NORAC, Carl (né en 1960) : “Poète National” belge en 2020

Temps de lecture : 9 minutes >
Els MOORS et Carl NORAC : poètes nationaux…

Pour ce quatrième mandat, le projet Poète National a choisi d’élire un francophone pour prendre la relève d’Els Moors. À partir du Gedichtendag 2020, le Montois Carl NORAC sera donc le nouvel ambassadeur de la poésie belge, au-delà des frontières linguistiques du pays. Il héritera ainsi du titre honorifique de Poète National, déjà porté par Charles Ducal, Laurence Vielle et Els Moors.

Dès janvier 2020, et pendant deux ans, la mission de Carl Norac sera d’écrire des poèmes inspirés par notre pays, son histoire et son actualité, de rencontrer le public et les écoles mais aussi et surtout de mieux faire connaitre la poésie belge à travers le pays et même au-delà de nos frontières. Il sera, dès le 23 avril, l’ambassadeur officiel d’Els Moors, jusqu’à la fin de son mandat, et sera associé à certains de ses projets. Els soutiendra, quant à elle, son successeur du côté néerlandophone du pays, en 2020-2021.

Né à Mons en 1960, Carl Norac est un poète belge qui vit de sa plume, depuis plus de vingt ans. Installé en France dans le Loiret en 1998, il revient vivre en Belgique en 2019, du côté d’Ostende.

Ce que Carl Norac en pense…

Je suis heureux d’apprendre que l’on m’a choisi pour être le prochain Poète National. C’est une annonce qui intervient avec une valeur symbolique et affective pour moi, le mois même où, après plus de vingt années de vie et d’écritures en France, je reviens habiter en Belgique, à Ostende. L’importance n’est pas le titre, mais ce qu’on peut espérer en faire avec conviction, humilité et je suis impressionné par l’action et les poèmes de Charles Ducal, Laurence Vielle, Els Moors, ainsi que par l’ensemble des partenaires qui font que ce projet est aujourd’hui une réalité en mouvement. Le fait d’arpenter depuis si longtemps théâtres, festivals, aussi écoles, prisons, bibliothèques et divers lieux de vie pour parler de poésie m’a toujours fait penser que cet art, plus que jamais, est là pour bousculer les consciences, pour faire parler l’ailleurs et l’ici d’une même voix. Depuis que j’écris, je n’ai jamais accepté cette frontière invisible qui fait que les artistes des différentes communautés linguistiques de mon pays se connaissent si peu. Beaucoup d’initiatives existent aujourd’hui. En particulier, l’action profonde et enthousiaste qu’a engagées l’ensemble des maisons littéraires pour Poète National / Dichter des Vaderlands est fondamentale et je donnerai toute mon énergie pour les aider sur leurs chemins. Au début des années 90, je me suis rendu compte que je ne connaissais pas « toute la Flandre » et j’ai commencé par visiter celle-ci ville par ville, paysage par paysage. Invité à des festivals par Poëziecentrum puis plusieurs années dans le cadre de Saint-Amour, j’ai pu lire mes poèmes un peu partout, connaître Herman de Coninck, Leonard Nolens, Stefan Hertmans et développer une correspondance puis de nombreuses rencontres, dont certaines à Mons, avec Hugo Claus qui est avec Henri Michaux le poète qui m’a le plus influencé. Je suis parti aussi à la rencontre d’artistes, Carll Cneut, Ingrid Godon, Gerda Dendooven, avec le bonheur par nos livres communs de mieux les faire connaître en Belgique francophone et en France. J’ai eu énormément de chance pour un poète « de l’autre côté » d’être traduit par Ernst Van Altena, Bart Moeyaert, Edward Van de Vendel, Michaël de Cock pour les Editions Poëziecentrum, Querido, Lannoo, De eenhoorn. Si je me permets de donner ces éléments, c’est seulement pour signifier à quel point cette idée maîtresse du projet Poète National d’aider à mieux se connaître entre poètes des trois langues nationales est primordiale à mes yeux. Un des premiers projets que je soumettrai à ce propos sera un tour de Belgique d’un mois par les canaux, en péniche, où monteront, de semaine en semaine, des poètes des différentes communautés, sachant qu’aller les un(e)s vers les autres demande du temps, avec cette volupté de la lenteur qu’offre la navigation sur les canaux ou les fleuves (un thème important dans la poésie belge toute entière, et qu’a révélé encore récemment et magnifiquement Els Moors dans un film-poème). Faire se croiser aussi la plus jeune génération de poètes, celle qui est en mouvement, qui veut changer nos codes, nos conforts d’écriture, nos habitudes. Etant un poète qui écrit aussi très souvent pour les enfants, j’espère pouvoir atteindre cette ambition de motiver un très nombre d’écoles des trois régions autour des mêmes projets. Je dis souvent aux enfants autant qu’aux adultes que nous vivons dans un monde qui nécessite une urgence poétique au même titre qu’une urgence écologique ou humaniste. Les enfants et les adolescents que je rencontre aiment la poésie et y voient souvent, plus que de belles images, une façon de changer le monde. Il ne faut pas uniquement sourire de ces propos si optimistes, mais les prendre au sérieux. Ce qui s’est passé récemment en Belgique pour le climat en est une preuve tangible. La poésie échappe toujours à ce qui veut la contraindre ou la définir par des normes établies. Un adolescent nommé Rimbaud écrivait qu’elle sera toujours « en avant ». Une anthologie originale destinée à la jeunesse verra le jour, où les collaborations seront croisées, afin que les poétesses et poètes de chaque communauté soient illustrés par l’imaginaire d’un(e) artiste de l’autre région. Dans le cadre de Mons 2015, j’avais pu écrire sur ce que les gens dans la rue vous confient de ce qu’ils sont sur le point d’oublier. J’irai demander aux passant(e)s un peu partout en Belgique quel est leur premier poème écrit, lu, appris, aimé, détesté, ou presque oublié. Comme une invitation à reprendre le chemin d’un livre, ou de quelques lignes qui puissent les accompagner, vers une poésie alors tout à fait contemporaine. La poésie est souvent brève : en sa collection d’instants, elle peut se glisser partout, dans les transports en commun ou être chuchotée à l’oreille dans les rues par des comédiens. Et bien sûr, ce qui est essentiel, publiée dans la presse, pour donner un autre regard sur l’actualité. Je suis émerveillé par le travail accompli et je veux aussi continuer ce qu’ont entrepris les trois autres poètes. Tant de pistes à suivre, à inventer, ainsi cette envie absolue qui me guide toujours de confronter la poésie aux autres arts, en particulier pour ma part à la musique et à la danse, ce poème visible. En ces temps troublés où la mémoire de l’histoire semble vaciller, la poésie demeure cette matière mouvante, parfois fuyante, mais persistante, une de celles qui tente d’empêcher que la nuit pénètre trop dans le cœur des hommes. Lorsque Laurence Vielle était Poétesse Nationale et qu’elle cherchait le centre poétique de la Belgique, je lui avais conseillé par exemple de prendre une chaise et d’aller s’asseoir sur la plage d’Ostende. C’est bien là que je vais de ce pas, et ce sera comme le début d’une nouvelle invitation au voyage

Carl Norac

Pour en savoir plus : POETENATIONAL.BE


Carl NORAC © BELGA

Né à Mons en 1960, le poète belge Carl Norac est le fils d’un écrivain et d’une comédienne, Pierre et Irène Coran. D’abord professeur de français, bibliothécaire vagabond, journaliste, professeur d’histoire littéraire au Conservatoire Royal de Mons, il vit de sa plume, depuis plus de vingt ans. Il vit en France dans le Loiret, à Olivet, près d’Orléans depuis 1998. Dès l’été 2019, il reviendra en Belgique et vivra à Ostende, au bord de la Mer du nord. Depuis décembre 2017, l’école de la ville de Neuville-aux-Bois dans le Loiret en France porte son nom.

Livres

Poète (aux Editions de la Différence et à l’Escampette), il a publié aussi une dizaine de recueils et de carnets de voyage. En 1993, Dimanche aux Hespérides donne au poète une première reconnaissance en France.

Sa seconde passion, le voyage, lui fait parcourir le monde. Le voyeur libre, Le carnet de Montréal évoquent ces lieux, ces rencontres. La candeur (La Différence, 1996), réhabilite le candide dans sa pureté, sa résistance face au monde. Éloge de la patience (1999) essaie de révéler la volupté de la lenteur.

Grâce à Hugo Claus, il arpente alors les scènes plusieurs années en Belgique et aux Pays-Bas pour lire ses textes en compagnie de ce grand poète. Une anthologie de ses poèmes paraît en Flandre (Handen in het vuur, traduction d’Ernst van Altena, Poëziecentrum, 1998), en Espagne, en Roumanie (et fin 2019 aux Etats-Unis, avec une traduction de Norman Shapiro chez Black Widow Press).

Il a publié ensuite d’autres recueils de poèmes en prose: Le carnet bleuMétropolitaines (L’escampette), des portraits de femmes dans le métro de Paris, Sonates pour un homme seul, un livre à résonance intime, qui reçut le Prix Charles Plisnier et, en 2013 Une valse pour Billie, un recueil inspiré par Billie Holiday et d’autres artistes.

En 2005, Carl Norac est choisi parmi les sept écrivains européens de l’opération Lire en fête à Paris, accompagné de Jean Echenoz, Claudio Magris, Enrique Vila-Matas, Antonio Lobo Antunes et Milan Kundera dans le projet Lire l’Europe. Pendant un mois, des extraits de ses textes sont exposés aussi dans toutes les rames des métros parisiens. En 2011, il représente son pays pour le projet européen Transpoésie : ses poèmes sont exposés alors dans les couloirs du métro de Bruxelles.

Ses recueils ont été primés trois fois en Belgique par l’Académie Royale de langue et de littérature françaises (dont le Grand Prix Albert Mockel 2019, qui récompense un poète tous les cinq ans ). En 2009, il a également reçu pour son œuvre poétique le Grand Prix de la Société des gens de Lettres à Paris. En 2015, il fut l’artiste complice pour la littérature de Mons 2015, sa ville natale capitale culturelle de l’Europe. En 2018, avec trois célèbres écrivains français, il est invité à lire sur la scène de la Comédie française à Paris.

Littérature jeunesse

Carl Norac est aussi l’auteur de plus de 80 livres de contes ou de poésies pour enfants, traduits à ce jour dans le monde en 47 langues,  édités essentiellement à l’Ecole des Loisirs (collection Pastel). Certains de ses livres, comme Les mots doux (I love you so much) ont eu du succès dans le monde entier (N°1 des ventes aux Etats-Unis à sa sortie en février 1996).  De nombreux livres sont traduits aussi en néerlandais aux Editions De Eenhorn, Lannoo ou Querido par Bart Moyaert, Michael de Cock ou Edward van de Vendel.  Son enfance au milieu de la forêt d’Erbisoeul, en Hainaut, sera une source inépuisable : le goût du voyage et « l’amitié des arbres ». Son écriture pour enfants aborde trois domaines : récits de voyage, écrits où l’affectivité et l’humour sont toujours présents et des poèmes où l’auteur développe son goût du nonsense, inspiré d’un de ses poètes préférés, Edward Lear.

Pour ses livres pour enfants, l’auteur aura la chance de travailler avec les plus grands illustrateurs : Kitty Crowther, Rébecca Dautremer, Louis Joos, Christian Voltz et plusieurs grands illustrateurs flamands comme Carll Cneut, Gerda Dendooven et Ingrid Godon. En 2011, il publie avec le québécois Stéphane Poulin, chez l’éditeur Sarbacane Au pays de la mémoire blanche, un roman graphique et poétique qui a demandé cinq ans de travail, traduit à ce jour en cinq langues.  Depuis 2004, il publie aussi à Londres des livres qu’il écrit en anglais (Editions Macmillan). En 2017 paraît chez Actes Sud un nouveau recueil : Poèmes pour mieux rêver ensemble, illustré par Géraldine Alibeu.

On peut trouver des livres de Carl Norac traduits dans les langues suivantes : anglais, américain, allemand, néerlandais, italien, espagnol, catalan, basque, gaëlique, portugais, grec, danois, suédois, finnois, croate, géorgien, roumain, slovène, estonien, bulgare, russe, albanais, chinois classique, chinois simplifié, japonais, coréen, thaïlandais, vietnamien, hindi, bengali, urdu, tamoul, penjâbi, urdu, tagalog, gujarati, arabe, farsi, turc, kurde, twi, yoruba, shona, somali, papiamentu.

Pour en savoir plus : POETENATIONAL.BE


Une des missions du Poète National est d’écrire, durant son mandat, douze poèmes liés à l’actualité ou l’histoire du pays. En cette période de crise sanitaire [mars 2020], il a pris à bras le corps ce sujet qui nous touche tous : le coronavirus. Traité avec douceur, caractère et une pointe d’humour, Carl Norac nous offre ainsi quelques mots de poésie qui apaisent les angoisses de ces jours difficiles…[POETENATIONAL.BE]

UN ESPOIR VIRULENT

J’ai attrapé la poésie.
Je crois que j’ai serré la main
à une phrase qui s’éloignait déjà
ou à une inconnue qui avait une étoile dans la poche.
J’ai dû embrasser les lèvres d’un hasard
qui ne s’était jamais retourné vers moi.
J’ai attrapé la poésie, cet espoir virulent.

Voilà un moment que ce clair symptôme de jeter
les instants devant soi était devenu une chanson.
Ne plus être confiné dans un langage étudié,
s’emparer du mot libre, exister, résister
et prendre garde à ceux qui parlent d’un pays mort
alors que ce pays aujourd’hui nous regarde.

À présent, on m’interroge, c’était écrit :
« Votre langue maternelle ? »  Le souffle.
« Votre permis de séjour ? »  La parole.
« Vous avez chopé ça où ? »  Derrière votre miroir.
« C’est quoi alors votre dessein, étranger ? »
Que les mots soient au monde,
même quand le monde se tait.

J’ai attrapé la poésie.
Avec, sous les doigts, une légère fièvre,
je crève d’envie de vous la refiler,
comme ça, du bout des lèvres.

Carl NORAC (2020)


En bonus, un poème de Carl Norac offert par la RATP française et dit par Sandrine Bonnaire, alors marraine de la 22ème édition du Printemps des Poètes…


Plus de littérature ?

VIENNE : Le chien (2020)

Temps de lecture : 5 minutes >
© Philippe Vienne

Paul ne sait par où commencer. Nous non plus, cela ne nous aide pas. Ce n’est pas qu’il ait à affronter quantité de tâches en retard, non, Paul est organisé, ordonné, méthodique – rien ne traîne qui ne le devrait. Il s’agit d’une lettre, une simple lettre qu’il doit écrire parce qu’un e-mail, en ces circonstances, lui paraît fort peu approprié. Donc Paul doit écrire cette lettre à un ami qui vient de perdre sa femme. Or Paul ne perd jamais rien, et certainement pas une femme que, pour sa part, il n’a jamais eue.

On le voit, Paul ne peut parler d’expérience. Ce problème pourrait aisément être résolu par l’emploi de modèles que l’on trouve sur internet. Mais, aux supposées qualités de Paul précédemment énoncées, s’en ajoute une autre : il est perfectionniste. D’autant que, vu l’ancienneté de leur relation, cet ami se souvient peut-être que Paul, jadis, publia quelque recueil de poèmes – à compte d’auteur, certes, mais quand même. Il ne comprendrait pas que Paul ne puisse trouver les mots justes pour partager son chagrin, alléger sa peine, même si en vérité, Paul ne ressent rien d’autre que de la contrariété.

Alors Paul est dehors, il marche, marche encore, parce que c’est ce qu’il fait habituellement quand il est dans une impasse. Où il se trouve précisément actuellement, non seulement au sens figuré mais également au sens propre : il existe dans son quartier une venelle cyniquement baptisée “impasse de l’Avenir”, qui n’en est pas tout à fait une d’ailleurs, pour les piétons du moins, car dans l’amas de buissons qui la clôt et l’assombrit, quelques escaliers permettent de rejoindre, en contrebas, la rue de l’Enfer. Paul admire toujours le sens de l’humour particulier, ou la fulgurante clairvoyance, de la commission de toponymie qui, de l’impasse de l’Avenir, vous fait descendre en Enfer.

Dans l’impasse donc, où néanmoins il passe régulièrement, depuis quelques mois l’accueille un chien. Paul n’aime pas les chiens. Il a toujours préféré les chats. Notamment parce qu’ils n’aboient pas. Cela lui semble une raison valable et suffisante. Mais, en fait, vu son gabarit, ce petit chien est presqu’un chat. Paul ne sait pas trop ce que c’est, il ne s’y connaît pas en marques de chien. Il sait très bien que l’on ne dit pas “marque” mais “race”, Paul n’est pas stupide, non, il est même universitaire, mais il ne comprend pas vraiment pourquoi “race” est devenu un terme tabou en parlant d’humains et pas d’animaux. Bref, nous dirons qu’il s’agit sans doute d’un chihuahua. A poil long, pour la similitude avec le chat. Autrement, il s’agirait plutôt d’un rat.

Mais aujourd’hui, le chien n’est pas là. Paul s’en étonne, il en serait presque contrarié – une fois encore. On l’a compris, Paul n’aime pas le changement. Ni que les choses ne soient pas à leur place. Le sucre sur la même étagère que le sel. Ou Patrick Sébastien à une émission littéraire. Paul marche cependant, respire, à défaut d’une inspiration qui se fait attendre, il voudrait s’acquitter vite et bien de cette tâche qui trouble sa sérénité, elle deviendrait presque son obsession si ne s’y ajoutait, étrangement, l’absence du chien.

Rentré chez lui, Paul relit, dans l’espoir de trouver les siens, les mots des autres. Romanciers, poètes, pages qu’il feuillette, phrases qu’il égrène en même temps que les souvenirs qu’elles évoquent. La lettre sera donc écrite ce soir, il y glissera “notre existence se trouve entre deux éternités”, emprunté à Platon, parce que la phrase lui semble belle et de circonstance, même s’il a de sérieux doutes quant à ce qui peut précéder ou suivre ladite existence. Il n’empêche, ayant pour lui le sentiment du devoir accompli, Paul s’endort apaisé.

Ne parlons pas de la fastidieuse journée de travail du lendemain. Elle est suffisamment pénible pour Paul, qui ne voit aucun intérêt à la tâche ni à la partager avec nous. Non, nous retrouvons Paul, rentrant chez lui, empruntant pour ce faire la fameuse impasse de l’Avenir. La fin de journée est radieuse, c’est une maigre consolation. Cette douceur vespérale incite les habitants à sortir de chez eux. Des enfants, par exemple, jouent au ballon dans la rue. Mais nulle part, Paul n’aperçoit le chien. Pas même sur le seuil de ce qu’il pense être sa maison, où une femme achève de laver ses carreaux. Evidemment, il pourrait poser la question qui le taraude. Mais, on s’en doute, Paul parle peu aux gens. Surtout s’il ne les connaît pas. Pas assez pour savoir de quoi leur parler, du moins. Et d’ailleurs quel intérêt y aurait-il en ce cas.

