ADN de deux êtres humains pris au hasard : leurs séquences d’ADN sont semblables à 99,9%. Il existe bien des variations au sein de l’espèce humaine mais ces groupes, nommés population ou sous-espèce, peuvent être identifiés par des caractéristiques morphologiques ou moléculaires différentes. Seulement, aucun marqueur génétique ne permet de classer des groupes humains différents encore moins de créer une hiérarchie entre ces derniers.

Le consensus scientifique rejette donc aujourd’hui les arguments biologiques qui pourraient légitimer la notion de race. Bien que le concept de race ne revête aucune réalité biologique, on peut bel et bien parler de “prétendue race” ou “soi-disant race” et de racisme au sens sociologique du terme. Lorsqu’on parle de “prétendue race”, on se réfère à la construction sociale qui structure encore nos relations sociales aujourd’hui en se fondant sur la notion non scientifique de “race” et continue d’impacter la position sociale des personnes racisées. La prétendue race en tant que construction sociale reste donc un concept pertinent. La “soi-disant race” fait partie en Belgique des critères de discriminations reconnus dans l’arsenal législatif belge en son article 4 de la loi du 10 mai 2007.

RACISATION OU RACIALISATION, PERSONNE RACISÉE

Le processus de racisation est défini dans le Lexique du racisme publié par le Centre de recherche sur l’immigration, l’ethnicité et la citoyenneté  (Montréal) en 2006 comme “le processus social par lequel une population est catégorisée par sa race.“. La racisation est également un “processus politique, social et mental d’altérisation.” Ce lexique du racisme recommande ainsi l’utilisation du terme “groupe racisé“, plutôt que de “groupe racial“, “race” ou “minorité visible“, comme terme adéquat pour parler de groupes “porteurs d’une identité citoyenne et nationale précise, mais cibles du racisme.” On parle alors de “personnes racisées” pour désigner les individus rattachés volontairement ou non à ces groupes.

ETHNICITÉ

L’ethnicité est une construction sociale divisant les individus en groupes sociaux sur base de caractéristiques spécifiques, telles que le sentiment de partager une ascendance commune, les comportements, la langue, les intérêts politiques et économiques, l’histoire, l’appartenance (ancestrale ou actuelle) à une zone géographique, etc. L’ethnicité est donc liée à l’existence d’un patrimoine culturel commun. Le terme d’ethnie, comme celui de tribu, ont toutefois été introduits dans le vocabulaire courant pour désigner spécifiquement les systèmes existant dans les pays colonisés afin de les dénigrer et ne pas leur reconnaître le statut de nation, qui associe l’idée de peuple avec celle d’un État.

CNCD-11.11.11


[INFOS QUALITE] statut : validé | mode d’édition : partage, édition et iconographie | source : cncd-11.11.11 | contributeur : Patrick Thonart | crédits illustrations : © Angelica Dass | Sur le même thème, voir également notre article sur la novlangue (Orwell)


D’autres initiatives en Wallonie-Bruxelles…

CNCD-11.11.11 : terminologie décoloniale

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La langue est une technologie de pouvoir.

Frantz Fanon

[CNCD.BE, 15 décembre 2020] L’idée de produire un lexique à destination du secteur des ONG et acteurs institutionnels impliqués dans la coopération au développement est née d’une réflexion interne au secteur des acteurs de la coopération non gouvernementale, dans le cadre de ce que l’on appelle le Cadre stratégique commun des organisations – ONG et acteurs institutionnels – actives en Belgique. Dans ce cadre, 78 ACNG (Acteurs de la Coopération Non Gouvernementale) actives en Belgique que ce soit en matière d’éducation à la citoyenneté mondiale et solidaire, de plaidoyer, de 1e et 2e ligne ont réfléchi pendant plusieurs mois sur les enjeux de décolonisation, ce qui a abouti à la construction de ce lexique.

Dans le cadre de ces réflexions, il s’est rapidement avéré que le langage, le choix des mots constituait un élément essentiel pour pouvoir adopter une réflexion décoloniale. Certains mots, comme ceux de personnes racisées, ont amené de nombreuses questions entre les organisations, avec des compréhensions différentes selon les personnes ou les organisations.

Néanmoins, les mots ne sont jamais anodins. Ils permettent de révéler des structures de domination ou au contraire, les renforcent et les instituent. Une réflexion sur les mots que l’on utilise, ainsi que sur les images que les organisations véhiculent, est centrale pour ne pas reproduire des stéréotypes et être un allié structurel des organisations qui en Belgique luttent contre le racisme.

