“Pour les Danois, je suis islandais. Pour les Islandais, je ne le suis pas tout à fait” (Olafur Eliasson). L’artiste dano-islandais Olafur Eliasson, naît en 1967 à Copenhague.
Olafur Eliasson part du principe qu’il existe une contradiction entre l’expérience et la connaissance que l’on a du visible, ce qui le pousse à explorer, à travers les frontières de la perception humaine, les relations entre nature, architecture et technologie.
En combinant science et technologie avec la production artificielle de phénomènes naturels (lave, brouillard…), Olafur Eliasson plonge le spectateur dans une expérience aussi bien psychologique que physiologique qui lui permet de questionner le familier, le banal et les différences entre nature et culture.
Les œuvres d’Olafur Eliasson ont fait l’objet de nombreuses expositions individuelles dans les musées et galeries du monde entier, parmi lesquelles l’installation Weather Project, exposée avec succès en 2003 dans le cadre des Unilever Series à la Tate Modern de Londres. Ses travaux sont présents dans plusieurs collections publiques ou privées, notamment au Musée Solomon R Guggenheim de New York, au Musée d’Art Contemporain de Los Angeles, à la Fondation Deste d’Athènes et à la Tate Modern. Olafur Eliasson représente le Danemark à la Biennale de Venise en 2003.
Je suis né à Copenhague de parents islandais, mariés à 18 ans, divorcés à 22 ans. J’ai donc passé très vite mes vacances en Islande chez mes grands-parents, près de Reykjavík, dans un port tout au fond d’un fjord. Ma famille vient d’une lignée de pêcheurs, comme 99 % des Islandais. Nous étions une bande de gosses à jouer avec la marée qui monte sans prévenir, d’un coup, dans les fjords, à récupérer dans la mer les balles du club de golf voisin, puis à les lancer à toute force sur les carcasses de voitures dans la casse en contrebas. Cela faisait de la musique ! Rien de romantique, mais la liberté des sens en éveil.
Olafur Eliasson est un artiste et architecte contemporain danois dont la pratique englobe sculpture, installation participative, peinture, photographie, vidéo… Artiste conceptuel pluridisciplinaire, Olafur Eliasson développe un travail explorant la formation de la subjectivité (perceptions, expériences vécues, sens du soi…). Depuis ses débuts, la lumière et les phénomènes chromatiques (avec leurs multiples ramifications perceptuelles et conceptuelles) jouent un rôle nodal dans son œuvre. Jusque dans la manière dont la lumière et les phénomènes visuels modèlent le rapport à l’espace, au contexte, à la façon d’habiter. En 2016, Olafur Eliasson aura été invité à exposer à Versailles, dans le château du Roi-Soleil. Un lieu parfait pour son œuvre, compte tenu de la galerie des Glaces, notamment. Il y expose alors de multiples pièces miroitantes (Your sense of unity, Deep Mirror…). (…)
Olafur Eliasson : des installations et sculptures explorant la perception et l’impact de la lumière, des couleurs
Olafur Eliasson a grandi entre le Danemark et l’Islande (dont sont alors originaires ses parents). Il a étudié à l’Académie Royale des Beaux-Arts du Danemark (1989-1995). Après son diplôme, il s’installe à Berlin et crée le Studio Olafur Eliasson. Atelier-entreprise, celui-ci rassemble, deux décennies plus tard, près d’une centaine d’artisans, architectes, techniciens spécialisés, archivistes, administrateurs, développeurs, historiens d’art, cuisiniers… Ses premières œuvres, conceptuelles, recourent à de multiples dispositifs optiques. Projection lumineuse (Window Projection, 1991) ; miroir et bougie allumée (I grew up in solitude and silence, 1992) ; lentilles optiques (Untitled (Looking for love), 1993) ; phénomènes de prisme (Beauty, 1994)… Soient des thèmes et phénomènes qu’il ne cesse de reprendre et d’approfondir au fil de ses œuvres. En accentuant les phénomènes, les complexifiant, les incluant dans des mécanismes et installations de plus en plus élaborés. À l’instar de l’installation Care and power sphere (2016), présentant de multiples facettes en verre dichroïque.
La lumière productrice d’intersubjectivités : architecture, urbanisme et compagnie d’électricité
Marqué par la dynamique lumineuse singulière des nuits (et jours) polaires, le travail d’Olafur Eliasson explore l’influence que la lumière (et les couleurs) peut avoir sur la perception de soi et de l’environnement. La lumière et les couleurs étant ici traitées tour à tour comme des phénomènes objectifs et subjectifs. Ou comme des phénomènes créant de l’intersubjectivité. Telles ses œuvres Rainbow assembly (2016), Visual mediation (2017), Midnight sun(2017)… Exposé dans le monde entier, Olafur Eliasson a également participé à la Biennale de Venise, d’art et d’architecture (2003, 2006, 2010, 2012, 2017…). En 2012, avec l’ingénieur Frederik Ottesen il fonde la société Little Sun. Une structure qui produit et vend une lampe solaire, tout en fournissant de l’électricité à prix abordables. En 2014, avec l’architecte Sebastian Behmann il fonde le Studio Other Space, à Berlin. Soit une agence se consacrant à des projets architecturaux et urbains expérimentaux.
Né à Liège en 1983, Benjamin MONTI a participé à des fanzines notamment le collectif Mycose fin des années 90. Représenté par la Galerie Nadja Vilenne (Liège) depuis 2010, il participe à de nombreuses expositions en Belgique et à l’étranger.
L’artiste travaille d’après des images anciennes de la fin du 19e, début 20e siècle, tirées d’ouvrages se référant essentiellement à l’apprentissage : “leçons de choses”, manuels scolaires et scientifiques, dictionnaires, etc. Il hybride des images existantes de manière ludique pour en créer de nouvelles comme dans un collage mais au moyen du dessin à la plume. Il se situe dans un univers onirique, fantasque et décalé. L’œuvre présentée est au départ un dessin à l’encre de chine (format carré noir/blanc). Ce dessin est réinterprété par David Ritzinger de l’association La Belle Époque qui en a modifié le format et choisi les couleurs. (G. Vruna)
Passionnée par le dessin, l’artiste entretient un rapport intime avec ses sujets. Elle réalise des portraits, des paysages. La méticulosité du dessin rejoint la finesse du cadrage et le travail d’impression. Le travail de la pointe sèche travaille les nuances, entre noir et lumière, avec préciosité du papier choisi. Cette gravure, par la centralité du médaillon évoque une fenêtre sur un paysage, un jeu d’effacement d’une scène dont on ne garderait qu’un détail, ou encore un objet représentant avec préciosité et délicatesse un motif montagneux.
[EDITIONLATELIERCONTEMPORAIN.NET] Acteur et témoin de plusieurs mouvements expérimentaux d’après-guerre, dont ceux du surréalisme-révolutionnaire et de Cobra, historien des arts impliqué dans l’histoire qu’il raconte, théoricien emporté cependant à l’écart de la théorie par sa fidélité à la confusion des sensations immédiates, telles sont les facettes de Christian Dotremont que révèlent ses nombreux écrits sur l’art, la littérature et le cinéma. À leur lecture, c’est d’abord comme si on déroulait plusieurs fils de noms, qui retracent certaines constellations artistiques et intellectuelles majeures de son époque, dans ce qu’elles eurent de tumultueux et de vivant.
On croise ainsi, évoquées à travers leurs œuvres comme à travers leur existence quotidienne, de grandes figures du milieu artistique belge, tels René Magritte et son “anti-peinture” traversée d’humour et de poésie, ou Raoul Ubac et la “forêt de formes” de ses photographies, mais aussi du surréalisme parisien, tels Paul Éluard accomplissant sa “grande tâche lumineuse” dans la nuit de 1940, Nush Éluard servant du porto rue de la Chapelle, ou Pablo Picasso dans son atelier rue des Grands-Augustins, occupé à faire du café et à dessiner sur des pages de vieux journaux, en ces temps de pénurie de papier. On croise également des personnages plus inattendus, comme Gaston Bachelard, lecteur des Chants de Maldoror, Jean Cocteau, “délégué de l’autre monde“, ou Jean-Paul Sartre, travaillant frénétiquement à sa table du Dôme, et s’interrompant pour lire avec bienveillance les poèmes que lui soumet jeune Christian Dotremont. Mais celles et ceux dont il esquisse les portraits les plus denses, ce sont les artistes de Cobra, qui de 1948 à 1951 fut “une somme de voyages, de trains, de gares, de campements dans des ateliers”, une manière de travailler en “kolkhozes volants“, entre Copenhague, Bruxelles et Amsterdam. Entre autres, sont évoqués avec une finesse critique particulière Asger Jorn, qui avec ses toiles “sème des forêts” à l’écart des dogmes, Pierre Alechinsky, dont la peinture est “comme un coquillage où s’entend l’orage“, Egill Jacobsen, inventant des “masques criants de vérité chantée“, Erik Thommesen, dont les sculptures sont “un grand mystère trop émouvant pour être expliqué“, ou Sonja Ferlov, qui réconcilie “la pierre et l’air“…
Dans les textes qu’il consacre à ses amis et amies artistes, on retrouve la musique et les images obsédantes qui travaillent aussi sa poésie, telle l’image de la forêt, pour dire chaque fois les surgissements de la trame illisible du monde qui le fascinent. Artiste révolutionnaire, déçu pourtant par l’étroitesse des conceptions esthétiques communistes, il se fait théoricien d’un art du non-savoir, contre la propension à ordonner et à policer du “réalisme-socialiste“. Il s’agit avant tout pour lui de ne pas trahir “toutes ces confuses sensations que nous apportons nuit et jour“. Cela, seule une écriture affirmant sa dimension graphique le peut vraiment. Lignes discursives et lignes expressives doivent être pensées et tracées ensemble, comme en attestent ses logogrammes ou les “peintures-écritures” de Cobra. À ses yeux, l’écrivain est un artiste, voire un artisan ; les gestes de sa main sont ce qui compte avant tout. Ses écrits sur l’art manifestent sa volonté de réconcilier la dimension intellectuelle et la dimension matérielle de l’écriture, le verbe et l’image, de même, dit-il, que sont réconciliés la création et l’interprétation dans le jazz. L’écrivain doit être, selon ses termes, “spontané” et “sauvage“.
ISBN 978-2-85035-073-3
DOTREMONT Christian, Dépassons l’anti-art (édité par Stéphane Massonet, l’ouvrage est publié avec le concours du Centre national du livre et de la Fondation Roi Baudoin par L’Atelier contemporain, 2022).
Stéphane Massonet est né à Bruxelles en 1966. Après un doctorat en philosophie sur l’esthétique de l’imaginaire, il publie les textes de Roger Caillois sur l’art, Images du labyrinthe (2008), et les écrits poétiques, Aveu du nocturne (2018). Il s’intéresse à l’avant-garde, au dadaïsme, au surréalisme belge et à Cobra. Il publie Dada Terminus (1997), un roman inachevé de Christian Dotremont intitulé Le papier à cigarette de la nécessité (2007) et coordonne le numéro de la revue Europe consacré au poète belge en mars 2019. Il est également l’auteur de Dotremont et le cinéma (2021).
Extraits :
Il fait si gris, si médiocre, si vieux dans le monde qui nous est proposé qu’un trait d’encre nous touche au cœur comme une flèche, qu’une tache de couleur fait mouche sur lui, et joyeusement fait boule de neige dans l’immense parc solitaire et glacé. C’est que le trait d’encre, la tache de couleur ont tout ensemble les empreintes de l’homme et le prestige de la matière, tandis que le monde qui nous est proposé efface nos empreintes (il préfère les traces de la radioactivité) et n’accorde plus à la matière que le prestige de nous menacer.
Dans le parc solitaire et glacé les ombres qui passent font encore des chinoiseries : Eh quoi, nous disent-elles, eh quoi vous jouez ! Parfaitement, Ombres, nous jouons, nous nous amusons, Alechinsky s’amuse (qui va au cœur de la matière avec le sien), Van Roy s’amuse (qui se fait architecte des mirages de Derrière l’Œil), Bury s’amuse (qui en a eu marre de lécher les St-Honoré du trompe-l’œil), Collignon s’amuse (qui peint les champs où la couleur est son propre engrais), Welles s’amuse (qui le jour fait de la menuiserie), Corneille, François et Claus s’amusent, et Burssens et Vlérick et Bergen et de Coninck s’amusent, et Yvonne Van Ginneken s’amuse, et s’amusent contre vous. Nous ne pensons pas que pour être de son temps il faille s’embêter : nous pensons que derrière le temps de chien qui nous est fait, le temps du plaisir attend, et déjà c’est le nôtre. Plus loin que vos tristes parades, derrière les maisons, après la banlieue, derrière le terrain vague où vous jetez vos vieilles idées (dont d’autres font de nouvelles cravates), s’étend la grande plaine de jeux de la peinture expérimentale, de la jeune peinture, de la peinture qui refuse d’être l’ombre des Ombres ! Nous jouons avec le soleil, avec la mer, avec les cheveux de Gradiva, avec les cailloux, avec la pâte, avec le bois, comme des enfants : nous désapprenons vos leçons de morte morale, de nature morte, de mort générale.
Je connais ton nom, mon amour, je connais le goût de ton sommeil, la chaleur de ton épaule, je connais grâce à toi la forêt noire, l’odeur des branches de sapins brûlées, je connais grâce à Van Gogh l’intensité de l’été provençal de 1888 – et je n’y comprends rien, mais je vis. Je me souviens de la tache de soleil sur tes cheveux, de la courbe de ton geste, et je n’y comprends rien, et je souhaite de n’y jamais rien comprendre – car je souhaite vivre. Je défendrai « toutes ces sensations confuses que j’ai apportées en naissant », toutes ces confuses sensations que nous nous apportons nuit et jour.
Sculpteur, Olivier BOVY (né en 1979) développe dans ses recherches et réalisations un questionnement sur le corps humain. Il aborde plus précisément sa position et son interaction avec le monde. Ses premières réalisations prennent la forme d’objets inspirés de la physionomie humaine ; des organes et appendices qui – très souvent – se greffent aux corps. Sobres et énigmatiques, elles fonctionnent en tant qu’éléments esthétiques pourvus d’une fonction de communication. Par la suite, la dimension sonore prend une place grandissante dans son travail. Par ailleurs, l’artiste est soucieux de présenter ses créations dans des espaces publics généralement peu fréquentés par l’art contemporain. Il joue du contraste entre l’intimité de ses réalisations et l’universalité de son propos. (d’après Bénédicte Merland, SPACE-COLLECTION.ORG)
Cette œuvre d’Olivier Bovy a été réalisée spécialement pour l’Artothèque. Elle découle d’une réflexion sur l’appropriation de l’œuvre par les emprunteurs, ainsi que sur la volonté de désacraliser l’œuvre. Si “Peanuts” signifie cacahuètes en anglais, cela peut également vouloir dire “bagatelle”, “rien” ou pas grand-chose… Les cinq cacahuètes moulées en bronze sont accompagnées d’une série de règles à respecter pour l’emprunteur, invitant ce dernier à “jouer le jeu” très sérieusement (on notera l’invitation à “ne pas manger les cacahuètes”)
Diplômé de l’Académie des beaux-arts de Guangzhou et formé auprès des grands maîtres taoïstes, Yang Jiechang manie le pinceau depuis l’âge de 3 ans. Initié à la calligraphie et à la peinture chinoise traditionnelle, l’artiste est invité à se rendre à Paris afin d’y exposer ses œuvres dans l’exposition mythique du Centre Pompidou en 1989, Les Magiciens de la Terre. Cette invitation change le cours de sa vie et il décide de s’installer définitivement en France.
La série d’œuvres exposée, Cent couches d’encre, sera développée par l’artiste jusqu’au début des années 2000. Elle s’identifie par l’emploi en épaisseur de couches successives d’encre traditionnelle, obtenue par distillation de charbon de bois de cyprès, de différentes huiles essentielles, résines et extraits de plantes médicinales ; le traitement précis du papier de riz et des bandes de gaze permet à l’artiste de fixer la matière en épaisseur, par la répétition, et de jouer à la fois du relief et de la brillance sur fond mat. Devenues figuratives, ses peintures récentes sur soie de style Gong-bi maintiennent la technique de l’artiste bien maîtrisée consistant à tenir son minuscule pinceau dans un axe parfaitement vertical au support, afin d’y impulser dans l’instant un trait clair, prononcé et pointu.
L’usage de la céramique ou de la sculpture dans l’œuvre Underground Flowers (1989-2009) est une extension calligraphique, sur un nouveau support, de ce que l’artiste ne peut réaliser en peinture. Composée de 2009 os en porcelaine de la Dynastie Ming (1368-1644) présentés dans des caissons en bois, elle incarne une réflexion sur le temps et les bouleversements politiques mondiaux surgis entre 1989 et 2009. Initialement créée pour la Biennale de Lyon, l’installation est exposée en 2015 lors de La Chine Ardente à Mons (Belgique), au Muséum d’Histoire Naturelle (Hors les Murs FIAC 2015) et à la galerie au sein de Quinte-Essence, air – eau – terre – feu – éther en 2015 (…).
En 2017, l’œuvre Allah, Jesus, Buddha and your Bones est présentée lors de l’exposition Corps et Âmes et Chuchotements de la Terre à la galerie [Jeanne Bucher Jaeger] (…) Afin de célébrer les 30 années de collaboration avec Yang Jiechang, la galerie organise en 2019 l’exposition Dark Writings, en résonance avec la rétrospective majeure intitulée Three Souls and Seven Spirits qui lui est consacrée au Shanghai Minsheng Art Museum.
Invité à la Manufacture de Sèvres, Yang Jiechang a collaboré avec les artisans décorateurs de la Manufacture en utilisant la technique oubliée de la pâte-sur-pâte pour la réalisation de son œuvre Tale of the 11th Day. L’artiste signe une série de onze vases intitulée Tale of the 11th Day ou Conte du 11ème Jour exposée d’octobre à décembre 2021 à la Galerie de Sèvres, Paris, puis présentée au Musée Guimet du 6 juillet au 24 octobre 2022 dans le cadre de la Carte Blanche que le Musée national des arts asiatiques – Guimet consacre à l’artiste.
Né en 1956 à Foshan en Chine, Yang Jiechang manie le pinceau depuis ses trois ans. Diplômé de l’Académie des Beaux-Arts de Guangzhou et formé par de grands maîtres taoïstes, c’est auprès d’eux qu’il est initié à la calligraphie et à la peinture chinoise traditionnelle, dont il s’inspire énormément dans ses œuvres.
