RANSONNET : Sans titre (2003, Artothèque, Lg)

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RANSONNET Jean-Pierre, Sans titre

(xylogravure, 42 x 32 cm, 2003)

Jean-Pierre RANSONNET, né à Lierneux en 1944, est un artiste belge. Il vit et travaille à Tilff, en Belgique. Formé à l’École supérieure des Arts Saint-Luc de Liège (1962-1968), Jean-Pierre Ransonnet séjourne en Italie en 1970 grâce à une bourse de la fondation Lambert Darchis. Il enseigne le dessin à l’Académie des Beaux-Arts de Liège de 1986 à 2009.

Cette série de gravures sur bois de Jean-Pierre Ransonnet est une variation sur des formes plastiques abstraites, ou évoquant des sapins. L’artiste use de l’expressivité du bois gravé, laissant transparaître les veines du bois, matière même de son discours.

Et pourquoi pas emprunter cette oeuvre gratuitement à l’Artothèque de la Province de Liège ? N’attendez plus, foncez au 3ème étage du B3, le centre de ressources et de créativité situé place des Arts à B-4000 Liège…

[INFOS QUALITE] statut : actualisé | mode d’édition : compilation (droits cédés) et mise à jour par wallonica.org  | source : Artothèque Chiroux | commanditaire : Province de Liège – Culture | contributeur : Philippe Vienne | crédits illustrations : © Jean-Pierre Ransonnet ; mu-inthecity.com | remerciements à Bénédicte Dochain, Frédéric Paques et Pascale Bastin

SEMPE : Sans titre (s.d., Artothèque, Lg)

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SEMPE, Sans titre

(sérigraphie, 35 x 30 cm, s.d.)

Jean-Jacques SEMPÉ (1932-2022) est un dessinateur humoriste français. Il est notamment l’illustrateur des aventures du Petit Nicolas dont l’auteur est René Goscinny. Dans les années cinquante, il connait le succès grâce à ses collaborations régulières avec Paris Match. De 1965 à 1975, Françoise Giroud l’invite à L’Express auquel il donne chaque semaine ses dessins et dont il est durant une quinzaine de jours l’envoyé spécial aux États-Unis en 1969. En 1978 Sempé réalise sa première couverture pour le New Yorker, célèbre magazine culturel américain. Il en créera plus d’une centaine par la suite. Après le succès du Petit Nicolas, à partir de 1962 (“Rien n’est simple”), Sempé publie presque chaque année un album de dessins chez Denoël, quarante jusqu’en 2010 (source Wikipedia).

Cette lithographie est tirée d’un dessin à l’aquarelle d’une grande délicatesse. Un enfant suivi de son chien, se promène en banlieue au coucher du soleil. L’échelle entre le décor et les personnages, la qualité du trait et le rendu de l’expression de l’enfant : cela semble tout droit sorti de l’univers du Petit Nicolas.

Et pourquoi pas emprunter cette oeuvre gratuitement à l’Artothèque de la Province de Liège ? N’attendez plus, foncez au 3ème étage du B3, le centre de ressources et de créativité situé place des Arts à B-4000 Liège…

[INFOS QUALITE] statut : actualisé | mode d’édition : compilation (droits cédés) et mise à jour par wallonica.org  | source : Artothèque Chiroux | commanditaire : Province de Liège – Culture | contributeur : Philippe Vienne | crédits illustrations : © Sempé  | remerciements à Bénédicte Dochain, Frédéric Paques et Pascale Bastin

HERRERA, Carmen (1915-2022)

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[LIBERATION.FR, 15 février 2022] Mieux vaut tard que jamais. Cette expression est particulièrement vraie en ce qui concerne la peintre Carmen HERRERA, décédée le 12 février à 106 ans dans son loft de Manhattan.

Travaillant incognito pendant toute sa carrière, exposant sans relâche mais sans vendre aucune toile, la pionnière de l’abstraction géométrique a connu le succès tardivement, à la suite d’une exposition collective à la Latin Collector Gallery à New York en 2004. C’est à cette période qu’elle vend sa première œuvre à l’âge de 90 ans. Pour aller jusque sur les cimaises du Whitney Museum qui lui consacre une rétrospective en 2016. Ses tableaux et sculptures, joyeux cocktail de triangles, de rectangles, de lignes brisées et de couleurs contrastées ont alors rencontré un très grand succès aux enchères et dans les foires. Le fait d’être une femme latino-américaine dans le milieu de la peinture minimaliste volontiers sexiste explique son succès tardif.

Continuant sa peinture comme si de rien était, Carmen Herrera n’a été ni arrêtée ni freinée par le manque de reconnaissance. Coûte que coûte, elle a continué à peindre par “amour de la ligne pure”, comme elle l’a confié au New York Times en 2009, considérant que “la gloire était quelque chose de vulgaire”. “C’est comme un bus, que j’ai attendu pendant près de cent ans”, a-t-elle aussi déclaré.

Gemini (2007) © Sheldon Museum of Art

La recherche des couleurs et des formes pures

Née à La Havane en 1915, l’artiste grandit dans une famille progressiste : son père est le fondateur d’El Mundo à Cuba et sa mère, féministe, exerce le métier de reporter. C’est à Paris et à La Havane que Carmen Herrera étudie l’art, l’histoire de l’art et l’architecture. Pendant la guerre, étudiante à l’Art Students League de New York (1942-1943), elle rencontre Barnett Newman et Ellsworth Kelly, grandes figures de l’expressionnisme abstrait. Dans les années 50, l’artiste cubano-américaine expose au Salon des réalités nouvelles à Paris, un vivier de l’abstraction, de l’art concret et de l’art géométrique. Si elle vit entre La Havane et Paris dans les années 30 et 40, elle s’installe définitivement à New York en 1954. Et persévère sans fléchir, vivant de peu, soutenue financièrement par son mari, dans sa recherche des couleurs et des formes pures. En 2004, son style est comparé par un critique du New York Times à celui de Piet Mondrian, Ellsworth Kelly et Lygia Clark  : sa réussite éclate enfin. Aujourd’hui, ses toiles font partie des collections du Moma, de la Tate Modern ou du Walker Art Center de Minneapolis. A Paris, en 2021, deux de ses tableaux ont été remarqués dans l’exposition Elles font l’abstraction au Centre Pompidou.