Afin d’avancer dans ce débat, ce lexique a été construit. Il offre une vision claire sur les termes les plus utilisés lorsqu’on s’intéresse aux questions de décolonisation et de diversité. Ce lexique a été établi par les deux organisations référentes du CSC Nord : le CNCD-11.11.11 et son homologue flamand 11.11.11.

Les objectifs de ce lexique sont doubles :

      • Renforcer la compréhension dans les ACNG des termes utilisés dans les débats sur la décolonisation, la diversité, l’intersectionnalité, etc.
      • Permettre aux ACNG de s’approprier ce langage et de l’utiliser dans les outils et dispositifs qu’ils mettent en place.
Cliquez ici pour télécharger le document…

Ce lexique vise donc à outiller les organisations ainsi que leurs travailleurs et travailleuses, afin de mieux comprendre certains concepts de plus en plus utilisés pour désigner les rapports de domination, d’exclusion, de stigmatisation dont sont victimes les personnes racisées. Il ne postule pas à l’exhaustivité, et ne reflète qu’une partie des discussions qui anime le secteur. La recherche d’un nouveau vocabulaire pour refléter de nouvelles façons de voir et construire le monde est un processus toujours en cours et ne constitue qu’une étape dans un processus plus large de décolonisation de ce secteur.

Le potentiel transformatif du langage

Comme le disait l’écrivain Frantz Fanon, “la langue est une technologie de pouvoir.” Elle reflète et forme notre vision du monde. Les mots ne sont pas seulement des étiquettes que l’on met sur la réalité, ils sont en soi des catégories qui façonnent la réalité, les mots ne désignent pas la réalité, ils en sont une interprétation. Les mots délimitent ce qui est pertinent, ce qui est utile, ce qui fait sens pour notre appréhension du monde. Ils sont profondément ancrés dans la culture qui nous imprègne. La langue n’est donc jamais neutre.

En ce sens, la création et l’utilisation de nouveaux mots issus de mouvements sociaux ont un potentiel de transformation réelle de ce qui est considéré comme pertinent ou pas. Néanmoins, l’utilisation de nouveaux mots contient en soi un potentiel qui ne pourra se réaliser que si les structures, les mentalités à la base des discriminations changent réellement.

CNCD-11.11.11

Le document complet (illustrations et notes bibliographiques) peut être téléchargé (PDF) ou commandé en version papier sur le site du CNCD-11.11.11. Cliquez ici…


Pour intégrer ces termes dans notre réseau de contenus wallonica.org et pouvoir y faire référence, nous avons éclaté le document en plusieurs articles, que voici : [en construction]


[INFOS QUALITE] statut : validé | mode d’édition : partage, édition et iconographie | source : cncd-11.11.11 | contributeur : Patrick Thonart | crédits illustrations : © CNCD ; © BELGA – Thierry Roge | Sur le même thème, voir également notre article sur la novlangue (Orwell)


D’autres initiatives en Wallonie-Bruxelles…

JUDKIEWICZ : Au départ, on a tous un plan…

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Caricature de Liborio PROSPERI (1886) montrant le lobby du Parlement britannique © Vanity Fair

CARTE BLANCHE : “Aujourd’hui, on ne manque pas de plans. Hélas, beaucoup d’entre eux terminent au cimetière des bonnes idées… On attribue au boxeur Mike Tyson, difficilement taxable d’intellectuel subversif, la citation suivante : “tout le monde a un plan, jusqu’au premier coup de poing dans le visage“.

Réfléchir, planifier, agir : une chaîne logique, quoique, pour ceux qui s’en souviennent, Achille Van Acker, qui fut deux fois Premier ministre en Belgique prétendait agir d’abord et réfléchir ensuite, non sans succès à l’époque.

Aujourd’hui, du niveau communal au niveau fédéral belge, mais aussi pour d’autres pays et au niveau européen, on ne manque pas de plans d’action dont beaucoup hélas, de compromis en droits de veto, terminent au cimetière des bonnes idées.

Rigidité des règles

Certes, la démocratie exige une équité maximale et un espace où les parties prenantes peuvent s’exprimer et débattre librement, mais ces droits fondamentaux ne sont-ils pas parfois dévoyés au service d’intérêts partisans ou de règles dont la rigidité ne sied pas aux situations d’urgence ?