En 1989, Yang Jiechang participe à l’exposition Les Magiciens de la Terre au Centre Pompidou (Paris). C’est un coup de foudre pour la capitale française et l’Europe en général, au point qu’il choisit de s’y installer. Il vit et travaille toujours aujourd’hui entre Paris et Heidelberg en Allemagne. Depuis 1989, l’artiste a participé à des expositions et biennales dans le monde entier, comme la Gwangju Biennale (2002), la Biennale de Venise (2003), la Guangzhou Triennale (2003/2005), La Force de l’Art, première Triennale de Paris (2006), la Liverpool Biennale (2007), la Biennale d’Istanbul (2007), la Biennale de Moscou (2009), le French May (Hong Kong 2001/2015), le Metropolitan Museum (New York, 2013), Carambolages (Grand Palais, Paris, 2016), Art and China after 1989: Theater of the World (Guggenheim Museum, New York, 2017/2018), The Street (Maxxi, Rome, 2018), Minsheng Art Museum (Shanghai, 2019).
Tale of the 11th Day
Pour sa collaboration avec la Manufacture de Sèvres, Yang Jiechang réinvente une de ses œuvres, déjà intitulée Tale of the 11th Day : une série de tableaux mêlant les techniques de peinture traditionnelle chinoise et sa touche propre.
Cette série de tableaux et la série de vases qui en découlent sont inspirées du Décaméron de Boccace. Ecrit aux alentours de 1350, l’ouvrage rapporte l’histoire de dix jeunes gens, enfermés dans une villa près de Florence, lors d’une épidémie de peste. Ils se racontent chacun leur tour des histoires pendant dix jours, chaque jour étant consacré à une thématique différente.
Dans son Tale of the 11th Day, Yang Jiechang invente un 11e jour au Décaméron, où humains et animaux communiquent, jouent et s’accouplent dans des paysages paradisiaques. L’artiste imagine un monde utopique où tout n’est qu’amour et harmonie. Les vases sont décorés grâce à la technique de la pâte-sur-pâte, qui crée de délicats bas-reliefs de porcelaine blanche posés sur des fonds subtils aux couleurs pastel.
La collaboration avec les artisans de la Manufacture
Tout commence avec un dessin de l’artiste confié aux artisans de Sèvres. Le dessin en 2D doit être adapté à la forme curviligne du vase et doit tenir compte du retrait de la pâte de porcelaine subi lors de la cuisson (perte en moyenne de 15 % du volume une fois cuit).
La seconde étape est la confection des vases. Ils sont tournés, puis une couverte de couleur leur est apposée. Spécificité et difficulté de cette technique exigeante, les décors se font sur une pièce crue, la pièce est donc extrêmement fragile et le travail d’autant plus exigeant.
Les dessins de Yang Jiechang sont reproduits sur un poncif, sorte de papier calque que l’artisan perce de tout petits points en suivant les lignes du dessin. Il fait passer à travers le poncif une poudre de charbon pour en reporter les contours.
L’artisan pose ensuite au pinceau, couche par couche, de la pâte de porcelaine liquide, aussi appelée barbotine. Il monte ainsi des bas-reliefs délicats, jouant avec les transparences que permet ce matériau. Entre chaque couche, il faut attendre que la précédente sèche, ce qui en fait une technique longue et laborieuse.
La pièce est dégourdie (première cuisson à 980°) puis l’artisan reprend les contours de ses motifs à l’aide d’un bâtonnet de buis. La pièce part à l’atelier d’émaillage puis au four pour une cuisson finale au grand feu à 1280°.
1907. Picasso est seulement âgé de vingt-cinq ans, et il a néanmoins derrière lui une œuvre considérable : plus de deux cents tableaux, des milliers de dessins, des gouaches, des pastels, des aquarelles, des gravures, quelques sculptures… Jusqu’alors a production s’était articulée autour de deux styles : les peintures de la période bleue et celles de la période rose. Citons encore, si l’on veut, la période nègre qui, commencée à la fin de 1906, ne devait durer que quelques mois : après le réalisme expressionniste et le maniérisme attendri des deux premiers cycles, une tendance nettement constructive se fait jour dans son œuvre. Sous l’influence de l’art africain ? Plutôt des bois sculptés de Gauguin, de l’ancien art ibérique. Quoi qu’il en soit, c’est dans la septième année du siècle que le jeune artiste espagnol, installé définitivement à Paris, rompt brusquement le charme où un excès de complaisance envers lui-même risquait de l’enfermer.
Toujours à la recherche de la création absolue, qui sera d’ailleurs à l’origine de ses décisions les plus imprévues, de ses volte-face, de ses foucades, et aussi de ses créations les plus fortes et les plus originales, Picasso éprouve irrésistiblement le besoin d’une nouvelle vision de l’univers et d’une nouvelle conception de la forme. Les Femmes nues enlacées (pl. 1), tableau exécuté à la fin de 1906, tandis qu’il procédait aux esquisses préparatoires des Demoiselles d’Avignon, indiquent déjà le sens de ses préoccupations. Les études qui suivront, – dites de la période nègre, – accusent cette abstraction plastique et ce schématisme hardi qui auront leur accomplissement dans les Demoiselles d’Avignon (1907), cette grande composition qui allait être célèbre dans la mesure où l’on a cru y voir pour la première fois énoncés les principes du Cubisme.
Or si cette toile marque un changement radical d’esthétique et dans la production individuelle du peintre et dans la peinture de l’époque, si elle signifie encore une libération soudaine à l’égard de l’illusionnisme naturaliste pratiqué jusqu’alors par Picasso, elle ne démontre nullement dans ce qu’elle a d’insolite qu’il ait inventé juste à ce moment-là ce qu’un critique acerbe appellera bientôt le Cubisme.La-Rue-des-Bois (1908), le Réservoir de Horta de Ebro (pl. 3) et le Portrait de Fernande (1909) nous paraissent d’un Cubisme bien moins discutable. Quand Louis Vauxcelles, le même qui, en 1905, avait baptisé par dérision Fauvisme, les tentatives de Matisse et de ses amis, parlera de cubes à propos des paysages que Braque exposait en 1909 chez Kahnweiler, plusieurs artistes parisiens semblaient orienter dans la même direction leur esprit aventureux : Braque, bien entendu, et Gleizes, Metzinger, Fernand Léger… N’empêche que Picasso et Braque s’affirmèrent tout de suite comme les maîtres incontestés du mouvement et les purs héros de la plus grande révolution plastique qu’on ait tentée depuis Paolo Uccello.
Quand nous avons fait du Cubisme, nous n’avions aucune intention de faire du Cubisme, mais d’exprimer ce qui était en nous.
Picasso
Braque s’est expliqué à peu près dans les mêmes termes. En vérité, la nouvelle esthétique leur fut imposée, à l’un comme à l’autre, par la sensibilité de leur époque. Le désir instinctif d’un ordre nouveau, d’un nouvel inventaire du monde, d’une connaissance plus complète de la forme : telle est bien l’origine du Cubisme. Ajoutez à cela l’exemple fascinant offert par l’œuvre de Cézanne, exposée au Salon d’Automne de 1907, l’écho suscité par les mémorables paroles du maître, à savoir que tout dans la nature n’est que sphères, cônes et cylindres, et vous comprendrez que Picasso et Braque se soient soumis dès 1908 à une austère discipline, après la période des évanescences impressionnistes et celle, par trop exubérante et relâchée, du Fauvisme.
De fait, les premiers essais de Picasso et de Braque ne sont que l’application rigoureuse de la théorie cézannienne, avec cette différence toutefois que les volumes ne sont pas seulement géométriquement définis et exaltés, ils sont aussi disposés, non plus selon les lignes de fuite de la vision classique, mais par rapport à une perspective qui part de la toile pour rejoindre l’œil du spectateur. C’est en 1910 que le Cubisme se révèle dans toute son audace et sa vigueur. L’objet devient dès lors le thème exclusif de Picasso et de ses camarades ; l’objet ou la figure humaine, celle-ci n’étant pas autrement interprétée que la bouteille, le verre, le compotier, la guitare, le paquet de tabac : leurs motifs de prédilection.
Jamais, dans l’histoire de la peinture, on n’avait exercé systématiquement sur les choses les plus humbles, les plus familières, les plus prosaïques, expérience aussi hardie et avec une intelligence aussi hautaine. Que se proposait donc Picasso, ou plutôt que lui proposait son intuition ? C’était la représentation totale et simultanée, sur la surface à deux dimensions de la toile, de corps solides qui en ont trois ; c’était d’introduire sur un support plat une sensation de volume ; et cela, sans recourir au trompe-l’œil, à la perspective linéaire, au raccourci, au modelé, au clair-obscur, à toutes les astuces utilisées depuis la Renaissance avec une affligeante monotonie. Le destin du Cubisme est fait des solutions apportées par les peintres à ce problème majeur.
Après la phase cézannienne, on voit Picasso pousser ses investigations bien au-delà des apparences. Pour mieux en saisir la structure, il morcelle la forme en petites figures ténues, à peine colorées, fournissant ainsi plusieurs aspects du même modèle. Imaginez un objet dont on pourrait déployer les divers plans, de telle sorte qu’il nous montre en même temps sa surface, son dessus, son dedans, son dessous. Il ne s’agit plus désormais d’un objet perçu par l’œil, d’un fragment éphémère et contingent de la nature extérieure, mais de l’objet absolu, de l’objet en soi, tel qu’il existe réellement dans notre esprit, de l’objet dans son intégralité et sa pérennité indestructibles. Cette attitude foncièrement réaliste se trouve fort bien exprimée, par exemple, dans le Portrait d’Henry Kahnweiler (1910), l’Accordéoniste (1911) ou l’Aficionado (pl. 5).
Dans ces œuvres singulières la décomposition de la masse, la division de la forme en une multitude d’éléments graphiques imbriqués ou juxtaposés nous présentent, il faut bien l’avouer, des sortes de rébus difficilement déchiffrables, cette impression d’hermétisme étant accentuée par l’indigence délibérée de la couleur, la monochromie, l’absence de lumière.
Heureusement Picasso a tôt aperçu, et plus que tout autre, les périls d’une discipline qui portait l’analyse du réel jusqu’aux lisières du concept. Il réagit par la pratique du “papier collé”, qui pour avoir été d’abord un jeu et un défi lancé à soi-même, ne s’est pas moins révélée une découverte aux conséquences incalculables. Si le premier collage de Picasso date de 1911, c’est surtout à partir de l’année suivante qu’il se plaira à insérer un élément naturaliste dans une composition cubiste (pl. 6). Et comme le morceau de papier ou d’étoffe, le carton d’emballage, le sable, l’étoupe incorporés au dessin ou à la peinture sont des matériaux compacts et consistants, rebelles à la fragmentation analytique, que d’autre part l’excès d’intellectualisme provoquait la fuite de l’objet, le procédé du collage dirigea tout naturellement le Cubisme vers une expression moins émiettée, moins aride, plus souple, plus colorée, plus spontanée, beaucoup plus vivante.
C’est presque un nouveau langage qui va gagner de proche en proche la peinture tout entière et en modifier le dessin, le chromatisme et le rythme. Les lignes se dégagent, les aplats de couleurs s’étendent, les formes se clarifient, l’espace s’ordonne de manière intelligible. Le Cubisme entre alors dans ce qu’on a appelé sa phase “synthétique”. Dans la carrière de Picasso, c’est l’époque des Violons, des Joueurs de cartes, des Guéridons, des Arlequins, des natures mortes simulant le “papier collé” ; au lieu d’y intégrer des substances réelles il les reproduit avec exactitude, afin que le contraste entre le trompe-l’œil et les formes inventées détermine de nouveaux rapports plastiques (pl. 7 ). Nombreuses sont les natures mortes où sont ainsi minutieusement imités le bois, un titre de journal, une carte à jouer, un morceau de papier peint, de passementerie, de toile cirée. En tout cas, dès 1913, Picasso a abandonné le trait mince et court, les touches superposées ou mélangées, les tonalités neutres et sourdes. La ligne s’infléchit, la couleur se met à vibrer, les plans s’élargissent, l’architecture du tableau se simplifie. Renouvelé dans sa conception et ses moyens, le Cubisme parviendra allègrement à son apogée, en 1914.
La déclaration de guerre surprend Picasso à Avignon, où il passait ses vacances en compagnie de Braque et Derain. Elle mettait fin à l’expérience commencée sept ans plus tôt. Les Cubistes étant aux armées, Picasso reste seul pour essuyer critiques et sarcasmes, qui n’avaient fait que croître en virulence. Pourtant le Cubisme était déjà condamné dans son propre esprit. Cubistes encore les costumes qu’il exécute en 1917 pour le ballet Parade. Cubistes également l’Arlequin et le Violoniste de 1918. Cubistes, à tout le moins d’inspiration cubiste, les Trois musiciens de 1921, la Nature morte à la guitare de 1922, la Guitare au compotier et aux raisins de 1923 (voir les planches 8, 10, 12).
Ensuite, les rappels du vocabulaire et de la syntaxe cubistes se font de plus en plus rares : c’est le pichet dans Guitare, verre et compotier (pl. 13) ; ce sont les instruments de musique dans Nature morte à la mandoline (pl. I 4) et Nature morte au buste et à la palette (pl. 15). Ces ouvrages appartiennent déjà à un style tout différent, plus libre, plus désinvolte. Les résurgences cubistes
qu’on y décèle ne sauraient faire illusion. Si nombreux que soient encore les suiveurs de Picasso, peintres, architectes, décorateurs, le Cubisme est mort. Et c’est son principal instigateur qui lui a porté le coup décisif.
Les différentes planches évoquées dans le texte sont disponibles dans la version PDF de l’opuscule, à télécharger dans la DOCUMENTA…
Ainsi se comportera toujours Picasso. A peine a-t-il exploré les terres qu’il a conquises qu’il les abandonne, enrichies de tout ce qu’il y a semé, pour en défricher de nouvelles, prodigue chaque fois de ses forces, engageant dans chacune de ses initiatives toutes ses ressources de virtuosité et d’invention, sans cesse jeté en avant par ce tyrannique besoin de créer en se réfutant, qui n’est pas la moindre singularité de son génie.
Dominique THÉÂTE est né le 23 août 1968 à Liège. Il participe aux ateliers peinture de “La S” Grand Atelier (CEC La Hesse) depuis 2001. A 18 ans, alors qu’il s’apprêtait à entrer aux Beaux-Arts, un coma successif à un grave accident de moto fait basculer la vie prometteuse de ce jeune Liégeois. L’absence de rémission condamne alors Dominique Théâte à fantasmer sa vie. C’est ainsi que presque tous ses dessins sont commentés par des “Shema” (sic) où il se met en scène, tantôt dans le costume qu’il portera lors de son mariage, tantôt en comédien adulé sur les planches, tantôt en chanteur vedette, quand il ne reproduit pas à l’infini la voiture de ses rêves. Dominique Théâte a collaboré avec Dominique Goblet pour créer un récit en bande dessinée paru dans l’album collectif Match de catch à Vielsalm (FRMK) [d’après CHRISTIANBERST.COM]
Réalisée en linogravure (plusieurs impressions de la même matrice), cet autoportrait en costume-cravate présente la légende suivante : Personnages (” autoportraits”) me représentant à faire un dicton (“affectueusement”) pour (“tenter”) une femme à être ma liason [sic] d’amour en la ville de Vielsalm où je suis domicilié (“citoyen”) de (“malheureusement”) (célibataire). Liason [sic] d’amour d’espérée à vous qui y sera patiement [sic] attendue”.
Dès le début du XXème siècle, la réputation d’Armand Rassenfosse en tant que dessinateur, graveur, illustrateur et affichiste est déjà bien établie. Il maîtrise en effet parfaitement les divers procédés de la gravure en taille douce, combine les techniques et s’exerce avec le même succès à l’art de la lithographie. Ce n’est que tardivement qu’il abordera la dernière étape de sa carrière : l’œuvre peint. Aussi cette facette de sa production artistique reste-t-elle la moins connue. Pourtant, en élaborant sa propre technique picturale il retrouvera la fougue et l’enthousiasme de sa jeunesse. Cette nouvelle expérience marque ainsi un jalon dans son évolution artistique et témoigne de sa volonté constante de recherche.
FORMATION
Destiné à reprendre le commerce d’objets d’art familial installé à Liège, Rassenfosse n’a jamais suivi les cours d’aucune académie. Il dessine sans conseil les objets et les personnages qu’il voit autour de lui. Insatisfait, il travaille, recommence sans cesse ; il se fait la main. Avec des outils rudimentaires, il transpose peu à peu sa liberté d’expression en gravure. Rassenfosse présente ses premières tentatives au peintre, dessinateur et graveur liégeois Adrien de Witte, qui lui prodigue de nombreux conseils et l’encourage. La rencontre avec Félicien Rops, à Paris, en 1886, détermine l’engagement artistique de Rassenfosse. Au point de vue des procédés techniques, remarquablement assimilés, il se trouve tôt dans la position d’un collaborateur, voire d’un égal. N’ont-ils pas notamment élaboré ensemble le fameux procédé de vernis mou, transparent comme le verre, invisible sur le cuivre, assez solide pour résister aux acides, baptisé Ropsenfosse ?
Influencé au début par le maître namurois, Rassenfosse comprend progressivement que la perception satanique de la femme chez Rops ne correspond pas à sa propre personnalité.
En peinture, il franchit seul les obstacles et parvient à la maîtrise de son art. Cet apprentissage en dehors de tout enseignement lui conservera spontanéité et fraîcheur.
L’HOMME
En dehors de ses activités artistiques, Rassenfosse mène une vie intérieure très intense. Esprit éveillé, curieux, ouvert aux courants de son époque, il voyage aux Pays-Bas et en Italie où il découvre avec admiration Venise et Florence. Comme la plupart des artistes de son temps, il entretient des relations très enrichissantes avec les milieux intellectuels. De fréquents séjours à Paris lui ont permis de rencontrer de nombreuses personnalités du monde artistique (le sculpteur Fix-Masseau, le graveur Henri Destouches…) mais également littéraire (Colette et Willy, Eugène Rodrigues, les romanciers Claude Farrère et Eugène Demolder, les éditeurs Dorbon et Hachette, le critique d’art Camille Mauclair…). Il est sensible au fluide émanant de tous les esprits en ébullition qui circulent dans cette ville. Il visite les expositions et les ateliers, rencontre ses amis, s’attarde longuement au Louvre auprès des anciens et des modernes.
La maison de Rassenfosse existe toujours, rue Saint-Gilles à Liège
A Liège, ses instants de loisir, il les consacre avec un réel bonheur à la littérature et à la musique. Ses nombreuses lectures lui ont donné un esprit extrêmement cultivé. Ses amis écrivains lui envoient régulièrement leurs publications récentes, lui demandant parfois une illustration ou un frontispice. Il installe aussi un cabinet de musique dans sa maison de la rue Saint-Gilles et le soir y réunit, pour former un orchestre, quelques amis dont l’architecte-décorateur Gustave Serrurier-Bovy, précurseur de l’Art Nouveau en Belgique. Il participe activement à la vie culturelle de sa ville natale, assistant aux concerts, patronnant et visitant les expositions, rencontrant ses collègues liégeois Auguste Donnay, François Maréchal et Emile Berchmans.