Cette fois cependant, Paul tient un sujet de conversation, oserait-on dire qu’il est préoccupé au point de rompre à la fois la distance et le silence. Bonjour, dit-il, excusez ma curiosité mais le chien, je ne l’ai plus vu, je me demandais. Oh, répond la femme, les yeux aussitôt humides, il est mort. Empoisonné. Empoisonné, répète bêtement Paul. Oui, c’est ce que le vétérinaire a dit. Nous avons porté plainte, évidemment, mais vous imaginez bien que la police a autre chose à faire. Enfin, c’est ce qu’ils prétendent. Si je tenais le fils de pute qui a fait ça. Excusez-moi, se reprend la femme, je deviens grossière mais. Je comprends, dit Paul, qui ne comprend pas vraiment. Cependant, il n’aime pas ça, que le chien ne soit plus là – jamais.

Paul est rentré. Le dîner est terminé, la table débarrassée, évidemment. Et Paul se surprend à encore songer au chien. Ce n’est pas qu’il s’y était attaché – et quand bien même, il ne le reconnaîtrait pas, on le connaît suffisamment à présent. Il est à tout le moins contrarié. Que quelqu’un perturbe ainsi l’ordre des choses. Et qu’un crime reste impuni. Cela le révolte même. Mais la révolte de Paul ne s’exprime pas. Il n’y aura pas de mots, pas de cris, pas de geste d’énervement. C’est une révolte purement intellectuelle, Paul garde son sang-froid. Toujours.

On sait Paul poète à ses heures, mais on ignore encore qu’il est grand amateur de romans policiers, particulièrement nordiques. Il a lu tout Mankell, Indriðason, Nesbø, avec une préférence pour ce dernier. Il ne ressemble pourtant en rien à son héros, non, Paul serait plutôt l’anti-Harry Hole. Néanmoins, ces lectures exercent sur lui, tout à coup, davantage d’ascendant qu’il ne l’aurait supposé et, certainement, qu’il ne l’aurait voulu. Paul détesterait être qualifié d’influençable. Pourtant, l’envie de mener lui-même l’enquête dans le quartier le tenaille.

C’est à deux heures du matin que Paul se réveille. D’aucuns vous diront qu’il est tout sauf impulsif, qu’en lui les idées doivent prendre le temps de décanter. Peut-être. Toujours est-il qu’il est là, dans son lit, un œil rivé sur les chiffres rouges du réveil, l’autre fermé, non qu’il sommeille encore mais sa vision est meilleure s’il cligne d’un œil. Et, contre toute attente, Paul se relève, se rhabille – chaudement, les nuits sont encore fraîches – et sort. Paul est dans la rue, marche, Paul est dans l’impasse, où n’est plus le chien. Mais

Un homme s’y trouve, qui dépose des boulettes de viande. Bonsoir, dit Paul. Bonsoir, répond l’inconnu. Il ne semble pas embarrassé. Vous nourrissez les animaux du voisinage, demande Paul. Non, pas vraiment, répond l’homme, avec dans la voix toute l’ironie que l’on peut deviner sur son visage. Je vois, feint Paul, moi non plus je n’aime pas trop les chiens. Les chiens, les chats, les renards, répond l’autre. Ils déchirent les poubelles, salopent mon trottoir, mon allée, mes parterres avec leurs merdes et tout. Oui, dit Paul, je comprends. Le soir, il n’y a jamais personne au fond de l’impasse, poursuit l’assassin, il fait si noir en plus. En effet, explique Paul, c’est pour ça que je sors toujours avec ma lampe torche. Qu’il brandit à présent, comme un trophée. Ou une arme. Ah ! fait l’autre. Enfin, plutôt aaaah, quand Paul lui assène un coup, violent, sur la tempe. L’homme tombe, il saigne même un peu dirait-on. On en serait certain si Paul allumait la lampe mais, prudent, il s’en abstiendra. Car ce qui est certain, c’est que l’homme est mort. Comme un chien, pense Paul, avec la même ironie que l’autre tout à l’heure.

Philippe VIENNE


[INFOS QUALITE] statut : actualisé | mode d’édition : rédaction | source : inédit | commanditaire : wallonica | contributeur : Philippe Vienne | crédits illustrations : © Philippe Vienne


Plus de littérature…

VIENNE : Appart avec vue sur rond-point (2018)

Temps de lecture : 6 minutes >
© Céline Coibion

“À louer : appart avec vue sur rond-point”, disait l’annonce. J’ai trouvé ça bizarre comme argument de vente. Généralement, on valorise son bien en vantant une vue sur le parc ou le fleuve, la mer le cas échéant. Mais un lieu de passage, de trafic incessant, où les véhicules auraient même tendance à ralentir, faire geindre leurs freins voire donner du klaxon ? Vue sur rond-point, cela m’a intrigué, oui. Et quand ma curiosité est éveillée, j’ai besoin de savoir. Finalement, l’idée n’était peut-être pas si mauvaise. Toujours est-il que j’ai pris rendez-vous pour le visiter, cet appartement.

Plutôt sympa et lumineux, contrairement au gars de l’agence, qui ne savait qu’arborer un sourire commercial de circonstance et débiter un argumentaire standardisé. “Mais pourquoi insister sur le rond-point ?”, demandai-je. Aucune idée, bien sûr, c’était le propriétaire qui y tenait particulièrement, lui semblait-il. Et, en effet, de la terrasse, plutôt exiguë par ailleurs, je pouvais apercevoir le premier rond-point. Car en fait de ronds-points, il y en avait trois, en enfilade, alternant courbes et lignes droites, de manière assez esthétique, comme une sorte de Kandinsky bitumineux.

Puis, par quelque jeu de miroirs, tandis que coulissait la porte-fenêtre, j’ai aperçu dans l’appartement de droite celle qui serait probablement ma voisine. Fort peu vêtue, m’a-t-il semblé, et s’agissant de courbes, celles-là ont achevé de me convaincre. Ma vie, jusqu’alors d’une trajectoire rectiligne (premier de classe, études brillantes, situation stable), était arrivée à un tournant lorsque, quelques semaines auparavant, j’avais perdu mon emploi, délocalisé quelque part du côté de la Valachie. Alors un roundabout, à condition de ne point y tourner en rond, pourquoi pas ?

J’ai emménagé. Je ne dirais pas dans l’indifférence générale, mais presque. Quelques voisins m’ont bien lancé un regard, certains m’ont vaguement salué, mais ce n’est pas allé au-delà. Je n’ai pas revu la pulpeuse voisine, pas avant longtemps du moins. Le temps que je m’installe et prenne mes habitudes… observe celles des autres aussi, qui dès le matin se précipitaient tous dans le rond-point, comme si par lui leurs voitures étaient aimantées, et disparaissaient jusqu’au soir quand, sortant de cet utérus circulaire, ils renaissaient à ma vie.

Ma vie, que je meublais aussi difficilement que l’appartement, peu habitué que j’étais à l’inactivité. Je savais que je devais agir, réagir, “rebondir” disaient mes parents. Cette expression m’amusait, je m’imaginais sautant du balcon sur quelque gros ballon qui m’aurait porté jusqu’au rond-point, là où j’aurais disparu après le premier virage. En attendant, je décidai de descendre à la cave l’une ou l’autre caisse jamais ouverte. C’est ainsi qu’au sortir de l’ascenseur, je rencontrai Mike.

Mike était à l’image de son prénom : gentiment beauf, causant et fraternel comme il se doit. “Alors, le rond-point, tu apprécies ?”, me demanda-t-il. Je ne comprenais pas très bien sa question. Voulait-il parler de la résidence qui, à ma connaissance, n’avait pas de nom ?

“Oui, c’est sympa ici, ai-je répondu.

― Ouais, c’est cool”, fit-il d’un air entendu souligné d’un clin d’œil.

Je le gratifiai d’un sourire.

“Je ne t’ai jamais croisé pourtant, insista-t-il.

― C’est que, pour l’instant, je ne travaille plus alors je reste beaucoup à l’appart.

― Tu devrais sortir plus souvent”, dit-il, goguenard, avant de rappeler l’ascenseur.

Ses remarques avaient éveillé ma curiosité au sujet des ronds-points. Le lendemain matin, je pris ma voiture, qui s’intercala péniblement dans le trafic. Puis je traversai le premier, le deuxième, le troisième rond-point sans rien remarquer de notable, je refis le chemin en sens inverse, puis une fois encore et rentrai finalement à l’appartement sans avoir saisi à quoi Mike pouvait faire allusion. Le jour suivant, je décidai de le suivre. Mike conduisait une de ces horribles choses massives dont le modèle commence par un X ou un Q, ce n’était pas vraiment une surprise. Ce qui l’était davantage, c’est qu’il roulait lentement. Une fois entré dans le premier rond-point, il se tint à l’intérieur et, alors que je m’attendais à le voir sortir, il en fit le tour complet. Je le suivais, de plus en plus perplexe. C’est à la fin du second tour que cela se produisit…

© Céline Coibion

Je n’ai toujours pas compris. Nous étions dans le rond-point. Je veux dire, vraiment. À l’intérieur, comme s’il s’était dilaté, ouvert, nous avions pénétré un autre lieu, un autre monde, une autre dimension. Je suivais Mike, je ne savais pas où nous allions, les paysages défilaient, je les trouvais étrangement familiers : il me semblait avoir reconnu le torrent d’une montagne slovène et là je voyais apparaître la campagne toscane. Comme Mike s’arrêtait sur le bord de la route, je l’imitai et allai à sa rencontre.

“C’est quoi ça, qu’est-ce qui nous arrive ? demandai-je.

― Bienvenue dans le monde des ronds-points, dit-il narquois.

― Mais comment est-ce possible ? Ce village sur un promontoire, là, par exemple, je le connais.

― Quel village ? répondit Mike. Pour moi, c’est une plage des Caraïbes.

― Attends, tu veux dire que…

― Nous voyons tous des lieux différents, oui, poursuivit-il. En fonction de nos souvenirs, nos envies. À chacun sa réalité.”

Mike a continué à me guider. Les ronds-points avaient développé leur propre système de réseaux, les connectant entre eux. En surface, en apparence, ceux-ci comportaient deux bandes : ils menaient, comme la plupart d’entre nous, une double vie. La première était réservée aux pressés qui ne faisaient que passer dans leur existence, tandis que la seconde n’était accessible qu’à ceux qui prenaient le temps d’appréhender une autre dimension. Le rond-point, c’était notre vie cachée, un monde où nous étions autres, ou bien nous-mêmes précisément, et ce secret, jalousement gardé, partagé par quelques initiés, était à la fois terrifiant, enivrant et terriblement addictif, j’en avais le pressentiment.

En rentrant à l’appartement à la nuit tombée, j’aperçus, derrière des tentures mal tirées, ma voisine dans sa semi-nudité, son ventre rond et sa poitrine, un peu lourde certes, mais que la façon qu’elle avait de se tenir cambrée rendait néanmoins arrogante. Je me couchai, définitivement troublé par ces découvertes successives. La nuit serait courte et agitée, je le savais. Et surtout, je subodorais que le lendemain, je retournerais dans les ronds-points. Le lendemain, et les jours suivants… J’y retrouvai tant de souvenirs d’enfance, de voyages, de lieux associés à de belles histoires, d’amour pour la plupart, que j’y passai de plus en plus de temps, jusqu’à en oublier ma recherche d’un nouvel emploi.

Un jour (ou un soir), à hauteur du troisième rond-point, j’aperçus la voisine, dont le prénom m’était encore inconnu et qui, pour sa part, en dehors de ses furtives apparitions-exhibitions, m’ignorait toujours superbement. Elle quittait sa voiture pour monter dans celle d’un homme qui l’attendait. Je décidai de les suivre. La route serpentait, ça tombait bien, il leur serait difficile de me semer. Ils s’arrêtèrent bientôt en bordure d’un champ. Mais peut-être était-ce, pour eux, en pleine forêt ou en bord de mer. Je les vis clairement s’enlacer. Je sortis de ma voiture et m’approchai discrètement de leur véhicule. Je n’avais aucune raison de faire ça, je pense que j’étais juste un peu jaloux, frustré certainement. Et peut-être aussi que je voulais mater un peu plus les courbes de ma voisine, ce en quoi je fus servi lorsque, entièrement dénudée, je la vis chevaucher son partenaire. Je quittai précipitamment le rond-point.

De retour à la résidence, je sonnai chez Mike, qui m’ouvrit aussitôt.

“Mike, si les paysages sont issus de nos souvenirs ou de nos fantasmes, en va-t-il de même du comportement de ceux que nous croisons ? demandai-je, sans même prendre la peine de m’excuser du dérangement.

― Va savoir, répondit-il, pourquoi tu te poses tant de questions ? Qu’est-ce qui ne tourne pas rond chez toi, Pierre ? ironisa-t-il.

― C’est que, je dis, tout à l’heure j’ai vu notre voisine et que, enfin.

― Ah, Cassandre, fit-il, tu l’as vue dans le troisième rond-point ?

― Oui, répondis-je, comment sais-tu ?

― Disons, répondit-il, que cette zone est plus propice à ce genre de choses. Allez, détends-toi, oublie un peu le rond-point, tu veux qu’on se fasse un rail ? “

Je dormis mal cette nuit-là encore.

Je suis retourné dans les ronds-points. Souvent. Tous les jours, en fait. Et longtemps. De plus en plus. Jusqu’à y vivre, pour ainsi dire. Alors, ce matin, je suis parti. Je suis passé dans le troisième rond-point et j’ai embarqué Cassandre avant de reprendre la route. Peut-être que je la débarquerai quelque part, si elle insiste. Un jour. Peut-être que nous ferons un bout de chemin ensemble. Et je me demande à quoi ressembleront les paysages issus de nos rêves et souvenirs communs. Mon proprio va certainement publier une annonce. “À louer appart avec vue sur rond-point” … Moi, j’ai atteint le point de non-retour.

Philippe VIENNE


La peinture illustrant cette nouvelle a été réalisée live par Céline Coibion, durant la lecture publique de ce texte, à l’Aquilone, le 23 juin 2017

Le texte a été édité dans le “Guide du rond-point” (Editions de la Province de Liège, Liège, 2018)


[INFOS QUALITE] statut : actualisé | mode d’édition : transcription (droits cédés) | source : “Guide du rond-point” (Liège, 2018) | commanditaire : wallonica | contributeur : Philippe Vienne | crédits illustrations : © Céline Coibion ; Philippe Vienne  | remerciements à Céline Coibion, Olivier Patris


Plus de littérature…

VIENNE : La fête des mères (2020)

Temps de lecture : 5 minutes >
Le Mur des Libertés, Liège © Philippe Vienne

A la fenêtre, des bacs de géraniums, rentrés pour l’hiver, oubliés, brunis, desséchés, auprès desquels trône un chat qui le fixe de son regard jaune, définitivement immobile car empaillé.  Il s’en détourne, embrasse sa mère, à la peau tellement parcheminée qu’il lui semble inéluctable qu’elle suive le même processus de dessiccation que les plantes et l’animal. Bonne fête maman, dit-il, lui tendant un bouquet de fleurs, fraîches celles-là, avant d’à son tour embrasser son père qui se tient derrière. Pour le cadeau, il n’avait pas eu trop d’idée, n’avait pas vraiment cherché non plus. Il aurait pu acheter un livre, qu’elle n’aurait pas aimé, invariablement, ou des chocolats, qui auraient été moins bons que ceux de son fournisseur habituel, inévitablement. Finalement, il avait opté pour les fleurs, sa mère aimait les bouquets, pour lesquels elle mettait un quart d’heure à choisir le vase approprié, alors que pour lui, des fleurs coupées étaient comme des macchabées, mais quoi de plus normal, en somme, dans cet univers pre mortem ?

Ils s’assoient au salon. Avec son père il échange quelques banalités, la météo, le foot, la politique, tandis que sa mère prépare le thé qu’accompagne un cake un peu trop sec. Connaissant le rituel, précédant la demande, il fait le résumé des événements qui ont rythmé son existence depuis sa dernière visite, l’expurgeant des sujets trop intimes ou potentiellement conflictuels, ce qui, en définitive, ne fait plus grand’ chose, sa vie n’est déjà pas très exaltante et il aurait plutôt tendance à se laisser vivre. Il ne peut même pas évoquer le roman dont il achève péniblement l’écriture, qu’ils liront sans doute un jour avec une fierté mêlée d’effroi car ils ne pourront pas en parler à leurs amis, à cause des scènes de sexe et des allusions à la drogue aussi, et puis les critiques envers la religion, ou bien alors se dédouaneront-ils en disant oh mais les artistes, vous savez bien, beaucoup d’imagination et toujours excessifs.

Puis il lui faut subir encore la complainte du chat, ce pauvre Caramel, mort à vingt ans, juste là où il se trouve toujours aujourd’hui, on aurait dit qu’il guettait mon retour, d’ailleurs j’en suis sûre, cet animal m’aimait, bien plus que ton père sans doute et puis ces petites bêtes-là ne vous déçoivent jamais, contrairement aux hommes, aux humains en général d’ailleurs, je sais que tu n’aimes pas quand je dis ça mais je n’en ai pas honte, je préfère les animaux aux humains. Il se contentera de soupirer, à peine, ne cherchant aucun secours auprès de son père qui, le regard las, fera de même, ayant depuis longtemps renoncé à la contredire. Ayant depuis longtemps renoncé, tout simplement. C’est donc cela la vie d’un couple vieillissant, se dit-il, au moins je ne connaîtrai jamais cela. Y a-t-il eu de l’amour un jour, il cherche à se souvenir, quand il était enfant, s’il a pu percevoir des gestes d’affection, voire de tendresse, mais tout cela est confus, comme si les images du présent effaçaient celles du passé, comme si jamais ses parents n’avaient été jeunes. 

Sa mère s’interrompt, perturbée par des cris qui, du dehors, viennent violer le silence de ce mausolée, des cris de gosses jouant dans la rue, lui aussi en aurait presqu’oublié que la vie peut-être turbulente. Et sa mère de repartir, évidemment les jeunes de la voisine, là, avec son foulard, et tous ces Arabes qui envahissent le quartier, ne travaillent pas, refusent de s’intégrer, je ne dis pas ça pour Deniz bien sûr, lui il a son commerce, il bosse. Deniz est Turc, maman. Turc, Arabe, c’est pareil, tu vois bien ce que je veux dire. Evidemment qu’il le voit, entendant cette diatribe pour la centième fois au moins, il rappellerait bien à sa mère que son père, à elle, était Polonais mais il sait à quel point c’est inutile, connaissant tous ses contre-arguments et n’ayant plus aucun goût pour la polémique.  Adolescent, ou jeune adulte encore, il serait allé au conflit avec délectation, jetant même de l’huile sur le feu, comme quand il s’affichait avec Karima, par pure provocation. Mais aujourd’hui le vide l’a rattrapé, immense comme le ciel mais, finalement, ouateux et confortable ainsi qu’un enfant imagine qu’un nuage puisse l’être. Son existence est peut-être aussi vide que celle de ses parents, en définitive, mais il ne l’emplit pas de rancœur.