Ainsi, la discipline des marchés publics était-elle indispensable, il y a peu, pour le matériel de test du virus Covid, dans une situation critique ?

Le marchandage d’un parti mettant en balance sa participation à une négociation gouvernementale, pour autant que l’on oublie une problématique liée à l’avortement était-elle un exemple d’efficacité et d’éthique ?

Et plus récemment, ces deux pays de l’Union européenne, qui ont conditionné le renoncement à leur droit de veto pour le plan de relance européen, à la suppression de l’exigence de respect de l’état de droit!

Il semble donc bien qu’il y ait souvent un hiatus important entre les grands principes éthiques et discours moralisateurs et leur application dans des pseudo politiques volontaristes qui se voudraient au service d’une démocratie efficiente et inclusive. La démocratie ne devient-elle pas parfois la caricature d’elle-même au point d’être perçue comme non démocratique par le citoyen, ouvrant ainsi un boulevard aux sirènes du populisme ? La situation internationale semble en tout cas l’illustrer.

Discussions byzantines

Par ailleurs, n’est-ce pas la stérile longueur des discussions byzantines pour des parcelles de pouvoir qui provoque certaines décisions, prises à la hussarde, avec peu ou pas de consultation du citoyen ?

On se souvient de la manière dont le piétonnier bruxellois, idée fondamentalement intéressante, fut mis en œuvre, tout comme ces pistes cyclables bruxelloises et cette fermeture du bois de la Cambre apparues un beau matin de Covid, à la surprise des usagers. N’y a-t-il pas un risque croissant que la lenteur des décisions, dites démocratiques, conduise à la prise de décisions arbitraires et au fait accompli, par nature anti-démocratiques ? Platon déjà, il y a plus de 2350 ans, avançait que, parce que la rhétorique, “ouvrière de persuasion“, règne en maître sur la démocratie, la tyrannie y est en germe.

Enfin, des groupes de pression parviennent à faire passer des idées dont les spécialistes avertis et compétents, aussi dans les colonnes de ce journal [LECHO.BE], concluent à l’inanité. En effet, même en respectant scrupuleusement les plans d’investissement en éoliennes et autres énergies renouvelables, la sortie prochaine du nucléaire devra être compensée, pendant plusieurs années, par des centrales gaz-vapeur (et C+0²->C0²) générant des quantités considérables de gaz à effet de serre que l’on souhaite éviter, sans parler de l’importation d’énergie de pays limitrophes (Allemagne, 27% produit à base de charbon et plus de 40% d’origine fossile, et France, 70% d’origine nucléaire).

Problème classique : si on fait fi des faits au profit d’idéologies, la discussion n’a plus d’objet.

Il est de bon ton, actuellement, dans les salons et dans les médias, de parler du monde d’après. Les futuristes sérieux et non les diseurs de bonne aventure, ne prédisent pas ce qui sera, mais bien ce qui pourrait être, soit des scénarios contrastés.

ONG, lobbies et autres groupes de pression essayent d’influencer les évolutions dans le sens de leurs intérêts, matériel ou idéologique mais il est clair qu’on ne pourra éviter de travailler sur des dossiers tels que la capacité de réagir en cas de crise, pandémique, climatique ou autre, ce qui a fait cruellement défaut dans la plupart de nos démocraties.

Tout est possible si…

Au-delà de la capacité de réaction, c’est également la capacité d’anticipation permettant d’éviter certaines catastrophes qu’il conviendra de renforcer : prévention des événements à impact fort quand c’est possible et précaution pour les impacts faibles, sans négliger la possibilité de cygnes noirs [cfr. l’ouvrage de Nassim Nicholas Taleb], soit des événements à très faible probabilité mais à impact majeur.

La recherche et l’obtention de plusieurs vaccins anti-Covid en moins d’un an, au lieu des délais habituels de plusieurs années, nous montrent que quand l’humanité veut, elle peut. Mais à condition d’unir nos intelligences, nos énergies et surtout, nos bonnes volontés, dans un cadre global. Ce fut le cas pour le projet Apollo qui envoya l’homme sur la lune et, hélas, plus dramatiquement pour le projet Manhattan relatif à la bombe nucléaire. Certes, l’aspect financier était un stimulant pour les sociétés pharmaceutiques, mais le résultat est au rendez-vous.