Son atelier, installé dans sa demeure, est un perpétuel lieu de rencontre et de conversation. Des critiques d’art, des romanciers, des artistes ou simplement des amis (Emile Verhaeren, Octave Maus, Albert Mockel, Camille Lemonnier, Hubert Krains, Edmond Glesener, Xavier Neujan, Albert de Neuville, Louis Lebeer…) gravissent l’escalier de pierre qui y mène afin de saluer Rassenfosse. Plusieurs artistes, dont James Ensor, viennent tirer leurs estampes sur la presse à cylindres. De jeunes graveurs lui soumettent leurs travaux recevant toujours un conseil ou un encouragement.
EVOLUTION ET TECHNIQUE
Avant 1900, Rassenfosse consacrera peu d’instants à la peinture à l’huile. Ses débuts dans ce domaine sont marqués par plusieurs œuvres de caractère impressionniste. Lors de séjours familiaux à la côte belge, il se lancera dans l’étude de la mer et de la plage. De ces premières expériences de paysagiste, Rassenfosse retiendra la leçon de la lumière qui illumine une composition, rehausse par touches légères les éléments essentiels du tableau. Bientôt, il adoptera le climat plus intime d’un intérieur, dans la peinture duquel il excellera. Mais, à ce moment, il est encore à la recherche de son meilleur mode d’expression : il essaye différents supports : bois, toile et carton. Il se lance dans l’interprétation de la lumière, de son impact sur la nature et les êtres : peinture d’impression, au caractère fugitif et nerveux mais combien attachant, ou peinture de genre, plus centrée sur le personnage féminin, aux profonds accents de vérité.
Comme d’autres artistes de son époque et notamment les Nabis, Rassenfosse recherche des tonalités particulières et rares. Soucieux en outre d’une bonne conservation de ses tableaux, il abandonne le vernis, traditionnellement posé sur l’œuvre achevée, au profit de la cire d’abeille. Cette technique n’est compatible qu’avec un support absorbant ; aussi la grande majorité de ses tableaux sont-ils réalisés sur carton. La cire, alliée au carton, préserve la matité des couleurs, procure à l’œuvre un aspect velouté et accentue la douceur de la composition. Au revers, Rassenfosse indique généralement cet avertissement : “Cette peinture est cirée et ne doit jamais être vernie.” Ces recherches témoignent de son perfectionnement esthétique et technique.
De 1910 à 1913, Rassenfosse adopte définitivement cette technique et choisit sa principale source d’inspiration : la femme. Dans son atelier, il travaille d’après le modèle vivant dont il croque les attitudes. Il esquisse d’abord quelques dessins préparatoires avant de les transposer en peinture à l’huile. Il étudie parfois une même figure dans les trois techniques qu’il pratique : dessin, gravure et peinture.
Ses nus sont libres et sensuels. Rassenfosse saisit toutes les attitudes de son modèle, accentuant souvent le regard rêveur ou mutin lancé au spectateur. Il surprend le mouvement d’abandon d’une pose et rend le jeu de courbes qui anime le corps. Au gré de nouvelles émotions, Rassenfosse reprendra ses tableaux ; la date indiquée sur l’œuvre correspond à l’année où il se décide à les abandonner.
De 1913 à 1915, l’élément oriental s’installe progressivement dans le décor avant d’occuper entièrement la composition. Cette vague d’exotisme s’insère principalement dans la tradition des Contes de Mille et Une Nuits. Elle crée un monde aux harmonies puissantes et produit une atmosphère chatoyante et raffinée. Les danseuses, richement parées, surgissent dans la lumière dorée et vibrante. La tendance orientale, dont le point culminant se situe en 1915, s’interrompt brusquement. Rassenfosse conservera jusqu’à la
fin de sa carrière une prédilection pour les tapisseries, tentures et soieries colorées. Elles deviennent un élément décoratif dont les tonalités vives rehaussent les tableaux en apportant une note délicate.
Dès 1916, ses recherches divergentes le mènent à une peinture plus sobre. La palette s’adoucit, les couleurs s’attendrissent afin de mieux rendre l’atmosphère d’un intérieur ; sans éclats superflus, la lumière, par contraste, met en valeur les personnages. Une évolution vers une économie de moyens apparaît : les pâtes grasses sont volontairement oubliées, la texture devient lisse et légère. C’est une peinture de tons dont cinq, au maximum, sont utilisés. Souvent celui du fond domine la composition ; à partir de celui-ci s’accordent en harmonie les valeurs qui en découlent. L’artiste recherche la modulation tendre d’une tonalité et de ses nuances. Il
les agence en une disposition subtile des valeurs qui fait ressortir l’unité de la composition.
Dans un premier temps, une seule touche de couleur vive subsiste de l’ensemble du tableau ; durant l’étape suivante, cette dernière tache colorée disparaît complètement et les œuvres, au point de vue technique, se rapprochent dans certains cas du camaïeu (les rehauts de fusain et de crayon sont parfois apparents). Cet assagissement de la palette dictera dorénavant la facture de Rassenfosse ; les couleurs seront délicatement fondues et nuancées. L’utilisation du carton et de la cire intervient pour une bonne part dans l’effet obtenu. Cette peinture en demi-teintes correspond davantage au caractère et au tempérament de l’artiste.
Aux abords de 1930, renouant avec certaines conceptions de la fin du XIXème siècle, l’étude de nu devient un prétexte aux compositions d’allure symboliste. Rassenfosse poursuit un thème iconographique dans la tradition des Vanités des XVIème et XVIIème siècles où le squelette est associé à l’image féminine. A la fin de sa vie, il s’interroge sur la brièveté de l’existence et le mystère de la mort.
Dans les dernières œuvres, la délicatesse des tons alliée à la pureté des lignes atteindra un degré intense.
SOURCES D’INSPIRATION
Considérer l’œuvre peint de Rassenfosse uniquement comme une célébration de la femme, c’est ignorer certains thèmes assez rares mais parfois attachants.
Oublions un temps les paysages et marines du début de sa carrière pour découvrir un aspect nouveau de son art : la nature morte. A travers elle, Rassenfosse se livre à demi-mots en présentant ses objets porte-bonheur. La première place revient aux instruments de musique, aux livres et aux bouquets de fleurs. Cependant, le sujet ne s’accorde pas suffisamment à son caractère pour qu’il s’y attarde longuement. Il lui réservera souvent une place dans le décor des pièces où il installe ses modèles.
Les portraits officiels – il n’en existe pas beaucoup en peinture chez Rassenfosse – présentent les personnalités de façon très traditionnelle. Le nom et la date d’exécution apparaissent clairement au recto du tableau. Dans d’autres œuvres, Rassenfosse représente le personnage plus librement, il interprète en artiste le visage qui s’offre à lui.
Dans le même esprit que Daumier, Rassenfosse rend hommage aux amateurs de tableaux ou d’estampes. Le personnage masculin, coiffé d’un chapeau, tient en main une œuvre d’art. Souvent, celle-ci masque une partie du visage tandis que nous sentons dans la pièce la présence du modèle féminin. Nous devinons l’admiration et la sympathie de Rassenfosse pour l’homme sensible à l’art et qui en a la révélation.
La hiercheuse, l’ouvrière de la mine, souvent évoquée en gravure et en dessin, n’apparaît pas aussi fréquemment en peinture. Rassenfosse ne désire pas souligner le drame social comme Constantin Meunier, mais honorer la femme au travail. Elle abandonne pour un instant ses outils et se repose face au paysage industriel où se distinguent, voilées par la fumée, les usines et les “belles fleurs”. L’attachement que Rassenfosse porte à sa région natale, il le témoigne par ses représentations des femmes qui en sont l’âme ; peut-être le tient-il du premier artiste qui le conseilla dans sa jeunesse : Adrien de Witte.
Dans les maternités, chaque élément du tableau participe au climat de simplicité, de paix et de bonheur du sujet. Le trait se réduit et s’arrondit pour cerner la jeune mère aux formes épanouies et l’enfant qu’elle allaite ou qu’elle apaise. Aucun éclairage violent ; la lumière, volontairement tamisée, berce la scène. La gamme des tons chaleureux accentue l’émotion créée par le thème.
Nous assistons à toutes les phases de l’éveil quotidien dans les œuvres intitulées Toilettes. Rassenfosse comme Degas, surprend les gestes matinaux d’une jeune femme dans la tiédeur de sa chambre ; d’un simple geste journalier, il peut tirer une page émouvante. Sa passion pour l’étude du corps humain s’y révèle : la douce lumière du contre-jour caresse délicatement la chair, se réfléchit dans le miroir pour se décomposer en touches vibrantes sur toute la composition.
La belle forme, le rythme, l’équilibre des rapports, la grâce, l’harmonie, autant de principes artistiques que peut réunir la danse. L’apparition de ce sujet dans l’œuvre peint de Rassenfosse coïncide avec la période orientale et sert de prétexte à une étude du mouvement et de l’animation des salles de spectacles. Peu à peu, les gestes se libèrent, les arabesques se font plus audacieuses, l’équilibre devient fragile. L’artiste pénètre secrètement dans les coulisses et découvre les jeunes danseuses en pleins préparatifs ; il parcourt la salle des yeux pour surprendre les femmes élégantes. En parant ses modèles d’un loup de velours, Rassenfosse accentue le regard mystérieux qui filtre à travers l’étoffe. La séduction de la forme prend souvent le pas sur la représentation du masque satirique.
Peu sensible aux nouveaux courants esthétiques – fauvisme, expressionnisme, cubisme… – qui bouleversent les principes artistiques du début du XXème siècle, Rassenfosse demeure un peintre de tradition, d’un modernisme classique.
La simplicité des moyens d’expression n’est qu’apparente car elle repose sur une parfaite connaissance du métier et de ses techniques. Un bon artiste ne reste-t-il pas toute sa vie un bon artisan ? Il adopte une peinture précise et lisse qui laisse deviner sa formation initiale de dessinateur et de graveur. Les mêmes caractères de clarté et de finesse se rencontrent dans son œuvre peint où le trait s’accompagne d’un modelé harmonieux et sensible. Aucune arête vive, tout est judicieusement arrondi et sensuel, dévoilant l’harmonie intérieure de l’artiste.
Son œuvre entier est dédié à la vie qu’il saisit sous ses diverses apparences. Il choisit principalement l’éternel féminin pour traduire sa vision idéale de la beauté. Il l’observe, sans distinction sociale, à chacun des instants de la journée : dans l’intimité de sa chambre, lorsqu’elle procède à sa toilette ou nourrit son enfant ; au travail, interrompant un moment ses activités ; sur la scène, lorsqu’elle esquisse un pas ; au spectacle ; ou plus simplement dans sa nudité… Chaque touche célèbre le corps féminin, de l’inflexion du buste à la courbe du dos en passant par la forme pure du sein. Rassenfosse recherche en chacun de ses modèles la parcelle de vie qu’il représente. Tel est le véritable sujet de son œuvre, qu’il rend avec une scrupuleuse exactitude.
Peut-on insérer Rassenfosse dans une école ? Difficilement ; il peint avant tout pour son plaisir. Comme le soulignait M. Lebeer, il s’inscrit plutôt dans un courant artistique et intellectuel directement issu du Symbolisme et de l’Art Nouveau, dont un des thèmes dominants est la femme.
Depuis une vingtaine d’années, un certain regain d’intérêt s’est manifesté à l’égard de l’artiste ; mais s’il a atteint dans le domaine de la gravure le degré mérité, il est temps aujourd’hui, cinquante ans après sa disparition, de reconnaître le peintre.
REPÈRES BIOGRAPHIQUES
1862 : 6 août. Naissance à Liège d’Armand Rassenfosse. Ses parents tiennent un commerce d’objets d’art au centre de la ville. Etudes secondaires au Collège Saint-Servais à Liège, où son goût pour le dessin, le chant, le piano et la littérature apparaît déjà.
1880 : A 18 ans, il entre dans les affaires familiales. Il dessine sans relâche
et s’exerce à la gravure. De nombreux voyages commerciaux à Paris l’amènent à fréquenter les milieux artistiques et intellectuels. L’artiste liégeois Adrien de Witte le conseille et l’encourage.
1884 : 30 août. Mariage à Bruges avec Marie Delgoffe. De cette union naîtront trois fils.
1886 : Rencontre décisive avec Félicien Rops, dans son atelier parisien. Début d’une profonde amitié et d’une intense collaboration technique marquée, notamment, par la mise au point du vernis mou baptisé “Ropsenfosse“.
1890 : Abandon définitif du commerce paternel. Association avec l’imprimeur français Auguste Bénard. Rassenfosse devient l’administrateur et le directeur artistique de cette imprimerie, installée rue Lambert-Le-Bègue, à Liège.
1892 : Publication de plusieurs estampes de Rassenfosse, à Paris, dans Le courrier français, La plume et dans l’album de la Société des aquafortistes belges.
1895-97 : Illustration des Fleurs du Mal de Charles Baudelaire, publiée par la Société des Cent Bibliophiles de Paris. Début de cette nouvelle carrière ponctuée par l’illustration d’ouvrages de Barbey d’Aurevilly, Edmond Glesener, Noël Ruet, Omer Englebert, Claude Farrère, René Boyslève, Gilbert des Voisins… Rassenfosse aborde la peinture à l’huile.
1925 : Rassenfosse est appelé à l’Académie royale des Sciences, des Lettres et des Beaux-Arts en tant que membre correspondant.
1930 : Il est élevé au rang de membre titulaire.
1934 : Nommé directeur de la Classe des Beaux-Arts de l’Académie royale, il meurt le 28 janvier de la même année, à l’âge de 72 ans.
CATALOGUE
Liste des abréviations :
hlb : huile sur bois
hic : huile sur carton
hlt : huile sur toile
s : signé
ns : non signé
d : daté
h : haut
b : bas
d : droite
g : gauche
monog : monogrammé
Sauf indication contraire, toutes les œuvres font partie de collections privées.
Panorama liégeois, hlb, 8,5 x 20 cm, ns, 1884.
Marie Rassenfosse dans le salon, hlb, 10,8 x 9 cm, ns, 1888.
Nieuport, h/b, 22 x 18 cm, monog, 1899.
Le coussin rouge, hic, 45 x 35 cm, set d en hd, 1900.
Toilette, hlt, 46 x 36 cm, monog, 1900.
Femme au masque, hic, 40 x 32 cm, s et den hd, 1906.
Dunes à La Panne, hic, 24 x 32,5 cm, ns, 1908.
Fermes de La Panne, hic, 24 x 32,5 cm, monog, 1908.
Plage de La Panne, hic, 24 x 32,5 cm, monog, 1908.
Jardin, 21, rue Bassenge, hic, 24,2 x 33,1 cm, monog, 1908.
Portrait de Palmyre Sauvenière, hic, 35,2 x 26 cm, monog, 1908.
Melle Laure de Neuville, hic, 44,5 x 34,5 cm, ns, 1908.
Esquisse, nu, hic, 49 x 35 cm, s et d en bd, 1908.
Melle Laure de Neuville, hic, 37 x 27 cm, monog, 1909.
Etude de Nu, hic, 89 x 70 cm, s et den bg, 1910, Louvain, Musée Vanderkelen-Mertens.
Le chapeau rouge, hic, 27 x 21,5 cm, monog, 1910.
Le chapeau rouge, hic, 43,5 x 34 cm, monog, 1910.
Poyette, hic, 90 x 70 cm, set d en bg, 1912, Paris, Musée d’Orsay.
Le peignoir jaune, hic, 90 x 70 cm, s et den bg, 1912.
Les yeux bleus, hic, 46 x 35 cm, set den hd, 1912.
Le mouchoir rouge, hic, 69 x 45 cm, set d en hd, 1912.
Geste, hic, 44,5 x 35 cm, set d en hg, 1913, Liège, Musée de l’art wallon.
Le corsage persan, h et pastelle, 33,5 x 23 cm, set d en hg, 1913.
Femme à la cigarette, hic, 44 x 34,5 cm, s et d en hg, 1913.
Les danseuses jaunes, hic, 90 x 70 cm, set den hg, 1913.
Estrellita, hic, 70 x 45 cm, monog, 1913.
Autoportrait, hic, 26,5 x 16 cm, ns, 1913.
La petite liégeoise, hic, 76 x 56 cm, s et den hd, 1914, Liège, Musée de l’art wallon.
Le bonnet hongrois, hic, 70 x 46,5 cm, s et d en hd, 1914, Bruxelles, Musées royaux des Beaux-Arts.
Etude de mouvement, hlb, 40 x 27 cm, monog, 1915.
Danseuse orientale, hlb, 105 x 65 cm, monog, 1915.
Buste d’orientale, hic, 46 x 35,5 cm, s et d en hd, 1915.
La favorite, hic, 75 x 56 cm, s et den hg, 1915.
Le chapeau de paille, hic, 51,5 x 36,5 cm, monog, 1915.
Le peignoir hindou, hic, 56 x 41,5 cm, set den hd, 1915.
La revue mauve, hic, 70 x 45 cm, monog, 1915.
Portrait d’Olympe Gilbart, hic, 45 x 35,5 cm, set den bd, 1915.
Nu de profil, hic, 26 x 17 cm, monog, 1915.
Ah cette critique, hic, 51,5 x 42 cm, set den hg, 1917.
La robe grise, hic, 44,5 x 34,5 cm, set den bd, 1917.
La marchande de masques, hic, 90 x 70 cm, monog, 1917.
Nu au peigne, hic, 70 x 45 cm, set den hg, 1918.
Nu, hic, 68 x 53 cm, s et d en hg, 1918.
Le masque rose, hic, 46,5 x 36 cm, s et d en hd, 1919.
La toilette (Femme se lavant), h/b, 57 x 49,5 cm, s et d en hg, 1919, Liège, Musée de l’art wallon.
La toilette, hic, 67 x 52 cm, set d en bd, 1919, Louvain, Musée Vanderkelen-Mertens.
La toilette, hic, 57 x 50 cm, set d en hd, 1919.
Les danseuses bleues, hic, 77 X 59 cm, set den hg, 1919.
Jeune femme en chemise, hic, 55 x 45 cm, s et den hd, 1919.
Nu buste, hic, 37 x 25 cm, s et den hd, 1919.
Bouquet de printemps, hic, 55,5 x 46,5 cm, s en bd, 192.
Femme à la cruche, hlb, 70 x 56 cm, s et den hg, 1920, Liège, Musée de l’art wallon.
La dame en noir, hic, 50,5 x 40,5 cm, s et d en bd, 1920, Liège, C.P.A.S.
Femme à sa toilette et broc blanc, hic, 42 x 36 cm, s et d en hg, 1920.
Nu assis, hic, 44 x 35 cm, set den bd, 1921.
Le rideau jaune, hic, 64,5 x 54 cm, set den hg, 1921.
Femme enfilant ses bas, hic, 35,5 x 27 cm, s et d en bg, 1921, Riga, Musée d’art étranger de Lettonie.
La danseuse aux rubans, hic, 79 x 59 cm, s et d en hd, 1921.
Femme à la bouteille, hic, 54 x 38 cm, set den bg, 1921.
La femme au miroir, hic, 64,5 x 54 cm, set den hd, 1921.
Les cartes, hic, 64,5 x 54 cm, s et d en hg, 1921.