Et puis il pressent qu’inexorablement la conversation, le monologue plutôt, va se recentrer sur sa personne. Tu sais, Mathieu, il serait quand même temps que tu songes à te fixer avec quelqu’un, tu as quarante-quatre ans, sortir avec les copains et papillonner, ça va à vingt ans mais à ton âge. C’est vrai, je désespère d’être grand-mère, c’est pour toi aussi, nous ne serons pas toujours là et alors, tu te retrouveras seul. Que peut-il lui répondre à sa mère,  qu’être seul n’est pas nécessairement un choix mais qu’à la longue, on s’y habitue, on y trouve même du plaisir, comme elle à lire Jean d’Ormesson, que leur modèle de couple n’est pas convaincant, ou bien qu’il ne mène pas la vie légère qu’elle lui prête mais que, là, exaspéré par tant d’acrimonie, il en aurait bien envie, tiens, et peut-être avec davantage d’excès encore, une bonne partouze ou, plus simplement, une pute. Roumaine ou albanaise, forcément.

Mais, glacé par le regard de verre jaune du chat, lassé des querelles stériles, il ne dira rien, évidemment, gardant pour lui ses réflexions qu’il couchera plus tard sur papier, même si, en fait, il les tapera sur les touches de son clavier. A sa mère il dira seulement au revoir, il faut que j’y aille, c’est dimanche et le 71 passe moins souvent. A l’arrêt du bus, il rencontre le jeune voisin de ses parents, salut Khatib, ça fait longtemps, tu as vachement grandi dis donc, tu as quel âge à présent ? Dix ans et ma sœur Khadija dix-sept. Tu sais, Mathieu, ma sœur elle te trouve très beau. Il sourit, ensemble ils montent dans le bus, bondé, se calent entre deux Africaines opulentes et un groupe d’Espagnols. Il lui semble toujours que l’on parle davantage espagnol dans le 71 qu’à Barcelone, il faut dire qu’il est devenu aussi inopportun de parler espagnol à Barcelone que français à Anvers, il n’a toujours pas bien compris, ça le réjouit plutôt ces langues qui se mêlent quand il tend l’oreille pour les identifier. Dis, Mathieu, tu voudrais pas l’épouser ma sœur ? Elle est un peu jeune pour moi, tu ne crois pas, Khatib ? C’est pas grave, ça, Mathieu, ce qui compte c’est l’amour. Tu as raison, Khatib, ce qui compte c’est l’amour, dit-il en sonnant l’arrêt.

Philippe VIENNE


[INFOS QUALITE] statut : actualisé | mode d’édition : rédaction | source : inédit | commanditaire : wallonica | contributeur : Philippe Vienne | crédits illustrations : © Philippe Vienne


Lire encore…

LOGIST : La vie au lendemain de ma vie avec toi…

Temps de lecture : 3 minutes >

 

 

La vie au lendemain de ma vie avec toi
ne sera pas moins douce
ne sera pas moins belle
juste peut-être un peu plus courte
peut-être aussi moins gaie

La vie au lendemain de ma vie avec toi
ne sera pas ceci ne sera pas cela
ne sera pas souci ne sera pas fracas
ne sera pas couci ne sera pas couça
ne sera pas ici ne sera pas là-bas
Ma vie sera séquelle, sera ce qu’elle sera
ou ne sera plus rien

Certains jours, par défi,
je ferai de petits voyages sur nos traces
je ferai de petits voyages sur nos pas

Et là je te ferai de petites fidélités
tant pis si tu l’apprends
si tu dois m’en vouloir
si jamais tu m’en veux de te l’avoir appris
entre ces lignes-ci

J’irai revoir des lieux que nous aimions ensemble
Je ne tournerai pas en rond

Si ça ne tourne pas rond
je prendrai nos photos
dans la boite à chaussures
sous le meuble en bois blanc
et je regarderai encore
par-dessus l’épaule du bonheur
combien tu étais belle
comment nous étions beaux

J’achèterai un chat
que j’appellerai Unchat
en hommage à l’époque où j’en étais bien sûr
incapable à tes yeux

Le thé refroidira ; personne pour le boire
L’été refleurira ; personne pour y croire

Je ne vais rien changer à l’ordre de mes livres
déplacer aucun meuble
J’expédierai nos cartes
qui disaient le destin
mais jamais l’avenir
à nos meilleurs amis
J’allongerai les jours
Je mettrai des tentures dans la chambre à coucher pour allonger
un peu également
le sommeil de mes nuits
mes nuits au lendemain de mes nuits avec toi

La vie au lendemain de ma vie avec toi
je la veux simple et bonne
je la veux douce et lisse
comme le plat d’une main qui ne possède rien
et ne désigne qu’elle.

Karel LOGIST , Si tu me disais Viens (2007)


LOGIST Karel, Si tu me disais Viens (Bruxelles : Editions Ercée, 2007)

Un livre-sésame, un livre-talisman. Il lève le voile sur un art d’aimer contemporain, littéral et pudique, quotidien et secret. Pas de pathos, loin de là. Une manière sobre de gérer ses blessures, de les négocier comme on dit aujourd’hui, où tout, paraît-il, se négocie, même la perte de la prunelle de ses yeux. Faillite d’un amour, déréliction, lente remontée à la surface du goût à la vie, premières brasses et embrasses dans la confiance affective retrouvée. Karel Logist est le chantre en demi-teinte des petits matins paumés, où les besognes des techniciens de surface sont de pauvres consolations au sentiment d’avoir le cœur en serpillière. Il parle de la vie devenue séquelle d’une vie rêvée que l’on croyait exaucée. De la solitude qui est la rançon des envolées que leurs extases n’empêchent pas de se fracasser. Le poète a l’air de composer des rengaines, du Léo Ferré revu par Florent Pagny puisqu’il les cite, mais il compense la musique absente par une fabuleuse maîtrise du style, qu’exaltent les images banales, que rythment les cadences cassées. Miles Davis, mais au petit matin, sur les bords de la Meuse, à la hauteur de l’île Monsin… Un grand poète s’adresse à tous, sans se renier. Cela n’arrive pas tous les jours. Qu’on se le dise.” [Jacques De Decker, Le Soir, 30 mars 2007]


Karel LOGIST est né le 7 juillet 1962 à Spa, en Belgique francophone. Depuis son premier recueil Le séismographe, en 1988, il a publié une douzaine de livres chez différents éditeurs (Les Eperonniers, l’Arbre à paroles, Le Cherche-midi, Ercée ou La Différence). Plusieurs ont été distingués (prix de la revue [vwa], prix Robert Goffin, prix Marcel Thiry, prix du Parlement de la Communauté française, etc.). Documentaliste à l’Université de Liège depuis vingt ans, il mêle à l’écriture de ses carnets de doute, en prose comme en vers, l’air et l’écho du temps qui passe. Sa poésie raconte qu’il apprécie les gens, la mer, l’humour, l’enfance et le soleil. Parce qu’il aime aussi le mouvement, la rencontre et les écrivains, Karel Logist est avec Serge Delaive, Marc Lejeune, Carl Norac et Gérald Purnelle, un des moteurs du collectif littéraire Le Fram.
Dernièrement, l’éditeur Le Castor Astral a publié Tout emporter, une anthologie personnelle (1988-2008) qui lui a valu l’improbable prix François Coppée de l’Académie française… Logist est également critique littéraire, nouvelliste et animateur d’ateliers d’écriture poétique. Par-dessus tout, Karel Logist déteste la routine, faire des choix et savoir de quoi demain sera fait.” [Maison de la poésie d’Amay]

Pour mieux connaître Karel LOGIST, visitez son site et lisez la présentation complète du poète, par son ami Gérald PURNELLE…


Lire encore…

VIENNE : Game over (2017)

Temps de lecture : 6 minutes >
© Philippe Vienne

– 1 –

Parfois la nuit fait peur. Parce que l’absence de lune accroît son épaisseur, parce que le silence y est différent. Même le parcours le plus familier, le plus anodin, ressemble à une épreuve initiatique. Le square, éclairé d’une hésitante lueur bleutée, est privé de ses occupants habituels : renards et SDF ont renoncé ce soir à faire les poubelles. Au loin, on pourrait entendre les crissements de freins d’un train de nuit sur le plan incliné. Mais seul le silence répond à l’absence. Dès lors, quand une jeune fille dont les mèches blondes s’échappent d’un bonnet de laine s’aventure sur le sentier, on est en droit de craindre le pire. Et on a bien raison. L’ombre jaillit de l’obscurité, le cri étouffé au fond de la gorge épargne le silence. On a peur de la mort mais, au final, le désir du mâle est bien plus redoutable.

Retrouvez-la, inspecteur, retrouvez-la vite. Combien de fois l’ai-je déjà entendue, cette supplique de parents désespérés. Marie est une fille sérieuse, une étudiante appliquée, sans histoires. Mais que savent vraiment les parents de la vie de leurs enfants ? Que savent-ils de cette parcelle d’eux-mêmes qui leur échappe chaque jour un peu plus depuis la naissance. Que connaissent-ils d’ailleurs d’eux-mêmes et l’un de l’autre, ces parents ? Elle empruntait ce chemin tous les jours, depuis des années, et prenait toujours soin de dissimuler ses longs cheveux blonds sous un bonnet ou une capuche afin de ne pas paraître provocante. Comme si le destin avait besoin d’être provoqué. Comme si les causes étaient toujours à ce point évidentes. Quand mon chat est mort, personne n’avait jamais imaginé qu’il puisse être allergique aux souris.

Parfois je voudrais être autre chose qu’un flic qui recherche des enfants disparus. Qui est obligé de fouiller dans la vie des gens, les secrets de famille, les trahisons. Qui découvre encore chaque jour les recoins les plus sombres de l’âme humaine et que l’abjection, comme la bêtise, est probablement sans limite. Personne n’en sort indemne. Même si elles retrouvent leur enfant vivant, les familles y ont perdu en innocence. Et moi, j’ai un problème avec la perte. Ma mère est morte, ma femme m’a quitté. Seuls restent les kilos superflus, mais j’ai trop besoin de bière pour anesthésier mon empathie. “La gendarmerie est un humanisme” écrivait Houellebecq.

– 2 –

La rouille a tout envahi. L’usine désaffectée, les rails, les wagonnets et jusqu’à l’âme des ouvriers contraints au chômage. Avant, l’air était rendu pestilentiel par le dioxyde de soufre. Aujourd’hui, tout pue la misère. Les devantures des derniers magasins ouverts affichent des enseignes où l’italien le dispute à l’arabe ou au turc, dans une concurrence fraternelle empreinte d’une tristesse délavée. Quand passe une jeune métisse, on se prend à rêver d’ailleurs, du soleil que beaucoup portent encore dans leurs veines et que plus personne ne voit jamais briller. On songe à la mer et l’on regarde ondoyer cette jeunesse aussi loin que porte le regard, c’est-à-dire au bout de la rue. Et, dès qu’elle a tourné au coin, on se résigne. Personne ne voit donc la voiture qui s’arrête, les mains gantées aux gestes rôdés qui embarquent la fille. Personne n’entend la portière qui se referme sur son adolescence.

Nayah après Marie, deux disparitions de mineures à deux semaines d’intervalle. La première blanche, blonde, enlevée dans un quartier résidentiel middle-class. La seconde, métisse, dans la banlieue industrielle. Pas de message aux familles, pas de cadavre retrouvé, aucun point commun apparent. Que puis-je faire avec ça, à quelle espèce de tordu ai-je encore affaire ? Un délinquant sexuel probablement. Dans notre société, la jeunesse nourrit les fantasmes et la misère sexuelle est grande. J’en sais quelque chose, moi qui ne baise plus que des putes depuis des années. Et Cindy, quand on fait la fermeture du bar ensemble.

– 3 –

Par la fenêtre de mon bureau – oui, mon bureau a une fenêtre, c’est le privilège des chefs – par la fenêtre de mon bureau donc, je regarde la nuit tomber sur la ville. Je me souviens d’une époque où elle était moins laide, moins pauvre, moins dangereuse. Nous passions des nuits entières dans les rues chaudes de la cité sans autre crainte que de ne pas avoir assez à boire et de ne pas trouver de fille pour finir la soirée. Mais ce temps-là est révolu, le monde a irrémédiablement changé. Ou bien est-ce moi qui suis définitivement trop vieux. J’ai soudain l’impression d’être un Batman nostalgique veillant sur une Gotham City de seconde zone. D’ailleurs, puisque je vais quand même passer une nuit blanche sur ce dossier, je descendrais bien chez Fred, le libraire de la rue, à la conversation certes limitée mais sympa. Histoire de faire un stock de boissons énergisantes aux myrtilles – pour bosser, ça marche mieux que la bière. Et je m’achèterais un manga, un hentai plus précisément, un divertissement auquel Fred m’a initié. Mes nuits sont aussi laides que mes jours.

C’était inéluctable, c’est arrivé cinq jours plus tard. Une troisième disparition d’adolescente, une gamine vaguement gothique, certainement paumée. Nasty, un diminutif de Nastassja, au double sens d’un goût douteux. La presse en fait maintenant ses gros titres. Agonisante, elle ne maintient ses tirages qu’en cultivant paranoïa et poujadisme. On vit une époque formidable. Si j’étais cynique, je dirais qu’au moins, avec celle-ci, les parents ne me mettront pas la pression : ils ont disparu bien avant leur fille. Je ne trouve aucune logique aux actes de ce pervers, aucun point commun entre les victimes autre que l’âge et le sexe. Et s’il les choisit au hasard, en fonction de ces seuls critères, alors je sais pertinemment bien que cela peut durer longtemps. J’ai un goût âcre dans la bouche, comme une furieuse envie de bière.

Ma vie est prévisible. C’est parfois inquiétant, souvent rassurant. C’est ce qui faisait dire à mon père que je manquais d’ambition. Là, j’ai fini la soirée au Baile Atha Cliath, enchaînant les chopes jusqu’à la fermeture et bien au-delà encore, avec Cindy. Puis elle m’a ramené chez elle et nous avons baisé avec la frénésie de deux désespérés qui veulent s’assurer qu’ils sont encore en vie. Et c’est quand je commence à être rassuré sur ce plan que mon portable se met à vibrer. Putain, c’est pas vrai ! Je regarde Cindy qui m’offre sa croupe. Je pense qu’elle est assez saoule pour se laisser sodomiser, l’appel attendra demain. Mon père avait tort : je n’ai d’ambition qu’en érection.

Inspecteur, on a retrouvé le sac à dos de la fille sur les lieux de l’enlèvement. Si vous voulez y jeter un coup d’œil, appelez-nous, disait le message des collègues. Pour une fois que je tiens un indice, je ne vais pas le lâcher, c’est sûr. Alors, il contient quoi ce sac noir, orné de têtes de morts et de pentagrammes inversés ? Trois fois rien : du tabac, du papier à cigarette, un sachet d’herbe, un paquet de chewing-gums. Et un manga.

– 4 –

Alors, ça y est,  inspecteur,  tu as trouvé ? Eh oui, toutes ces gamines sont passées dans ma boutique, toutes sont venues se fournir en mangas. Toutes celles-là et toutes celles dont tu n’as rien su. Tu n’en reviens pas, tu ne comprends pas, n’est-ce pas, comment ce petit libraire sympa mais un peu limité, que tu regardes avec condescendance, peut être cet assassin qui t’a si longtemps échappé. Viens, je t’attends. Je vais te montrer ma collection : Ayumi et Chikako en train de se caresser mutuellement – c’est Marie dans le rôle d’Ayumi, tu la reconnais ? Hatsuko dans la fameuse scène où elle fait l’amour avec un poulpe – et tu sais quoi, inspecteur, le plus dur, ça a été de trouver le poulpe ! Puis la petite Izumi et son olisbos géant. Et Mana, et Takamya,…

Pour certains, l’art imite la vie. Pour moi, c’est le contraire. Je rends à l’art la place qu’il mérite en transcendant de médiocres existences. Te crois-tu vraiment supérieur à moi, toi qui ne baises que des putes, toi qui as été incapable de retenir ta femme, qui es incapable d’en garder une seule ? Moi, je les conserve. Toutes. Elles sont là avec moi, pour toujours. Tu peux regarder, tu peux toucher, je ne suis pas jaloux. Non, je ne suis pas jaloux parce que je vaux bien mieux que toi et ta petite vie de fonctionnaire. Moi, je vis mes rêves.

Philippe VIENNE


Ce texte inédit a été lu publiquement pour la première fois lors de la “Hot Lecture” du 16 novembre 2017, à Liège (BE).


[INFOS QUALITE] statut : actualisé | mode d’édition : rédaction | source : inédit | commanditaire : wallonica | contributeur : Philippe Vienne | crédits illustrations : © Philippe Vienne  | remerciements à Jean-Paul Bonjean


Lire encore…

FANTE : Mon chien stupide (CHRISTIAN BOURGOIS, 1987)

Temps de lecture : 2 minutes >
FANTE J, Mon chien stupide (1987)

Il était un chien, pas un homme, un simple animal qui en temps voulu deviendrait mon ami, emplirait mon esprit de fierté, de drôlerie et d’absurdités. Il était plus proche de Dieu que je ne le serais jamais, il ne savait ni lire ni écrire, et cela aussi était une bonne chose. C’était un misfit et j’étais un misfit. J’allais me battre et perdre ; lui se battrait et gagnerait…

Lire le livre de John FANTE (1909-1983) – ISBN 2-267-00510-3


Yvan ATTAL a adapté le roman au cinéma en 2019 © studiocanal france

“Henri est en pleine crise de la cinquantaine. Les responsables de ses échecs, de son manque de libido et de son mal de dos ? Sa femme et ses quatre enfants, évidemment ! A l’heure où il fait le bilan critique de sa vie, de toutes les femmes qu’il n’aura plus, des voitures qu’il ne conduira pas, un énorme chien mal élevé et obsédé, décide de s’installer dans la maison, pour son plus grand bonheur mais au grand dam du reste de la famille et surtout de Cécile, sa femme dont l’amour indéfectible commence à se fissurer…”


D’autres incontournables du savoir-lire :

BRADBURY : Sauvage (2019)

Temps de lecture : 2 minutes >

Il fut un temps où écrire “Femmes qui courent avec les loups” était une nécessité, car elles étaient nombreuses, celles qui avaient oublié leur héritage de sang et de puissance, leur connaissance intime de la rivière sous la rivière. Du coup, la psychanalyste et conteuse Clarissa Pincola Estés s’était fendue en 1996 d’un ouvrage fort utile, compilant 20 ans de recherche dans près de 500 pages, truffées de contes intrigants pour les femmes de l’époque, de légendes nées de la forêt ou du désert qu’elle connaît bien (elle est Mestiza Latina : métisse née d’un couple amérindien / hispano-mexicain), d’histoires collectées dans le monde entier et de rappels flamboyants à cette nature instinctive de la Femme que bien des couches de civilisation et d’oppression, voire… d’autocensure, ont hélas recouverte.