Seuls, nous pouvons peu mais ensemble et en s’en donnant les moyens tant financiers que d’engagement collectif, tout est possible. Encore faudra-t-il oublier nos querelles de clocher, manipulations partisanes, idéologies intégristes et autres intrigues politiques davantage au service des egosystèmes quecovid des écosystèmes.

D. Michel Judkiewicz
Ingénieur civil,
membre associé de l’Académie royale de Belgique

      • La carte blanche originale est disponible -avec pubs- sur LECHO.BE (article du 15 décembre 2020)
      • En-tête : caricature de Liborio PROSPERI (1886) montrant le lobby du Parlement britannique © Vanity Fair

Plus de presse…

Investir (dans) les coopératives, une autre forme de résilience de la société

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© toggltrack

“Même en période de crise sanitaire, les coopératives restent ouvertes à l’épargne et à la participation citoyenne. L’opportunité de s’investir dans des projets positifs et collectifs qui participent d’un renouveau démocratique, affirment dans une carte blanche plusieurs coopératives…

A l’heure où les citoyens apprennent à vivre en mode coronavirus et que l’ensemble des secteurs économiques est affecté par les contraintes et changements de comportement imposés par la pandémie, il est une sphère dont on parle peu mais qui tente aussi de faire face, celle des coopératives. Et elles sont nombreuses (24.500 en 2015) et extrêmement diverses : il en existe dans à peu près tous les métiers. De plus en plus, les coopératives adoptent une vision commune de l’entreprise qui se marie avec une visée plus sociale de la relation au travail et une prise en compte des impacts de l’activité sur l’environnement au sens large tout en s’assurant une viabilité économique. Beaucoup d’entre elles –à commencer par celles dont l’activité touche à l’alimentation– nous ont aidés et nous aident encore à surmonter ces périodes de confinement successives.

Pas d’aide spécifique aux coopératives, donc, et c’est normal : chacune se plie aux règles de son propre secteur d’activité. Mais ce qui fait la spécificité de toutes ces coopératives c’est qu’elles sont nées avec la volonté de changer la société et de se préparer à être plus résilients dans un monde où précarité grandissante et changement climatique vont modifier la donne pour tous, y compris les plus nantis. A cet égard, la récente pandémie ne fait qu’accentuer un dilemme : d’un côté, elle renforce l’importance d’émerger d’une telle crise avec des solutions réellement innovantes, que les coopératives entendent porter, parfois en partenariat avec les pouvoirs publics. D’autre part, cette crise va probablement fragiliser encore plus des projets qui ne visent pas à maximiser leur bénéfice immédiat et égoïste mais qui cherchent à maximiser leur impact sur la société et le bénéfice collectif, ce qui requiert souvent du temps. Et le temps… c’est de l’argent.

Basées sur des principes de gestion saine et d’égalité entre tous leurs supporters, à savoir leurs coopérateurs, les coopératives naissent, grandissent, et transforment la société grâce au soutien, notamment financier, desdits coopérateurs. Pour plus de transparence, un nombre grandissant d’entre elles se fait agréer, par le Conseil National de la Coopération et/ou par un label de finance éthique tel que celui de Financité/Fairfin. Elles invitent régulièrement des citoyens et des citoyennes à soutenir leur projet en y investissant, parfois 20 euros, parfois 300… Mais, contrairement à d’autres formes de financement participatif, tel le crowdfunding, point de gadgets en rétribution de votre don, vous devenez coopérateur·rice, collectivement propriétaire, et à ce titre avez le pouvoir de vous engager dans l’évolution du projet, sa gouvernance, sa transparence, son organisation.

Vous avez sans doute déjà entendu parler de coopératives : qu’il s’agisse du projet de banque NewB soutenu par plus de 100.000 coopérateurs avec un fort engouement l’année dernière, de Smart, coopérative de travailleurs autonomes née en Belgique et présente aujourd’hui dans huit pays en Europe, ou d’une coopérative d’énergie dans votre commune, d’investissement à impact, d’habitat solidaire, de journalisme alternatif, d’une coopérative maraîchère, d’une épicerie collaborative, ou d’un projet de revalorisation citoyenne d’un lieu désaffecté… Toutes dotées d’ambitions citoyennes claires et affichées, elles varient dans leur impact et la visibilité qu’elles génèrent en fonction de leur mission. Mais elles fonctionnent toutes grâce à l’énergie des citoyen·nes qui les supportent, les challengent, les aident à avancer dans leur projet, s’y investissent en temps et y investissent financièrement. Cette année, la fin de l’année sera un moment clé pour nombre d’entre elles qui réaliseront leur Appel à (nouveaux) coopérateurs pour se donner les moyens de leurs ambitions et faire progresser la société.