Jeune femme en tenue de soirée, hic, 70 x 45 cm, set d en hd, 1921.
Femme à la toilette, hic, 57 x 46 cm, s et d en bg, 1922, Bruxelles, Musées royaux des BeauxArts.
Nature morte au violoncelle, hic, 90 x 70 cm, s et d en bd, 1922.
Femme à l’éventail, hic, 44,8 x 35,2 cm, s et d en hd, 1922, Riga, Musée d’art étranger de Lettonie.
L’amateur de tableaux, hic, 51,5 x 40,5 cm, s et d au revers, 1923.
L’amateur d’estampes, hic, 52,5 X 68 cm, set den hd, 1923.
Portrait de Berthe, hic, 61 x 47,5 cm, monog, 1923.
Maternité, hic, 65 x 53,5 cm, set den hg, 1923.
Maternité, hic, 54,5 x 48,5 cm, set d en hg, 1923.
Maternité, hic, 57,5 x 51 cm, set d au revers, 1924.
Sortie de bal, hic, 56,5 x 41,5 cm, s et den bg, 1924.
Femme aux coussins, hic, 77 x 61 cm, set den bg, 1924.
Nu au bonnet blanc, hic, 75,5 x 55,5 cm, set d en bg, 1924.
Roses, hic, 57 x 47 cm, set d en bg, 1925.
Maternité, hic, 64 x 53 cm, set den bd, 1926.
Nu de dos, hic, 76,5 x 60,5 cm, set den hg, 1926, Riga, Musée d’art étranger de Lettonie.
Scène de théâtre, hic, 45,5 x 36 cm, s et den hg, 1926.
Le châle bleu, hic, 65 x 54 cm, s et d en hg, 1926.
La toilette bleue, hic, 75 x 61 cm, s et d en hg, 1926.
Sérénade, hic, 67,5 x 57,5 cm, set den hd, 1926.
Hiercheuse, hlt, 60 x 49,5 cm, set den bd, 1927.
Femme au miroir, hic, 69,5 x 56,5 cm, set den hd, 1927, Milan, Galeria d’arte moderna.
Portrait d’Adèle Gerber, hic, 59,5 x 44,5 cm, s et d en bd, 1929.
Jeunes femmes, hic, 62 x 48 cm, set den hg, 1929.
Ars longa, vita brevis, hic, 51 x 42 cm, set den bg, 1929.
Autoportrait, hic, 55 x 46 cm, set d au revers, 1930.
Femme se coiffant, hic, 68,5 x 53 cm, s et d en hg, 1930.
Vanitas, hic, 87 x 65 cm, set den hd, 1931.
La servante, hic, 69 X 45 cm, set den hd, 1931, Liège, Musée de l’art wallon.
Baudelaire et sa muse, hic, 70 x 88 cm, set den hd, 1931-32.
Coulisse, hic, 63 x 54,5 cm, set den bg, 1933.
Jeunesse, hic, 57 x 46 cm, s et den hd, 1933.Œuvres non datées :
Boulevard, hic, 24,5 x 34,5 cm, monog en bd.
Jeune femme dans le jardin de St-Gilles, hic, 27 x 19 cm, ns.
L’œillet rouge, hlb, 21,5 x 16 cm, ns.
Adèle au bonnet blanc, hic, 34,5 x 27,5 cm, ns.
L’affiche, hic, 37 x 24,5 cm, ns.
Jeune femme au chapeau noir, hic, 38 x 18,5 cm, ns.
Jeune femme en jaune, hlt, 27 x 19 cm, monog au revers.
Etude en robe jaune, hic, 30,5 x 24,5 cm, ns, Riga, Musée d’art étranger de Lettonie.
Le chapeau à fleurs, hic, 25 x 19 cm, monog en hg.
Portrait d’Adèle Gerber, hic, 37,5 x 28,5 cm, ns.
Nu assis, hic, 70 x 56 cm, monog en hd.
Portrait de Laure de Neuville, hlb, 17,5 x 12 cm, ns.
Femme en chemise assise sur un lit, hic, 46 x 31 cm, ns.
Femmes à la toilette, hic, 38 x 33,5 cm, monog en bd.
La rose, hic, 44 x 35 cm, monog en hd, s au revers.
Le bonnet hollandais, hic, 44 x 34,5 cm, sen hg.
Femme au bonnet, hlt, 41 x 27,5 cm, monog en bg, Liège, Musée de l’art wallon.
Le masque noir, hic, 45 x 34 cm, ns.
Femme se chaussant, hic, 45 x 34,5 cm, s en bd.
Fillette se coiffant, hic, 45 x 34,5 cm, sen bd, Rotterdam, Musée Boymans van Beuningen.
Hiercheuse, hic, 45 x 35 cm, sen hd.
Femme au chapeau noir, 47 x 38 cm, ns.
Portrait du modèle Jeanne T., hic, 30 x 24 cm, ns.
La toilette, hic, 32,5 x 24,5 cm, sen bg.
Le Carnaval, hic, 60 x 44,5 cm, s en bg.
L’atelier, hic, 54,5 x 37,5 cm, ns.
Etude de femme blonde, hic, 44,5 x 35 cm, monog en hg.
La fille arrogante, hic, 44,5 x 34,5 cm, monog en hg.
Nu à la toilette, hlt, 40 x 30 cm, s en hd.
Nu de dos, hic, 45 X 35 cm, sen hg.
Le rideau jaune, hic, 69 x 45,5 cm, ns.
Tête de fille, hic, 45 x 35 cm, monog en hg.
Femme au corsage bleu, hic, 27 x 22 cm (passe-partout), monog en bg.
Jeune exotique, hic, 49 x 39 cm, s en bd.
Autoportrait au turban blanc, hic, 41 x 28 cm, ns.
Six danseuses, hic, 45 X 36 cm, sen bg.
Hiercheuse au foulard rouge, hic, 69 x 43,5 cm, ns.
Femme à la fourrure, hic, 44,5 x 35 cm, monog en bg.
Tête de femme, hic, 32 x 27 cm, monog en bg.
Tête de hiercheuse, hic, 39,5 X 34 cm, ns.
Toilette, h, gouache et aquarellelc, 51,5 x 41 cm, sen bd..
Toilette, hic, 44,8 x 34,8 cm, sen bg, Riga, Musée d’art étranger de Lettonie.
Toilette, hic, 56 x 41 cm, ns.
Nature-morte, hic, 50 x 40 cm, ns.
L’éventail, hic, 45 x 35 cm, s en bd.
Maternité, hic, 48 x 38 cm, sen hg.
Les deux amies, hic, 51 x 42 cm, sen bd.
La dame aux œillets, hic, 44 x 34 cm (passe-partout), ns.
Grand nu de dos, hic, 80 x 61 cm, ns.
L’amateur de tableaux, hic, 45 x 34,5 cm, sen hg.
Le bar, hic, 47 x 37 cm, ns.
Guitariste (étude), hic, 43 x 32,5 cm, ns.
Portrait de Charles Baudelaire, hic, 40 x 36 cm, ns.
Femme au chapeau blanc, hic, 71 x 45,5 cm, ns.
Le corsage blanc, hic, 44,8 x 34,1 cm, monog en hg.
L’écharpe jaune, hic, 45 X 35 cm, s en bg.
L’éveil, hic, 34 x 34 cm, s en bd.
Femme en buste, 45,5 x 35,5 cm, ns.
Hiercheuse au foulard rose, hic, 36 X 35,5 cm, ns.
Hiercheuse à la toilette, hic, 45 x 35 cm, s en hg.
Le livre vert, hic, 44 x 35 cm, monog en hg.
Fille rousse, hic, 45 x 34,2 cm, monog en bd et g.
Deux lutteuses nues, hic, 44,5 x 34,5 cm, sen bd.
Le meuble rouge, hic, 44 x 34 cm, sen bd.
La robe bleue, hic, 36 x 35,5 cm, ns.
Le ruban rouge, hic, 41 x 34 cm, ns.
La petite servante, hic, 69 X 42,5 cm, ns.
La sortie de bain, hlt, 45 x 35 cm, monog au revers.
La tenture orange, hic, 44 x 34,5 cm, sen hd.
A LIRE (bibliographie sélective)
Des Ombiaux, M., Quatre artistes liégeois : A Rassenfosse, F. Maréchal, A. Donnay, E. Berchmans, Bruxelles, 1907, p. 18 à 31.
Donnay, J., Mes maîtres et mes amis, dans La vie Wallonne, numéro spécial du Millénaire de la principauté de Liège, Tome LIV, 1980, p. 158 à 174.
Kunnel, M., Ce qu’il faut voir au Musée des Beaux-Arts de Liège : La Toilette par A. Rassenfosse, dans Instruire et Distraire, Liège , 1933.
Lebeer, L., Armand Rassenfosse, dans Catalogue de l’exposition A. Rassenfosse et G. Serrurier-Bovy, Stavelot, Liège, 1975.
Parisse, J., Actuel XX, la peinture à Liège au XXe siècle, Liège , 1975 , p. 34.
Rouir, E.S. , Armand Rassenfosse, notes sur sa vie et son œuvre gravé, dans Le livre et l’estampe, 1958, 1959.
Vanzype, G., Notice sur Armand Rassenfosse, dans L’annuaire de l’Académie royale de Belgique, 1936, p. 105 à 122.
La vie wallonne (double numéro entièrement consacré au souvenir d’Armand Rassenfosse), 15 avril 1934, p. 229 à 278.
A VOIR
Liège, Musée de l’art wallon : Geste, La petite liégeoise, La toilette, Femme à la cruche, La servante, Femme au bonnet.
Liège, Parc de la Boverie : Buste en bronze, réalisé par le sculpteur Fix-Masseau, à l’initiative de M. Labbé, ministre plénipotentiaire de France et d’un groupe d’artistes parisiens.
L’œuvre d’Omar Ba (1977, Sénégal) est caractérisée par sa nature énigmatique et sa grande intensité poétique. A rebours d’une narration didactique, il cherche à l’inverse à exprimer son subconscient et son interprétation symbolique du réel. L’artiste traite de thèmes comme le chaos, la destruction et la dictature, drapant son discours politique d’un voile de poésie grâce à un langage pictural qui lui est entièrement propre, à la fois féroce et délicat.
Omar Ba vit et travaille entre Dakar, Genève, Bruxelles, Paris et New-York. Partagé entre plusieurs continents, il développe une réflexion issue d’une hybridation permanente, loin des stéréotypes liés à ses racines africaines. Cette hybridation se retrouve également dans ses toiles où se côtoient touches organiques et couleurs flamboyantes, mixant les formes, les techniques et les textures (acrylique, gouache, crayon et même typex). Ba peint sur fond noir (sur carton ondulé ou sur toile), demandant ainsi au spectateur de s’adapter littéralement et métaphoriquement à l’obscurité.
(…) Son iconographie, à la fois engagée politiquement et socialement, mais aussi empreinte de mythologie personnelle, soulève des questions historiques et intemporelles, tout en rayonnant un message artistique résolument contemporain, que l’on peut retrouver tant chez des artistes proches du surréalisme que du symbolisme. Omar Ba dénonce de son pinceau le chaos du monde.
Quand on regarde les peintures d’Omar Ba, on peut se demander d’où il vient. Bien sûr, il y a des éléments qui rappellent l’Afrique, mais pas l’Afrique que l’on s’attend à voir. Et il y a tellement d’autres choses dans ces luxuriantes toiles grand format. On y voit des personnages, des animaux qui se confondent avec les décors floraux ou abstraits dont ils semblent l’émanation. Il y a du symbolisme, une dose de surréalisme, une forme de maniérisme dans l’approche picturale de l’artiste sénégalais, mais surtout un plaisir et un appétit de peindre.
Dans ces peintures qui adoptent le format vertical, on a toujours une figure centrale, humaine ou animale qui négocie sa présence avec l’univers qui l’entoure. Parfois, c’est le visage qui, gagné par la végétation, n’est plus qu’une forme laissée en jachère. Ailleurs, une étrange créature en écaille et fourrure se confond avec le tapis de fleurs constellé de micro-drapeaux.
Omar Ba est un artiste nomade (…). Un nomadisme qui n’affecte pas sa création, mais lui apporte une fluidité et une ubiquité dans le temps et dans l’espace.
Chaque parcelle de toile est cultivée avec amour. Il entretient son geste comme on entretient son jardin. Il laisse grandir ses couleurs et observe les accidents de pinceau lorsqu’ils créent une matière ou une texture inattendue. “Je ne détruis jamais rien. Si ça ne me plaît pas, je le laisse de côté et je reviendrai dessus dans une autre toile. J’ai toujours plusieurs peintures en chantier.”
Mythologie plus personnelle
Autant il aime mélanger les figures et les motifs, le fond et la forme, autant il aime laisser les outils, acrylique, crayon, huile, encre de Chine ou le stylo à bille se superposer sur la toile. Les couleurs lumineuses, des roses, des ocre et des verts se jouent de contrastes avec les couleurs plus sombres ou plus éteintes. L’amour du motif et sa répétition sont peut-être de lointains échos de ses débuts dans la peinture, où il privilégiait les représentations abstraites.
Si, dans ses précédentes séries, pouvait apparaître un commentaire politique ou social dans l’évocation d’un monde de violence et de conflit, hanté par la menace du chaos ou la figure du dictateur, cette série se concentre sur une mythologie plus personnelle habitée de personnages nés de la peinture.
L’univers d’Omar Ba est un multivers pictural où les êtres se transforment, changent de taille, interagissent avec leur environnement, les hommes, les fleurs et les animaux comme si l’artiste représentait en même temps tout ce qui se passe dans son esprit.
L’illusion qui donne son nom à l’exposition n’est pas celle que l’on croit, l’artiste fait référence implicitement aux mirages technologiques, politiques ou sociaux et par extension à tout ce qui vient de l’extérieur pour se tourner vers la richesse inépuisable de l’univers intérieur. Une personne riche d’elle-même est mieux à même d’affronter le monde extérieur. Plutôt créer son propre multivers que s’enfermer dans celui d’un autre. Et c’est ce qu’il pratique dans cette série de peintures qu’il voit comme un encouragement à la jeunesse de son pays, et d’ailleurs, à faire face à la complexité du monde en se méfiant des illusions d’où qu’elles viennent.
Wael Shawky vit et travaille à Alexandrie. Utilisant divers média tels que la vidéo, le dessin, la photographie et la performance, il questionne et analyse la narration et les histoires vraies ou imaginées du monde arabe. Ses reconstructions à plusieurs niveaux engagent le spectateur à questionner les vérités, mythes et stéréotypes.
Né à Alexandrie en 1971, Wael Shawky étudie les beaux-arts à l’Université d’Alexandrie et finit sa formation à l’Université de Pennsylvanie où il obtient en 2000 son diplôme de M.F.A. Débuté en 2010, son projet en cours, Cabaret Crusades, est une série de trois films animés de dessins, objets et marionnettes basée sur le livre Les croisades vues par les Arabes de Amin Maalouf. Analysant des écrits, ce projet s’appuie sur une grande diversité de sources historiques pour représenter et traduire l’histoire des Croisades sous un éclairage différent. Les deux premières parties de la trilogie ont été présentées à la dOCUMENTA (13) en 2012 tandis que la troisième partie a été montrée au MoMA PS1 et à Art Basel 2015.
Son travail a été présenté dans d’importantes expositions internationales telles que Re:emerge, Sharjah Biennial (2013); Here, Elsewhere, Marseille-Provence 2013 Capitale européenne de la culture (2013); 9th Gwangju Biennial, South Corea (2012); 12th International Istanbul Biennial (2011); SITE Santa Fe Biennial (2008); Urban Realities: Focus Istanbul, Martin-Gropius-Bau, Berlin (2005); 50th Venice Biennial (2003). Des expositions monographiques lui ont été consacrées, parmi les plus récentes : MoMA PS1, New York (2015), Mathaf, Doha (2015), K20, Düsseldorf (2014), Serpentine Gallery, London (2013), KW Berlin (2012) et Nottingham Contemporary (2011), Walker Art Gallery, Minneapolis (2011), The Delfina Foundation (2011), Sfeir-Semler Gallery, Beirut (2010/11), Cittadellarte-Fondazione Pistoletto, Biella, Italy (2010), Townhouse, Cairo (2005, 2003). Wael Shawky a fondé MASS Alexandria, un programme de studio pour jeunes artistes.
Est-ce une citadelle, un mausolée, une sculpture ? L’impressionnante et mystérieuse installation que Wael Shawky a réalisée in situ pour son exposition au musée M de Louvain intrigue parce qu’elle défie les sens et l’espace. Dans cette pièce aux murs roses se détache une construction d’épaisses murailles couvertes de graphite noir scintillant qui se prolongent par des tissus tendus rappelant la tente berbère. Cette sculpture monumentale fait partie de la série polymorphe The Gulf Project Camp, où l’artiste égyptien, né à Alexandrie et qui a grandi à La Mecque, s’intéresse à l’histoire de la péninsule arabique et à la transition d’une société nomade née dans le désert vers une société qui a basculé dans la modernité et la sédentarité avec la découverte et l’exploitation de l’or noir.
L’imaginaire et la fiction se mêlent à l’histoire
Avec son projet Cabaret Crusades, Wael Shawky raconte les croisades sous une autre perspective, celle des populations arabes. Cela prend la forme d’une série de trois films d’animation en stop motion, dont le troisième volet constitue le cœur de l’exposition. Pour raconter cette fresque épique, l’artiste anime des marionnettes. “Il n’y a aucune tradition de marionnettes dans les pays arabes, j’aurais bien aimé, mais je n’en ai pas trouvé. Les marionnettes nous renvoient à l’idée de manipulation inhérente au récit historique. En fait, je ne crois pas à l’histoire, c’est pour cela que je ne fais pas de documentaires.”
La quatrième croisade, qui donne le contexte au film, est partie de Venise en 1202, ce qui a donné à l’artiste l’idée de travailler avec des marionnettes en verre de Murano. “Je voulais éviter de donner aux personnages un côté kitsch ou “cheap”, et je me suis inspiré d’une tradition différente, celle des masques africains du Metropolitan Museum. J’aime aussi beaucoup le verre parce que cela renvoie à l’idée de fragilité. En préparant ce film, je me suis souvenu de “L’évangile selon Jésus-Christ”, de José Saramago, que j’avais lu pendant ma jeunesse. Dans le roman, Jésus s’adresse à Dieu pour lui demander pourquoi il a fait les hommes si fragiles. On peut accomplir des choses fantastiques, mais on peut aussi se briser en un instant.”
A côté de ses merveilleuses marionnettes, l’artiste poursuit sa réflexion sur l’univers des Croisades, sur les migrations et la transformation des sociétés, dans une série d’aquarelles et de bas-reliefs en bois. Entre les Contes des Mille et Une Nuits et l’heroic fantasy, l’imaginaire et la fiction se mêlent à l’histoire. Des créatures gigantesques au cou couvert d’écailles s’embrassent par-dessus les remparts, où s’affrontent des nuées de combattants en armes. Et des princesses racontent des histoires à des dragons très attentifs.