Clémentine Mercier


© Richard Drew – AFP

[CONNAISSANCEDESARTS.COM] La galerie Lisson a annoncé la mort de Carmen Herrera qu’elle exposait depuis 2010. Elle est décédée “paisiblement dans son sommeil” à 106 ans dans son appartement de New York.

Toute sa vie passionnée par l’art abstrait et les figures géométriques, son travail, en tant que femme artiste, n’a pas été reconnu avant les années 2000. “Il en aura fallu du temps, grand Dieu, ils auront attendu longtemps“, a-t-elle pu déclarer, visiblement peu rancunière. Encore active pendant ces vingt dernières années, où sa cote sur le marché de l’art a explosé, elle prévoyait une exposition chez Lisson en mai prochain pour son anniversaire.

La beauté de la ligne droite

Je crois que je serai toujours en admiration devant la ligne droite, sa beauté est ce qui me fait continuer à peindre.” Carmen Herrera s’est inspirée toute sa vie de la ligne rigoureuse. Pendant 80 ans, elle a proposé des œuvres structurées, sobres et colorées. Elle s’oppose à une vision sensitive de la peinture. Ses peintures témoignent d’un travail sérieux de l’espace et des séparations sur la toile. Elle commençait par des dessins à l’échelle sur papier-calque, annotait des mesures et finalement reproduisait le rendu final à l’acrylique sur la toile. Le conservateur Jonathan Watkins, un des premiers à lui proposer une exposition dans la galerie anglaise Ikon en 2009, résumait : “Nous avons eu la chance de travailler avec quelqu’un qui était à la fois intransigeant sur le plan esthétique et si généreux.”

Régime végétarien ou presque

Carmen Herrera est née à La Havane à Cuba en 1915. Son père rédacteur en chef du journal El Mundo meurt en 1917 pendant la révolution. Sa mère, également journaliste, pionnière et engagée dans le féminisme, lui a servi de modèle. Elle commence des études d’art à Cuba puis à Paris. Francophone, elle y vivra à nouveau avec son mari Jesse Loewenthal pendant l’après-guerre. De retour à New York dans les années 50, elle y est restée pour le reste de sa longue vie. Interrogée sur son secret de longévité une fois passée le centenaire, elle évoque le régime végétarien et un verre de scotch quotidien. “Rien d’extraordinaire”, résume-t-elle. “Faire ce qu’on aime, et le faire tous les jours. C’est ce que je fais. Je me lève, je petit-déjeune et je me mets à travailler.

La reconnaissance à 89 ans

C’est par hasard quand une autre artiste se désiste pour l’exposition sur l’abstraction géométrique latino-américaine à la Latin Collector Gallery de TriBeCa à New York en 2004 que les œuvres de Carmen Herrera sont vues sous une lumière nouvelle et plus vaste. Elle est alors âgée de 89 ans. Le réputé Whitney Museum of American Art lui consacre une importante rétrospective en 2016, Carmen Herrera : Lines of Sight. Ses œuvres se trouvent maintenant dans plusieurs collections permanentes de musées, dont le Guggenheim d’Abu Dhabi, le MoMA à New York et la Tate Modern à Londres. Elle expose d’imposantes structures d’aluminium dans le City Hall Park de New York nommées Estructurales monumentales en 2019.

Elle n’est pas naïve quant à l’oubli de son art par l’histoire et les professionnels pendant de si longues années. Son statut de femme est clairement ce qui l’a écarté de la notoriété. Elle raconte dans un documentaire qui lui est consacré en 2015, The 100 years show, qu’une femme galeriste lui a un jour dit qu’elle était une meilleure peintre que beaucoup de ses contemporains masculins les plus célèbres, mais  “qu’il n’y aurait pas de spectacle parce que vous êtes une femme“. L’artiste a déclaré: “Je suis sortie de là comme si quelqu’un m’avait tapé dessus. Une femme à une femme ?

Flight of Colours (1949) © Sheldon Museum of Art

Un monde d’hommes… et Georgia O’Keeffe

Son œuvre se rapporte au mouvement esthétique abstrait de l’hard edge, typique de l’art américain à succès dans la seconde moitié du XXème siècle. Elle est aussi l’une des premières à utiliser la peinture acrylique à base de solvants à cette époque. Des artistes, hommes et blancs, qui effectuaient un travail très similaire comme Ellsworth Kelly et Barnett Newman bénéficiaient eux d’une visibilité tout autre. “Tout était contrôlé par les hommes, pas seulement l’art. Je connaissais [le peintre] Ad Reinhardt et il était terriblement obsédé par Georgia O’Keeffe et son succès. Il la détestait. Je la détestais  ! Georgia était forte, et ses peintures étaient exposées partout, et il était jaloux.” dénonce-t-elle en 2016 une fois que sa voix était davantage entendue à force que son art soit vu et respecté.

Louise Bernard


[INFOS QUALITE] statut : validé | mode d’édition : compilation, partage, édition et iconographie | sources : liberation.fr ; connaissancedesarts.com | contributeur : Philippe Vienne & Patrick Thonart | crédits illustrations : en-tête, Lines of Sight © Whitney Museum ; © Sheldon Museum of Art ; © Richard Drew – AFP.