Alors, quel accueil va leur être réservé en ces temps de Covid ? Comment vont-elles surmonter cette crise et poursuivre leurs projets ? Impliqués dans une ou plusieurs coopératives, les signataires du présent message formulent un souhait : que chaque citoyen qui en a l’occasion trouve une (ou plusieurs) coopérative qui lui parle, proche géographiquement de son lieu de vie et de ses valeurs, dont l’ambition correspond à sa sensibilité. Une coopérative qui par son modèle économique œuvre à un avenir souhaitable. Et qu’il décide de la soutenir : outre la satisfaction que cela apporte et les belles rencontres qui en découlent, c’est sans doute le meilleur investissement qui puisse répondre aux 3D proposés par le manifeste lancé par la politologue Isabelle Ferreras : “Travail : Démocratiser. Démarchandiser. Dépolluer.” Point de spéculation financière là derrière. Les coopératives sont un lieu de réinvestissement de la démocratie, notamment par leur principe une personne = une voix, un lieu de relocalisation d’emploi et de production locale, qui relocalise aussi le contrôle et la gouvernance en la mettant dans les mains des coopérateurs.

Il existe de tels lieux d’initiatives qui répondent avec solidarité et résilience à nos crises, présentes et à venir, partout en Belgique : nous ne doutons pas qu’il en existe près de chez vous.”

Les signataires de cette carte blanche parue dans LESOIR.BE le 27 novembre 2020 avec pubs : Usitoo (coopérative qui réinvente la location d’objets), Urbike (coopérative accélératrice du changement en matière de logistique urbaine), Smart (coopérative qui permet aux travailleur·ses autonomes de développer leurs activités), CitizenFund (fonds d’investissement à impact citoyen et participatif), Coop Us (BRUSOC) (soutien au développement d’une économie respectueuse et positive), Champs d’Energie (coopérative visant à la réappropriation de l’énergie par les citoyen·ne·s), Agricovert (coopérative agricole éco-logique de producteurs et consom’acteurs), NewB (coopérative qui travaille à la construction d’une banque éthique et durable), F’inCommon (coopérative de financement pour les entreprises d’économie sociale), Médor (coopérative qui défend un journalisme d’intérêt public), La Brasserie de la Lesse (brasserie coopérative à finalité sociale), Emmanuel Mossay, professeur-invité dans plusieurs universités, expert en économie circulaire.


D’autres contrats…

SENNETT : textes

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[EAN13 : 9782226253705]

Dans SENNETT Richard, Ensemble, pour une éthique de la coopération (Paris, Albin Michel, 2014, pour la traduction française), l’auteur planche richement sur le tribalisme et la différence…

Le tribalisme associe solidarité avec ses semblables et agression contre ceux qui sont différents. C’est une pulsion naturelle, puisque la plupart des animaux sociaux sont tribaux ; ils chassent en meute, arpentent des territoires à défendre ; la tribu est nécessaire à leur survie. Dans les sociétés humaines, cependant, le tribalisme peut se révéler contre-productif. Les sociétés complexes comme la nôtre ont besoin de travailleurs qui passent les frontières, réunissent des ethnies, des races et des religions diverses, et engendrent des formes de vie familiale et sexuelles différentes. Imposer un seul et même moule culturel à toute cette complexité serait politiquement répressif et reviendrait à se raconter des mensonges. Le “soi” est un  composé de sentiments, d’affiliations et de comportements qui s’ajustent rarement les uns aux autres ; tout appel à l’unité tribale réduira cette complexité personnelle.