Complexe et immédiat
Retour à notre présent avec The Cave, une performance filmée où l’artiste arpente les allées d’un supermarché à Amsterdam en récitant à voix haute devant des clients indifférents ou légèrement ébahis une sourate du Coran. Dans ce texte, plusieurs hommes échappent à un tyran en se réfugiant dans une grotte où ils dorment pendant 309 ans en attendant l’arrivée d’un meilleur souverain.
Pour Shawky, cette pause à travers le temps est une forme de migration. L’exposition s’achève dans la dernière salle sous les combles, où l’artiste a réalisé une autre œuvre in situ. Inspirée par la vue des toits de Louvain que l’on peut admirer par-delà la baie vitrée, il a créé un paysage imaginaire et futuriste fait de volumes abstraits couverts d’une matière asphaltée.
Complexe et immédiat, le travail de Wael Shawky est aussi politique dans son regard sur l’histoire et sur le présent. L’artiste, qui partage sa vie entre Philadelphie et Alexandrie, où il a ouvert une école d’art, refuse d’exposer dans son pays depuis la révolution de la place Tahrir en 2011. “Si en tant qu’artiste, vous n’avez pas clairement le droit de contester le régime, vous cherchez un langage où tout peut être dit mais de manière plus subtile et détournée.”
Fondé à Lyon en 2006 par Pierre Delmas Bouly (1982) et Patrick Lallemand (1982), Superscript² est un atelier de création graphique investissant différents supports d’expression du design graphique tel que l’édition (livre ‘objet’, monographie, catalogue, magazine, poster…), la typographie ou les médias numériques (site web, installations numériques, etc.). L’ensemble et la diversité de ces collaborations ont permis au studio de produire une grande diversité d’objets graphiques passant du plan, à la tri-dimension ou au textile, considérant le design graphique comme une démarche de réflexion et d’application globale.
Cette image fait partie du premier portfolio édité par Ding Dong Paper (collectif d’éditeurs liégeois constitué de François Godin et Damien Aresta). Cette image abstraite s’appuie sur une répétition/variation de motifs géométriques. Elle évoque la construction d’une spirale parfaite via le nombre d’or.
Miodrag Djuric, connu sous le pseudonyme Dado, est né en 1933 au Monténégro, en Yougoslavie. Très jeune, il assiste aux violences et à la famine liées à la Seconde Guerre mondiale. En 1947, il intègre l’Ecole des Beaux-Arts de Herceg Novi. Ensuite, il étudie à celle de Belgrade. En 1956, ayant terminé ses études, il déménage à Paris. D’abord, il travaille en tant que peintre de bâtiments de chantiers. Toutefois, il continue à peindre et dessiner dans son temps libre. Il peint par exemple en 1957 l’huile sur toile Tête. Ensuite, il trouve son premier emploi artistique en tant qu’assistant dans l’atelier de lithographie de Gérard Patris. Ce travail lui permet d’acquérir des compétences en estampes, mais aussi de faire la connaissance de Jean Dubuffet, le premier théoricien de l’art brut. Ce dernier le présente au marchand et galeriste Daniel Cordier, qui aide au développement de son art. En 1958, Cordier organise la première exposition personnelle de Dado, regroupant peintures et dessins.
Ses œuvres sont de style surréaliste, fantastique, ou encore peuvent appartenir à l’art brut. Ses peintures, souvent des huiles sur toile de très grandes tailles, sont très marquées par les horreurs du second conflit mondial. Il abandonne rapidement la recherche du détail pour laisser place à la démonstration de ces calamités. Ainsi, il conçoit des figures monstrueuses, macabres, et angoissées. Leurs âmes torturées dépeignent une forte violence, comme il est visible dans l’huile sur toile LaRebellion de Pancraisse de 1968. De plus, dans le but d’accentuer ce mal, il laisse entrevoir l’anatomie de certains personnages et les peint avec des couleurs vives. C’est le cas de l’huile sur toile Guerre civile au Monténégro de 1968. Le fond, aux tons neutres et aux couleurs paisibles, leur fait contraste. De fait, ceci donne lieu à des compositions dynamiques, puissantes, et aux nombreuses explosions de couleurs. Ses dessins, quant à eux, sont très détaillés. Il privilégie en premier lieu l’usage d’une technique unique, généralement en mine de plomb ou encre de Chine. Le Champ de Bataille dessiné en 1956 en est un exemple. En second lieu, il privilégie la conception de techniques mixtes regroupant la peinture, le dessin, et le collage. En effet, Dado aime découper ses dessins pour les coller sur ses peintures dans le but de leur donner plus de sens et de force. Tel est le cas de Boukoko, une encre de chine et un collage sur toile réalisé en 1975.
Détestant vivre en ville, Dado déménage près d’un vieux moulin à Hérouval au début des années 1960. En 1962, il commence à sculpter. Le style de ses sculptures est inédit : restant dans le registre des horreurs de la guerre, il réalise souvent des montages à l’aide d’ossements d’animaux. Toutefois, il continue de peindre. En 1964, il expose pour la dernière fois chez Cordier. Néanmoins, il n’arrête pas d’exposer ses œuvres. Au contraire, il fait la rencontre de nombreux artistes et galeristes lui permettant de présenter ses œuvres à l’international. Ensuite, à la recherche de nouvelles expressions artistiques, il explore les différentes techniques de l’estampe. En 1966, il conçoit sa première gravure. L’année suivante, il réalise de nombreuses lithographies, taille-douce, et eau-forte. Il travaille même dans plusieurs ateliers de gravures.
Durant les années 1970 et 1980, les œuvres de Dado continuent à être exposées dans le monde entier. Toujours à la recherche de nouvelles formes d’art, il se lance dans l’illustration de livres à partir du début des années 1980. Il illustre par exemple en 1985 Le Terrier de Franz Kafka.
Dans les années 1990, Dado découvre les peintures murales. Les plus célèbres sont celles peintes dans l’ambassade de la IVe Internationale à Montjavoult. De plus, il explore la céramique. Pour cet art, il s’inspire principalement d’études d’oiseaux. En outre, il réalise le décor de deux spectacles, en 1993 et en 1996. A partir de cette dernière année, il se plonge également dans les collages numériques. Toutes ces formes d’art sont aussi marquées par les horreurs de la Seconde Guerre.
Lors de la décennie suivante, il se concentre principalement sur la sculpture. Ainsi, il conçoit la plupart de ses volumes durant cette période. Ils connaissent un grand succès, comme en témoigne sa participation à la Biennale de Venise en 2009. Sa sculpture la plus connue reste Souliko, réalisée en 2008. Par ailleurs, il continue modestement l’illustration d’ouvrages tels que les Viscères polychromes de la peste brune de Jean-Marc Rouillan. De plus, il continue les collages numériques. En 2007, il fonde même un site internet, un “anti-musée virtuel”, dans lequel ils figurent. En 2010, il participe à l’Exposition universelle de Shanghai. La même année, Dado s’éteint à l’âge de 77 ans.
Aujourd’hui ses œuvres sont conservées dans de grands musées du monde entier, tels que le Centre Pompidou à Paris, le Stedelijk Museum à Amsterdam, ou encore le Musée Guggenheim à New York.
Le peintre et sculpteur Dado est mort, le 27 novembre [2010], à l’âge de 77 ans, à Montjavoult (Oise), dans son moulin sis dans le hameau d’Hérouval. Dado était l’un des derniers artistes vivants dont l’oeuvre est marquée par le surréalisme.
Né le 4 octobre 1933 à Cetinje (Monténégro) dans ce qui est alors la Yougoslavie, Miodrag Djuric, dit Dado, est recueilli en 1944, après la mort de sa mère, par un oncle peintre qui habite Ljubljana (Slovénie). Après des études à l’Ecole des beaux-arts de Herceg Novi (Monténégro), puis à l’Académie des beaux-arts de Belgrade, le jeune artiste cède en 1956 à l’appel de Paris. Il y rencontre Jean Dubuffet et Roberto Matta. Sa peinture attire vite l’attention de tous ceux qui, dans la mouvance du surréalisme, espèrent de l’art visions et sensations troublantes. Elle joue alors de l’ambiguïté entre l’organique et le minéral, la chair et la terre, le corps et le paysage. Des êtres hybrides paraissent surgir de l’écorce des pierres. En 1958, une première exposition la fait connaître dans la galerie de Daniel Cordier, qui accueille l’année suivante l’ultime Exposition internationale du surréalisme à Paris. Grâce à elle, Dado achète le moulin d’Hérouval.
Son plus proche ami est alors Bernard Réquichot, autre artiste des métamorphoses corporelles. Un peu plus tard, il se lie avec Hans Bellmer et sa compagne Unica Zürn, figures majeures du surréalisme. Et c’est un autre proche du mouvement, le poète Georges Limbour, qui définit sa peinture en 1960 :
Tout ce qui compose le monde de Dado, les bébés précoces, les vieillards prématurés et les pierres, tout se fendille. S’il y a des murs ou des monuments, ils s’effritent, tombent en ruines. D’ailleurs, maintes créatures roses ou rougeâtres, parfois blanchâtres, paraissent faites de terre cuite ou d’argile sèche, donc susceptibles de se fendiller ou d’éclater. Elles souffrent d’une soif mortelle dans un pays déserté par l’eau, ravagé par la dessiccation.
Né à Herstal en 1974, Michel THIRY est un artiste dit outsider, en référence à l’art en marge. Il développe ses travaux personnels dans l’atelier plastique du Créahm (Créativité et Handicap Mental, Liège) depuis 1994. Avec son médium de prédilection, le marqueur noir sur papier, il élabore des structures qui quadrillent l’espace de la feuille. Se construisent alors de véritables scénographies dans lesquelles prennent place des figures de la culture populaire, des écrits, des éléments de décor qui, à force d’être reproduits, composent un véritable vocabulaire symbolique.
Ce dessin au feutre s’inscrit parmi la production foisonnante de l’artiste. Dessinée à partir d’images découpées dans des magazines, cette composition est alimentée par les précédentes et nourrit à son tour l’imagination pour les suivantes, s’inscrivant dans une continuité et un certain automatisme. L’œuvre de Michel Thiry, qui travaille avec des cases, établit des liens indéniables avec la bande-dessinée.
Jean-Jacques SEMPÉ (1932-2022) est un dessinateur humoriste français. Il est notamment l’illustrateur des aventures du Petit Nicolas dont l’auteur est René Goscinny. Dans les années cinquante, il connait le succès grâce à ses collaborations régulières avec Paris Match. De 1965 à 1975, Françoise Giroud l’invite à L’Express auquel il donne chaque semaine ses dessins et dont il est durant une quinzaine de jours l'”envoyé spécial” aux États-Unis en 1969. En 1978 Sempé réalise sa première couverture pour le New Yorker, célèbre magazine culturel américain. Il en créera plus d’une centaine par la suite. Après le succès du Petit Nicolas, à partir de 1962 (“Rien n’est simple”), Sempé publie presque chaque année un album de dessins chez Denoël, quarante jusqu’en 2010 (source Wikipedia).
Ce dessin aux délicates nuances d’aquarelles semble témoigner d’un instant idyllique, quelque part dans le passé. Un enfant en maillot de bain bronze, étendu sur une couverture, plongé dans un livre. A côté de lui se trouve une petite radio. A l’arrière-plan, une femme le regarde, le tablier rempli de poires…
[Extraits du catalogue de l’exposition Christian Dotrement, le peintre de l’écriture, 2022] Artiste, poète novateur et écrivain nomade, Christian DOTREMONT (1922-1979) compte parmi les personnalités les plus influentes de la seconde moitié du XXe siècle. Très tôt impliqué dans les mouvements d’avant-garde, il fut l’un des fondateurs du Surréalisme révolutionnaire (1947) et l’un des principaux animateurs du mouvement CoBrA (1948-1951). C’est au retour d’un de ses voyages en Laponie, en 1962, qu’il crée les ‘logogrammes’, des compositions à l’encre de Chine et au crayon fusionnant texte et peinture, geste et pensée. Durant toute sa vie, Dotremont fera de son œuvre un véritable champ d’expérimentation autour de la matérialité de l’écriture. Disparu en 1979, l’artiste aurait eu 100 ans en 2022.
1922 : naît à Tervuren (Brabant flamand) d’un père juriste, écrivain et musicien, et d’une mère journaliste. 1931-1939 : effectue sa scolarité dans une série de pensionnats catholiques (Namur, Braine-l’Alleud, Liège) ; publie un premier poème, Le Printemps, dans Le Petit Vingtième (1935) ; découvre le jazz et suit des cours de dessin à Louvain ; fugue à Charleville, pour se recueillir sur la tombe de Rimbaud ; abandonne ses études. 1940 : publie Ancienne Éternité, qui rencontre l’enthousiasme de Raoul Ubac, René Magritte et Louis Scutenaire, avec qui il se lie; intègre le groupe surréaliste belge. 1941 : publie Souvenirs d’un jeune bagnard et Le Corps grand ouvert ; quitte le domicile paternel pour Paris, où il rencontre Paul Éluard et Pablo Picasso et se lie avec Jean Cocteau, Oscar Dominguez, Alberto Giacometti, Gaston Bachelard (grande source d’inspiration) et Henri Goetz ; participe à la création de la revue surréaliste La Main à Plume, qui publie deux recueils de ses poèmes, Noués comme une cravate (avec des dessins de Dominguez) et Lettres d’amour (avec un dessin de Magritte). 1942-1944 : fonde à Louvain les Éditions du Serpent de mer, où il publie une série d’essais, s’intéresse à la linguistique et commence à rédiger un ouvrage de sémantique ; apprend les rudiments du chinois ; rédige le premier jet d’un Traité d’optique avec Ubac ; rencontre et épouse Annie (Ai-Li) Mian ; se réfugie dans les Fagnes pour échapper au Service du Travail obligatoire. 1945 : adhère au Parti communiste et collabore au journal Le Drapeau rouge ; avec Paul Colinet et Marcel Mariën, publie l’hebdomadaire Le Ciel bleu (auquel collaborent notamment Breton, Picasso, Magritte et Chavée), se lie avec Édouard Jaguer et Yves Bonnefoy, à Paris ; travaille comme coordinateur de traduction pour les éditions de La Boétie ; est exclu du groupe surréaliste bruxellois mais participe in extremis à l’exposition Surréa/isme. 1946 : fonde la revue surréaliste Les Deux Sœurs (à laquelle participent Bonnefoy, Char, Chavée, Scutenaire et Magritte) ; travaille pour l’éditeur Ernest Collet ; avec Jean Seeger et Louis Scutenaire, publie la plaquette La Grasse Matinée. 1947 : avec Jean Seeger et Paul Bourgoignie, rassemble les forces vives du mouvement surréaliste à Bruxelles ; au terme d’une série de réunions de travail, co-écrit le manifeste du surréalisme révolutionnaire (“Pas de quartiers dans la Révolution”), acte de naissance d’un mouvement qui entreprend de réconcilier les vues de l’art expérimental et l’action du Parti communiste, et auquel adhèrent notamment Marcel Arents, Marcel Broodthaers, Achille Chavée, Irène Hamoir, Marcel Havrenne, Marcel Lefrancq, Louis Scutenaire et Armand Simon.