Il y a eu un avant, il y a eu un après

Après l’après (qui restait encore un temps où l’engagement pour la libération de la femme était d’actualité), il y a eu des jeunes auteures, fortes du combat de leurs mères (quelquefois accompagné par leurs pères, d’ailleurs), qui avaient intégré dans leur écriture cette puissance de la femme, où celle-ci n’était plus une question à débattre et illustrer mais, déjà, un ressort naturel de la narration. Sauvage (Paris, Gallmeister, 2019) est un de ces livres rafraîchissants, postérieurs (ou étrangers) à ces combats, un roman d’après-guerre… des sexes.

Rafraîchissant‘ est par contre le pire terme pour évoquer ce roman initiatique, irrésistible de suspense et de densité sombre : “À dix-sept ans, Tracy Petrikoff possède un don inné pour la chasse et les pièges. Elle vit à l’écart du reste du monde et sillonne avec ses chiens de traîneau les immensités sauvages de l’Alaska. Immuablement, elle respecte les trois règles que sa mère, trop tôt disparue, lui a dictées : «ne jamais perdre la maison de vue», «ne jamais rentrer avec les mains sales» et surtout «ne jamais faire saigner un humain». Jusqu’au jour où, attaquée en pleine forêt, Tracy reprend connaissance, couverte de sang, persuadée d’avoir tué son agresseur. Elle s’interdit de l’avouer à son père, et ce lourd secret la hante jour et nuit. Une ambiance de doute et d’angoisse s’installe dans la famille, tandis que Tracy prend peu à peu conscience de ses propres facultés hors du commun.” (source : Gallmeister)

Pour en savoir plus, lire tu dois…


© Brooke Taylor

Comme l’écrit son éditeur Gallmeister : “Jamey Bradbury est née en 1979 dans le Midwest et vit en Alaska depuis quinze ans. Elle a été réceptionniste, actrice, secouriste et bénévole à la Croix Rouge. Elle partage aujourd’hui son temps entre l’écriture et l’engagement auprès des services sociaux qui soutiennent les peuples natifs de l’Alaska. Sauvage est son premier roman.


En lire d’autres ?

NIHOUL : Caitlin (2019)

Temps de lecture : 3 minutes >
ISBN 9791094689226

NIHOUL Arnaud, Caitlin (Bruxelles, Genèse, 2019)

Lecteur gourmand, Arnaud NIHOUL a renoué, la trentaine passée, avec le plaisir d’imaginer des histoires pour les faire partager, magie découverte dans son adolescence. Architecte de profession, il consacre son temps libre à l’écriture. Après quelque quinze nouvelles, dont plusieurs primées, et dix romans conservés dans ses tiroirs, il a enfin sauté le pas de la publication pour le plus grand plaisir de ses lecteurs. Avec Caitlin, ce passionné des mots nous donne à découvrir toute la palette de son talent. De la campagne namuroise, Arnaud Nihoul ne cesse de regarder vers les îles bretonnes et écossaises, où il se retire souvent pour imaginer ses prochains romans.

En 2017, Caitlin a reçu le Prix CléA qui couronne le meilleur manuscrit de l’année en Belgique et, en 2019, le prix Saga du meilleur premier roman belge.

Dans le petit port de l’île de Laggan à l’ouest de l’Écosse, débarque une jeune fille seule, la valise à la main. Trois adolescents, Ian, Morgan et Murray s’approchent pour l’aider, intrigués et fascinés à la fois. Caitlin est entrée dans leur vie. Vingt-trois ans plus tard, Ian revient sur l’île à la demande de Morgan pour enquêter sur la disparition de la jeune femme. Entre un château relevé de ses ruines et un phare isolé, Ian va arpenter l’île à la recherche de son amour de jeunesse et affronter la faille qui la coupe en deux, comme celle qui s’est creusée dans l’amitié entre les trois hommes. Il devra composer avec Mairead, l’énigmatique assistante de Morgan, et Iona, l’enfant solitaire et rebelle. Chacune détient une parcelle de vérité, mais quelle est-elle ?

Ce premier roman d’Arnaud Nihoul traduit son amour de l’Ecosse et de la nature sauvage mais aussi, assurément, de l’espèce humaine. Ses personnages sont crédibles et attachants parce que brossés avec tendresse, humains dans leurs faiblesses. Cette empathie accroît l’intérêt du lecteur pour le déroulement de l’intrigue. A cela s’ajoute une écriture fluide, belle sans affectation, faisant de ce roman un véritable page turner pouvant séduire un large public. Ce premier essai est un essai transformé et on attend avec impatience le prochain opus d’Arnaud Nihoul.

Paysage d’Ecosse © Philippe Vienne

Je repris ma marche sans me presser, cherchant à apprivoiser mon passé pour le relier à ma vie présente. Au détour de la route, je tombai sur une scène familière : un troupeau de moutons dispersés autour du chemin. J’avais trouvé un moyen de rétablir le contact.

Lentement, je m’approchai des premières bêtes. J’arrachai une poignée d’herbes tendres, mis un genou au sol et tendis le bras vers le mouton le plus proche. Hésitant, il s’avança vers moi, jusqu’à mordre dans la touffe que je lui présentais. Je glissai doucement mes doigts dans sa toison. Il se cabra sans reculer, semblant prendre plaisir à la caresse.

Lorsqu’il eut fini de manger, il ne s’écarta pas et je plongeai mes deux mains dans la laine humide de son dos, jusqu’à ce qu’il décide de rejoindre les autres. J’approchai alors les doigts de mon visage et respirai avec délice l’odeur animale qui les imprégnait […].

Philippe VIENNE


À côté de son métier d’architecte, Arnaud Nihoul consacre son temps libre à l’écriture. Régulièrement, il quitte sa campagne namuroise et gagne une retraite dans les îles bretonnes ou écossaises pour imaginer ses prochains romans. Après une quinzaine de nouvelles dont plusieurs primées et dix romans conservés dans ses tiroirs, Arnaud Nihoul a enfin osé sauter le pas de la publication pour notre plus grand bonheur. Avec Caitlin, ce passionné des mots nous donne à découvrir toute la palette de son talent [lire la suite…]


Lire encore…

SAINT-EXUPERY (trad. Guy FONTAINE) : Li p’tit prince (2012)

Temps de lecture : 6 minutes >

SAINT-EXUPERY Antoine de -, Li p’tit prince (Neckarsteinach, Tintenfass, 2012, traduit en wallon liégeois par Guy FONTAINE)


[extrait du chapitre XXI]

“[…] C’è-st-adon qu’atouma li r’nå.

  • Bondjoû, dèrit li r’nå.
  • Bondjoû, rèsponda li p’tit prince come on bin aclèvé qu’il èst. Mins, il aveût bèl a loukî tot avå, i vèyéve rin.
  • Dji so la, dèrit l’vwès, dizos l’mèlêye.
  • Quî èstez-v’ ? dèrit li p’tit prince. Vos-èstez tot nozé…
  • Dji so li r’nå, d’hati.
  • Vinez don djouwer avou mi, li fa li p’tit prince. Dji so si pèneûs…
  • Dji n’ såreû dèdja, dèrit li rnå, dji n’ so nin aprivwèzé.
  • Ah ! Mande èscuse, fa li p’tit prince.

Mins, après aveûr tûzé pus lon on moumint, i dèrit co :

  • Qu’èst-ce qui çoula vout dîre “aprivwèzer” ?
  • Vos n’èstez nin di d’chal, fa li r’nå, quî cwèrez-v’ don ?
  • Dji cwîre lès-omes, dèrit li p’tit prince. Qu’èst-ce qui çoula vout dîre “aprivwèzer” ?
  • Lès-omes, dèrit li r’nå, il ont dès fiziks èt i tchèssèt. C’èst fwèrt djinnant. Il aclèvèt dès poyes ossu èt çoula m’ahåye bin pus. Cwèrez-v’ ossu dès poyes ?
  • Nonna, dèrit li p’tit prince. Dji cwîre dès camarådes. Qu’èst-ce qui çoula vout dîre “aprivwèzer” ?
  • C’è-st-ine sôrt qu’on-z-a par trop’ roûvi, dérit li r’nå. Ça vout dîre “si loyî onk a l’ôte”.
  • Si loyî onk a l’ôte ?
  • Assûré, dèrit li r’nå. Vos n’èstez co por mi qu’on p’tit gamin come ènn’ a co cint mèye ôtes. Ét dji n’a nin dandjî d’ vos. Ét vos n’avez nin pus dandjî d’ mi. Dji n’ so por vos qu’on r’nå come ènn’ a co traze èt traze mèye. Mins si vos m’aprivwèzez, nos-årans dandjî onk di l’ôte. Vos sèrez por mi come li seûl å monde. Ét dji sèrè por vos come li seûl å monde…
  • Dj’atake a comprinde, dèrit li p’tit prince. I-n-a ‘ne fleûr… dj’ô bin qu’èle m’a-st-aprivwèzé.
  • I s’ pout, dèrit li r’nå. On veût totes sôrts d’afères so l’tère.
  • Oh ! Ci n’èst nin so l’tère, dèrit li p’tit prince.

Li r’nå avizéve bin si d’mander qwè :

  • So ‘ne ôte planète ?
  • Awè.
  • A-t-i dès tchèsseûs so cisse planète-la ?
  • Nèni.
  • Vola ‘ne bone novèle ! Ét dès poyes ?
  • Nèni.
  • Rin po fé plêzîr, sospira li r’nå.

Mins, i riv’na a si-îdèye.

  • Mi vèye, c’è-st-on djoû tot fî parèy qui l’ôte. Dji tchèsse lès poyes, lès-omes mi k’tchèssèt. Totes lès poyes si ravizèt, èt tot lès-omes si ravizèt ossu. C’èst todi l’ minme djeû. Mins si vos m’aprivwèzez, mi vèye sèrè come pline di solo. Dji rik’noherè l’ brut d’on pas qui sèrè difèrint d’ tos lès-ôtes. Lès-ôtes mi font rintrer d’zos tère. Li vosse mi houkrè foû di m’ trô, come li musike dès-ôbådes. Èt adon, loukiz ! Vos vèyez, låvå, lès tchamps d’ frûmint ? Dji n’ magne nin dè pan. Li frumint, por mi, ci n’èst rin. Lès tchamps d’ frumint ni m’ fèt rapinser a rin. Èt çoula, c’èst bin trisse. Mins, vos-avez lès dj’vès coleûr d’ôr. Adon, ci sèrè mèrvèye qwand vos m’årez aprivwèzé. Li frumint, qu’èst come di l’ôr, mi frè sov’ni d’vos. Èt dj’ årè bon d’ôre li brut dè vint gruziner d’vins lès frumints.

Li r’nå s’ têha èt r’louka tot on tins li p’tit prince.

  • S’i v’ plêt… aprivwèzez-m’ ! Dèrit-i.
  • Dji vou bin, rèsponda li p’tit prince, mins dji n’a nin tot plin dè tins. Dj’a dès camarådes a d’hovri èt co tant dès-afêres a-z-aprinde.
  • On n’ kinohe bin qui çou qu’on aprivwèzêye, dèrit li r’nå. Lès-omes ni prindèt pus l’ tins dè rin k’nohe. Il atchèt tot, tot fêt ‘mon lès martchands. Mins come i-n-a nou martchand d’ camarådes, lès-omes n’ont pus nou copleû. Si vos ‘nnè volez onk, aprivwèzez-m’.
  • Qui fåt-i fé, diha li p’tit prince ?
  • I v’ fårè tot plin dèl paciyince, rèsponda li r’nå. Po-z-ataker, vos v’s-alez asîre on pô lon d’ mi, come çoula, so l’ wazon. Dji v’ riloukrè d’in-oûy èt vis n’ dîrez nin. Tot djåzant, on s’pôreût må comprinde. Mins tos lès djoûs, vos v’ pôrez asîre on pô pus près…

Li lèd’dimin, li p’tit prince riv’na.

  • Åreût mî valou dè riv’ni a l’ minme eûre, dèrit li r’nå. Si vos v’nez, dihans-gn’, so l’ côp d’ qwatre eûres après nône, vès lès treûs-eûres, dj’atakrè di m’ rafiyî. Pus’ l’ôrlodje va-t-èle toûrner, pus’ sèrè-djdju tot binåhe, a qwatre eûres, dji sèrè so dès tchôdès cindes èt dji m’ tourmètrè, dji pôrè inso k’nohe li pri dè boneûr ! Mins si vos v’nez tot l’ minme qwand, dji n’ sårè nin quéle eûre dji m’ gålioter l’ coûr.. i fåt dès règues, dès-acostumances.
  • Qu’èst-ce qui c’èst dès-acostumances ? dèrit li p’tit prince.
  • Èco ‘ne sacwè qu’on-z-a par trop’ roûvi, dèrit li r’nå. C’èst çou qui fêt qu’on djoû n’èst nin come lès-ôtes, qui lès-eûres ni sont nin lès minmes. Par ègzèmpie, mès tchèsseûs : li djûdi, i dansèt avou lès crapôdes dè viyèdje. Adon, li djûdi è-st-on tot bê djoû por mi. Dji m’ va porminer avå lès cinses èt lès polis sins nol imbaras… Lès tchèsseûs îrît-i fé leûs treûs pas tot l’ minme quwand, qui lès djoûs sèrît turtos lès minmes, èt dji n’ sèreû måy påhûle.

Insi, li p’tit prince a-t-i aprivwèzé li r’nå. Èt qwand foûrit l’ moumoint d’ènn’ aler :

  • Ah ! dèrit li r’nå… dji m’ va plorer.
  • Vos n’avez qu’a ‘nnè prinde a vos minme, dèrit li p’tit prince, dji n’ vis volève nou må, mins vos-avez pîlé po-z-esse aprivwèzé.
  • Bin sûr, dèrit li r’nå.
  • Mins vos-alez plorer ! dèrit li p’tit prince.
  • Bin sûr, dèrit li r’nå.”

ISBN 978-3-937467-51-1

“Vendu à plus de 130 millions d’exemplaires dans le monde, Le Petit Prince, de l’écrivain français Antoine de St-Exupéry, est traduit en plus de 220 langues et dialectes [et en morse !]. Il n’existait pas encore de traduction en wallon liégeois. C’est désormais chose faite, grâce à Guy Fontaine, bien connu des fidèles de Liège-Matin, et grand passionné du wallon sous toutes ses formes.

“L’idée de cette traduction en wallon liégeois vient d’un éditeur allemand” explique Guy Fontaine. “Il avait racheté chez Gallimard les droits pour les adaptations et les traductions dans les langues régionales. Il existait déjà une version du Petit Prince en wallon de Charleroi, en picard borain, et il aurait voulu une version en liégeois. Je m’y suis collé!”

Particularité pour le traducteur : rester le plus fidèle possible à l’original de Saint-Exupéry: “Le traducteur doit être vraiment en retrait total. C’est l’œuvre originale qui importe” poursuit Guy Fontaine. “Donc il y a un peu une frustration parce qu’on a tendance à vouloir adapter et donner un côté plus wallon à la chose mais le texte est très beau, donc on y trouve son compte”.

Une histoire universelle et qui, peut-être, grâce au wallon, trouvera de nouveaux lecteurs…” [lire la suite de l’article de A. DELAUNOIS sur RTBF.BE…]


Guy Fontaine est né en 1945. C’est de 1978 à 1994, à la radio de la RTBF, que le billet wallon hebdomadaire qu’il diffuse le rend le plus célèbre : billets transformés de 1994 à 2001, en sketchs avec Gabrielle Davroy. En 2001, ses 1.000 Mots wallons sont publiés. Depuis, il est devenu… évêque orthodoxe à Liège.


Dessine-moi… un Petit Prince

[LEXPRESS.FR, 7 septembre 2011] Bande dessinée, film, expo, le héros de Saint-Exupery se réinvente toujours. L’écrivain Marie Desplechin évoque ce qui fait l’essence du livre, qui s’adresse à l’enfant que nous avons été.

“Au titre de chef-d’oeuvre du XXe siècle, qui aurait misé un kopeck sur Le Petit Prince, fantaisie enfantine écrite et illustrée par l’auteur, publiée pour la première fois aux Etats-Unis en 1943 ? Bon, Martin Heidegger, d’accord. Il écrit, en 1949, pour l’édition allemande : “Ce n’est pas un livre pour enfants, c’est le message d’un grand poète qui soulage toute solitude et par lequel nous sommes amenés à la compréhension des grands mystères de ce monde. C’est le livre préféré du professeur Martin Heidegger.” Martin Heidegger n’est peut-être pas le type le plus sympathique de la période, il n’est pas non plus le dernier des neuneus. Son “livre préféré” est aujourd’hui n° 2 au classement international des lectures et des ventes, toutes catégories confondues. Soit n° 1 parmi les œuvres de fiction (on range usuellement la Bible parmi les “non-fictions”). Un livre traduit en 220 langues. Et qui compte à ce jour 145 millions d’exemplaires vendus.

Sans gâcher le plaisir qu’on a à voir Martin Heidegger encenser Le Petit Prince, on aimerait faire tourner les tables pour avoir avec lui une petite controverse posthume. Comment, alors que le livre leur est explicitement destiné, peut-il affirmer qu’il ne s’agit pas d’un livre pour enfants ? Qu’y a-t-il de si chétif, de si étranger, dans l’enfance, qu’elle doive être tenue à l’écart du “message d’un grand poète qui soulage de toute solitude” ? Drôle d’hommage que celui du professeur quand il dénie à l’auteur la gloire d’avoir écrit le livre qu’il voulait écrire. Prétendant une chose (avoir écrit un livre pour les enfants), il en aurait fait une autre […]”

Marie Desplechin


[INFOS QUALITE] statut : validé | mode d’édition : citation, partage, compilation | source : Editions Tintenfass ; LEXPRESS.FR | contributeur : Patrick Thonart | crédits illustrations : Editions Tintenfass / RTBF / RTC Liège | remerciements à Eric Rozenberg


Lire encore…

 

HANSEN : Au secours ! Un ours est en train de me manger ! (WOMBAT, 2013)

Temps de lecture : 2 minutes >
ISBN 978-2-919186-36-5

Vous pensez que vous avez des problèmes ? Moi, je suis en train de me faire dévorer par un ours ! Oh, mais désolé, toutes mes excuses, écoutons donc vos problèmes ! Mmm-hmm ? Alors comme ça, votre patron est méchant avec vous ? Et votre voiture vous cause des soucis ? Et vous vous inquiétez pour l’environnement ? Tiens donc ! Votre environnement vient juste de me bouffer un pied ! Je pisse mon sang sur votre environnement. Je peux donc à présent affirmer sans crainte d’être contredit que MES PROBLÈMES SONT PIRES QUE LES VÔTRES. Alors fermez-la avec vos problèmes, OK ?