Aristote fut peut-être le premier philosophe occidental à s’inquiéter de l’unité répressive. Il concevait la cité comme un ‘sunoi kismos’, un rassemblement de gens issus de diverses tribus familiales – chaque ‘oikos’ ayant son histoire, ses allégeances, ses biens et dieux familiaux. Pour les besoins du commerce et du soutien mutuel au cours de la guerre, ‘la cité est composée non seulement d’une pluralité d’individus, mais encore d’éléments spécifiquement distincts : une cité n’est pas formée de parties semblables’ ; la cité oblige donc les gens à penser aux autres et à traiter avec des personnes qui ont des loyautés différentes. De toute évidence, l’agression mutuelle ne saurait assurer la cohésion d’une ville, mais Aristote est plus subtil dans l’énoncé de son précepte. Le tribalisme, explique-t-il, suppose que l’on croie savoir à quoi ressemblent les autres sans les connaître ; faute d’expérience directe des autres, on se rabat sur de redoutables fantasmes. En version moderne, cela donne l’idée de stéréotype.

Et sur la conversation : sera-t-elle dialectique ou dialogique… ?

Il existe une analogie entre la répétition musicale et la conversation verbale, mais elle cache une énigme. La conversation entre musiciens consiste largement en mouvements de sourcils, grognements, coups d’œil et autres gestes non verbaux. Là encore, quand les musiciens veulent expliquer quelque chose, ils montrent plus souvent qu’ils ne disent : ils jouent tel ou tel passage, laissant les autres interpréter ce qu’ils font. J’aurais du mal à expliquer verbalement ce que j”entends quand je dis “peut-être plus espressivo”. Dans une conversation, au contraire, il nous faut trouver les mots.
La répétition musicale ressemble pourtant aux discussions où la capacité d’écoute des autres devient aussi importante que de savoir s’exprimer clairement. Le philosophe Bernard Williams fustige le “fétichisme de l’assertion”, l’inclinaison à enfoncer le clou comme si rien d’autre ne comptait. L’écoute ne  figure pas en bonne place dans ce genre de joute verbale ; l’interlocuteur est censé admirer et acquiescer, ou contrer sur un ton tout aussi assertorique -le dialogue de sourds bien connu dans la plupart des débats politiques.
Et même si un orateur s’exprime maladroitement, le bon auditeur ne saurait s’appesantir sur cette insuffisance. Il doit répondre à l’intention, à la suggestion, pour que la conversation suive son cours.
Ecouter soigneusement engendre deux sortes de conversations : dialectique et dialogique. Dans la dialectique, ainsi qu’on l’apprend à l’école, le jeu verbal des opposés doit progressivement conduire à une synthèse ; la dialectique commence dans ce passage de la Politique où Aristote observe que, même si nous utilisons les mêmes mots, nous ne pouvons dire que nous parlons des mêmes choses ; l’objectif est d’arriver en fin de compte à une intelligence commune. Tout l’enjeu de la dialectique est de savoir détecter ce qui pourrait établir un terrain d’entente.
Dans un petit livre judicieux sur la conversation, Theodore Zeldin écrit à ce propos que le bon auditeur détecte le terrain d’entente davantage dans ce qu’une autre personne suppose que dans ce qu’elle dit. L’auditeur élabore ce qui est supposé en le verbalisant. On saisit l’intention, le contexte, on le rend explicite et on en parle. Une autre espèce de compétence apparaît dans les dialogues platoniciens, où Socrate se révèle excellent auditeur en reformulant “en d’autres mots” ce que déclarent les participants à la discussion -or, la reformulation n’est pas exactement ce qu’ils ont vraiment dit ni, en fait, voulu dire. L’écho est en réalité un déplacement. C’est pourquoi la dialectique dans les dialogues platoniciens ne ressemble pas à une discussion, à un duel verbal. L’antithèse d’une thèse n’est  pas “Bougre de crétin, tu as tort”. Il y a inévitablement des malentendus et des désaccords, des doutes qui sont mis sur la table ; les interlocuteurs doivent alors s’écouter plus attentivement.
Il se passe quelque chose de voisin dans la répétition d’un morceau de musique quand un musicien observe : “Je ne pige pas ce que tu fais, c’est comme ça ?” La reformulation vous amène à réfléchir à nouveau au son et, le cas échéant, à procéder à un ajustement, sans copier pour autant ce que vous avez entendu. Dans la conversation quotidienne, c’est le sens de l’expression courante “lancer une idée” ; où ces balles verbales peuvent tomber peut être une surprise pour tout le monde.
Le mot “dialogique” est une invention du critique littéraire russe Mikhaïl Bakhtine pour désigner une discussion qui n’aboutit pas à la découverte d’un terrain d’entente. Bien qu’on ne puisse trouver d’accords partagés, l’échange peut permettre aux gens de prendre conscience de leurs vues et d’approfondir leur compréhension mutuelle. “Professeur, votre note supérieure sonne dur” inaugura un échange dialogique dans la répétition de l’Octuor de Schubert. Bakhtine appliqua le concept d’échange tricoté mais divergent à des auteurs comme Rabelais et Cervantes, dont les dialogues sont l’exact contraire de l’accord convergent de la dialectique. Les personnages de Rabelais partent dans des directions apparemment hors sujet que les autres saisissent au passage ; dès lors, la conversation s’épaissit, les personnages s’éperonnant mutuellement. Il arrive que les grandes interprétations de musique de chambre rendent  quelque chose de proche. Les musiciens n’ont pas l’air tout a fait sur la même page, le morceau  joué a plus de texture, plus de complexité, mais les instrumentistes s’incitent  mutuellement : c’est aussi vrai en musique classique que dans le jazz.
Bien entendu, la différence entre dialectique et conversation dialogique n’est pas du type ou bien / ou bien.  Comme dans la version de la conversation dialectique chère à Zeldin, le mouvement en avant de la conversation dialogique vient de ce que l’on prête attention à ce qu’une autre personne laisse entendre mais ne dit pas ; comme dans l’astucieux “en d’autres termes” de Socrate, dans une conversation dialogique les malentendus peuvent en fin de compte éclairer la compréhension mutuelle. Au cœur de toutes les compétences d’écoute, il y a la saisie de détails concrets, de spécificités, pour que la conversation aille de l’avant.
Ceux qui écoutent mal se rabattent sur des généralités quand ils répondent ; ils ne prêtent pas attention à ces petites phrases, aux mimiques ou aux silences qui ouvrent une discussion. Dans la conversation verbale, comme dans la répétition d’un morceau de musique, l’échange commence à la base, il est d’essence.
Les anthropologues et sociologues sans expérience doivent relever un défi particulier quand ils mènent les discussions. Ils sont parfois trop prompts à réagir, à aller où leurs sujets les conduisent ; ils ne discutent pas, ils veulent montrer qu’ils sont réactifs, sensibles. Se cache ici un problème de taille. Un excès d’identification avec l’autre est de nature à ruiner une conversation dialogique.