Plus d’arts visuels en Wallonie…

WOKE : Un musée anglais retire un tableau de nymphes nues pour lancer un débat sur le sexisme | HUSTVEDT : Une femme regarde les hommes regarder les femmes (2021)

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[SLATE.FR, 1 février 2018, d’après The Guardian] À la Manchester Art Gallery, une peinture du XIXe siècle a été remplacée par une affiche avec des commentaires sur la représentation du corps des femmes dans l’art.

Le tableau Hylas et les nymphes du peintre britannique John William Waterhouse n’est plus exposé à la Manchester Art Gallery depuis le 26 janvier. À la place de cette oeuvre préraphaélite, le musée a accroché une feuille de papier qui explique sa disparition :

Cette galerie présente le corps des femmes soit en tant que “forme passive décorative” soit en tant que “femme fatale”. Remettons en cause ce fantasme victorien ! Cette galerie existe dans un monde traversé par des questions de genre, de race, de sexualité et de classe qui nous affectent tous. Comment les œuvres d’art peuvent-elles nous parler d’une façon plus contemporaine et pertinente?»

Les visiteurs sont invités à écrire leurs commentaires sur des petits papiers ou à en discuter sur Twitter [AKA X]. Jusqu’ici, la plupart des réactions sont critiques et certains accusent le musée de censurer une œuvre sous prétexte de ‘débattre’ et de ‘contextualiser’.

“Bon sujet de débat mais, svp, remettez la toile à sa place et ANALYSEZ-la dans son CONTEXTE.” © Manchester City Galleries

Plus de cent personnes ont signé une pétition pour que le tableau soit remis à sa place. Le texte dénonce une “censure politiquement correcte.”

Le décrochage du tableau a été filmé et fait partie d’une performance de l’artiste Sonia Boyce, dont le travail sera exposé au musée à partir de mars. La boutique du musée cessera aussi de vendre toute reproduction de cette œuvre.

La salle dans laquelle Hylas et les nymphes était exposée s’appelle Recherche de la beauté et contient de nombreuses peintures du XIXe siècle représentant des femmes dénudées. Or pour Clare Gannaway, la conservatrice à l’origine de cette initiative, le titre est gênant car il s’agit seulement d’artistes hommes qui s’intéressent à des corps de femmes. Elle explique que le mouvement #MeToo a influencé sa décision de lancer ce débat et que le tableau pourrait bientôt être réexposé, mais avec une ‘contextualisation’ différente.

Le critique d’art du Guardian a vivement critiqué le retrait du tableau, expliquant que ce genre de discussion sur la représentation des femmes devrait se faire devant l’œuvre elle-même, pas en la censurant.

Claire Levenson


EAN 9782330157104

Une femme regarde les hommes regarder les femmes (2021). Siri Hustvedt, fidèle à son engagement envers la cause des femmes, analyse ici la nature et les implications du regard, bien souvent manipulateur, voire prédateur, que les artistes de sexe masculin tendent à poser sur les femmes (quelles soient ‘simples’ modèles ou elles-mêmes artistes). Mais elle s’attache surtout à identifier les partis pris, conscients et inconscients, qui affectent notre manière de juger l’art, la littérature et le monde en général. Convoquant entre autres les œuvres de Picasso, De Kooning, Max Beckmann, Jeff Koons, Robert Mapplethorpe, en passant par Pedro Almodovar, Wim Wenders, Louise Bourgeois ou Emily Dickinson, l’auteur d’Un monde flamboyant développe une réflexion sur l’art dans ses rapports avec la perception ; elle interroge la façon dont nous évaluons la notion de créativité et montre que les critères d’appréciation se modifient constamment dès lors que nous nous déplaçons d’une culture à une autre ou d’une période de l’histoire à la suivante – alors même que d’aucuns prétendent que tout art digne de ce nom relève de critères tout à la fois universels, intemporels et quasi immuables. S’insurgeant contre un tel postulat, Siri Hustvedt, respectueuse de l’éthique intellectuelle dont elle a toujours fait preuve en tant qu’essayiste, privilégie les questions par rapport aux réponses et se montre avant tout soucieuse d’ouvrir des espaces de libre discussion, invitant le lecteur à adopter divers angles d’approche, comme pour mieux lui laisser le choix ultime de celui qu’il fera sien.” [d’après ACTES-SUD.FR]


[INFOS QUALITE] statut : validé | mode d’édition : compilation, édition et iconographie | sources : slate.fr | contributeur : Patrick Thonart | crédits illustrations : en-tête, WATERHOUSE John William, Hylas and the Nymphs (1896, non-censuré dans wallonica.org) © Manchester City Galleries ; © Actes Sud.


Plus d’engagement en Wallonie…

DESIR : Moissac (2013, Artothèque, Lg)

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DÉSIR Marie-Jeanne, Moissac

(impression photographique, 33 x 55 cm, 2013)

Marie-Jeanne DESIR a participé à l’atelier “Gravure” du Centre culturel de Marchin. Pour elle, graver, c’est élaborer un projet, penser son sens et son graphisme, revenir sans cesse sur l’ouvrage, travailler, imprimer, travailler… Ce qui lui plaît, in fine, c’est le corps, les mains qui fabriquent et expriment “au plus juste” des émotions. Marie-Jeanne Désir est également écrivaine et a publié plusieurs livres (d’après CENTRECULTURELMARCHIN.BE)

Marie-Jeanne Désir utilise des reproductions de vieux documents des chemins de fer français. Son intervention colorée vient apporter un regard décalé, un commentaire amusé qui tranche avec l’austérité un peu désuète du document original. Ici, à côté d’une coupe altimétrique d’un chemin de fer, l’artiste ajoute des masses colorées rappelant les reliefs sur les cartes géographiques.

