Au total, 113 sépultures ont été mises au jour en terres guadeloupéennes. Une découverte monumentale révélée au centre du département d’outre-mer français. “Cette fouille devait se dérouler initialement début 2020, elle a dû être décalée du fait de la pandémie de COVID puis repoussée à cause des conditions climatiques” déclare Nathalie Serrand, responsable d’opérations et de recherches archéologiques dans les départements d’Outre-mer.
L’histoire débute en 2017 lorsque l’État prescrit un diagnostic de recherches archéologiques préventives en amont de la construction d’infrastructures à vocation commerciale. L’INRAP (Institut national de recherches archéologiques préventives), sera chargé de conduire les opérations dans la commune des Abymes, dans la zone du Petit Pérou.
Les fouilles menées sur une surface de 11 200 m² ont dans un premier temps révélé une densité importante de vestiges composés de fosses, de trous de poteaux et de sépultures. “Les principaux indices retrouvés témoignent d’activités du quotidien, les grandes fosses circulaires pourraient être assimilées à nos « poubelles » actuelles. On y retrouve des poteries, des éléments en terre cuite, du corail, mais aussi des restes alimentaires sous la forme de coquillage ou de restes osseux” précise Nathalie Serrand. La présence de ces structures ainsi que les fosses seraient liées à des activités humaines. Les sépultures mises au jour seraient celles d’adultes mais aussi d’enfants repliés sur eux-mêmes et attachés à l’aide de liens et de sacs pour maintenir leur position.
“Ces populations évoluent dans les petites Antilles depuis déjà plus d’un millénaire, elles sont arrivées vers 500 avant notre ère depuis le Venezuela et la Guyane” affirme l’archéologue. Au 4e millénaire avant notre ère, des populations nomades originaires d’Amérique du Sud et d’Amérique centrale, principalement issues des côtes du Venezuela, peuplent les Petites Antilles. Pendant cette période nommée le Mésoindien ou l’Âge Archaïque, des populations de marins en haute mer dont les ressources principales reposent sur la collecte de coquillages, la pêche, la cueillette, la fabrication d’outils de pierre, de coquilles ou corail et sur une agriculture encore à ses balbutiements, s’adaptent peu à peu au milieu insulaire.
Ils entament une traversée et migrent alors vers les Antilles et se déplacent d’île en île à bord d’embarcations comparables à des canoës. Selon les historiens, leur circulation dans les petites Antilles aurait été guidée par leurs besoins de subsistance et par leurs croyances. Cette période est marquée des changements économiques et culturels importants dans le processus de régionalisation de ces peuples anciennement nomades. Plus tard, on découvrira que ces Amérindiens ont laissé, en particulier dans le sud de la Basse-Terre, un art rupestre remarquable.
De nombreuses questions persistent autour de ce site archéologique. Dans quel état de santé étaient les populations inhumées sur ce site ? Ces inhumations ont-elles eu lieu lors d’un rite spécifique à ce village ? “Nous chercherons aussi à savoir si ces inhumations sont à l’origine de ces structures vestigiales. Peut-il y avoir un lien entre ces sépultures et ces fosses ? Des célébrations avaient-elles lieu en l’honneur de ces inhumations ?” s’interroge Nathalie Serrand. Les archéologues tâcheront d’y répondre à l’aide des données issues du site, des recherches liées au mobilier archéologique de datations aux carbones et les analyses d’ADN ancien. [d’après NATIONALGEOGRAPHIC.FR]
En Guadeloupe, aux Abymes, l’Inrap fouille un site précolombien qui a livré un nombre exceptionnel de sépultures, associées à de riches vestiges d’habitat et d’activités domestiques attribués à l’Âge céramique récent / Néoindien récent (XIe et XIIIe siècles de notre ère). Les archéologues ont également découvert des vestiges d’époque coloniale liés au raffinage du sucre et à la sucrerie Mamiel en activité aux XVIIIe et XIXe siècles.