1948 : coordonne les publications de la revue Surréalisme révolutionnaire et du Bulletin international du surréalisme révolutionnaire, tout en agissant comme secrétaire de l’Amicale nationale des Artistes communistes ; crée les premières ‘peintures-mots’ avec le peintre danois Asger Jorn (début d’une grande amitié) ; en marge de la Conférence des Arts l’Avant-Garde (novembre), prend l’initiative de réunir Jorn, les peintres néerlandais Karel Appel, Constant et Corneille, et l’écrivain belge Joseph Noiret ; rédige un texte-programme (La cause était entendue), signé par tous, qui marque la fondation du mouvement expérimental CoBrA (Copenhague, Bruxelles et Amsterdam) ! ; agit dès lors comme l’un des animateurs les plus actifs du groupe, depuis son domicile au 10 Rue de la Paille (Bruxelles), et comme son principal théoricien (il coordonne les publications de la revue Cobra et signe huit des quinze monographies parues dans la Bibliothèque Cobra). 1949 : organise l’exposition La Fin et les Moyens au Palais des Beaux-Arts de Bruxelles, à l’occasion de laquelle il rencontre Pierre Alechinsky, dès lors intégré à CoBrA (début d’une longue amitié); se mêle au Congrès mondial des partisans de la Paix (Paris); coordonne l’exposition L’Objet à travers les âges au Palais des Beaux-Arts de Bruxelles où il expose des pommes de terre ; participe aux rencontres expérimentales de Bregnernd (Danemark) ; réalise de nouvelles peintures-mots avec Corneille, Appel, Corneille et Constant ; participe (avec Appel, Corneille, Doucet et Alechinsky) à l’Exposition et au Congrès d’art expérimental au Stedelijk Museum d’Amsterdam et prononce son discours Le Grand Rendez-vous naturel qui fait scandale. 1950 : organise et préface de nombreuses expositions CoBrA, dont deux à la galerie Apollo et une à la galerie Saint-Laurent de Bruxelles (Les Développements de l’œil) ; rencontre Max Ernst ; avec Jean-Michel Atlan, crée les peintures-mots Les Transformes ; participe à l’écriture et au tournage du film Perséphone (scénario de Luc de Heusch) ; séjourne à Copenhague avec une bourse pour étudier les arts populaires danois. 1951 : organise avec Alechinsky et Uffe Harder la IIe Exposition internationale d’Art expérimental au Palais des Beaux-Arts de Liège ; à Copenhague, fait la rencontre de Bente Wittenburg, qui sera désormais sa muse (“Gloria”) ; est reçu au sanatorium de Silkeborg aux côtés de Jorn (fin officielle du mouvement CoBrA) ; entame la rédaction d’un roman inspiré de ces événements, d’abord intitulé Journal de la catastrophe. 1952 : s’installe à Paris avec Gloria (mars) puis à Tervuren, dans les vestiges du Royal Hotel (“Gloria House” et futur “Grand Hôtel des Valises”), avant un séjour à Hellerup et la première grande rupture avec l’amante ; errances à Copenhague, Stockholm, Malmö et Oslo. 1953 : séjourne longuement en Suède avant de retourner à Bruxelles et d’investir les ateliers du Marais d’Alechinsky ; est reçu au sanatorium universitaire d’Eupen, où il collabore à la revue inter-sanatoriale Sillages et trace des ‘écritures lumineuses’ ; dépose le manuscrit de son roman chez Jean Paulhan, avec lequel il se lie ; publie le recueil Les grandes choses (avec des aquarelles de Bente). 1954 : séjourne au sanatorium Rose de la Reine, à Buizingen; entame une collaboration avec La Nouvelle Revue Française (Le Pays du nja). 1955 : publie La Pierre et l’oreiller chez Gallimard ; se lie avec Michel Butor; reprend l’expérience des peintures-mots (avec Alechinsky, Appel, Balle, Claus, Corneille et Jorn). 1956 : entame un long effort de promotion et de défense du mouvement CoBrA, au-delà de CoBrA ; prépare deux expositions pour la galerie Taptoe (Bruxelles) et réalise avec Jorn une exposition exclusivement consacrée au mouvement (Bruxelles), où s’exposent les peintures-mots réalisées en 1948 ; séjourne au Danemark puis en Finlande ; effectue un premier court séjour en Laponie, dont il s’inspire pour écrire Commencements Japons. 1957 : conçoit le commentaire du film d’Alechinsky Calligraphie japonaise ; publie Vues, Laponie (avec des dessins d’Alechinsky, Appel, Corneille et Jorn). 1958-1959 : avec Serge Vandercam, publie Fagnes avant de réaliser les Boues et bouologismes ; avec le photographe Oscar Schellekens, publie Digue ; avec Corneille enfin, Petite géométrie fidèle. 1960 : séjourne longuement au Danemark ; publie La Reine des murs (avec des lithographies de Pierre Alechinsky) et entame la rédaction des Mémoires d’un imaginiste (publié en 1981) 1961 : publie La Chevelure des choses, dessins-mots réalisés avec Jorn entre 1949 et 1952, et réédite Ancienne Éternité avec des burins d’Ubac ; fait un premier long séjour en Laponie, grâce à une bourse d’étude du Ministère de l’Éducation nationale et de la Culture ; signe les premiers dessins lapons, publie ses premiers poèmes à mots brisés, Moi qui j’avais (avec des dessins de Pierre Alechinsky) ; se réinstalle à Tervuren. 1962 : voyage pour la troisième fois en Laponie ; au retour, trace ses premiers logogrammes à Tervuren (au stylo), puis à Silkeborg (au pastel gras de couleur) ; crée de nouveaux dessins-mots et peintures-mots avec Alechinsky, Appel et Hugo Claus. 1963 : crée la revue-tract Le Tressor (à Silkeborg) et la revue expérimentale Strates (à Bruxelles), à laquelle collaboreront notamment Jorn, Alechinsky, Reinhoud et Bury ; effectue un quatrième voyage en Laponie (où il conçoit les premières ‘écritures espacées’) et un premier séjour en Irlande (où il s’initie à l’écriture gaélique). 1964-1965 : publie les plaquettes Logogrammes I et Logogrammes II et entreprend trois nouveaux voyages en Laponie ; développe l’idée du projet Cobra-forêt avec le mécène italien Paolo Marinotti ; poursuit son travail de mise en valeur des artistes CoBrA, en signant des textes et préfaces d’expositions. 1966 : voyage pour la huitième fois en Laponie ; en réaction à l’organisation d’une exposition Cobra au musée Boijmans-Van Beuningen (Rotterdam), monte une ‘contre-exposition’ à la galerie Carstens(Copenhague) puis à la galerie Westing (Odense). 1967 : neuvième voyage en Laponie ; rencontre et collabore avec le peintre suédois Rune Jansson. 1968 : après une nouvelle hospitalisation au sanatorium de Buizingen, crée les premiers grands logogrammes sur papier Steinbach ; premières expositions personnelles à la Jysk Kunstgalleri (Copenhague) puis dans les Salles Dejong-Bergers (Maastricht) ; publie le recueil de variations graphiques Le oui et le non, le peut-être. 1969 : première exposition personnelle de logogrammes à la galerie Maya (Bruxelles), conçoit avec Mogens BalleL’Imagitatrice, série d’affiches gravées sur bois, qui s’exposent à la galerie Jensen (Copenhague) ; s’installe à la maison de repos Pluie de Roses à Tervuren, où il vivra désormais. 1970 : publie Ltation exa tumulte et différents poèmes ; expose au musée d’Art moderne de Bruxelles. 1971 : expose avec succès à la Galerie de France (Paris) puis à la galerie Maya (Bruxelles), publie Typographismes I. 1972 · réalise une série d’œuvres à deux temps (logogramme et dessin, gravure ou peinture) avec Alechinsky, Bury, Corneille et Reinhoud ; expose au Palais des Beaux-Arts (Bruxelles), à la galerie Lefebre (New York), avec Alechinsky, représente la Belgique à la 35e Biennale de Venise, le Museum of Modern Art achète deux de ses logogrammes. 1973 : expose ses logogrammes à Lyngby, Milan, Rome et Copenhague ; signe une nouvelle série d’œuvres à quatre mains avec Alechinsky, Corneille, Reinhoud, Bury, etc. ; effectue un nouveau voyage en Laponie ; signe une lithographie et le texte Une rencontre lithographique de vagabonds pour l’album Cobra 1973 ; traduit des poèmes danois pour Gallimard ; publie De loin aussi d’ici ; reçoit le prix de la Libre Académie de Belgique ; se lie et collabore avec le peintre Michel Mineur. 1974 : expose à la galerie Maya (Bruxelles) ; participe à l’exposition Cobra 48.51.74 à l’hôtel de ville de Bruxelles ; publie le livre Logbook, rassemblant un choix de logogrammes. 1975 : expose à la Galerie de France (Paris), à l’Eco Galleria d’Arte (Finale Ligure), à la galerie Grand (Copenhague) et à la Jacques Damase Gallery (Bruxelles).
1976 : avec Alechinsky, réalise une peinturelog pour la station du métro bruxellois Anneessens ; expose à la galerie D. Benadorà (Genève) et à la Galeria Cesarea (Gênes), onzième voyage en Laponie, en compagnie de Caroline Ghyselen. 1977 : renoue avec Gloria, à Snekkersten (Danemark) ; réalise une série de peintures-mots et dessins-mots avec Jacques Calonne et Karel Appel, travaille à la composition d’un ‘roman poétique’, grand logogramme en 25 parties (édité chez Ziggurat à Anvers), participe à une série d’expositions collectives, notamment au Musée d’Art moderne de Bruxelles ; expose ses logogrammes à la galerie Mark (Zurich), à la galerie Actuel (Bruxelles) et à La Dérive (Paris) ; les logogrammes entrent aux Musées royaux des Beaux-Arts de Belgique, au musée d’Art moderne à Paris, à la Fondation Maeght, etc. 1978 : participe à des expositions collectives (Rennes, Calais, Tourcoing, Malmö) et monte des expositions personnelles à Montréal, Ottawa, Bruxelles et Paris ; voyage pour la douzième et ultime fois en Laponie. 1979 : séjourne au Danemark et en Irlande, où il trace et fait publier Logbookletter, expose une nouvelle fois à la galerie Lefebre (New York) et au Cabinet des Arts graphiques (Bruxelles) ; décède au sanatorium de Buizingen, le 20 août 1979.
Ceci est un logogramme : énoncé laconique, modestement tracé au dos d’une enveloppe, mais qui signale le double champ où s’inscrit l’invention de Christian Dotremont. Une topographie campée hardiment au Nord, où s’insérait déjà La Trahison des images (“Ceci n’est pas une pipe”). Un espace symbolique, aussi : celui des révolutions picturo-poétiques. Pour dépasser l’évidence et saisir ce qu’est (ce que n’est pas) un logogramme, il ‘suffit’ en quelque sorte de suivre le poète à travers le long et patient commentaire qu’il a livré sur les soubassements et les étapes de son cheminement créatif. C’est ce récit – tout adroitement mené soit-il – qui nous a semblé devoir guider la trame de l’exposition-centenaire comme le plan de ce volume.
Le logogramme a son année et son lieu de naissance : Tervuren (dans le Brabant flamand), courant 1962. Une série de rendez-vous ont assurément préparé son avènement. Deux décennies plus tôt, tandis qu’il fait son entrée sur la scène surréaliste, Dotremont est mis sur la voie des hybridations du verbe et de la peinture en fréquentant René Magritte (dont il dévore l’essai historique Les Mots et les Images) puis, à Paris, Pablo Picasso et Paul Éluard, dont les créations à quatre mains le marquent durablement). La guerre finie et les espoirs du surréalisme révolutionnaire déçus, il s’investit tout entier dans l’aventure collective de CoBrA où s’impose un idéal d’inter-spécialisme et éclot la pratique jubilatoire des peintures-mots.
Pour que le métissage du mot et de l’image excède le dialogue, pour qu’il inspire l’élan d’une pratique individuelle et syncrétique, il aura toutefois fallu, vers 1950, cette expérience proprement renversante : regardant par le plus grand des hasards (“ou par une sorte d’intuition“) le manuscrit de son texte Le Train mongol en transparence, à l’envers et verticalement, Dotremont découvre un univers graphique insoupçonné, apparentant sa cursive aux écritures d’herbe asiatiques. Dans le récit de la geste dotremontienne, cet événement incarne le choc initiatique, par lequel l’homme de lettres put expérimenter une projection au-delà de sa propre conscience de l’écrit : “J’eus l’impression d’avoir été, en traçant quelques mots de français, le scribe aveugle d’un écrivain que je ne connaissais pas encore ; un médium ignorant de son pouvoir.” De ce point de bascule, qui marque l’aube d’une entreprise de refondation poétique et où s’origine la mue de l’écrivain en peintre de l’écriture, il faut dire en quelques mots de quoi il retourne.
“Écrire les mots comme ils bougent”
Ce que j’ai cherché, c’est à regarder l’écriture sous tous ses angles et pas seulement sous le seul angle de la signification. J’ai voulu aussi la regarder autrement, à l’endroit, à l’envers, tête-bêche, pour y découvrir ce que d’emblée on pouvait y découvrir, une grande mobilité, une immense bougerie.
Au cœur de ce processus créatif se niche la reconnaissance d’une qualité intrinsèque de l’écriture, qui est sa gymnastique débordante. Saisie dans son état naturel (pré-communicationnel), la cursive est une suite d’irruptions, d’interruptions et d’éruptions, un constant gigotement. Le logogramme ne ferait au fond que prolonger et gonfler cette danse rebelle du langage :
[…] j’exagère le naturel, voilà ce que je fais dans mes logogrammes, j’exagère le naturel je le laisse exagérer, et quand le naturel exagère il exagère, il fait des cabrioles, des strates, conteste l’école, fait des accidents, des éclats.
En plaidant pour une création naturelle, dégagée des carcans formalistes, Dotremont dit sa dette vis-à-vis de CoBrA et des philosophies de Gaston Bachelard et d’Henri Lefebvre : la quête des artistes se limiterait – mais s’ennoblirait par là – à révéler la poésie inhérente à la matière et à explorer l’action de l’art sur la vie quotidienne.
Parce qu’il épouse l’inventivité spontanée de la cursive, l’art de Dotremont assume en outre une dimension quasi démocratique : “Toutes les personnes qui écrivent font des logogrammes sans le savoir.” Loin de se résumer à un dogme accrocheur, cette formule atteste la fascination authentique que le poète nourrissait pour les écritures du quotidien, toute d’irrégularités pétries :
Vous écrivez tous irrégulièrement, pour toutes sortes de raisons, notamment parce que la signification détermine l’écriture, parce que le texte ne vient pas régulièrement, parce que vous n’êtes pas personne, parce que vous n’êtes pas mort. parce que vous n’êtes pas parfait, parce qu’à chaque instant vous vous inventez vous-mêmes, et le plus irrégulièrement lorsque vous écrivez pour vous-même, très vite avec le seul souci de savoir vous-même vous relire […]
À la manière de ces graphies vernaculaires, mais secouée un degré plus loin et dès lors expressément maintenue dans le domaine de l’illisible, l’écriture de Dotremont révèle ses dispositions et moyens intimement picturaux.
je ne vous demande pas de savoir lire mes logogrammes […], je vous suggère de voir dans leur écriture exagérément naturelle, excessivement libre. le dessin, le dessin non-naturaliste, certes, mais de toute façon matériel, de mon cri ou de mon chant ou des deux tout ensemble.
Certes, le poète ne renonce pas in fine à se faire comprendre : “Vous pouvez lire le texte toujours écrit en petites lettres lisibles, calligraphiques, au crayon, sous le logogramme.” Mais il s’assure que cette bougerie de mots, avant d’être restituée à l’intelligence du lecteur, s’offre d’abord aux yeux d’un spectateur :
écrire les mots comme ils bougent
[…]
pour que même tout écrits déjà
ils bougent encore dans vos yeux
“L’ant(e/i)linguistique”
Ce que le logogramme n’est donc pas : un art de dire qui s’encombre des chaînes de la linguistique, “cette science qui ne sait pas que […] l’imagination verbale communique toujours – plus ou moins apparemment mais toujours – avec l’imagination graphique.” À travers son œuvre et l’arsenal théorique qui l’accompagne, Dotremont réaffirme la vitalité de l’écriture face au progrès galopant de la typographie (corollaire d’une dictature de J’imprimerie) et dessine les contours d’une ‘linguistique réelle’, attentive aux processus de production matérielle de la langue. Ce faisant, il invite à réinsérer la signification du log dans une vision anti ou ante-linguistique. Loin des diktats de la lisibilité et de la communicabilité, la poésie peinte réaffirme l’immanence du sens aux signes et réinscrit l’activité scripturale dans le domaine de l’empreinte et de la trace :
[…] j’ai entrepris de tracer des logogrammes en renonçant à la lisibilité de telle façon que les lettres, les ligatures, les espaces mêmes, les espaces blancs entre les traces noires, les jeux de contrastes, tout apparaît dans sa matérialité et reprend sa nature de trace, de trace directe, de trace immédiate que la lisibilité nous dérobe.
“Califourchons la calligraphie”
Ce que le logogramme n’est pas davantage : un art calligraphique. L’impression du cousinage est grande lorsqu’on parcourt certaines pages de Logogrammes I (1964), dont les tracés revêtent des contours quasi idéogrammatiques. Elle est plus forte encore à la vue de certains grands logs des années 1970, qui peuvent rappeler la courbe élancée des calligraphies arabes. Dotremont a brouillé les pistes dès le récit du Train mongol, en alignant la recherche d’une graphie nouvelle à une quête de sinification. Il n’a du reste pas caché son admiration pour les calligraphies d’Orient et d’Extrême-Orient – en témoigne le commentaire enthousiaste qu’il signe pour le film Calligraphie japonaise, tourné par Pierre Alechinsky en 1955. Mais le poète s’est régulièrement défendu contre un réflexe d’assimilation, en lequel il voyait un trait de paresse. De fait, il y a loin du logogramrne à cette recherche d’esthétisme et de perfection guidant la main du calligraphe :
[…] je ne cherche pas la beauté, je la trouve parfois, et alors je l’accepte, si elle n’est pas purement formaliste. Mon but n’est ni la beauté ni la laideur, mon but est l’unité verbale-graphique : mon but est cette source.
Dotremont boude le trait raffiné au profit du tracé naturel et vivant. La parenté du log doit ainsi moins être recherchée du côté de la calligraphie que des écritures populaires non-latines, auxquelles il eut parfois à cœur de s’initier – il apprit ainsi les rudiments du chinois (tandis qu’il séjourne à Louvain chez sa future épouse Ai-Li, en 1943) et s’intéressa à l’alphabet runique (au Danemark en 1951) et au gaélique (à Dublin et à Tervuren, entre 1963 et 1964).
“Pour une poésie debout”
Ce que le logogramme est en revanche : ce qui relie les ‘caprices’ des mots au ‘désordre’ du scripteur.
les écrire de mon désordre certes
mais aussi de leurs caprices
La motilité intrinsèque du verbe est ainsi ce qui déclenche et traduit à la fois le mouvement du plasticien. La pratique du logogramme réaffirme fièrement ce qui de l’acte d’écrire tient d’une aventure physique, élargie des élans de la main à une danse du corps.
J’ai commencé par tracer de petits logogrammes en 1962 et j’étais assis à ma table, comme un écrivain, dans cette position lamentable de l’écrivain bureaucratique. Et un jour, je me suis levé parce que j’avais décidé d’écrire sur des feuilles beaucoup plus grandes et je n’ai plus pu travailler assis mais debout et c’est devenu une danse de mon corps tout entier, une chorégraphie, oui, et c’est ainsi que j’arrive à dessiner.
Que le poète daigne se lever apparaît donc comme une condition de possibilité de l’écriture-peinture. De cette conversion à la verticale Dotremont aura fait un impératif, lui dont la pratique des tracts surréalistes avait éveillé le sens du slogan : “Pour une poésie debout”, griffonnera-t-il dans son agenda de 1968.
“Premiers jets et rebuts d’écriture”
Renouer avec la dimension physique de l’écriture équivaut à réconcilier la poésie avec l’élan direct et primitif de la cursive : il s’agit d'”écrire une seule fois mais de toutes [ses] forces.” À travers l’inextricabilité du verbe et des formes qui le matérialisent, une éthique se déploie : rien ne doit préexister à l’action de l’écrivain-peintre, tout doit éclore ici et maintenant. Selon une formule devenue classique sous la plume de Dotremont, les logogrammes sont ainsi des “manuscrits de premier jet”. L’inspiration poétique et la créativité plastique se confondent, procédant d’un commun jaillissement ; puisant à la source d’une “masse alphabétique disponible”, le flux des mots-formes inonde la page, s’épanchant de manière tantôt fébrile, tantôt véhémente. La métaphore aquatique est omniprésente, qui traduit le processus créatif de Logogus :
C’est que la création d’un texte est une crue (toujours lorsqu’il y a création), une coulée […] qui tient bien du déversement […]. C’est le ruisseau, le ruissellement plus ou moins brusque jusqu’au déluge de l’écriture, toujours illisible lorsqu’elle est encore dans sa fraîcheur de fracassement, dans son désordre d’étranglement et de fracassement et de fragilité, ou de remontée, lorsqu’elle n’a pas encore tout à fait cessé ni recommencé d’échanger les champs, les échantillonnages de semences, les gémissements de sens, les glissades de neiges, les dessins plus ou moins indéfinissables des signes.
Il faut nuancer l’idée selon laquelle le logogramme, ainsi défini en déluge de matière verbale et picturale, n’eût jamais connu d’ébauche. De l’aveu de Dotremont lui-même, la spontanéité se conquiert de dure lutte (“l’auteur ne peut certes pas toujours éviter de penser, avant le commencement du traçage“) et le principe du premier jet peut souffrir quelques écarts. Il existe en effet de longs logogrammes-récits où une poésie – consciencieusement mûrie – mène le jeu, des esquisses et quelques œuvres ‘jumelles’, qu’il nous semble possible de dévoiler sans trop ébrécher le mythe. Car l’éthique fut sincère et eut ses témoins ; elle s’est donnée à voir à l’atelier de Pluie de Roses, où des visiteurs assistèrent à la danse de l’écriture et découvrirent, souvent médusés, un sol jonché de logogrammes répudiés. Œuvres inabouties parce que conçues trop délibérément aux yeux de l’artiste ou parce qu’au contraire, elles furent couchées dans une telle fièvre que le texte en était rendu impénétrable à la mémoire, incessible à la retranscription. La large majorité des tracés ont ainsi fini à la corbeille ou sous les flammes. Rescapées de cette purge, quelques pièces avortées sont rassemblées sous l’étiquette des “logogrammes au texte incertain“.