Sennett évoque souvent ce qu’il appelle le “triangle social” fondement de la coopération :

Ce sont les trois éléments sur lesquels repose historiquement une coopération réussie dans la société et, en particulier, dans le monde du travail. Il s’agit, en premier lieu, du respect mutuel entre des figures d’autorité honnêtes et des subordonnés fiables. Ensuite, du soutien entre les salariés, notamment lorsque l’un d’entre eux pouvait traverser une passe difficile, un divorce par exemple. Enfin, il y a la capacité de tous à se mobiliser pour le collectif en cas de crise. Or ce triangle a tendance à s’éroder…

Pour en savoir plus :


D’autres textes à citer…

Dénoncer le fléau du «volontourisme» en Afrique avec des poupées Barbie

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Le comportement de l’humanitaire blanc en Afrique a déjà été mille fois dénoncé. Mais peut-être jamais de manière aussi drôle et féroce que sur le compte Instagram «White Savior Barbie», tenue par deux femmes anonymes –mais qui ont confié au site Quartz avoir travaillé plusieurs années dans l’humanitaire en Afrique de l’Est. Le concept de ce compte? Une Barbie travaille dans une ONG imaginaire, qui fournit de l’eau aux populations locales et est prise en photo dans son quotidien. Les montages sont très souvent hilarants… et très proches des véritables images que peuvent poster sur les réseaux sociaux des blancs engagés dans l’humanitaire en Afrique. «Nous ne sommes pas africains parce que nous sommes nés en Afrique, mais parce que l’Afrique est née en nous», écrit ici Barbie, qui imite le style générique d’un humanitaire au grand cœur. Pour exemple, les photos postées sur l’application de rencontre Tinder par des occidentaux qui travaillent pour des ONG ou autres organisations sur le continent; des images collectées par le site «Humanitarians of Tinder» sur lesquelles on peut voir des jeunes prenant la pose au milieu de dizaines d’enfants, de manière plus ou moins ostentatoire…

Lire la suite de l’article de Camille BELSOEUR sur SLATE.FR (22 avril 2016)

THONART : croquis

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Ouagadougou 2005 © Patrick Thonart

Plus d’art visuel…