Et pourquoi pas emprunter cette oeuvre gratuitement à l’Artothèque de la Province de Liège ? N’attendez plus, foncez au 3ème étage du B3, le centre de ressources et de créativité situé place des Arts à B-4000 Liège…

[INFOS QUALITE] statut : actualisé | mode d’édition : compilation (droits cédés) et mise à jour par wallonica.org  | source : Artothèque Chiroux | commanditaire : Province de Liège – Culture | contributeur : Philippe Vienne | crédits illustrations : © Marie-Jeanne Désir ; culture.uliege.be  | remerciements à Bénédicte Dochain, Frédéric Paques et Pascale Bastin

WUIDAR : La Chanteuse (1987, Artothèque, Lg)

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WUIDAR Léon, La Chanteuse

(sérigraphie, 56 x 38 cm, 1987)

Léon WUIDAR (né en 1938) est un artiste multiple : peintre, graveur, dessinateur, illustrateur de livres… Très attiré par l’architecture, persuadé de la complicité entre l’architecte et le plasticien, il réalise de nombreuses intégrations pour divers édifices publics (restaurant universitaire du Sart-Tilman, lambris émaillés au CHU à Liège et dans une crèche à Paris, grille en façade du Centre administratif du MET à Namur…). Si les compositions de Léon Wuidar reposent sur l’ordonnance des formes géométriques, des lignes et des couleurs, leur structure interne est stimulée par une dynamique empruntée aux jeux de mots (le cadavre exquis le passionne), aux jeux de formes (le Tangram chinois, les anciens almanachs sans textes), à la conception d’objets de tradition artisanale. (d’après MUSEEROPS.BE)

La Chanteuse est une sérigraphie d’apparence abstraite. Son titre incite pourtant le spectateur à y voir quelque chose. En y regardant bien, peut-être peut-on y voir une boîte munie d’une poignée rouge contenant une paire de notes de musique recroquevillées, prêtes à reprendre forme une fois le couvercle ouvert. Le clapet fermé, la chanteuse reste cependant muette…

Et pourquoi pas emprunter cette oeuvre gratuitement à l’Artothèque de la Province de Liège ? N’attendez plus, foncez au 3ème étage du B3, le centre de ressources et de créativité situé place des Arts à B-4000 Liège…

[INFOS QUALITE] statut : actualisé | mode d’édition : compilation (droits cédés) et mise à jour par wallonica.org  | source : Artothèque Chiroux | commanditaire : Province de Liège – Culture | contributeur : Philippe Vienne | crédits illustrations : © Léon Wuidar ; Librairie Pax  | remerciements à Bénédicte Dochain, Frédéric Paques et Pascale Bastin

MEHADJI, Najia (née en 1950)

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[NAJIAMEHADJICOM] Najia MEHADJI, née en 1950 à Paris d’un père marocain et d’une mère française, est une artiste franco-marocaine. Elle vit et travaille entre Paris et Lamssasa (près d’Essaouira). Sa double origine l’amène à créer très tôt dans ses œuvres une synthèse entre cultures occidentale et orientale et à s’ouvrir à d’autres expressions comme la performance et la musique dans un processus expérimental.

Le travail de Najia Mehadji peut se diviser en plusieurs grandes périodes de création. Après des peintures d’empreintes (1980-1990) influencées par la musique contemporaine, puis des peintures/dessins, monochromes sur tissu de lin, aux formes symboliques universelles (1990-2010). Elle développe depuis 2010 des œuvres centrées sur le geste en s’inspirant de la calligraphie orientale, du soufisme et de la danse. Elle crée ainsi sa propre écriture tout en lignes continues et dynamiques, dans une performance physique et mentale. Elle réalise parallèlement des œuvres numériques engagées contre la barbarie de la guerre (notamment sur le sort des femmes) et contre la peine de mort dans le monde .

Ses principales expositions personnelles ont eu lieu, en France, aux musées des beaux-arts de Poitiers, de Caen et d’Épinal ; à la galerie Montenay (Paris) ; à la salle Saint-Jean (Mairie de Paris) ; à la galerie La Navire (Brest). Au Maroc, à la Galerie Nationale Bab Rouah (Rabat) ; à l’espace Actua de l’Attijariwafabank (Casablanca) ; à la galerie Delacroix (Tanger) ; à la galerie Shart et la galerie d’art l’Atelier 21 (Casablanca). Au Qatar, à l’Anima Gallery à Doha. Elle a également exposé à Amman (Fondation Shoman), à la foire de Bâle , à l’Arco de Madrid, au FI:AF (French Institut:Alliance Française) à New York et dans de nombreuses institutions dans le monde.


Najia Mehadji © animagallery.com

[AEMAGAZINE.MA, 10 avril 2024] L’artiste plasticienne Najia Mehadji réinvestit la galerie d’art L’Atelier 21 à Casablanca, du 23 avril au 24 mai 2024, pour une quatrième exposition individuelle intitulée Rosebud.