UNE OCCUPATION PRÉCOLOMBIENNE COMPLEXE
Au cours de la première phase de la fouille, les archéologues ont mis au jour une forte densité de vestiges composés de fosses, de trous de poteau et de sépultures. Ceux-ci témoignent de plusieurs phases d’occupations par les populations précolombiennes durant l’âge Céramique récent – dit aussi période du Néoindien récent – aux alentours des XIe et XIIIe siècles de notre ère.
Quelques centaines de trous de poteau correspondent à des structures d’habitat et une cinquantaine de fosses sont liées à des activités domestiques. Le comblement de certaines fosses a livré de nombreux tessons de poterie, des outils en pierre, des blocs chauffés, des ossements de rongeurs, reptiles, oiseaux et des restes de crabes et de coquilles, rejetés après consommation. Ces vestiges domestiques sont associés à 113 inhumations, un chiffre jusqu’alors sans pareil en Guadeloupe.
113 SÉPULTURES PRÉCOLOMBIENNES
La fouille de ces sépultures a donné lieu à une prescription de découverte exceptionnelle par le service régional de l’archéologie. Les inhumations concernent aussi bien des adultes que des enfants, disposés sur le dos, semi assis, assis ou sur les côtés. Les corps ont été inhumés repliés sur eux-mêmes : les bras souvent fléchis, sur l’abdomen ou le thorax, les jambes comprimées sur les avant-bras, les coudes ou le thorax. Des liens ou des sacs garantissent cette position. Des manipulations après inhumation sont perceptibles.
VERS DE NOUVELLES PROBLÉMATIQUES SCIENTIFIQUES
L’étude des nombreuses données issues du site, l’examen du mobilier archéologique, les datations radiocarbones et les analyses de l’ADN ancien permettront, entre autres, d’identifier les différentes phases d’occupation, d’appréhender l’organisation spatiale des vestiges, de renseigner l’état sanitaire de la population inhumée et ses liens de parenté. Les inhumations se sont-elles déroulées dans un contexte de village ? Et plus spécifiquement dans les carbets familiaux (maisons amérindiennes ouvertes sur poteaux) ? Vivants et morts ont-ils cohabité ou ces sépultures sont-elles postérieures à l’habitat ?
Ces recherches contribueront à faire avancer les connaissances sur la période du Néoindien récent. Cette période est caractérisée par des changements économiques et culturels, initiés aux alentours du IXe siècle dans tout l’archipel des Petites Antilles, qui résultent d’un processus de régionalisation des cultures, en lien avec la dispersion des groupes dans l’ensemble de l’archipel caribéen. Des modifications paléoclimatiques identifiées dans les Petites Antilles contribuent sans doute également aux changements culturels.
Les modes de vie restent globalement fondés sur la sédentarité et l’agriculture, cependant des évolutions apparaissent dans les domaines de la production artisanale (la poterie notamment), de l’habitat, ou de l’alimentation ainsi que dans l’organisation socio-politique des groupes.
LES POURTOURS D’UNE HABITATION COLONIALE DES XVIIIE ET XIXE SIÈCLES
À l’ouest du site précolombien, des vestiges d’époque coloniale ont été également découverts. Près de 200 structures ont été fouillées, révélant la présence d’aménagements agraires, de plusieurs bâtiments sur poteaux et d’un bâtiment maçonné. La culture de la canne et la production de sucre semblent avoir été les principales activités, comme en témoigne le mobilier céramique constitué majoritairement de formes à sucre et de pots à mélasse. Ces vestiges se rattachent à l’habitation-sucrerie “L’Espérance ” ou “Mamiel”, en activité aux XVIIIe et XIXe siècles, et dont une partie est encore conservée en élévation. [d’après INRAP.FR]
- illustration en tête de l’article : Fouille d’une sépulture aux Abymes ©Jessica Laguerre, INRAP
[INFOS QUALITE] statut : validé | mode d’édition : compilation par wallonica | commanditaire : wallonica.org | contributeur : Philippe Vienne | crédits illustrations : © Jessica Laguerre, INRAP
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