Paola Rossi, responsable de la rédaction du catalogue
EAN 9788836651481
“Cet ouvrage est paru à l’occasion de l’exposition Christian Dotremont. Peintre de l’écriture, présente divers aspects de son travail. Richement illustré, il rassemble de nombreux logogrammes, documents autographes, créations à quatre mains et photographies, issus du Fonds Christian Dotremont de la Fondation Roi Baudouin en dépôt aux Archives & Musée de la Littérature, prêtés par plusieurs collectionneurs parmi lesquels Pierre Alechinsky, ou encore conservés aux Musées royaux des Beaux-Arts de Belgique. Une sélection à la fois pertinente et inédite dévoilant tout le foisonnement créatif de cet artiste majeur…”
Née en 1962, Béatrice GRAAS est diplômée de l’Institut supérieur des Beaux Arts Saint Luc à Liège en 1987, elle ajoute à ses études de peinture une formation en gravure et lithographie, d’abord avec Marc Laffineur à Liège, et ensuite, à l’Académie du soir de Verviers avec Michel Barzin. Depuis 2004, Béatrice Graas est membre du groupe Impression. (d’après BEATRICEGRAAS.BE)
Son vocabulaire pictural se rattache à l’enfance, au bonheur de créer, à la liberté, la spontanéité. Elle traduit la pureté de cet univers par des coloris imprégnés de fraîcheur. Dans ses peintures apparaissent des personnages, des animaux imaginaires ou familiers et toute une série de graffitis, de fragments d’écriture qui relèvent du côté enfantin. “Il y a comme un plaisir d’étendre largement la couleur, d’inonder la toile de jaune de bleu, de vert, d’y introduire des éléments graphiques qui sont souvent bienvenus et accrochent la vie à ces grandes étendues peintes […]” (Pierre Deuse, cité sur BEATRICEGRAAS.BE)
Jean-Claude DEPREZ effectue ses études à l’Institut supérieur des Beaux-arts Saint-Luc à Liège. Dès sa sortie, en 1974, il se lance dans des expositions collectives en Belgique ou à l’étranger, essentiellement des dessins, réalisés dans une veine hyperréaliste. Il est inspiré par la ville, le monde de la nuit, le blues, mais aussi les écrivains de la beat generation, ou la musique rock, Tom Waits, Patti Smith… En 1992, il se lance dans la réalisation de monotypes.
Ce grand monotype en noir et blanc évoque puissamment les aciéries du bassin liégeois. L’assemblage de points de vue dans un style très réaliste rend une certaine idée de la violence de l’activité industrielle. La technique du monotype consiste à encrer une plaque de verre, y poser une feuille, puis une “feuille de réserve”, celle sur laquelle on va dessiner. Chaque trait, fait sur la feuille de réserve, s’imprimera sur la feuille originale, qui constituera l’œuvre. Celle-ci sera donc unique.
AMALIA DE LORENZI est née à Liège en 1966. Elle étudie la Décoration / Arts Textiles à Bruxelles, puis à Tournai et est également diplômée des cours du soir de gravure de l’Académie des Beaux-Arts de Liège. Elle est membre du groupe de graveurs “Impression(s)“. Amalia de Lorenzi a reçu plusieurs prix pour son travail sur textile (Prix Horlait-Dapsens, plusieurs prix au concours du Domaine de la Lice) et participe régulièrement à des expositions de gravure à Liège et en Belgique (d’après AMALIADELORENZI.WIXSITE.COM)
Cette série de trois gravures est réalisée en gravure sur linoléum (en creux et en relief) et joue sur le relief au moyen de découpes et d’assemblages. Il s’agit d’une composition abstraite en trois parties, qui n’utilise que deux tons : le blanc et l’oranger. De cadre en cadre on peut voir se former un profil courbe discontinu. Chacune des trois compositions présente un carré découpé et collé, sur lequel se devine en légère impression d’autres motifs. Ce travail tout en délicatesse peut s’apprécier en terme de textures, de matières, de couleurs et de motifs.
Plasticien multidisciplinaire né en 1969, Emmanuel DUNDIC est actif et reconnu dans le monde de l’art contemporain belge. Présent dans de nombreuses collections et lauréat de prix (prix de la Fondation Bolly-Charlier 2018, Prix de la Création de la ville de Liège 2016, Prix Jeune révélation de Leuze-en-Hainaut 1993 et d’autres), son travail artistique nous invite à prendre part à une narration faite de mots, d’images et d’objets.
“Le travail d’Emmanuel Dundic est empreint de drame, de silence évoquant l’exil intérieur et la mélancolie. Peintre de formation, l’artiste écrit souvent des dialogues courts qui n’en sont pas (affirmation, question, échappatoire) et donnent parfois lieu à une mise en image sous forme de photographies détournées de leur objet, ou d’objets créés en fonction des contingences ou de hasards. Des phrases météores issues de nulle part. Le “hors contexte” l’intéresse au plus haut point. Qui s’adresse à qui, et dans quel contexte ? Tout est prétexte à jeux de mots, anagrammes, filtrages, prophéties, traitements. Toutes ces phrases sont à tiroirs multiples, parfois évidentes, souvent hermétiques. La forme de présentation de ses textes est variable : édition, projection, distribution…”. (d’après SPACE-COLLECTION.ORG)
Jean COTTON est né à Lessines en 1947. Il étudie la gravure aux Beaux-Arts de Mons. En 1980, il y devient l’assistant de Gabriel Belgeonne. Jean Cotton pratique une figuration libre au trait nerveux et privilégie l’eau-forte (d’après CENTREDELAGRAVURE.BE)
“Jean Cotton réussit, par quelques traits vifs, à saisir les êtres et les choses. Il tire un judicieux parti de la page blanche d’où se détachent des images banales, en somme, auxquelles le frémissement du tracé confère une présence chaleureuse.” (d’après CONNAITRELAWALLONIE.BE)
Richard BAWIN (1955-2013) est né à Seraing, en Belgique. Il est l’un des plus anciens et des plus fidèles participants des ateliers duCEC La Hesse. Son travail se focalise essentiellement sur la peinture, le dessin et le collage. L’ensemble donne une impression d’architecture rigoureusement géométrique, d’une mosaïque de couleurs où les détails se révèlent dans un rapport de proximité. (d’après FREMOK.ORG)
Cette linogravure très expressive, aux traits bruts esquisse le portrait renfrogné du plus célèbre des gorilles, King Kong. Richard Bawin puise dans un de ses thèmes de prédilection, le cinéma, et en livre une interprétation énergique et personnelle.
Née en 1968, Elisabeth BRONITZ se forme à la peinture et à la scénographie à l’E.N.S.A.V. La Cambre. Elle apprend ensuite la gravure à l’Académie des Beaux-Arts de Bruxelles (notamment avec Kikie Crêvecoeur ou Roger Dewint). Elle participe à de nombreuses expositions personnelles ou collectives, notamment avec l’atelier Kasba auquel elle appartient depuis 2010.
Cette représentation d’un revolver .38 fait partie d’une série plus larges où Elisabeth Bronitz explore des icônes de notre société : “Flingues”, “Hôtesses” ou “Salon de coiffure”. L’aspect brut du travail de linoléum confère à l’image une plasticité qui éloigne le spectateur de la représentation littérale de l’objet. “Bronitz nous brosse le portrait d’un monde coloré dans lequel la réalité de l’autre passe par le filtre de son imaginaire”. (d’après E. Bronitz).
Née en 1977, Clémentine BODET est diplômée de l’Ecole des Beaux-Arts “Le Quai” à Mulhouse, elle suit une formation en illustration à l’Institut St-Luc à Liège, ainsi que différents stages et cours en Belgique : en illustration avec Kitty Crowther et Dominique Goblet, en gravure, autour de la fabrication d’un livre… Depuis une dizaine d’années elle développe un travail personnel et s’est spécialisée dans la gravure essentiellement sur linoléum et bois comme technique d’illustration pour petits et grands. Elle pose sur le monde qui nous entoure un regard poétique et humoristique.
Dans un style naïf et enfantin, l’artiste évoque la chanson de Georges Brassens. La linogravure convient à merveille pour souligner ce style brut et expressif.
Né en 1971, Olivier SONCK est diplômé de l’Ecole Supérieure des Arts Plastiques et Visuels en gravure (Mons) et professeur de sérigraphie dans l’Atelier de Gravure et Image imprimée, il expose depuis 1993 (Belgique, Canada, Allemagne) et a été sélectionné dans des prix (prix du Hainaut-Arts Plastiques, prix de la gravure et de l’image imprimée, La Louvière) et lauréat d’autres prix (prix des arts de la province du Brabant Wallon, lauréat du Prix international à Tournai).
Cette œuvre en plomb gravé, renvoie au travail du typographe. Chaque lettre est emboutie manuellement dans le métal. Des mots graphiques deviennent petit à petit linguistiques et prennent sens. Olivier Sonck a forcé une typographie familière, celle, banale de la plaque minéralogique ; il l’a détournée des codes et usages, au profit d’une pure poésie. Des sérigraphies participent à raconter le silencieux combat de l’artiste qui cherche le mot ou l’image.
Sujet de prédilection des artistes depuis le XVIIIe siècle, les ruines fascinent aussi les “urbexeurs”, ces explorateurs contemporains qui arpentent les lieux abandonnés, avides de sensations fortes et de belles images… qui n’ont rien à envier aux visions fantastiques d’un Hubert Robert ou d’un Caspar David Friedrich.
Manoirs délabrés, usines désaffectées, toits du monde entier : vaste est l’aire de jeu de l’URBEX. Longtemps reléguée aux marges, voilà que l’exploration urbaine, et en particulier des lieux abandonnés, gagne du terrain. Au point de devenir une vraie tendance, notamment sous l’impulsion d’urbexeurs téméraires qui, sur les réseaux sociaux, partagent des clichés de décors insolites. Photographier les traces mais aussi l’effacement d’une présence humaine pas si lointaine, certains s’en sont fait une spécialité, à l’image de Thomas Jorion qui capture la beauté délabrée de palais italiens, ou encore de Romain Veillon dont l’épais ouvrage préfacé par l’écrivain voyageur Sylvain Tesson, GreenUrbex […] donne à voir un monde post-apocalypse où la nature aurait repris ses droits…
Parce que leur présence jette un pont entre passé et présent, les ruines ont, à partir la Renaissance, retenu l’attention des artistes. En ces temps de prise de conscience humaniste, l’Antiquité fascine et, avec elle, ses vestiges. Peu à peu, la ruine s’affirme comme une convention iconographique, qui symbolise aussi la victoire du christianisme sur le paganisme. Figurée au second plan de scènes religieuses, la ruine incarne une culture païenne désormais fermement rejetée et condamnée, et marque ainsi le passage d’une époque à une autre. Exit la grotte de la Nativité, chez Botticelli, la Sainte famille prend place dans une étable délabrée. L’artiste fait émerger des vieilles pierres des herbes folles, comme le symbole de la vie qui à nouveau jaillit. Le modèle fétiche des peintres ? Rome bien sûr qui, avec ses innombrables vestiges, a des allures de chantier permanent. S’y pressent des artistes de toutes parts, y compris de l’Europe du Nord qui importeront dans les Flandres ce motif jusqu’alors singulier, voire anecdotique.
Si au XVIIe siècle des peintres comme le Lorrain et Nicolas Poussin montreront dans leurs compositions harmonieuses et tranquilles un certain intérêt pour les ruines, ce n’est qu’au XVIIIe siècle que celles-ci s’imposeront comme un sujet à part entière. Diderot y consacre d’ailleurs une entrée dans son Encyclopédie : “se dit en Peinture de la représentation d’édifices presque entièrement ruinés. De belles ruines. On donne le nom de ruine au tableau même qui représente ces ruines. Ruine ne se dit que des palais, des tombeaux somptueux ou des monuments publics.” En Italie, Piranese fait figure de maestro. Cet artiste originaire de Venise consacre aux ruines de Rome une série de gravures qu’il n’aura de cesse d’enrichir toute sa vie. Il en révèle toute la magnificence, montrant chaque détail. Bien que délabrés, les monuments apparaissent invincibles, éternels.
En France, Hubert Robert, surnommé “Robert des ruines”, s’empare aussi de ce motif. Alors que se déploie le Grand Tour, il se rend en Italie et s’arrête à Pompéi. La mythique cité, ensevelie sous les cendres du Vésuve en 79 ap. J-C. est tout juste découverte. L’artiste dessine sur le motif et se passionne pour le pittoresque. De retour en France, il s’autorise toutes les fantaisies comme lorsqu’il peint, dans une grande profusion de détails réalistes, la grande galerie du Louvre complètement délabrée. Une vision digne d’un film d’anticipation, qui inscrit la ruine dans le futur.
Le romantisme fait de la ruine une allégorie de la condition humaine, qui renvoie l’homme à sa petitesse et sa finitude. La passion pour le Moyen Âge gothique supplante bientôt celle pour l’Antiquité gréco-romaine. Les temples délabrés et autres débris de colonnades cèdent leur place aux hautes cathédrales et donjons éventrés. Pour les romantiques – Caspar David Friedrich et Karl Friedrich Shinkel en tête – la ruine est un résidu géologique qui se confond prodigieusement dans la nature… Dans leurs compositions, l’homme est le plus souvent réduit à un simple témoin silencieux, absorbé dans des paysages irréels, voire lugubres (pour ne pas dire sinistres !). Tandis que l’archéologie est tout juste reconnue comme une discipline scientifique, le XIXe siècle voit aussi émerger la figure du photographe voyageur qui, de l’Égypte à la Grèce témoigne des vestiges rencontrés au cours de ses périples. En France, la photographie vole au secours des monuments en péril avec la Mission héliographique de la Commission des monuments historiques en 1851, qui commande à cinq photographes d’inventorier quelque 175 édifices à travers le territoire national.
Traversé par les conflits sanglants, le XXe siècle met à mal l’idée de ruine comme un vestige du passé. Tout à coup, elle incarne une réalité douloureuse et mortifère. Des peintres de la Nouvelle Objectivité au surréalisme en passant par l’expressionnisme, elle traduit le pessimisme des artistes face une guerre imminente. Chez les générations suivantes, elle est cathartique et permet de transcender le traumatisme. Né en 1945 d’un père officier, Anselm Kiefer incarne ainsi cette génération d’artistes hantés par l’horreur. En 2007, il présentait sous la nef du Grand Palais une fantomatique Chute d’étoiles, tandis qu’en 2021, en hommage au poète Paul Celan, il transformait l’espace du Grand Palais éphémère en vaste hangar, là encore peuplé de décombres.
Avec l’avènement de la société de consommation dans les années 1960, les Nouveaux Réalistes (Arman en tête) font des déchets l’allégorie d’une époque sans ruine, qui prend aussi conscience du désastre écologique qui la guette. Ils s’inscrivent comme les dignes héritiers de Kurt Schwitters qui inventait près de trente ans plus tôt, avec son Merzbau (1937), une structure habitable entièrement constituée d’objets trouvés et en perpétuelle évolution. Toujours dans les années 1960, Anne et Patrick Poirier, alors pensionnaires à la Villa Médicis, entament leur travail d’”archéologie-fiction”, où l’histoire se mêle au rêve, et questionnent notre regard.
Questionner le regard, c’est aussi l’ambition de Théo Mercier, qui l’été dernier [2021] invitait les visiteurs de la collection Lambert en Avignon, à explorer son Outremonde, paysage artificiel de sable duquel émergeaient, à la façon d’un mirage en plein désert, les vestiges d’une architecture gothique ou le pied démesuré d’un colosse… Inquiétante vision post-anthropocène où l’humanité a quasiment disparu. Terreau aussi fragile que fertile, les ruines, écrit Sylvain Tesson dans son introduction au travail du photographe Romain Veillon, “comme les morts, ont toujours tort. La nature les recouvre, quelque chose renaît. Tout recommence.”
Né à Charleroi en 1957, Thierry TILLIER participe dès 1979 aux activités du groupe Llys Dana, reliant par revues ou mail-art l’Allemagne, la Belgique et la France. Correspondant dès 1985 pour Canal Magazine (Paris) et Intervention (Québec), il cofonde en 1986 le Réseau 666 à Paris.
Pratiquant le collage de textes et d’objets au format de feuilles de papier parfois reportés sur toiles, Thierry Tillier passe de la notion de revue à celle de tableau en usant des mêmes techniques et matériaux. On perçoit ici les origines hétéroclites des images découpées utilisées (jeux d’argent et de hasard, scène biblique, bras d’étoile de mer). La recherche de concordance de coloris ou de matières donne à voir une composition nouvelle, alliant interprétation des signes et construction de l’image.
Né en 1985, Nicolas VENZI s’est formé en gravure à l’Ecole Estienne à Paris, et à l’Académie des Beaux-Arts d’Arlon. Il participe à de nombreuses expositions en France et en Belgique, et est sélectionné pour le prix de la Gravure de la Fédération Wallonie-Bruxelles en 2015.
Nicolas Venzi aime à utiliser la gravure sur linoléum pour le coté hypnotique de sa taille. Il créé des multiplications de motifs au point de les perdre dans une composition à la limite de l’abstraction. Ici, les poissons, crabes et animaux marins envahissent l’espace entier, évoquant des créatures en train de naître ou de disparaître, tel une image figurative en train d’immerger ou de sombrer dans l’abstrait, ou encore les estampes japonaises… On peut voir dans les coloris utilisés les teintes des états décomposés du corps (la putréfaction, le sang, etc.).
Formé à l’école de dessin de Rouen, Jean-Jacques LEQUEU arrive à Paris pour faire carrière comme architecte. Soufflot, architecte du bâtiment qui prendra en 1791 le nom de Panthéon, le prend sous sa protection. Soufflot meurt en 1780 et Lequeu se retrouve seul. Son manque de formation académique lui sera reproché, ce qui lui vaudra d’essuyer échecs après échecs, à chaque fois qu’il se présentera à un concours.
La conjoncture politique troublée de cette période ne l’aide pas non plus à sortir de l’anonymat. Né sous l’Ancien Régime, il est mort sous la Restauration et a a donc traversé une diversité de régimes politiques en contradiction les uns avec les autres. Les événements contrarieront ses projets à de multiples reprises. Ayant par exemple reçu commande d’une “fabrique”, construction “que l’industrie humaine ajoute à la nature, pour l’embellissement des jardins”, selon la définition que Jean-Marie Morel en donnera dans Théorie des jardins publié en 1776, les événements le conduisent à perdre ses clients, la noblesse fuyant alors la France.
Ce n’est qu’en 1940 que sera analysé le fonds qu’il a légué à la Bibliothèque Royale, juste avant sa mort en 1826, se battant toujours pour sa reconnaissance, ce qui n’empêchera pas sa mort dans l’indigence et l’oubli. Ses dessins érotiques ayant été rangés immédiatement dans les armoires de l’Enfer de la Bibliothèque, ils seront redécouverts dans les années 50.