Dans le texte du catalogue d’exposition, l’auteur et historien de l’art Brahim Alaoui fait la lumière sur le travail récent de l’artiste en ces termes : “Najia revient sur la série War Flower qu’elle réinterprète en 2023 dans une version qu’elle dénomme Rosebud (bouton de rose), en référence au mot murmuré par le richissime héros mourant dans le film mythique d’Orson Welles, Citizen Kane, et dont on comprend à la fin que Rosebud est l’incarnation de l’amour qui surpasse le pouvoir et la réussite matérielle. Dans cette série Rosebud, Najia remet à l’honneur la rose, “symbole d’offrande, d’amour, de beauté, d’éphémère, en contrepoint à la mort”, pour manifester sa compassion pour la tragédie humaine en cours en Palestine et ailleurs. Elle métamorphose la rose en une gestuelle tout en rondeur qu’elle déploie énergiquement par l’entremise d’une peinture fluide, et d’un large pinceau sur ses toiles monochromes, afin de la faire surgir dans l’intensité de l’instant.” Et de poursuivre : “Dans ces œuvres conjuguant la dextérité, l’impulsion, la liberté, où le corps s’implique et se lie en un geste continu porté par l’élan de la main et de l’esprit, Najia Mehadji nous livre la quintessence de son expérience et de sa réflexion à travers l’invention de sa propre calligraphie unissant le sensuel et le spirituel qui célèbre la lumière de la vie.”

Dès les années 80, l’œuvre de Najia Mehadji effectue une synthèse entre un art contemporain qui renouvelle la peinture et des éléments de l’art islamique tels que la coupole, le polygone, le floral, l’arabesque ou la calligraphie, au bénéfice de nouveaux concepts et de nouvelles formes au sein desquels l’artiste invente son propre style. Considérée comme l’une des artistes majeures de la scène africaine, Najia Mehadji ne cesse de renouveler son art en lui ouvrant à chaque fois de nouvelles possibilités d’expression. Une constante demeure toutefois dans les œuvres de l’artiste : un geste reconnaissable entre tous et qui permet d’identifier immédiatement l’auteur des peintures et des dessins. Cette gestuelle à la fois libre et parfaitement maîtrisée s’impose dans les œuvres de Najia Mehadji comme une tentative de percer le mystère même de la peinture.

Les œuvres de Najia Mehadji font partie de nombreuses collections dont celle de l’Institut du monde arabe (France), du Fonds National d’art contemporain de Paris (France), du Musée d’art moderne et contemporain du Centre Georges Pompidou (France), du Musée d’art moderne de Céret[ (France), du Musée des Beaux-Arts d’Amman (Jordanie) et du Musée Mohammed VI d’art moderne et contemporain (Maroc). L’artiste vit et travaille entre Paris et Essaouira.


Najia Mehadji, “Gwana Soul” © Najia Mehadji

[OFFICIEL-GALERIES-MUSEES.FR, 20 octobre 2023] Le pinceau en mouvement. Cela pourrait sans doute être le mantra de cette artiste reconnue. Dans ses toiles se déploient des dégradés de couleurs expressives qui suggèrent l’ondulation ou l’expansion. Najia Mehadji peint le geste et réussit à saisir chaque moment éphémère et particulier où le pinceau s’exprime pour montrer toute sa beauté. Dans son art, l’espace pictural est sublimé par une esthétique sobre et subtile. Franco-marocaine, l’artiste partage sa vie entre son atelier parisien et son atelier marocain près d’Essaouira. Elle utilise sa double culture pour produire un art qui floute les frontières, fusionnant les influences occidentales et orientales. Diplômée de l’Ecole des Beaux-arts de Paris, elle s’intéresse très tôt au théâtre nô japonais et aux performances de musique contemporaine. La craie sanguine, le fusain ou encore l’encre font partie de ses matériaux de prédilection.

Cette exposition [à la Galerie 110 à Paris] sera l’occasion de (re)découvrir “Ligne de vie”. Cette œuvre énergique créée en mars 2020, lors de la pandémie de COVID-19. Ses tons intenses turquoise nous invitent à la l’évasion et à l’espoir. La Galerie 110 Véronique Rieffel expose également la série W&W (women & war) qui combine peinture et sérigraphie et fait référence au sort des femmes ukrainiennes et iraniennes.

Najia Mehadji privilégie l’usage du noir et du blanc, couleurs phares du soufisme dont elle s’inspire et se nourrit. La bichromie confère à son travail une réelle profondeur. Lorsque nos yeux se posent sur ses créations, ils sont frappés par le contraste de ces lignes qui se croisent et se percutent. Dans ses peintures ou ses dessins, sa calligraphie semble surgir des entrailles d’un océan caché. De cet océan, l’on aperçoit des fleurs qui brillent d’une lumière majestueuse et douce. Najia Mehadji construit des rubans de pétales qui dansent librement sur ses toiles.

La liberté, très chère à cette artiste engagée, se retrouve dans l’ensemble de son travail artistique. Elle s’inspire des danses mystiques du soufisme ainsi que de son expérience personnelle des arts vivants. La Valse de Camille Claudel constitue également une de ses inspirations principales. Son œuvre, à la croisée des arts tire toute sa singularité de la poésie qui émane de sa calligraphie, véritable hymne à la spiritualité. Najia Mehadji réalise des pièces irriguées par la vie qui propagent une énergie pure, un vent puissant et rafraîchissant. Avec son langage artistique, elle nous montre tout aussi bien l’élégance d’une mer tranquille que la tempête d’une pensée en mouvement.


[INFOS QUALITE] statut : actualisé | mode d’édition : compilation, correction et décommercialisation par wallonica.org | contributeur : Philippe Vienne | crédits illustrations : image en tête de l’article : Série “W & W” © Najia Mehadji 


Plus d’arts visuels en Wallonie et à Bruxelles…

LO BIANCO : Jambes habillées (2010, Artothèque, Lg)

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LO BIANCO Audrey, Jambes habillées

(eau-forte, 22 x 22 cm, 2010)

Audrey LO BIANCO est née en 1984. Licenciée en arts plastiques, visuels et de l’espace, recherches picturales et tridimensionnelles de l’Académie des Beaux-arts de Liège, Audrey Lo Bianco a reçu différents prix en Belgique et au Luxembourg, et a exposé à différentes éditions de la Biennale internationale de gravure (Liège), à la Bienal internationale de Villa Nova de Cerveira (Portugal), au Centre culturel des Chiroux et dans de nombreuses galeries belges et étrangères. (d’après OUT.BE)

A travers une série de gravures minimalistes, Audrey Lo Bianco aborde avec délicatesse le monde de l’enfance. L’eau-forte permet un trait fragile et tremblé, les ratures et le fonds grisâtre évoquent une vieille photographie. Silhouettes, jambes, chaussures… les détails s’accumulent, comme autant de fragments nostalgiques ou de trésors inestimables et dérisoires.