HANSEN Mykle, Au secours ! Un ours est en train de me manger ! (traduit de l’américain par Thierry Beauchamp, Nouvelles Editions Wombat, coll. Les Insensés, 2013)

“Manager tyrannique, Marv Pushkin embarque son équipe de publicitaires pour un week-end de chasse en Alaska. Alors qu’il est en train de changer une roue de son 4 x 4, un ours l’attaque. Coincé sous la voiture, la jambe broyée par le châssis, Marv se fait grignoter le pied par Monsieur l’Ours. Une situation pour le moins inconfortable, qui plongerait plus d’un citadin dans le désespoir. Mais, grâce aux puissants analgésiques dont il ne se sépare jamais, Marv est résolu à tenir le coup en attendant les secours. S’engage alors un délirant monologue où il s’attache à démontrer la supériorité de l’Homo Sapiens sur le Plantigrade, et plus largement de la Civilisation sur la Nature, n’en déplaise aux écolos chevelus et autres thuriféraires de ce ringard de Thoreau. Car Marv Pushkin déteste la nature, sa femme geignarde et ses lopettes de subordonnés. En revanche, il adore son Range Rover aux sièges rabattables en cuir d’Oxford, ses vêtements de marque, ses drogues aux propriétés chimiques merveilleuses, sa maîtresse Marcia du service clients, et surtout lui-même. L’être supérieur qu’est Marv Pushkin parviendra-t-il à se tirer de ce mauvais pas – et à repartir du bon pied ? L’Ours deviendra-t-il l’avenir de l’Homme ?” (source : Nouvelles Editions Wombat)

“Mykle Hansen vit à Portland, dans l’Oregon (US). Auteur de plusieurs recueils de nouvelles (Monster CocksThe Bored, Bored PrincessRampaging Fuckers of Everything on the Crazy Shitting Planet of the Vomit Atmosphere…), publiés sous l’égide du bien nommé mouvement « Bizarro », il signe ici un premier roman résolument anti-Nature Writing. Lors de sa tournée promotionnelle aux États-Unis, Mykle concluait ses lectures en combattant un ours à mains nues. Il perdait souvent…” (source : idem)


Lire encore…

WOHLLEBEN : La vie secrète des arbres (2017)

Temps de lecture : 2 minutes >
ISBN 9782352045939

Si vous lisez ce livre, je crois que les forêts deviendront des endroits magiques pour vous aussi.

Tim Flannery, auteur de Sauver le climat

Un livre passionnant et fascinant… Wohlleben est un merveilleux conteur, à la fois scientifique et écologique.

David George Haskell, auteur d’Un an dans la vie d’une forêt

L’éditeur LES ARENES écrit : “Dans ce livre plein de grâce, acclamé dans le monde entier, le forestier Peter WOHLLEBEN nous apprend comment s’organise la société des arbres. Les forêts ressemblent à des communautés humaines. Les parents vivent avec leurs enfants, et les aident à grandir. Les arbres répondent avec ingéniosité aux dangers. Leur système radiculaire, semblable à un réseau internet végétal, leur permet de partager des nutriments avec les arbres malades mais aussi de communiquer entre eux. Et leurs racines peuvent perdurer plus de dix mille ans…

Prodigieux conteur, Wohlleben s’appuie sur les dernières connaissances scientifiques et multiplie les anecdotes fascinantes pour nous faire partager sa passion des arbres. Une fois que vous aurez découvert les secrets de ces géants terrestres, par bien des côtés plus résistants et plus inventifs que les humains, votre promenade dans les bois ne sera plus jamais la même.

Peter Wohlleben a passé plus de vingt ans comme forestier en Allemagne. Il dirige maintenant une forêt écologique. Son livre a été numéro un des ventes en Allemagne avec plus de 650 000 exemplaires vendus et est devenu un étonnant best-seller aux États-Unis. Il est traduit en 32 langues.”

WOHLLEBEN Peter, La vie secrète des arbres (Paris, Les Arènes, 2017 : traduit de l’allemand par Corinne Tresca).


D’autres évoquent les approximations, les interprétations et les erreurs, comme la très sérieuse Section 2, Forêts et filière bois, de l’Académie d’agriculture de France :

“Les mots ont été pesés un à un avant la publication, le 11 septembre dernier, d’une note de lecture par la très sérieuse section 2 « Forêts et filière bois » de l’Académie d’agriculture de France, qui regroupe d’éminents spécialistes du monde de la forêt et du bois.

En substance, l’Académie reconnaît que Peter Wohlleben a fait preuve dans son ouvrage de « beaucoup de passion et d’un sens développé de la pédagogie» et que son livre soulève «de multiples questions pertinentes sur la vie des arbres au sein des forêts».

Mais la critique pointe juste après : « Nombre de réponses qu’il apporte prêtent malheureusement le flanc à la critique: sources absentes ou non vérifiables, extrapolations non justifiées, interprétations abusives et même erreurs manifestes. » En conséquence, l’Académie d’agriculture estime que le livre de Peter Wohlleben, qui a « toute sa valeur comme expression de la subjectivité militante d’une personne, ne peut être considéré comme un ouvrage de vulgarisation scientifique… »

En lire plus sur FRANSYLVA-PACA.FR (l’article est tiré d’une publication de Forêts de France, n°609 de décembre 2017)


Plus de lecture…

DIEL P., Le symbolisme dans la mythologie grecque (Paris, Payot, 1952) : Préface de Gaston Bachelard – Introduction

Temps de lecture : 19 minutes >
DIEL P., Le symbolisme dans la mythologie grecque, Etude psychanalytique (Paris, Payot, 1952, réédité par Payot & Rivages en 2002, ISBN 9782228896061)

Extraits de l’édition de 1952 du livre fondateur de PAUL DIEL, alors chargé de recherches au C.N.R.S. : Le symbolisme dans la mythologie grecque, Etude psychanalytique. Dans son introduction à l’ouvrage, Bachelard insiste :

Quand on aura suivi Paul Diel dans les associations de mythes, on comprendra que le mythe couvre toute l’étendue du psychisme mis a jour par la psychologie moderne. Tout l’humain est engagé dans le mythe.

EXTRAITS (1952)
PRÉFACE DE GASTON BACHELARD, Professeur à la Sorbonne

I. Le domaine des mythes s’ouvre aux enquêtes les plus diverses, et les esprits les plus différents, les doctrines les plus opposées ont apporté des interprétations qui eurent chacune leur heure de validité. Il semble ainsi que le mythe puisse donner raison à toute philosophie. Êtes-vous historien rationaliste ? Vous trouverez dans le mythe le récit obombré des dynasties célèbres. N ‘y a-t-il pas, dans les mythes, des rois et des royaumes ? Pour un peu on daterait les différents travaux d’Hercule, on tracerait l’itinéraire des Argonautes. Êtes-vous linguiste, les mots disent tout, les légendes se forment autour d’une locution. Un mot déformé, voilà un dieu de plus, l’Olympe est une grammaire qui règle les fonctions des dieux. Si les héros et les dieux traversent une frontière linguistique, ils changent un peu leur caractère, et le mythologue doit établir de subtils dictionnaires pour déchiffrer deux fois, sous le génie de deux langues différentes, la même histoire. Êtes-vous sociologue ? Alors dans le mythe apparaît un milieu social, un milieu moitié réel, moitié idéalisé, un milieu primitif où le chef est, tout de suite, un dieu. Et toutes ces interprétations, qu’on pourrait étudier tout le long d’une histoire, se raniment sans cesse. Il semble qu’une doctrine des mythes ne puisse rien éliminer de ce qui fut, un temps durant, un thème d’explication. Par exemple, entre le héros solaire et le héros humain, la compétition n’est jamais vraiment éteinte. L’immense nature explique la nature profonde de l’homme, et, corrélativement, les rêves de l’homme se “projettent” invinciblement sur les grands phénomènes de l’Univers. Un étroit symbolisme coordonne les valeurs mythiques et les valeurs cosmiques. Et la mythologie devient une suite de poèmes, et la mythologie est comprise, aimée, continuée par les poètes. Est-il meilleure preuve que les valeurs mythiques restent actives, vivantes ? Et, puisque tant d’explications peuvent en être données, n’est-il pas de meilleure preuve que le mythe est essentiellement synthétique ? Dans sa simplicité apparente, il noue et solidarise des forces psychiques multiples. Tout mythe est un drame humain condensé. Et c’est pourquoi tout mythe peut si facilement servir de symbole pour une situation dramatique actuelle. Il n est aucune de ces interprétations qui n’ait, depuis un siècle, bénéficié des progrès généraux des sciences humaines. Il semble qu’à chaque génération les appareils de l’érudition se multiplient et s’affinent. Ainsi, l’homme cultivé suit-il avec émerveillement l’approfondissement de nos connaissances des mythes.

II. Dans le champ des interprétations, c’est une nuance nouvelle qu’apportent les travaux de Paul Diel.
Sans doute, on a toujours compris que les mythes et les légendes nous dévoilaient les passions radicales du cœur humain. Mais, trop souvent, la critique scientifique des documents s’est faite à partir d’une science psychologique écourtée, d’une psychologie qui donne un coefficient dominant au “bon sens”, à l’expérience commune et claire. Et il n’a pas manqué d’historiens pour s’étonner de la soudaine intervention de la psychanalyse dans l’explication des vieilles légendes et des mythes antiques.
D’autre part, bien des psychologues classiques se sont alarmés de voir qu’un vocabulaire des “complexes” puisse s’encombrer d’un vocabulaire des mythes. Quel éclairage le psychiatre procure-t-il en nommant les complexes d’Oedipe, de Clytemnestre, d’0reste, de Diane… ? Ne sont-ce pas là autant de lumières artificielles et générales susceptibles de tromper sur l’infini détail, sur l’irréductible individualité du malade ?
Mais toutes ces critiques faiblissent, si l’on veut bien prendre conscience de l’extrême puissance d’explication, aussi bien vis-à-vis du passé que du présent, que manifeste la psychologie élargie de notre temps. On n’exagérerait rien, si l’on disait que le XX* siècle est caractérisé par une pan-psychologie, comme il l’est par une pan-géométrie. On pourrait actuellement développer systématiquement la psychologie d’un pan-psychisme, psychologie généralisée qui réunirait les examens qui vont de la psychologie des profondeurs à une psychologie quasi stratosphérique dans les interprétations du rêve éveillé. Si l’on accorde une telle largeur d’examen, aussitôt les rêves et les mythes se détendent, aussitôt leur symbolisme révèle à la fois sa complexité et son unité.
Les symboles resserrés dans le destin du héros mythique, Paul Diel va les étudier psychologiquement, comme des réalités éminemment psychologiques. Jusqu’à lui, on a surtout déterminé une sorte de symbolique anagénétique, en travaillant du côté social, du côté cosmique, du côté poétique – c’est-à-dire dans les sommets de l’humain. Mais dans une telle psychologie, sans cesse interprétative, qui déplace sans cesse les significations, qui risque ainsi, partie des symboles, de finir par des allégories, n’a-t-on pas perdu le sens immédiat des symboles ?
Mais, déterminer le sens immédiat des symboles ; n’est-ce pas là une tâche qui implique une contradiction ? Un symbole ne doit-il pas suggérer un au-delà de son expression ? N’implique-t-il pas un rapport essentiel entre deux significations : un sens manifeste et un sens caché ?
Ces questions ne dérangeront plus un lecteur assidu de Paul Diel. Car il s’agit précisément de s’installer dans la pure psychologie, de partir du postulat psychologique suivant : le symbole a une réalité psychologique initiale, une réalité psychologique immédiate, ou, autrement dit, la fonction de symbolisation est une fonction psychique naturelle. Les mythes sont autant d’occasions pour étudier cette fonction toute directe de symbolisation.

III. Quelle est alors la tâche précise, extrêmement précise, que se donne l’auteur ? C’est de désigner le fond psychologique du symbolisme mythique. Il ne refuse certes pas les lumières multiples de la mythologie. Mais, plus on a “interprété”, plus il devient nécessaire, si l’on ose dire, de désinterpréter pour retrouver la racine psychologique première?
Ce problème est devenu si difficile qu’on ne peut le résoudre au niveau d’un cas particulier sans avoir compris la méthode de désinterprétation et surtout sans avoir appliqué cette méthode sur un grand nombre de cas précis.
Il faudra donc étudier le présent ouvrage d’abord dans sa première partie de pure méthodologie, ensuite dans les exemples d’application de la méthode, exemples qui jouent le même rôle que les “exercices” proposés par le mathématicien à la fin de tous les chapitres de son manuel.
Le mot qui revient dans tous ces exercices, dans l’étude de tous les mythes grecs ultra-classiques examinés ici, est le mot “traduction”. Il faut, en effet, traduire dans le langage de la panpsychologie moderne tout ce qui est exprimé dans des récits toujours simplifiés par ce que Paul Diel appelle une “banalisation”. S’agit-il du mythe d’Asclépios, “l’indice de la banalité est précisément d’oublier les besoins de l’âme pour ne s’occuper que des besoins du corps. Ils sont symbolisés par Chiron.” Pour avoir tout le mythe de la santé, il faut considérer la triade Apollon, Chiron, Asclépios, et réussir les “traductions” qui en livrent les sens psychologiques divers et désignent l’axe de la symbolisation. Quand on aura suivi Paul Diel dans les associations de mythes, quand on aura découvert avec lui une sorte d’homéomorphie des mythes en apparence très différents, on comprendra que le mythe couvre toute l’étendue du psychisme mis à jour par la psychologie moderne. Le personnage mythique a un surconscient, un moi et un subconscient. Il a son axe de sublimation et sa verticale de chute dans l’inconscient le plus profond.
Ainsi, tout l’humain -et non pas un simple aspect de l’homme- est engagé dans le mythe. Comme le dit Paul Diel : “Les mythes parlent de la destinée humaine sous son aspect essentiel, destinée consécutive au fonctionnement sain ou malsain (évolutif ou involutif) du psychisme.” Le héros lui-même et son combat représentent l’humanité entière dans son histoire et dans son élan évolutif. Le combat du héros est moins un combat historique qu’un combat psychologique. Ce combat n’est pas une lutte contre des dangers accidentels et extérieurs. C’est la lutte menée contre le mal intime qui toujours arrête ou ralentit l’essentiel besoin d’évolution. Ainsi, c’est tout le problème de la destinée morale qui est engagé dans ce livre écrit par un psychologue d’une grande finesse. Dans le détail des pages où, répétons-le, est appliquée une méthode de constante rigueur, on verra se développer, à partir de leur racine psychologique profonde, les valeurs morales qui font de l’évolution humaine une destinée morale.
Un mythe est donc une ligne de vie, une figure d’avenir plutôt qu’une fable fossile. Ortega y Gasset écrit : “L’homme n’est pas une chose mais un drame, un acte… la vie est un gérondif, non point un participe, elle est un faciendum, non point un factum. L’homme n’a pas une nature mais il a une histoire.” [cité par Gerardus van der Leeuw : L’homme et la civilisation, ce que peut comprendre le terme : évolution de l’homme. Apud : Eranos-Jahrbuch (t. XVI), 1949, P- 153-1] Plus exactement, l’homme veut vivre une histoire; il veut dramatiser son histoire pour en faire un destin.
C’est cette volonté d’histoire que les “traductions psychologiques” minutieuses et profondes de Paul Diel, mettent systématiquement à jour. On retrouve ainsi vraiment, dans l’étude des mythes que leur classicisme désigne comme des grandes histoires du passé humain qu’on pouvait penser périmées, le dynamisme toujours agissant des symboles, la force évolutive sans cesse active du psychisme humain.