Les tromperies de la nature
Ses dessins architecturaux manifestent une grande connaissance livresque. Il se réfère dans ses dessins aux Métamorphoses d’Ovide, à l’Histoire Naturelle de Buffon, au Songe de Poliphile de Francesco Colonna. Sa singularité réside dans l’association du corps humain à l’architecture, voire la fusion. Il surprend aussi par les liens qu’il établit entre les Humanités qui nourrissent son œuvre et ses dessins érotiques sans concession, le rapprochant de Sade. Ceux-ci furent rangés aux Enfers de la BNF sous le titre “Figures lascives et obscènes”, lorsqu’il légua son œuvre. Pour comprendre il faut se rappeler (…) que Jean-Jacques Lequeu est d’abord un portraitiste, attaché à la physionomie, comme c’était fort courant au XVIIIe siècle. Ceci l’a amené à développer une certaine ironie, d’abord à l’égard de lui-même mais aussi à l’égard de la nature (…).
Le goût de l’époque pour une nature sauvage et indomptée, telle que Rousseau l’avait défendue, se voit ici questionné. Cela permet de comprendre les dessins érotiques, voire pornographiques, de J.J. Lequeu autrement que par la voie psychanalytique, réduisant l’oeuvre de l’artiste à un ensemble de pulsions névrotiques. Pour lui, le retour à la nature est le retour au droit à la transgression ; une conception proche de celle de Sade. Retourner à la nature non contrôlée par les hommes, c’est mettre à mal toutes les normes. C’est rejoindre le goût pour le sublime.
Le sublime comme dépassement de la norme
On l’a longtemps classé comme artiste “révolutionnaire” parce qu’il réalisa des dessins “utopistes” comme Le Temple de l’Egalité. S’il contribua à la Révolution, une pique à la main, on le retrouvera en 1814 proposant la réalisation d’un mausolée à la mémoire de Louis XVI, ainsi qu’un théâtre royal. Entre 1806 et 1807, il se penche sur l’Eglise de La Madeleine dont Napoléon envisage de faire un Temple à la gloire des armées françaises. L’art n’est pas pour J.J. Lequeu une question politique, mais essentiellement une question qui réunit la technique et l’imagination dans une perspective de sublime, bien éloignée des règles du beau.
Il se consacre à des projets colossaux qui resteront sur le papier. L’île d’amour est ainsi une nouvelle Cythère, un lieu d’utopie. Proche en cela de la question du “sublime” développée par le philosophe irlandais Burke et le philosophe allemand Kant, il s’éloigne de celle du “beau”. Le sublime se rattache à l’idée de l’inaccessibilité, de l’incommensurable, de la petitesse de l’homme dans le monde, dont la prise de conscience le conduit au respect et / ou à la crainte.
J. J. Lequeu dépasse les bornes, aussi bien celles fixées par les règles techniques que par celles, morales… fidèle en cela à ses goûts pour le sublime. Ce que dit J.J.Lequeu, c’est qu’il n’y a pas d’architecture sans réflexion anthropologique. Penser le sublime dans l’architecture, c’est penser l’homme hors des normes du beau, dans l’incommensurable. La démesure érotique est à l’homme ce que la ligne démesurée est à l’architecture.
Les images licencieuses du XVIIIe siècle sont légion. De la littérature aux arts graphiques, le siècle des Lumières ose tout, la fascination pour la nudité s’empare de tous. Citons la philosophie pornographique d’un Boyer d’Argens avec sa Thérèse philosophe, ou Le Rideau levé ou l’Éducation de Laure de Mirabeau. On oublie souvent que “l’orateur du peuple”, “la torche de Provence”, la grande figure de la Révolution française a écrit dans L’Éducation de Laure des passages aussi insolites que celui où la jeune fille déclare : “Je me regardais dans les glaces avec une complaisance satisfaite, un contentement singulier”, quand elle ne se livre pas à l’inceste : “Il me semblait que l’instrument que je touchais fût la clef merveilleuse qui ouvrit tout à coup mon entendement. Je sentis alors cet aimable papa me devenir plus cher.”
Or, dans toute cette littérature, qui prône le dévoiement et la dépravation, l’idée selon laquelle la sexualité permettrait d’accéder à une certaine métaphysique du bonheur, ou à une meilleure compréhension du réel, est omniprésente. En cela, les œuvres les plus lascives de Jean-Jacques Lequeu (1757-1826) s’inscrivent dans l’esprit de son temps. Les titres ont pourtant la vie dure. En 1949, l’historien Emil Kaufmann écrit un article, dans The Art Bulletin, introduisant pour la première fois une expression qui va rester et qu’il reprendra en publiant Trois Architectes révolutionnaires : Boullée, Ledoux, Lequeu, en 1952. Impossible dès lors de se défaire tant de l’association avec Étienne Louis Boullée et Claude Nicolas Ledoux que du qualificatif d’”architecte révolutionnaire”.
Foisonnement créatif sans bornes
Dans l’introduction du catalogue du Petit Palais [2018], Laurent Baridon, Jean-Philippe Garric et Martial Guédron rappellent justement un commentaire plein d’ironie de Quatremère de Quincy : “On voit que la plupart des anciens dessins d’architecture n’étaient que de simples traits à la plume, hachés ou lavés légèrement au bistre. Les modernes architectes semblent avoir fait un art particulier de dessiner l’architecture. Je crois que cet art s’est accru ou perfectionné en raison inverse du nombre des travaux et des édifices qui s’exécutent.” Contrairement à ses deux illustres confrères, à supposer qu’ils l’aient vraiment été, Lequeu ne construit rien. Il dessine, oui. Dès lors, la tentation est grande de voir en lui un architecte frustré. Si, à l’inverse, Lequeu est envisagé sous l’angle de la philosophie pure, il devient pourtant un génial penseur, et un penseur féministe !
Comme Annie Le Brun le souligne dans sa brillante contribution au catalogue de l’exposition, La question amoureuse comme mur porteur, on a longtemps ignoré “l’intuition qu’il serait dans la nature du désir de conduire les hommes à vouloir habiter leur rêve. Et même que la volonté architecturale serait l’expression première d’un désir inventeur tout autant de formes que de nouveaux espaces.” Lequeu est à mille lieues des “sinistres casernes sexuelles imaginées aussi bien par Ledoux pour Arc-et-Senans que par Restif de La Bretonne dans Le Pornographe. Car, au lieu de s’en remettre au rationalisme, à l’hygiénisme et finalement à la dimension répressive qui président à ces projets, Lequeu, depuis le début, mise au contraire sur l’humour indéfectible du corps reprenant ses droits, en même temps que sur une nature jamais en manque de solutions imaginaires.”
Il y a, de toute évidence, un tournant dans son œuvre. Jeune élève brillant à la culture encyclopédique il est évident qu’il en connaît les planches mieux que personne, Lequeu s’écarte de la voie tracée en entremêlant, à partir des dessins pour l’architecture intérieure de l’hôtel de Montholon à Paris, désirs propres et attentes de ses commanditaires. Son foisonnement créatif est sans bornes. Dans le projet Pour la chambre à coucher de madame de Montholon, où les langues de l’Amour et de l’Amitié s’entremêlent goulûment tandis que le premier porte la main droite sur le sein de l’Amitié, ses annotations sont extrêmement fleuries :
Tous les appartemens chez les Anciens et particulière la chambre nuptiale étoient ornés des sujets les plus lubriques”, “Les pommes, le mythe étoient consacrés à l’amour, la bandelette autour des cheveux désigne la souveraineté. La colombe étoit l’oiseau de Vénus car ils sont très portés au plaisir. La tourterelle lui étoit agréable. La rose étoit sous la protection spéciale de cette divinité. Son éguillon est le sel des plaisirs etc.
La démarche de Lequeu s’inscrit aussi dans la pure tradition de la Renaissance puisque, pour Leon Battista Alberti, “l’édifice est un corps”. Impossible également de ne pas songer aux traités qui s’inspirent des principes de Vitruve sur la sexualisation des ordres d’architecture, comme le rappelle Laurent Baridon dans le catalogue, ou encore d’évoquer le Songe de Poliphile publié à Venise en 1499, roman architectural de Francesco Colonna où la quête de la sagesse et de l’amour s’incarne sexuellement dans certains édifices. Au XVIIIe siècle aussi, Jacques-François Blondel et Quatremère de Quincy développent des analogies entre pierre et chair. Tout un ensemble d’artistes, dont les peintres de fêtes galantes, prennent plaisir à donner un rôle aux statues qui décorent leurs compositions. Lequeu va évidemment plus loin encore dans sa série de figures de femmes qu’il dessine dans des baies, telles que Et nous aussi nous serons mères ; car… !S’agit-il d’une sculpture placée dans une niche ? Ou plutôt du portrait d’une célèbre scandaleuse qui incarne la débauche ? Le doute est permis.
Si Vitruve imagine le monde à la mesure du corps masculin, Lequeu le préfère à l’aune du corps de la femme, et plus spécifiquement de ses parties intimes. Les dessins en témoignent, les titres aussi : la Porte de sortie du parc des plaisirs, de la chasse du prince, la Coupe de la petite grotte du souterrain du désert, le Lieu des oraisons persanes… Dans le Boudoir du rez-de-chaussée, appelé temple de Vénus terrestre, côté du sofa, la forme choisie est aussi ambiguë. Des colonnes encadrent cette prison dorée, au milieu de laquelle la couche est destinée à accueillir les amours. Les inscriptions soutiennent cette lecture : “ceste ou ceinture à pucellage”, “pavillon à savourer”, “Pertunda, Volupie, Perfica, Volupté, compagnes des plaisirs lascifs… le Dieu est dans l’action de les commander aux armes”…
En réalité, selon Annie Le Brun, l’architecture devient chez lui l’espace qui relie la tête et le sexe, et son Architecture civile, qui l’occupe de 1792 à 1821, rend compte de l’immense ébranlement de ce qui s’y rapporte. “Car dans cet étrange recueil, voilà qu’entre des projets apparemment classiques se poursuit le travail du désir, venant miner tout l’espace social, telle cette “fournaise ardente” dans les soubassements de la maison gothique, où l’esprit du feu attise le feu de l’esprit jusqu’à induire le chemin d’une souveraineté inédite.”
Elle en veut pour preuve le sofa-cheminée,Ce qu’elle voit en songe, daté de l’an III, où Lequeu propose finalement une nouvelle lecture de l’Antiquité, faisant remarquer à ses contemporains qu’ils s’étaient fourvoyés en croyant en comprendre les grands penseurs. Lequeu était peut-être un visionnaire ; il était incontestablement un penseur génial. Il offre, plus qu’aucun autre artiste du XVIIIe siècle, la possibilité de susciter des débats infinis sur la nature de ses talents. Il y a fort à gager que, dans plusieurs décennies, son œuvre continuera à faire couler beaucoup d’encre, puisque son interprétation ne réussira probablement jamais à créer un quelconque consensus. Lequeu est surtout la preuve que le siècle des Lumières est un terrain fertile d’interrogations, un siècle impossible à classer.
Marie-France BONMARIAGE est née le 10 mai 1964 à Hermalle-sous-Argenteau. Diplômée de Saint-Luc Liège en peinture, et formée en gravure aux Beaux-Arts de Verviers, elle enseigne les arts plastiques. Elle obtient en 2002 le prestigieux Prix de la gravure et de l’image imprimée de la Fédération Wallonie-Bruxelles. Marie-France Bonmariage développe un travail abstrait, basé sur un trait délicat et tout en nuances, et des variations de couleurs et de compositions.
Cette lithographie de Marie-France Bonmariage est une grande composition abstraite présentant un délicat et inextricable enchevêtrement de traits dans des tonalités roses. Cette œuvre incite le spectateur à se perdre dans d’innombrables cheminements induits par la méticulosité du trait ou inversement, plissant les yeux, à embrasser cette forme nuageuse et changeante.
Diplômée de l’Atelier de Gravure à l’Académie Royale des Beaux- Arts de Bruxelles,Kikie CREVECOEUR a effectué de nombreux stages en Belgique et à l’étranger (France, Italie, Québec, Serbie, Chili, Suisse…). Elle propose un travail sériel, souvent inspiré par le quotidien, le cinéma, la BD, les pictogrammes … Son œuvre, qui procède souvent de la juxtaposition, concerne souvent l’intime, l’événement banal (sujet pour lequel elle privilégie l’usage de gommes gravées). Mais elle travaille aussi une certaine abstraction, dans ses études de feuillages et de motifs végétaux, ou géométriques, qu’elle organise en de grandes compositions très graphiques. (d’après CULTUREPLUS.BE)
Cette suite d’images émaillée d’éléments textuels relate des souvenirs d’un séjour de l’artiste à Libramont. Le texte nous indique qu’il s’agissait de l’AKDT de juillet 1983, stage organisé par la Royale académie internationale d’été de Wallonie (où elle enseignera quelques années après). Chaque image et portion de texte est réalisée sur une gomme (une simple gomme). Chaque vignette est donc gravée et imprimée séparément, puis juxtaposée, créant ainsi un continuum proche de la bande dessinée, une narration lâche faite d’impressions et de souvenirs diffus.
“Le mauvais art est quand même de l’art, aussi bien qu’une mauvaise émotion est une émotion quand même”. C’est ainsi que Marcel Duchamp, célèbre artiste du XXème siècle, justifie en 1917 son œuvre “Fontaine”, constituant simplement en un urinoir de porcelaine renversé. Cette citation aurait parfaitement sa place à l’entrée du Museum Of the Bad Art. Voici l’histoire extraordinaire d’un lieu qui célèbre les œuvres ratées.
Le MOBA, the Museum Of the Bad Art(le musée de l’Art mauvais) est une galerie située dans le Massachusetts qui a pour vocation de “collectionner et d’exposer le pire de l’Art” selon les mots de l’un des fondateurs. Créé par un groupe d’amis son histoire commence par… une plaisanterie !
Il était une fois, un tableau dans une poubelle…
Scott Wilson est un antiquaire américain exerçant dans la ville de Boston. Un soir de 1994, alors qu’il se rend chez Jerry Reilly et sa femme Mary Jackson, Scott remarque entre deux poubelles un tableau abandonné. Intéressé par le cadre, il reprend sa route, l’œuvre sous le bras. Arrivé chez ses amis, alors qu’il s’apprête à déchirer l’horrible toile, ces derniers lui soumettent l’idée de la conserver et de commencer une collection.
La peinture est intitulée “Lucy in the field with flowers” et marquera le début de l’aventure. Les trois amis se prêtent au jeu et interrogent alors leur entourage sur l’éventuelle possession d’œuvres picturales d’une qualité esthétique douteuse. Quelques semaines plus tard, le trio organise une soirée dans la maison du couple afin d’y dévoiler le fruit de leur recherche. L’événement est un succès. Les amis reçoivent alors de nouvelles peintures et organisent de nouvelles réceptions, si bien qu’un an plus tard, la maison du couple Reilly/Jackson s’avère trop petite pour accueillir les centaines de personnes qui se précipitent lors de chaque rendez-vous.
La vitesse supérieure
Puis un matin de 1995, c’est un autobus rempli de personnes âgées en voyage organisé qui se gare devant la petite demeure. “La situation devenait incontrôlable” explique Louise Reilly Sacco, actuelle Directrice par intérim permanent du MOBA. Le musée déménage alors dans le sous-sol d’un théâtre délabré de la ville de Dedham, juste à coté des toilettes pour hommes. Selon le journal South China Morning Post, cet emplacement aurait été choisi afin de maintenir le taux d’humidité nécessaire à la bonne conservation des toiles mais aussi de participer à l’ambiance générale de l’exposition.
En 2008, une seconde antenne est ouverte dans le théâtre de Somerville, une bourgade située 20km plus au Nord (les toiles étant de nouveau accrochées à proximité des petits coins par choix de la direction). Par ailleurs, le MOBA organise de nombreuses expositions extérieures toutes aussi atypiques. Il faut par exemple citer “Awash in the Bad Art”, durant laquelle 18 œuvres ont été plastifiés et exposés dans un tunnel de lavage automobile. En 2003, l’exposition “Freaks of nature” se concentra sur les paysages de travers. Quant à celle intitulée “I just can’t stop”, elle ne présenta que des œuvres où l’artiste, dans un élan de créativité, aurait donné quelques coups de pinceaux en trop, rendant le résultat final irrécupérable.
En plus de ses nombreux événements, le musée a connu une publicité inattendue grâce à un étrange fait-divers. Un soir de 1996, l’œuvre “Eileen”, récupérée dans une poubelle et représentant un portrait de femme sur un fond bleu, fut dérobée par effraction. La direction du musée porta plainte et proposa une récompense de 6,50 $ pour le tableau volé. Mais aucune réponse, malgré l’augmentation de la prime à 36 $. L’objet ne présentant aucune valeur, la police classa rapidement l’affaire dans la catégorie “autres larcins”.
Mais en 2006, rebondissement dans l’affaire ! Le MOBA reçut une lettre anonyme, réclamant une rançon de 5000 $ contre restitution de l’œuvre. Incapable de payer cette somme, la direction ignora la lettre. Mais quelques semaines plus tard, l’œuvre fut retrouvée emballée sur le paillasson du musée, sans aucune explication.
Sélection des œuvres : une exigence particulière
Mais n’allez pas croire que le MOBA se résume à une vaste plaisanterie. Espérer obtenir un crochet n’est pas à la portée de tous. “Neuf œuvres sur dix ne sont pas retenues parce qu’elles ne sont pas assez mauvaises selon nos très bas critères” explique Mary Jackson. “Nous collectionnons des objets réalisés dans l’honnêteté, pour lesquels les gens ont tenté de faire de l’art jusqu’à ce que les choses tournent mal”. Ainsi, les tableaux d’enfants, les œuvres kitsch ou volontairement de mauvais goût ne peuvent être sélectionnés.
Selon Dean Nimmer, professeur à l’école des Arts du Massachusetts, le MOBA applique le même type de critères d’acceptation qu’un musée des Beaux-Arts, mais pour le mauvais Art.
Malgré cette exigeante sélection, de nombreuses critiques accusent le musée d’être un lieu de moqueries envers certains artistes. La direction se défend de telles accusations, expliquant que si le musée cherche à se moquer d’une chose, c’est de la communauté artistique et non des artistes. “Notre musée est un hommage à l’enthousiasme artistique”.
Monique DOHY est diplômée de l’Académie royale des Beaux-Arts de Bruxelles section graphisme et image. Depuis, elle développe son travail de gravure, participe à de nombreuses expositions collectives ou personnelles ainsi qu’à des stages ou des formations (art thérapie, atelier vocal…). Monique Dohy enseigne la gravure depuis 1997 à l’Ecole d’art de Wavre et à l’Académie d’Anderlecht (d’après ESPERLUETE.BE)
Dans cette composition abstraite, Monique Dohy joue avec les traits comme autant de fissures ou de veines qui zèbrent l’espace. La technique de l’eau-forte semble hybridée avec celle de la pointe sèche, car certains traits sont plus épais et “flous” alors que d’autres sont fins et nets.