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[INFOS QUALITE] statut : actualisé | mode d’édition : compilation (droits cédés) et mise à jour par wallonica.org  | source : Artothèque Chiroux | commanditaire : Province de Liège – Culture | contributeur : Philippe Vienne | crédits illustrations : © Audrey Lo Bianco ; academieroyaledesbeauxartsliege.be  | remerciements à Bénédicte Dochain, Frédéric Paques et Pascale Bastin

PINELLI : Heinz Von Furlow, Hollande, 1929 (2014, Artothèque, Lg)

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PINELLI Joe Giusto/Hans Von Furlow, Hollande, 1929

(lavis à l’encre de chine, 30 x 2o cm, 2014)

Joe G. (Giusto) PINELLI (né en 1960) est un illustrateur, dessinateur et scénariste de bande dessinée.  Il arrive à Liège à la fin des années 1970, pour y suivre le cours de bande dessinée de Jacques Charlier à l’Académie Royale des Beaux-Arts. Lorsqu’il commence à réaliser ses premières bandes dessinées, il décide de se raconter, de mettre en image son quotidien. De nombreux extraits de ces récits autobiographiques, sont publiés dans des fanzines, tant en Belgique qu’en France ou encore aux Pays-Bas. Son graphisme libéré et tendu en fait l’un des auteurs importants de la Bande dessinée indépendante.

Ce dessin au lavis d’encre de chine fait partie des carnets de dessins du peintre fictif Hans Von Furlow, créé par Joe G. Pinelli et évoqué notamment dans son album Féroces Tropiques (Dupuis, sur scénario de Thierry Bellefroid). A travers la biographie d’un autre peintre fictif, celle de Kurt Hix, Pinelli évoque en filigrane la première guerre mondiale et plus tard, dans une série de fanzines, la montée du nazisme.

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[INFOS QUALITE] statut : actualisé | mode d’édition : compilation (droits cédés) et mise à jour par wallonica.org  | source : Artothèque Chiroux | commanditaire : Province de Liège – Culture | contributeur : Philippe Vienne | crédits illustrations : © Joe G. Pinelli ; PLG  | remerciements à Bénédicte Dochain, Frédéric Paques et Pascale Bastin

VAN MALDEREN : 1_2D+AD (1993, Artothèque, Lg)

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VAN MALDEREN Luc, 1_2D+AD

(linogravure, 66 x 50 cm, 1993)

Luc Van Malderen (1930-2018) est diplômé en 1951 de l’Ecole Nationale Supérieure d’Architecture et des Arts décoratifs. Il ouvre un bureau de création graphique en 1958, qu’il fermera en 1978 pour se consacrer à la peinture et à la sérigraphie. Professeur à l’ENSAV de La Cambre à Bruxelles, il exerce, tant en Belgique qu’à l’étranger, une activité de recherches et de diffusion des arts. Il a enseigné dans une vingtaine d’universités principalement aux USA (d’après CENTREDELAGRAVURE.BE).

L’univers iconographique revisite de façon ludique le thème de l’architecture, pour en dresser un inventaire rigoureusement subjectif. Comme le dit lui-même l’artiste : “Je ne suis pas un architecte. Je suis un fabricant d’objets qui représentent l’architecture via des fausses projections obliques, des schémas élémentaires, des configurations aléatoires (et parfois industrielles), des volumes naïfs…” (d’après CENTREDELAGRAVURE.BE)

Et pourquoi pas emprunter cette oeuvre gratuitement à l’Artothèque de la Province de Liège ? N’attendez plus, foncez au 3ème étage du B3, le centre de ressources et de créativité situé place des Arts à B-4000 Liège…

[INFOS QUALITE] statut : actualisé | mode d’édition : compilation (droits cédés) et mise à jour par wallonica.org  | source : Artothèque Chiroux | commanditaire : Province de Liège – Culture | contributeur : Philippe Vienne | crédits illustrations : © lucvanmalderen.com | remerciements à Bénédicte Dochain, Frédéric Paques et Pascale Bastin

RANSONNET : Sans titre (2003, Artothèque, Lg)

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RANSONNET Jean-Pierre, Sans titre

(xylogravure, 42 x 32 cm, 2003)

Jean-Pierre RANSONNET, né à Lierneux en 1944, est un artiste belge. Il vit et travaille à Tilff, en Belgique. Formé à l’École supérieure des Arts Saint-Luc de Liège (1962-1968), Jean-Pierre Ransonnet séjourne en Italie en 1970 grâce à une bourse de la fondation Lambert Darchis. Il enseigne le dessin à l’Académie des Beaux-Arts de Liège de 1986 à 2009.

Cette série de gravures sur bois de Jean-Pierre Ransonnet est une variation sur des formes plastiques abstraites, ou évoquant des sapins. L’artiste use de l’expressivité du bois gravé, laissant transparaître les veines du bois, matière même de son discours.

Et pourquoi pas emprunter cette oeuvre gratuitement à l’Artothèque de la Province de Liège ? N’attendez plus, foncez au 3ème étage du B3, le centre de ressources et de créativité situé place des Arts à B-4000 Liège…

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HODLER, Ferdinand (1853-1918)

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“Plus je m’approche de la grande Unité, plus je veux que mon art devienne simple et grand.”