Gaston BACHELARD


INTRODUCTION

L’exégèse mythologique, soucieuse de comprendre le sens des anciennes fabulations mythiques, leur trouve une signification du genre cosmique, météorologique et agraire. Elle montre que les mythes parlent des mouvements des astres et de leur influence sur les conditions de la vie humaine : saison de l’année, pluie, orage, inondations, etc. Il est clair que l’influence élémentaire exercée sur la vie terrestre par les évolutions astrales a dû impressionner au plus haut degré les hommes primitifs, et cette impression subjugante fut destinée à devenir décisive à l’époque où des peuplades errantes de chasseurs commencèrent à se fixer et à s’amalgamer, pour former des peuples agriculteurs, ce qui marque précisément le début de la création mythique. Le maintien de la vie dépendait de plus en plus de la régularité des phénomènes cosmiques et météorologiques, et l’imagination affective, fonction prédominante de la psyché primitive, incita les hommes (à peine sortis de l’ère prémythique et animiste) à y voir des forces intentionnelles, bienfaisantes ou hostiles. Ces forces se trouvèrent personnifiées par des divinités du jour et de la nuit (solaires et lunaires), et l’alternance entre l’apparition du soleil et de la lune fut imaginée comme la conséquence d’un combat que les divinités se livrent sans relâche dans le but d’aider les hommes ou de leur nuire. La saison des semailles qui précède l’hiver ainsi que le début du printemps et, finalement, tous les solstices furent marqués par des fêtes. Le lever du jour, la pluie fécondatrice, étaient reçus comme des dons, et l’homme adressa des prières aux divinités pour les remercier ou les implorer.
Cependant, si les mythes n’étaient rien de plus que l’ornement imaginatif de préoccupations d’origine utilitaire, il conviendrait de les considérer comme des affabulations naïves et arbitraires. Leur sens caché ne serait qu’un allégorisme infantile conforme à l’entendement rudimentaire d’une psyché primitive. L’intérêt que ces fables pourraient mériter, de nos jours, serait uniquement d’ordre historique, du fait que ces imaginations naïves ont donné naissance à des créations artistiques et que celles-ci sont susceptibles d’être considérées comme des documents permettant de reconstituer les croyances et les institutions, les coutumes et les mœurs de ces anciens peuples, de même que leur évolution cultuelle et culturelle, documentée par les stades successifs du style artistique.
L’unique méthode dont la mythologie pourrait user serait celle de la science historique en général, laquelle procède par des rapprochements et des recoupements, afin d’éliminer successivement les erreurs d’interprétation à l’égard des documents. La mythographie et la mythologie moderne ont pu ainsi obtenir des résultats extrêmement précieux, surtout en ce qui regarde le problème de l’interdépendance des différentes cultures mythiques et les traits caractéristiques de chacune. Afin de souligner son caractère de science historique, la mythologie fait actuellement preuve d’une tendance très prononcée à ne pas dépasser la méthode de rapprochement des documents. Il est intéressant de constater qu’il s’agit là – du moins en partie – d’une réaction très justifiée contre une ancienne forme d’interprétation à tendance faussement moralisante et dépourvue de toute méthode. Bien que la source de l’exégèse à tendance éthique remonte aux temps les plus reculés, ce courant a fini par s’épuiser et se perdre dans un terrain sablonneux aussi plat qu’aride. Mais, le fait que la trace d’un effort d’interprétation qui croit deviner à l’arrière-plan des combats mythiques une allusion aux conflits de l’homme se laisse poursuivre jusqu’à une époque qui suit de près celle de la création des fables mythiques, ne serait-il pas le signe qu’il s’agit là d’une forme d’exégèse imposée par la nature même des mythes ?
En effet, les évolutions des astres, représentées comme des combats entre divinités bienfaisantes et malveillantes, n’ont pas seulement des conséquences d’ordre utilitaire. L’immensité de ces phénomènes contraste trop avec la courte durée de la vie de l’homme pour que l’âme primitive ait pu éviter de se poser la question essentielle qui vise le mystère de l’existence : d’où vient-il que l’être humain est appelé à vivre au milieu de cette immensité qui l’effraie et qui pourtant le berce, et qu’advient-il de lui après sa mort ? – Mais, déjà, au long de la vie, l’imploration des astres divinisés ne peut avoir de sens que si l’homme lui-même remplit par son labeur et par sa discipline les conditions qui seules peuvent rendre utiles la fertilisation du sol par la pluie et le soleil. Les mortels doivent se montrer dignes de l’aide accordée par les divinités-astres dont le règne préside à la vie humaine de génération en génération et qui se trouvent appelés “les Immortels”.
A l’époque de l’épanouissement des cultures agraires, la psyché humaine a évolué vers une complexité qui est loin de la primitivité de l’animisme et même de l’allégorisme cosmique. L’imagination n’est plus seulement affective et divagante, mais expressive et symbolisante. Elle devient capable de créer des symboles, c’est-à-dire des images à signification précise ayant pour but d’exprimer la destinée de l’homme.
Ainsi s’ouvre à la contemplation le plan métaphysique, et à l’activité humaine le plan moral. L’être humain et son sort essentiel se trouvent inclus dans la symbolisation. Du fait que l’aspiration de l’homme et la bienveillance de la nature divinisée fusionnent en une commune intention et font ainsi leur rencontre sur un même plan symbolique, les hommes, en purifiant leur aspiration, peuvent atteindre l’idéal représenté par la divinité : le héros-vainqueur est symboliquement élevé au rang de divinité; et le symbole divinité peut prendre figure d’homme et venir visiter les mortels. Les divinités, qui anciennement représentaient des puissances astrales, sont devenues l’image idéalisée de l’âme humaine et de ses qualités.
La fabulation s’amplifie. Les divinités solaires et lunaires se dispersent en de multiples personnifications, et chacune se trouve caractérisée par des attributs spécifiques. Il se crée une multitude de fables qui racontent de ces divinités humanisées des aventures qui dépassent de loin les anciennes allégories relatives aux cours des astres, mais qui demeurent pourtant codéterminées par le cadre de l’ancienne signification cosmique ou météorologique. [Ainsi, Zeus, par exemple, lance l’éclair, ce qui est sur le plan de la signification météorologique une simple allégorie. Cette allégorie devient un symbolisme en s’amplifiant d’une signification à portée psychologique : Zeus devient symbole de l’esprit, et l’éclair lancé symbolise l’éclaircissement de l’esprit humain, la pensée illuminante (l’intuition) imaginée comme envoyée par la divinité secourable, source de toute vérité.] La signification symbolique qui se substitue au sens allégorique est d’ordre psychologique du fait qu’elle sous-tend l’activité intentionnelle des divinités anthropomorphisées. Les intentions symboliques des divinités n’étant que la projection des intentions réelles de l’homme, il se crée un courant d’obligations entre l’homme réel et le symbole “divinité”. L’homme se trouve, par un retour de sa propre projection idéalisante, comme “invité” à participer par son combat héroïque à la lutte que mènent pour son bien-être les divinités bienveillantes. Tout comme les anciennes imaginations à l’égard de la «lutte » des astres, ces divinités anthropomorphisées n’existent que par rapport à l’homme et ses besoins. Mais ces besoins, pour être en accord avec les intentions idéales dont le symbole est la divinité, ne concernent plus les utilités extérieures de la vie. Ils concernent de plus en plus la satisfaction essentielle, l’orientation sensée de la vie humaine : la discipline dans l’activité et l’harmonie des désirs. Cette satisfaction essentielle, le don ultime de la divinité, la joie, se réalise à travers l’activité, et même à travers l’activité utilitaire ; mais elle est déterminée par les intentions, par les désirs les plus secrets, dont la divinité devient le juge symbolique : le distributeur symbolique de la récompense et du châtiment. L’activité essentielle de l’homme, le combat héroïque, la purification des intentions, sont, symboliquement parlant, imposés à l’homme par la divinité : l’accomplissement, la purification des motifs, cause des actions justes, sont imaginés comme récompensés par la divinité ; les actions injustes, signe des intentions impures, des motifs désordonnés, provoquent l’hostilité de l’homme envers l’homme et produisent ainsi les maux terrestres, imaginés comme châtiments envoyés par la divinité. Les intentions impures se trouvent finalement figurées par des monstres que l’homme-héros doit combattre.
Ainsi, la figuration mythique, qui à l’origine ne parlait que des astres et de leurs évolutions imaginées comme une lutte entre les divinités, finit par exprimer les conflits réels et intrapsychiques de l’âme humaine.
Ici se pose le problème de toute la psychologie humaine peut-être le plus redoutable et le plus riche en conséquences et en enseignements. Il a été nécessaire de formuler, dès l’entrée dans l’analyse des mythes, la thèse du présent travail : la symbolisation mythique est d’ordre psychologique et de nature véridique. Mais cette thèse se heurte à une objection qui semble avoir pour elle toute l’évidence : comment est-il possible que le mythe ait pu symboliquement préfigurer la vérité à l’égard du conflit intrapsychique ? Il est indispensable d’esquisser dès maintenant la réponse.
L’homme primitif a vu les astres, et il a pu établir un rapport entre leurs évolutions et les phénomènes météorologiques dont dépendaient toutes les conditions de sa vie. L’imagination à tendance personnifiante étant la fonction prédominante de la psyché primitive, on voit très bien de quelle manière l’allégorisme cosmique a pu se former. Par contre, les motifs des actions humaines sont très difficiles à déceler. A la différence des astres et de tous les autres objets et événements, ils ne se présentent pas à la perception sensorielle. Affirmer la possibilité d’une prévision véridique à l’égard du conflit intrapsychique, c’est admettre l’existence dans l’homme primitif d’une sorte d’observation intime capable, sinon de comprendre, du moins de pressentir les motifs qui sous-tendent les actions sensées et insensées. Il semble que ce soit là une thèse inadmissible, à moins qu’elle ne se laisse vérifier par le fonctionnement général de la psyché humaine. Or, tel est précisément le cas. Il existe une sorte d’observation intime, aussi préconsciente que celle des mythes, mais qui est habituellement reniée, signe qu’elle est surchargée de honte. Toute la psychologie humaine est susceptible d’être développée à partir de l’analyse de cette honte et des différentes attitudes de l’homme à son égard (sublimation et refoulement). Toute la symbolisation du mythe, selon son sens caché, n’est rien autre que l’analyse de cette honte refoulante et de la valeur de l’aveu sublimant. Le fonctionnement de la psyché humaine est caractérisé encore de nos jours par un phénomène qui, pour être refoulé, n’en est pas moins évident : le fait que, sans s’en rendre compte, chaque homme use sans relâche et tout au long de sa vie d’une sorte d’observation intime à l’égard de ses motifs. Cette observation intime n’est pas en soi honteuse ; elle est même un phénomène biologiquement adaptatif, et, comme telle, elle est élémentaire et automatique comme l’instinct. Elle remplace la sûreté de l’instinct animal, car l’homme ne pourrait subsister, s’il ne scrutait pas sans cesse l’intention de toute son activité, soit pour contrôler ses propres actions, soit pour projeter dans la psyché d’autrui les connaissances ainsi acquises à l’égard des motifs humains, afin d’interpréter à leur aide les intentions de ses semblables et de trouver ainsi le moyen de s’imposer ou de se défendre. On est en droit de dire que cette introspection obscure de ses propres motifs et l’introspection projective, l’interprétation des actions d’autrui, occupent le plus clair du temps de la vie humaine ; elles sont la préoccupation la plus constante de chaque homme et la raison la plus secrète de sa manière d’être et de sa façon d’agir.
L’introspection-interprétation est souvent morbide, précisément parce qu’elle a un caractère automatique et incontrôlé. Elle se produit ordinairement au-dessous du seuil du conscient. Elle ignore la lucidité et l’objectivité qui caractérisent la pensée consciente ; elle est surchargée d’affectivité aveuglante et subjective. Moyen de défense biologique, l’introspection-interprétation a perdu la sûreté de l’instinct sans accéder à la certitude de la pensée lucide. L’espèce humaine ne peut plus régresser vers la sûreté instinctive ; pour s’orienter dans la vie, l’homme doit progresser vers la lucidité à l’égard des intentions. Mais la difficulté de cette progression évolutive fait que chaque homme dans son for intérieur se réfugie dans l’affectivité qui permet de justifier imaginativement les intentions insoutenables et de falsifier ainsi les motifs. A la nature biologique et adaptative de l’introspection-interprétation se surajoute ainsi un caractère mensonger et déformant qui devient cause de la honte secrète, à son tour susceptible d’être refoulée ou spiritualisée. La spiritualisation n’est rien d’autre que l’aveu du mensonge et, par là même, sa dissolution. Le refoulement est la réaction de loin la plus fréquente, car l’amour-propre veut que chaque homme se cache ses vrais motifs souvent inavouables et qu’il se pare de motifs pleins d’une sublimité mensongère.
Les conséquences de cette constante préoccupation extraconsciente sont de la plus haute importance tant pour la vie humaine en général que pour la formation et, partant, pour l’interprétation de cette image de la vie que sont les mythes.
Si les motifs sont faussés, les actions aussi le sont, et toute la vie humaine en souffre. C’est de cette souffrance et de la nécessité de la surmonter que parlent les mythes. Le seul moyen serait de remédier à l’interprétation erronée des motifs. Or, la nature elle-même a prévu ce palliatif. A l’amour-propre qui refoule affectivement les vrais motifs, correspond une affectivité qui dénonce le mensonge vaniteux à l’égard de soi-même, l’erreur vitale, la faute essentielle de l’homme. Cette affectivité avertissante n’est rien d’autre que la honte, mais qui se tourne contre elle-même : elle est l’appel évolutif qui se dresse contre le refoulement de la honte et qui exige sa spiritualisation. L’affect évolutif (le désir essentiel de l’homme) se manifeste -tant qu’il n’a pas trouvé satisfaction- sous la forme d’un sentiment d’angoisse à l’égard de la faute essentielle : le sentiment de culpabilité. L’angoisse coupable avertit de la rupture de l’intégrité des motifs et s’attache aux actions déficientes qui découlent des motifs faussés. Étant le pressentiment d’une erreur vitale, la culpabilité contient nécessairement la prévision obscure d’une direction sensée de la vie : elle est le germe d’une orientation vers le sens de la vie. Ce sens ne peut être que le contraire parfait de l’angoisse coupable qui répond à la rupture de l’intégrité intrapsychique : la joie qui répond à l’harmonisation des motifs et des actions. L’angoisse coupable est donc un tourment qui avertit d’une perte de joie, un regret qui exige son propre correctif. La prévision à l’égard du sens de la vie qui est inhérente à la culpabilité se complète donc d’une tendance active capable de réadapter au sens de la vie. L’ensemble de ces sentiments qui oscillent entre angoisse et joie constitue une instance biologiquement adaptative, une instance évolutive activante et prévoyante à l’égard du fonctionnement sensé et insensé du psychisme, une instance préconsciente, plus que consciente, surconsciente : la conscience. Loin d’être le résultat d’une prescription d’ordre surnaturel, l’instance surconsciente (la conscience) est le centre visionnaire d’où émane l’image mythique du sens de la vie : le symbole “divinité” (figuration de l’idéal d’harmonie et de joie) à partir duquel se sont formés tous les autres symboles concernant le combat héroïque, le combat destiné à surmonter l’erreur vitale : la fausse introspection-interprétation et son incessant calcul de justification mensongère.
Les mythes, ainsi compris, posent la psychologie devant son problème le plus essentiel : au lien de reculer devant cet abîme de subjectivité que sont les couches profondes de la psyché où s’élaborent les motifs, elle doit, sur le plan conscient, refaire ce même travail d’objectivation qu’a su effectuer sur le plan surconscient et imagé la vision mythique. Reculer devant cet effort d’élucidation serait renoncer à jamais à comprendre l’image de la vie, les mythes, et la vie elle-même.
Et, en effet, la psychologie moderne, dès qu’elle a commencé à s’occuper du conflit intrapsychique et de son analyse, s’est vue contrainte d’attacher son attention aux mythes et de s’apercevoir que ceux-ci, loin d’être des documents surannés et des fabulations arbitraires, doivent contenir une signification d’ordre psychologique et de portée très actuelle.
La psychanalyse freudienne, en étudiant les instances extraconscientes du psychisme, a découvert la fonction symbolisante. Ainsi fut établi qu’il est des productions psychiques dont la signification très précise mais préconsciente se trouve être en rapport avec le sens de la vie, avec la conduite sensée ou insensée (symptôme psychopathologique, rêve nocturne). Déjà, dans la théorie freudienne, le déploiement du sens moral (surmoi) se trouve mis en rapport avec un thème mythique (complexe d’œdipe). Une telle orientation contient déjà en germe la nécessité d’étudier la symbolisation mythique dans son ensemble et de la comprendre comme une préscience psychologique ; car, si un seul mythe renferme un thème véridique touchant le fonctionnement psychique, force est d’admettre -ne serait-ce que sous forme d’hypothèse- que tous les mythes doivent, suivant leur sens caché, traiter d’une manière véridique de la psyché et de son fonctionnement sensé et insensé. Aussi, l’école de Freud fut-elle -du moins en cette matière- dépassée par la théorie jungienne qui admettait que l’activité humaine soit déterminée en grande partie par des images-guides considérées comme innées (archétypes) qui ne sont rien d’autre que les symboles mythiques.
A l’heure actuelle, il ne peut être permis de poursuivre l’étude du fonctionnement extraconscient du psychisme sans rendre hommage à ces grands novateurs auxquels se joint Adler, dont les recherches ont considérablement aidé à l’élucidation du conflit intrapsychique. Il convient pourtant de souligner que les résultats exposés dans le présent travail sont fondés sur une méthode d’investigation qui s’éloigne radicalement de celle des auteurs cités.
Le fondement de l’étude actuelle se trouve exposé dans deux ouvrages précédemment publiés, dont l’un se présente comme une analyse du fonctionnement psychique (Psychologie de la motivation), tandis que l’autre est consacré à l’analyse du symbole central de tous les mythes (La Divinité).
La méthode d’investigation a été présentée par nous sous le nom de “calcul psychologique” car elle n’est rien d’autre que la reconstitution de ce calcul obscur de justification erronée qui se passe dans la psyché de tout homme, comme aussi dans celle du psychologue. Cette reconstitution n’est possible que gràce à l’objectivation de la faute propre et essentielle qui est celle de tous les hommes (la tendance à la fausse justification). Ainsi, cette objectivation n’a pas seulement -en tant que véridique- la valeur d’une sublimation active (dissolution de la faute essentielle) mais aussi celle d’une spiritualisation théorique (compréhension de l’erreur vitale). Une fois constitué, le calcul psychologique permet de comprendre les tenants et d’enrayer les aboutissants du calcul erroné, habituellement subconscient et incontrôlé. Il brise l’automatisme subconscient et devient ainsi -comme l’auteur l’a démontré- un instrument thérapeutique qui permet de poursuivre dans la psyché humaine en général (objet de l’étude psychologique) la décomposition ambivalente que subissent les sentiments, lorsque, exposés à la pression d’un conflit indissoluble, ils entrent en effervescence, créant ainsi l’état malsain d’exaltation imaginative. Le faux calcul subconscient crée et soutient l’exaltation imaginative ; le calcul psychologique la calme et la dissout. Or, l’exaltation imaginative est aussi pour la symbolisation mythique -on le verra- la cause fondamentale de toute déformation psychique. Ainsi, la découverte du calcul psychologique était en même temps la découverte du sens caché de la symbolisation mythique, et la preuve la plus éclatante de la véracité du calcul sera la démonstration de sa préexistence mythique.
La symbolisation mythique est un calcul psychologique exprimé en langage imagé. Si cette équation n’existait pas, la symbolisation ne pourrait avoir une véridique signification psychologique. La condition de constitution est la même pour le calcul et le symbolisme. Le calcul a comme condition, d’une part, la prévisibilité du fonctionnement psychique, c’est-à-dire sa légalité ; et, d’autre part, la possibilité de déceler cette légalité à l’aide d’une observation intime et méthodique. Or, il a été déjà démontré que ces mêmes conditions président à la constitution de la symbolisation. Dire que le mythe renferme une préscience psychologique implique deux affirmations : le fonctionnement psychique doit être prévisible et, partant, légal ; et il doit exister une instance capable de prévoir -ou du moins pressentir visionnairement par une sorte d’observation intime- cette légalité (le surconscient, la conscience).
Du fait que la symbolisation exprime la légalité (divinité) et la situation conflictuelle (combat héroïque) à l’aide d’images personnifiantes, le calcul psychologique doit être à même de retraduire en langage conceptuel les images symboliques des mythes.