[MOREEUW.COM] L’artiste peintre suisse Ferdinand HODLER naît le 14 mars 1853 à Berne. Il est considéré de son vivant comme l’un des chefs de file de la modernité. Ferdinand Hodler décède le 19 mai 1918 à Genève.

La mère de Ferdinand Hodler meurt en 1867, le laissant orphelin à 14 ans. De 1868 à 1870, il effectue son apprentissage à Thoune chez le peintre Ferdinand Sommer. En 1871, Ferdinand Hodler se rend à Genève pour y copier les tableaux d’Alexandre Calame et de François Diday.

Ferdinand Hodler vit à Genève jusqu’à sa mort en 1918, mais il accomplit, après des débuts difficiles, une carrière européenne, jalonnée de scandales et de succès. Membre des grandes Sécessions, il voit son œuvre saluée à Vienne, Berlin et Munich à partir des années 1900.

Mais, c’est Paris qui lui offre sa première consécration en 1891 lorsqu’il y présente son tableau manifeste, La Nuit (1889-1890), interdit d’exposition pour inconvenance par la ville de Genève. Salué par Puvis de Chavannes, Rodin et la critique française, ce tableau lance la carrière internationale de Hodler et en fait un des représentants majeurs du symbolisme.

Au tournant du siècle, Zurich, Genève, Iéna ou Francfort lui passent d’importantes commandes publiques qui sont autant d’occasions pour l’artiste d’expérimenter son goût pour une peinture simplifiée, monumentale et décorative. Il met en scène des épisodes fondateurs de l’histoire de la Confédération suisse (La bataille de Morat, 1917) et des figures emblématiques comme les faucheurs et bûcherons.

Ferdinand Hodler s’impose ainsi dès la fin des années 1890 comme le peintre national suisse par excellence. Dans sa peinture de paysage, il s’attache à magnifier la nature, et en particulier les montagnes, renouvelant profondément le genre. La fidélité à la topographie des lieux s’accompagne d’une stylisation rigoureuse, imposant Hodler comme un paysagiste hors pair, à l’égal de Cézanne.

Convaincu que la beauté repose sur l’ordre, la symétrie et le rythme, Ferdinand Hodler fonde ses compositions sur ce qu’il appelle le “parallélisme” (“répétition de formes semblables“).

Ferdinand Hodler est également un portraitiste profondément novateur : en témoignent des effigies de collectionneurs (Portrait de Gertrud Müller, 1911), de poètes et de critiques qui l’ont soutenu, mais aussi des autoportraits sans concession (Autoportrait aux roses, 1914), qui préfigurent le cycle de Valentine, sans équivalent dans l’histoire de l’art. De sa compagne à l’agonie, Hodler tire entre 1914 et 1915 une série de portraits qui sont autant de témoignages bouleversants de l’avancée de la maladie et de la mort (Valentine sur son lit de mort, 1915). Après ce cycle, Hodler poursuit sa méditation sur la mort à travers une série de vues presque abstraite du lac de Genève où culmine la quête de simplicité et d’unité que le peintre n’a cessé de radicaliser.

Expositions Ferdinand Hodler (sélection)

      • 2013 : Ferdinand Hodler – Fondation Beyeler, Bâle,
      • 2007 : Ferdinand Hodler – Musée d’Orsay, Paris. L’exposition du musée d’Orsay a pour ambition de redéfinir les sources et la géographie de l’art moderne et de contribuer à rendre à Ferdinand Hodler la place centrale qui fut la sienne au sein des avant-gardes européennes du tournant du XXe siècle. Lié au symbolisme, Hodler a en effet ouvert des voies décisives vers l’abstraction mais aussi l’expressionnisme. L’exposition rassemble 80 tableaux majeurs jalonnant la carrière de l’artiste, à partir du milieu des années 1870 jusqu’aux paysages ultimes de 1918 : tous les genres abordés par le peintre, grandes compositions de figures symbolistes, tableaux d’histoire, paysages et portraits sont représentés. Deux cabinets d’arts graphiques, autour des compositions symbolistes (Le Jour III, 1909-10 et la Vérité II, 1903) et des peintures d’histoire, permettent de comprendre les processus de création de Hodler, dessinateur inlassable. Une quarantaine de photographies, prises par des proches et en particulier par Gertrud Dubi-Müller, amie, collectionneuse et modèle de Hodler, nous font entrer dans l’atelier du peintre.
      • 2005 : Ferdinand Hodler et Genève – Musée Rath, Genève. Le Musée d’art et d’histoire de Genève possède une des collections publiques consacrées à Ferdinand Hodler parmi les plus significatives pour la compréhension de sa trajectoire, tant par le nombre d’œuvres que par la richesse thématique représentée. L’ensemble comprend 142 peintures, 657 dessins, ainsi que 241 carnets de dessins. La collection illustre non seulement tous les thèmes abordés par l’artiste – que ce soient les portraits, les autoportraits, les scènes de genre, la peinture d’histoire, le symbolisme ou encore le paysage -, mais également l’ensemble des étapes qui se succèdent dans sa pratique artistique. Le parcours chronologique débute, en effet, par une des toutes premières “vues suisses”, réalisée alors qu’il est apprenti chez Ferdinand Sommer à Thoune, et s’achève avec un dernier paysage, laissé inachevé sur le chevalet face à cette rade de Genève qu’il a peinte jusqu’à son dernier souffle. La collection que conserve le Musée d’art et d’histoire est trop vaste pour y être exposée intégralement. Mise en résonance avec un nouvel accrochage dans les salles de Charles-Galland, l’exposition Ferdinand Hodler et Genève, collection du Musée d’art et d’histoire, présentée au Musée Rath, réunit un ensemble de plus de 80 toiles de ce fonds et sera, à la suite de Ferdinand Hodler. Le paysage, l’occasion d’une redécouverte des aspects essentiels de la recherche menée depuis Genève par Ferdinand Hodler tout au long de sa vie.