La psychologie, en tant qu’elle s’occupe de cette production de l’âme humaine que sont les mythes, a donc deux problèmes à résoudre : elle doit en premier lieu analyser le fonctionnement psychique afin de mettre, d’une part, en lumière l’existence de l’instance prévoyante et symbolisante et d’élucider, d’autre part, la nature du conflit intrapsychique, matière à symboliser ; et elle doit, en second lieu, procéder à la traduction détaillée et méthodique du sens caché de la symbolisation.
Le présent travail se compose donc de deux parties qui traiteront successivement de ces deux problèmes.
Il est clair que la méthode de l’exégèse historique, si efficace soit-elle, lorsqu’il s’agit de comparer les textes et les documents mythiques, n’est plus de rigueur en vue de ce nouveau problème qui est de saisir le sens caché des symboles. L’auteur, n’étant pas mythologue, ne se reconnaît pas la compétence requise pour intervenir dans le travail, toujours en cours, de vérification des anciens textes. Il a fait confiance aux résultats acquis, rassemblés dans les ouvrages encyclopédiques.
Comme documentation principale ont été utilisés le Dictionnaire des Antiquités ainsi que les récits mythiques d’Homère et d’Hésiode.
Bon nombre de mythes sont d’une complexité inépuisable. Traduire chaque détail risquerait de conduire à une dispersion excessive. Il a donc été nécessaire de passer sous silence les thèmes secondaires de certains mythes et de suivre la ligne la plus directe qui mène à travers le développement du récit. Ceci n’est pas une omission arbitraire, car les thèmes secondaires de tel ou tel mythe se retrouvent dans d’autres mythes -bien qu’autrement symbolisés- au centre du récit et ont ainsi trouvé leur traduction. L’essentiel est de n’exclure de la traduction aucun détail du thème fondamental de chaque mythe, afin d’obtenir sans interruption le développement progressif de la signification.
Le présent travail ne veut être que l’exposé d’une méthode de traduction, ce qui justifie la limitation à un nombre restreint de mythes. Il eût été impossible de traduire toutes les fables de la mythologie grecque. Une vérification plus ample devrait pouvoir démontrer que la méthode permet la traduction non seulement de tous les mythes grecs; mais encore des récits appartenant à d’autres cultures mythiques.

Paul DIEL


Savoir lire Paul Diel…

KRAUSE : Chansons animales & cacophonie humaine

Temps de lecture : 3 minutes >
ISBN 978-2-330-06326-9

Pour la plupart d’entre nous, le monde acoustique a toujours été insaisissable -une entité sans forme et sans contour, invisible et intangible- et l’ouïe, le “sens fantôme”. En dehors des écrits sur la musique, il existe peu de mots pour expliquer la large palette d’attributs exprimés par le son, notamment dans ce domaine émergent qu’est la bioacoustique (soit l’étude des sons produits par des animaux). Et pourtant, le son s’insinue de diverses manières dans presque tous les aspects de notre vie : de connexion primale au monde naturel, il a évolué pour devenir expression musicale et langage, préservation des sons sur des supports d’enregistrement, et vacarme informe que nous, êtres humains, produisons par nos rituels quotidiens. Fait étonnant, ce n’est que récemment que nous avons pris conscience de ces liens spéciaux : nous commençons à comprendre que des caractéristiques du paysage sonore façonnent des disciplines aussi variées que la médecine, la religion, la politique, la musique, l’architecture, la danse, l’histoire naturelle, la littérature, la poésie, la biologie, l’anthropologie et les études en environnement. C’est sur l’analyse de ces connexions que repose un tout nouveau domaine de recherche : l’écologie des paysages sonores.

Les sources sonores superposées entendues par les premiers hommes, dans l’Afrique subsaharienne, étaient composées de signaux complexes. Certains revêtaient un aspect spirituel. D’autres fournissaient des informations sur les lieux, les émotions, l’état d’avancement de la chasse, la guérison. Beaucoup poussaient les hommes à chanter et à danser. Ces signaux étaient une évidence pour les premières sociétés mais, lorsque nos vies sont devenues plus urbaines, les liens qui nous unissaient à ces guides du monde naturel ont commencé à perdre leur sens, jusqu’à être purement et simplement ignorés. Depuis le début de ce rejet progressif, plusieurs milliers d’années se sont écoulés avant que l’importance de ces sons dans la culture occidentale revienne de nouveau sur le devant de la scène. A la fin des années 1970, le compositeur et naturaliste canadien R. Murray Schafer a inventé le mot soundscape, “paysage sonore”, pour désigner les multiples sources sonores qui parviennent à nos oreilles. En y accolant le terme “écologie”, j’ai pour projet de décrire les nouveaux outils qui sont à notre disposition pour évaluer les paysages vivants et les environnements marins du monde, en grande partie grâce à leur voix collectives.

Ce livre tente de répondre à cinq questions fondamentales, liées par un fil temporel, qui examinent les connexions unissant les êtres humains à leur environnement acoustique, de la fin du Pléistocène à nos jours, avant de lancer quelques pistes sur l’évolution future de ces liens.

  1. Comment l’expression “paysage sonore” a-t-elle évolué ?
  2. Comment les paysages sonores ont-ils façonné notre culture ?
  3. De quelles manières la technologie a-t-elle influencé l’avenir de ce champ d’étude ?
  4. En quoi différents points de vue (humains ou autres) révèlent-ils de nouvelles tendances dans cette discipline ?
  5. Quelles sont les applications futures possibles ou probables du paysage sonore dans les disciplines influencées par ce domaine ?

Depuis le moment où nous, les hommes, avons occupé les forêts et les plaines africaines jusqu’à notre exploration des régions les plus reculées de la planète, les sons qui nous entourent ont stimulé et peuplé notre imaginaire. Et parce que les universitaires tout comme les simples amateurs disposent aujourd’hui des moyens technologiques leur permettant de capter et de stocker du son, nous pouvons nous engager sur le chemin de la compréhension des paysages sonores. Ce sont des hypothèses pour les années à venir que je propose ici…

KRAUSE Bernie, Chansons animales et cacophonie humaine, Manifeste pour la sauvegarde des paysages sonores naturels (Arles, Actes Sud Nature, 2016)

“Depuis 1968, Bernie Krause parcourt le monde afin d’enregistrer les sons venant des paysages les plus reculés, des habitats naturels en voie de disparition et des espèces animales les plus rares. Par le biais de son association Wild Sanctuary, il a collecté les paysages sonores de plus de deux mille écosystèmes différents, aussi bien marins que terrestres.
Au travers d’exemples forts et d’histoires percutantes, Krause a construit un manifeste visant à la reconnaissance et à la protection de ces espaces sonores.
Dans son précédent ouvrage, Le Grand Orchestre animal, Krause avait attiré l’attention du lecteur sur ce que Jane Goodall décrit comme les harmonies existantes dans la nature et qui ont été détruites une à une par l’action des hommes. Dans ce nouveau livre, il défend l’idée que les secrets du monde naturel, compris dans un environnement acoustique de plus en plus restreint, doivent être préservés, non seulement dans un intérêt purement scientifique, mais également dans le but de conserver notre héritage culturel et le bien-être physique et spirituel de l’humanité…” (Actes Sud)

Lire d’autres livres…

JACQMIN : Le livre de la neige (1993)

Temps de lecture : 2 minutes >
[ISBN : 9782875680754]
“Né en province de Liège en 1929, François Jacqmin est un poète belge majeur de la deuxième moitié du XXe siècle en Belgique. Après avoir vécu plusieurs années en Angleterre pendant la deuxième Guerre Mondiale, il revient en Belgique et participe à la fondation de la revue Phantomas. Poète discret, unique, Jacqmin interroge dans toute son œuvre la possibilité d’appréhender le réel ainsi que le rapport du poète au langage. En marge de la vie littéraire, il publie tardivement un premier recueil essentiel, Les Saisons, en 1979, suivi en 1984 du Domino gris. Il meurt en 1992, deux ans après la publication de sa dernière œuvre, Le Livre de la neige…” [lire la suite]

JACQMIN François, Le livre de la neige (Bruxelles, Espace Nord, Poésie, 2016)

“Le Livre de la neige est le récit de l’extase du poète face à la nature. Les paysages enneigés, les oiseaux, les arbres qui peuplent les textes de François Jacqmin prennent vie grâce à des mots précis et à un langage limpide. Mais dans ces textes délicatement teintés d’humour, la poésie va au-delà de l’éveil de la nature pour questionner le sens. L’homme, être de langage, peut-il traduire le réel par l’écriture? Le poème parvient-il à exprimer le questionnement ou l’émerveillement que vit le sujet ? Ces interrogations propres à toute l’œuvre de Jacqmin se trouvent comme apaisées dans ce recueil où l’observation du milieu naturel amène à la méditation sur la pensée, le langage et la poésie…” [plus…]

D’aucuns utilisent le traîneau. D’autres,
leurs facultés intellectuelles.
Dans les deux cas,
on passe légèrement sur les choses.
On dérange
quelques finesses au passage.
Puis,
réticente à toute trace durable, la neige se ravise.
Tout n’aura été
qu’une problématique de la surface.

D’autres incontournables du savoir-lire :

COYAUD : Fourmis sans ombre, Le livre du haïku (1978)

Temps de lecture : 2 minutes >
[ISBN-13: 978-2859405861]
[ISBN-13: 978-2859405861]

COYAUD Maurice, Fourmis sans ombre, Le livre du haïku (Anthologie-promenade, Phébus, Libretto, Paris, 1978)

“Réédition d’un classique qui enchanta Roland Barthes, où poésie et impertinence cheminent d’un même pas. Les haïkistes nippons, dont Maurice Coyaud a rassemblé ici le plus large florilège, notaient volontiers leurs petits poèmes – trois vers, c’est tout – en marge du récit de leurs randonnées, comme autant de pauses, de points de suspension. Maurice Coyaud procède à leur manière. Son anthologie n’en est pas vraiment une et c’est tant mieux ; elle prend forme de promenade, de libre divagation à travers le Japon éternel. Écoutons ces voix qui nous disent que la poésie, même si elle n’est jamais que l’autre nom de l’indicible, ne loge pas au temple que l’on croit : elle suit les chemins vicinaux, dort dans les fossés et chausse les savates de tout le monde. Elle ne cherche rien (puisque chercher est l’un des meilleurs moyens de ne rien trouver), donnant secrètement raison au sage qui nous prévient narquoisement : Quand vous regardez, contentez-vous de regarder. Si vous réfléchissez, vous mettez déjà hors de la cible.”

Dans la jarre d’eau flotte
Une fourmi
Sans ombre

Seishi

Tout en larmes
Assis il raconte
Sa maman l’écoute

Hasuo

Il lèche la cuiller
Le gamin avec délices
Sorbet. L’été

Seishi

Une goutte de rosée
Une fourmi en devint
Folle

Seishi

Tout le monde dort
Rien entre
La lune et moi

Seifujo

L’escargot
Levant la tête
C’est moi tout craché

Shiki

Avec moi elle lutte
A qui fermera les yeux le premier
La grenouille

Issa

Chauve-souris
Cachée tu vis
Sous ton parapluie cassé

Buson

En ce monde, même
Des insectes, au chant, il y en a
Des calés, des piteux

Issa

J’ai tué l’araignée
Quelle solitude !
Nuit froide

Shiki

Verte grenouille
Tu viens de te faire repeindre
La carcasse ?

Akutagawa Ryûnosuke

Même mon ombre est
En excellente santé
Premier matin de printemps

Issa

Plus d’oiseaux
Sur le toit de cuivre rouge
Trop chaud

Kisu

L’escargot se glisse
Sous une feuille
Quelle chaleur !

Akutagawa Ryûnosuke

Le vent d’automne
Transperce les os
De l’épouvantail

Chôi

L’automne s’approfondit
Ils se vêtent de feuilles mortes
Les épouvantails

Otsuyû

L’automne est bien là
Ce qui me le fit comprendre
C’est l’éternuement

Buson

L’oiseau en cage
Les yeux envieux
Zieutant les papillons

Issa

D’autres incontournables du savoir-lire :

SOREIL : Dure Ardenne (1937)

Temps de lecture : 2 minutes >
Soreil A, Dure Ardenne (Gembloux, Duculot, 1937)
[ISBN-13: 978-2873861339]
SOREIL Arsène, Dure Ardenne (Gembloux, Duculot, 1937)
4ème édition (1947) illustrée par Elisabeth Ivanovsky

Lire la fiche-auteur Arsène SOREIL sur le site de la province du Luxembourg

“On apprend, à Alleur, le décès d’Arsène Soreil, professeur émérite de l’université de Liège, historien d’art et poète. Il était né à Rendeux, en 1893, au pays de Théroigne de Méricourt dont il aimait rappeler le singulier souvenir. Il fit ses études de philosophie et lettres à l’université de Louvain et à l’université de Paris. Il revint de la Grande Guerre avec sept chevrons de front et de… nombreux dessins. Il était doué pour l’art et il rappelait volontiers qu’il s’était initié à l’eau-forte auprès du graveur Galanis. Dès 1937, Arsène Soreil occupe à l’université de Liège une chaire d’esthétique puis il y fait un cours d’explication approfondie d’auteurs français. L’éméritat atteint en 1963, il n’en continue pas moins un cours d’esthétique à l’Institut supérieur d’histoire de l’art et archéologie, à Bruxelles. Il collabore au Soir, auquel il confie des articles consacrés aux actualités de la culture, aux Cahiers mosans et à la revue La Vie wallonne. Son livre Dure Ardenne (1933) connaîtra de nombreuses rééditions. Il s’agit de la plus touchante évocation de l’Ardenne laborieuse au début du siècle. Arsène Soreil était également l’auteur de nombreux livres de poèmes et d’essais littéraires où il a déployé une âme sensible en même temps qu’une érudition fondamentale…”

Lire la suite de l’article de Paul CASO dans LESOIR.BE (8 mars 1989)


D’autres incontournables du savoir-lire :

STEGNER : Vue cavalière (LIBRETTO, 1998)

Temps de lecture : < 1 minute >
STEGNER, Wallace Vue cavalière (LIBRETTO, 1998)
[ISBN 978-2-7529-0565-9]

… Joe Allston a toujours été plein de soi, incertain, chagrin, mécontent de sa vie, de son pays, de sa civilisation, de son métier, de lui-même. Il s’est toujours cherché dans des endroits où il n’a jamais été…

“Cet homme, alors qu’arrivent les premiers maux de l’âge, retrouve un carnet intime qui parle d’un certain voyage entrepris des années plus tôt au Danemark ; un voyage qui le fit rencontrer une femme, aristocrate de la parentèle de Karen Blixen, étrange et désargentée, belle, séduisante, connue et pourtant totalement seule. Peut-on, le temps une fois passé, revoir avec des yeux totalement neufs une vie que l’on croyait connaître ? Que disent ces mots retrouvés sur l’homme qu’il pensait avoir été ?…”

Lire la prose virilement indiscrète de Wallace STEGNER


D’autres incontournables du savoir-lire :

REAGE : Histoire d’O (JEAN-JACQUES PAUVERT, 1954)

Temps de lecture : < 1 minute >
REAGE, Pauline Histoire d’O (JEAN-JACQUES PAUVERT, 1954)
[EAN/ISBN: 9782253147664]

Pauline Réage est le pseudonyme de Anne Cécile Desclos, également dite Dominique Aury.

O EST MORTE. DOMINIQUE AURY, LE VÉRITABLE AUTEUR D’«HISTOIRE D’O», AVAIT 90 ANS. C’est seulement en 1994 que Dominique Aury, qui est morte à 90 ans dans la nuit du 26 au 27 avril dernier, avait formellement reconnu être Pauline Réage, l’auteur d’Histoire d’O, l’un des plus célèbres romans érotiques de l’après-guerre. C’était dans un long entretien donné à un journaliste du New Yorker, quarante ans tout juste après avoir publié chez Jean-Jacques Pauvert ce petit livre scandaleux, pré-facé par Jean Paulhan…”

Lire la suite de l’article d’Antoine de GAUDEMAR sur LIBERATION.FR (2 mai 1998) et lire le roman d’amour de Pauline, alias Dominique, alias Anne Cécile


D’autres incontournables du savoir-lire :

GRACQ : Un balcon en forêt (JOSE CORTI, 1986)

Temps de lecture : 2 minutes >
Ligne Maginot – Maison forte n°16 – Beau Terme (Commune de Pouru aux bois, Ardennes, FR) : restaurée pour le tournage de l’adaptation télé du roman de Julien Gracq “Un balcon en forêt”, la maison a ensuite été utilisée comme abri de chasse avant d’être laissée à l’abandon.

Depuis que son train avait passé les faubourgs et les fumées de Charleville, il semblait à l’aspirant Grange que la laideur du monde se dissipait: il s’aperçut qu’il n’y avait plus en vue une seule maison. Le train, qui suivait la rivière lente, s’était enfoncé d’abord entre de médiocres épaulements de collines couverts de fougères et d’ajoncs. Puis, à chaque coude de la rivière, la vallée s’était creusée, pendant que le ferraillement du train dans la solitude rebondissait contre les falaises, et qu’un vent cru, déjà coupant dans la fin d’après-midi d’automne, lui lavait le visage quand il passait la tête par la portière. La voie changeait de rive capricieusement, passait la Meuse sur des ponts faits d’une seule travée de poutrages de fer, s’enfonçait par instants dans un bref tunnel à travers le col d’un méandre. Quand la vallée reparaissait, toute étincelante de trembles sous la lumière dorée, chaque fois la gorge s’était approfondie entre ses deux rideaux de forêt, chaque fois la Meuse semblait plus lente et plus sombre, comme si elle eût coulé sur un lit de feuilles pourries. Le train était vide ; on eût dit qu’il desservait ces solitudes pour le seul plaisir de courir dans le soir frais, entre les versants de forêts jaunes qui mordaient de plus en plus haut sur le bleu très pur de l’après-midi d’octobre ; le long de la rivière, les arbres dégageaient seulement un étroit ruban de prairie, aussi nette qu’une pelouse anglaise…

Savourer la prose exquise et la précision de Julien GRACQ (1910-2007)


D’autres incontournables du savoir-lire :

DE KERANGAL : Réparer les vivants (GALLIMARD, Verticales, 2014)

Temps de lecture : < 1 minute >
DE KERANGAL, Maylis Réparer les vivants (GALLIMARD, Verticales, 2014)
[ISBN : 9782070144136]

Le cœur de Simon migrait dans un autre endroit du pays, ses reins, son foie et ses poumons gagnaient d’autres provinces, ils filaient vers d’autres corps.

Réparer les vivants est le roman d’une transplantation cardiaque. Telle une chanson de geste, il tisse les présences et les espaces, les voix et les actes qui vont se relayer en vingt-quatre heures exactement. Roman de tension et de patience, d’accélérations paniques et de pauses méditatives, il trace une aventure métaphysique, à la fois collective et intime, où le cœur, au-delà de sa fonction organique, demeure le siège des affects et le symbole de l’amour.

Lire le roman de Maylis de Kerangal


D’autres incontournables du savoir-lire :

LENTZ : Vladimir Roubaïev ou les provinces de l’irréel (ROBERT LAFFONT, Livre de poche, 1985)

Temps de lecture : < 1 minute >
LENTZ, Serge Vladimir Roubaïev ou les provinces de l’irréel (ROBERT LAFFONT, Livre de poche, 1985)
[ISBN : 2221048474]
“Écrivain et journaliste, homme de mer et voyageur insatiable, slave jusqu’au fond du verre et même au-delà, Serge Lentz nous offre ici la chronique d’un être aussi peu ordinaire que son destin. Après le succès des Années-sandwiches (Prix des Libraires 1982), il nous apporte à présent la saga retentissante de Vladimir Roubaïev, conspirateur et philosophe primaire, puissant donneur de claques et grand amoureux de la lune.
Vadimir Roubaïev était de taille si haute qu’il contemplait le Inonde à deux têtes au-dessus des autres, mais cette vue d’ensemble lui paraissait étrange et souvent déroutante. Élevé dans la solitude d’un jeune roi de Prusse, il avait appris à trouver ses vérités dans l’irréel et le fantastique, ce qui ne l’empêchait nullement d’exercer des passions bien terrestres. Il vécut près de cent ans sur sa terre d’Ukraine et laissa le souvenir d’un personnage légendaire qui tuait les sangliers à coups de poing, fracassait les portes avec sa tête, parlait le langage des chevaux et faisait l’amour aux nymphes des marais.
Du rire énorme à la tendresse la plus profonde, Serge Lentz renoue ici avec la tradition des conteurs inspirés, de ceux qui nous gardent éveillés durant des nuits entières et dont les acteurs étonnants continuent de vivre dans nos imaginations longtemps après être allés se reposer entre les pages du livre.” (BABELIO.COM)

Choisir sa vodka avec Serge LENTZ…

D’autres incontournables du savoir-lire :

ROTH : Portnoy et son complexe (GALLIMARD, Folio, 1970)

Temps de lecture : < 1 minute >
ROTH, Philip Portnoy et son complexe (GALLIMARD, Folio, 1970)
[ISBN : 9782070364701]
“Entre les grands idéaux humanitaires qui l’animent et les obsessions inavouables qui le hantent, Alex Portnoy, trente-trois ans, est la proie d’un insoluble conflit. Élevé dans le quartier israélite de Newark, par des parents abusifs, démesurément attachés aux principes de la tradition juive-américaine, ligoté par des tabous et des interdits, submergé de conseils et d’exhortations, il est écrasé par une culpabilité d’autant plus angoissante que la sexualité et ses déviations les plus extrêmes ne cessent de l’obnubiler. Brillant étudiant, puis fonctionnaire en vue, il n’en reste pas moins un «bubala», un bébé, aux yeux de ses parents qui lui reprochent amèrement son indépendance, sa froideur apparente et surtout son refus de fonder un foyer et d’assurer la descendance.

Ce livre, à la fois féroce et désopilant, où la tendresse alterne avec le cynisme, l’humour avec le pathétique, est une mordante satire de l’ignorance, du racisme, des préjugés et de l’intolérance sous toutes ses formes.”

Pour tous ceux qui aiment la viande de veau : un régal…

D’autres incontournables du savoir-lire :

OLAFSDOTTIR : Rosa Candida (ZULMA, 2015)

Temps de lecture : 2 minutes >

[LEPOINT.FR] “Goutte de rosée sur un perce-neige, stalactite fondant au soleil, pain d’épices sous marbré se craquelant, concert de notes cristallines, comment dire les sensations inouïes que procure cette lecture venue du Grand Nord ? “Mon petit Lobbi”, voilà comment son vieux père, veuf inconsolable mais pourtant vaillant, nomme son fils qu’il voit prendre la route un jour, loin de la maison familiale, de la présence, muette et tendre, de son frère jumeau handicapé. Arnljótur s’en va vers un pays des roses que sa mère trop tôt disparue lui a appris à aimer, c’est sa grande passion, avec celle qu’il porte au “corps”, comme il désigne l’amour physique. Le sentiment, lui, n’a pas germé encore, même lors de son étreinte fugace, de nuit, dans la roseraie, avec Anna, qui lui annonce bientôt qu’elle est enceinte. Le si jeune père montre la photo de Flora Sol, sa toute petite, à tous ceux qui croiseront son périple vers le monastère où il est attendu comme jardinier.

Le long voyage est initiatique, semé d’inattendues rencontres, tendu par la difficulté de se faire comprendre quand on parle une langue que personne ne connaît.

Et puis, un jour, Anna demande au jeune homme d’accueillir leur enfant. Tout est bouleversé. Mais tout en douceur, avec ce qu’il faut de non-dits pour que l’essentiel affleure et touche au plus profond.

Tant de délicatesse à chaque page confine au miracle de cette Rosa candida, qu’on effeuille en croyant rêver, mais non. Ce livre existe, Auður Ava Ólafsdóttir l’a écrit et il faut le lire.”

Valérie Marin La Meslée

ISBN 978-2-84304-521-9

La simplicité du désir que l’on découvre, comme une rose au matin petit, la musique du vent qui se glisse contre la peau, du mélisme sans mélo. Une prose directe, foisonnante de sobriété. Merci Madame Olafsdottir…


D’autres incontournables du savoir-lire :

STEGNER : La vie obstinée (LIBRETTO, 2002)

Temps de lecture : < 1 minute >
STEGNER, Wallace La vie obstinée (LIBRETTO, 2002)
[ISBN 978-2-85940-818-3]

“Pour certains, La Vie obstinée est bien le chef-d’œuvre de Wallace Stegner, qui obtint le prix Pulitzer en 1972 pour Angle d’équilibre. On y retrouve Joe Allston, croisé dans Vue cavalière, toujours aussi incertain, mécontent de sa vie, de sa civilisation comme de son métier et qui se cherche avec élégance, en des endroits où il n’est jamais allé. Cet insatisfait chronique s’est installé en pleine nature non loin de San Francisco pour y couler, avec sa femme, ce qu’il croit être des jours heureux…

Ce n’est pas pour rien que les romanciers de l’école du Montana, Jim Harrison en tête, considèrent Stegner comme la figure centrale de leur courant littéraire nourri des grands espaces de l’Ouest.”

S’il est quelque part une virilité pudiquement révélée, c’est dans les romans de STEGNER


D’autres incontournables du savoir-lire :

KOTZWINKLE : L’ours est un écrivain comme les autres (CAMBOURAKIS, 2014)

Temps de lecture : < 1 minute >
KOTZWINKLE, William L’ours est un écrivain comme les autres (CAMBOURAKIS, 2014)
[ISBN : 9782366241105]

“Il était une fois un ours qui voulait devenir un homme… et qui devint écrivain. Ayant découvert un manuscrit caché sous un arbre au fin fond de la forêt du Maine, un plantigrade comprend qu’il a sous la patte le sésame susceptible de lui ouvrir les portes du monde humain – et de ses supermarchés aux linéaires débordants de sucreries… Le livre sous le bras, il s’en va à New York, où les éditeurs vont se battre pour publier l’oeuvre de cet écrivain si singulier – certes bourru et imprévisible, mais tellement charismatique ! Devenu la coqueluche du monde des lettres sous le nom de Dan Flakes, l’ours caracole bientôt en tête de liste des meilleures ventes… William Kotzwinkle est l’un des écrivains américains les plus comiques : il s’en donne à coeur joie dans cette parabole animalière hilarante, irrésistible satire des milieux littéraires et médiatiques.” Souriez souvent au fil des pérégrinations de ce Janus à poils


D’autres incontournables du savoir-lire…

DE LUCA : Montedidio (GALLIMARD, Folio, 2002)

Temps de lecture : < 1 minute >

 

Chacun de nous vit avec un ange, c’est ce qu’il dit, et les anges ne voyagent pas, si tu pars, tu le perds, tu dois en rencontrer un autre. Celui qu’il trouve à Naples est un ange lent, il ne vole pas, il va à pied : “Tu ne peux pas t’en aller à Jérusalem”, lui dit-il aussitôt. Et que dois-je attendre, demande Rafaniello. “Cher Rav Daniel, lui répond l’ange qui connaît son vrai nom, tu iras à Jérusalem avec tes ailes. Moi je vais à pied même si je suis un ange et toi tu iras jusqu’au mur occidental de la ville sainte avec une paire d’ailes fortes, comme celles du vautour.” Et qui me les donnera, insiste Rafaniello. “Tu les as déjà, lui dit celui-ci, elles sont dans l’étui de ta bosse.” Rafaniello est triste de ne pas partir, heureux de sa bosse jusqu’ici un sac d’os et de pommes de terre sur le dos, impossible à décharger : ce sont des ailes, ce sont des ailes, me raconte-t-il en baissant de plus en plus la voix et les taches de rousseur remuent autour de ses yeux verts fixés en haut sur la grande fenêtre.

ISBN : 9782070302703

La puissance de la sobriété en peu de pages…


D’autres incontournables du savoir-lire :

FOIS : Mémoire du vide (SEUIL, 2008)

Temps de lecture : 2 minutes >

[EAN 9782020934039]
“On l’appelait le tigre de l’Ogliastra : Samuele Stocchino fut le plus redoutable bandit sarde du siècle dernier. Par une nuit de pleine lune, pour un simple verre d’eau refusé alors qu’il rentrait à pied avec son père, son destin fut scellé.

A seize ans, ce fils de paysans s’engage dans l’armée et part lutter d’abord contre les Turcs en Libye, puis contre les Autrichiens pendant la Grande Guerre; décoré à maintes reprises, il rentre en héros dans son village d’Arzana. Mais rien n’y fait car, sa mère le sait, il a le cœur en forme de loup, anguleux comme celui des assassins. La guerre lui a enseigné à tuer et lorsqu’il apprend la mort de son frère, son âme de justicier prend le dessus ; mais les dizaines de meurtres qu’il commet ne parviennent pas à assouvir sa soif de vengeance. Seul l’immense amour que lui porte depuis toujours Mariangela le soulage parfois, adoucissant un peu la violence qui domine toute sa vie.

Autour de ce personnage à la fois historique et légendaire, véritable croquemitaine des enfants sardes, Marcello Fois construit un récit ample et limpide, animé par un formidable sens épique et dans lequel la voix populaire côtoie sans cesse le registre de la tragédie grecque.

Marcello Fois est né à Nuoro (Sardaigne) en 1960 et vit aujourd’hui à Bologne. Dans tous ses romans, traduits en de nombreuses langues, il s’appuie sur la distance pour ajuster son regard sur son île natale.

Lire ce roman rocailleux traduit de l’italien par Jean-Paul Manganaro

D’autres incontournables du savoir-lire :

DURRELL : Le quatuor d’Alexandrie : Justine (LE LIVRE DE POCHE, La Pochothèque, 2003)

Temps de lecture : 2 minutes >
DURRELL Lawrence, Le quatuor d’Alexandrie : Justine (LE LIVRE DE POCHE, La Pochothèque, 2003)

Je ne suis ni heureux ni malheureux : je vis en suspens, comme une plume dans l’amalgame nébuleux de mes souvenirs. J’ai parlé de la vanité de l’art mais, pour être sincère, j’aurais dû dire aussi les consolations qu’il procure. L’apaisement que me donne ce travail de la tête et du cœur réside en cela que c’est ici seulement, dans le silence du peintre ou de l’écrivain, que la réalité peut être recréée, retrouver son ordre et sa signification véritables et lisibles. Nos actes quotidiens ne sont en réalité que des oripeaux qui recouvrent le vêtement tissé d’or, la signification profonde. C’est dans l’exercice de l’art que l’artiste trouve un heureux compromis avec tout ce qui l’a blessé ou vaincu dans la vie quotidienne, par l’imagination, non pour échapper à son destin comme fait l’homme ordinaire, mais pour l’accomplir le plus totalement et le plus adéquatement possible. Autrement pourquoi nous blesserions-nous les uns les autres ? Non, l’apaisement que je cherche, et que je trouverai peut-être, ni les yeux brillants de tendresse de Mélissa, ni la noire et ardente prunelle de Justine ne me le donneront jamais. Nous avons tous pris des chemins différents maintenant; mais ici, dans le premier grand désastre de mon âge mûr, je sens que leur souvenir enrichit et approfondit au-delà de toute mesure les confins de mon art et de ma vie. Par la pensée je les atteins de nouveau, je les prolonge et je les enrichis, comme si je ne pouvais le faire comme elles le méritent que là, là seulement, sur cette table de bois, devant la mer, à l’ombre d’un olivier. Ainsi la saveur de ces pages devra-t-elle quelque chose à leurs modèles vivants, un peu de leur souffle, de leur peau, de leur inflexion de leur voix, et cela se mêlera à la trame ondoyante de la mémoire des hommes. Je veux le faire revivre de telle façon que la douleur se transmue en art… Peut-être est-ce là une tentative vouée à l’échec, je ne sais. Mais je dois essayer…

Savourer les quatres romans en(tre)lacés du Quatuor d’Alexandrie : Justine, Balthazar, Mountolive, Clea (ISBN: 9782253132752)

Justine est également devenu un film de George CUKOR (1969) avec Anouk Aimée

D’autres incontournables du savoir-lire :

ROSE : Pourvu qu’elle soit rousse (LA MUSARDINE, 2013)

Temps de lecture : 2 minutes >
ROSE Stéphane, Pourvu qu’elle soit rousse (LA MUSARDINE, 2013)

“C′est l′histoire d′un homme qui aime les rousses. Petite ou grande, svelte ou dodue, jeune ou moins jeune, peu lui importe… pourvu qu′elle soit rousse. Inscrit sur Meetic où il discute avant de faire l′amour avec des rousses sans aucun autre critère de sélection que la couleur de leurs cheveux, il n′est pourtant jamais rassasié de leurs charmes. Qui se cache derrière ce collectionneur de rousses ? Obsédé sexuel monomaniaque ? Don Juan du site de rencontres ? Entomologiste de la femme rousse ? Le sait-il seulement lui-même ? Son parcours initiatique dans les arcanes de la rousseur le lui dira. À la croisée du roman obsessionnel, du carnet de route pornographique et du road-movie introspectif, Pourvu qu′elle soit rousse se veut avant tout un éloge féministe de la différence et de la singularité.” (LAMUSARDINE.COM)

“En matière de femmes, le héros de ce livre n’a qu’un critère : pourvu qu’elle soit rousse ! C’est son unique désir, son fantasme moteur, en un mot : son obsession. Petite ou grande, svelte ou dodue, jolie ou moche, peu lui importe, car c’est dans la rousseur qu’il puise son désir… et sur Meetic qu’il trouve de quoi l’assouvir, à la mesure de son appétit érotomane démesuré. Elles sont donc nombreuses à défiler dans son lit, les naïades rousses de tous âges, sensibilités et origines sociales, mais dans quel but ? Qui se cache derrière notre amant collectionneur ? Obsédé sexuel ? Dom Juan du site de rencontre ? Entomologiste maniaque obnubilé par la fameuse « odeur des rousses » dont il cherche à percer le secret ? En filigrane d’une enquête sur les préjugés relatifs à la rousseur, son obsession l’amène à rencontrer les rousses qui l’aideront à répondre à ces questions. Mais l’odeur qui guide son désir ne se laisse pas si aisément capturer et ses proies lui causent bien des tourments. Car à être rousse on n’en est pas moins femme…” (BABELIO.COM)

“Connu pour être un des auteurs et présentateurs de la cérémonie des Gérard sur Paris Première, Stéphane Rose est aussi journaliste dans la presse magazine et sur le web, auteur pour Nicolas Canteloup, directeur de collection et attaché de presse à la Musardine et auteur de plusieurs livres en littérature jeunesse, humour ou sexualité. Pourvu qu′elle soit rousse est son premier roman.”

Trouver la rousse éternelle de Stéphane ROSE (ISBN : 9782809803914)

D’autres incontournables du savoir-lire :

CURVERS et al : Il était douze fois Liège (MARDAGA, 1980), nouvelles de CURVERS, THINES, COMPERE…

Temps de lecture : < 1 minute >
CURVERS Alexis et al., Il était douze fois Liège (MARDAGA, 1980), nouvelles de CURVERS, THINES, COMPERE…
  1. Une clef architecturale de l’Agneau mystique des frères Van Eyck par Alexis Curvers
  2. La bibliothèque du château par Georges Thinès
  3. Liège au loin par Gaston Compère
  4. Escaliers de Liège par Jacques Izoard
  5. La grande grève et le bruissement des chapelets par Conrad Detrez
  6. Le château du parc par Irène Stecyk
  7. La femme sans tête par Yves Lebon
  8. Histoire du voyage de Liège à Paris par René Swennen
  9. Les jeudis de Coronmeuse par Bernard Gheur
  10. La nuit des incubes par Jean-Pierre Bours
  11. Fables et fragments d’enfance par Jean-Pierre Otte
  12. Le printemps de Liège par Claude Godet

Trouver le recueil (2870093136)

D’autres incontournables du savoir-lire :

QUAGHEBEUR : Anthologie de la littérature française de Belgique (RACINE, 2006)

Temps de lecture : < 1 minute >
QUAGHEBEUR Marc, Anthologie de la littérature française de Belgique (RACINE, 2006)

“Parcourir, à travers soixante textes, les deux derniers siècles de la production littéraire francophone en Belgique, tel est le défi que se fixe ce volume. Il plonge le lecteur dans l’extraordinaire prolifération d’une littérature qui ne cesse d’osciller entre réel et surréel tant le rapport à l’Histoire, à la langue, à la forme et au mythe se joue sans cesse en décalages subtils, patents ou cachés, avec les modèles français.

Réparti en cinq grandes étapes chronologiques, ce livre va de Moke, dont le premier roman, Le Gueux de mer, date de 1827, à Amélie Nothomb en passant par De Coster, Maeterlinck, Thiry, Dotremont, Mertens, Lamarche, Louvet… Il donne en outre aux lecteurs des indications sur la production en langue romane dans nos contrées jusqu’à la fin du XVIIIe siècle et comporte des notices sur chacun des soixante auteurs retenus.”

Feuilleter l’anthologie de Marc QUAGHEBEUR
(2-87386-466-8)

D’autres incontournables du savoir-lire :

MARLIERE : Anthologie de l’humour belge (JOURDAN, 2012)

Temps de lecture : < 1 minute >
MARLIERE Bernard, Anthologie de l’humour belge (JOURDAN, 2012)

Du Prince de ligne à Philippe Geluck

Existe-t-il une spécificité dans la manière d’appréhender l’humour chez les quatre millions de francophones que compte la Belgique ? La réponse est positive. De Tyl Ulenspiegel au Chat de Philippe Geluck, de Beulemans à Toine Culot, des Surréalistes à Benoît Poelvoorde, le comique belge se nourrit d’un cocktail riche en autodérision, en absurde et en déraison, épicé parfois d’accents savoureux et de tournures insolites. Ce recueil propose les textes les plus significatifs, anciens et récents, des Belges qui font rire. Bernard Marlière a enseigné le français, de l’Afrique centrale à la Sibérie, privilégiant l’accès à la littérature de Belgique. Directeur de l’Os à Moelle, le café-théâtre mythique niché sous la maison natale de Jacques Brel, il a présenté sur sa scène le gratin des humoristes de son pays, et leur a déjà consacré deux recueils. C’est donc en parfaite connaissance de cause qu’il a opéré la sélection des textes d’humour de cette anthologie.”

Découvrir une bien bonne dans le recueil de Bernard MARLIERE
(ISBN : 978-2-87466-244-7)


D’autres incontournables du savoir-lire en Wallonie-Bruxelles…