“Femme joyeuse”, ca. 1911 © hiltiartfoundation.li

Ferdinand Hodler, de la Nuit à la lumière

[EXPOREVUE.COM] Considéré de son vivant comme un peintre important de la modernité, son parcours est parsemé de succès et de scandales. Il prit effectivement part à de nombreuses expositions sécessionnistes, invité notamment à Vienne par Koloman Moser ou à La Libre Esthétique de Bruxelles.

S’attachant d’abord aux thèmes des paysages et de la figure dans un style réaliste, il se dirige ensuite vers le symbolisme en élaborant sa propre théorie esthétique dès 1897, s’inspirant entre autres des travaux de Puvis de Chavannes. Celle-ci est conçue sur l’observation des parallélismes, répétitions et effets de symétrie comme étant des lois immuables de la nature, à partir desquelles il construit ses compositions.

Mais Hodler précise toutefois : “Le dessin et la couleur sont mes seuls moyens d’expression. La signification intime de mes œuvres est représentée directement par la ligne, la composition et la couleur, il n’y a rien à deviner, il n’y a qu’à voir. Je ne suis ni allégoriste, ni danseur de cordes, ni symboliste car mes œuvres ne représentent rien de surnaturel, d’invisible, qu’il faille expliquer ; ce n’est que la vérité telle que je la vois. Je suis un synthétiste.” (Loosli, 1921-1924, repris in Ferdinand Hodler (1853-1918))

Après des débuts modestes et souvent difficiles, le succès viendra du scandale que suscite la présentation à Genève de La Nuit (1889-1890), l’une des toiles majeures présentées à Orsay. Cette œuvre monumentale représente l’artiste assailli par une inquiétante figure drapée de noir, alors que six autres personnages sont allongées autour de lui, dont sa femme et sa maîtresse. Cette dernière est présentée de dos dans une nudité qui fut jugée indécente à Genève et conduisit à sa censure.

Avec plus d’une centaine d’autoportraits, l’exposition démontre le rôle important de l’introspection dans l’œuvre de Hodler et permet d’en retracer son évolution artistique. La série de toiles et de dessins réalisée au cours de l’hiver 1914 lors de la maladie et de l’agonie de sa maîtresse Valentine Godé-Darel, nous introduit presque de manière indécente dans leur intimité, mais aussi dans la vision du peintre de la maladie, du corps et finalement de la mort de celle qu’il a aimé. Par l’acidité de certaines couleurs, de traits acérés et anguleux, ses figures évoquant parfois des portraits et autoportraits d’Egon Schiele, il trace âprement les contours des corps, telles de sèches arrêtes, douloureux contenant physique et mortel.

Avec ses paysages, le peintre propose une alternative à l’impressionnisme à travers laquelle se devine déjà la montagne Sainte-Victoire de Cézanne, comme est également perceptible une certaine filiation avec la peinture romantique allemande tel que Friedrich. Ses paysages sont directement tirés de son environnement immédiat avec un sentiment de grandiose et de sublime, accentués par des formats monumentaux d’où se dégagent la prédominance du vide sur la matière et les vibrations de la couleur. Leur construction, dont il réduit les lignes à l’essentiel pour en extraire la beauté naturelle, peut également s’apparenter à la série d’arbres de Mondrian. Dans le contexte de la rétrospective, l’actualité de sa peinture est soulignée par le parallèle établi avec le peintre Helmut Federle, dont l’œuvre 4,4 The Distance (2002) y est exposée.

En quête d’une reconnaissance artistique et critique sur la place de Paris tout au long de sa vie, cette rétrospective permet de le resituer dans cette période de l’histoire de l’art et met en lumière les nombreuses correspondances à établir avec ses contemporains et successeurs. Tourments, sensibilité, émotion, principaux moteurs de la peinture de Ferdinand Hodler, en font un artiste universel et intemporel.

Jennifer Beauloye, Paris, décembre 2007


[INFOS QUALITÉ] statut : validé | mode d’édition : partage, décommercialisation et correction par wallonica | sources : moreeuw.com ; exporevue.com | commanditaire : wallonica.org | contributeur : Philippe Vienne | crédits illustrations : Hodler F., Lac de Genève, vu de Chexbres © kunstmuseumbasel.ch  ; © hiltiartfoundation.li ; © kunstmuseumbern.ch.


Plus d’arts visuels en Wallonie et à Bruxelles…

CORBISIER : Sans titre (2006, Artothèque, Lg)

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CORBISIER Brigitte, Sans titre

(technique mixte, 26 x 26 cm, 2006)

Brigitte CORBISIER, née en 1946, est diplômée de l’Académie royale des Beaux-Arts de la Ville de Liège, est graveur et plus récemment auteur d’animations vidéo où elle met en scène des gravures et croquis animés. Incisant le zinc, creusant le plexiglas, la pointe sèche est son instrument de prédilection, parfois combinée à l’aquatinte ou encore à la linogravure. Inspirée par la nature, et essentiellement la terre, c’est son jardin au quotidien qui s’illustre par étape dans ses œuvres.

Brigitte CORBISIER réalise une composition de motifs organiques en jouant sur les supports d’impression (papier et feutre), qui offrent des sensations visuelles très différentes, à la fois par leur texture mais aussi par la manière dont ils absorbent l’encre. La matérialité de l’œuvre est soulignée par le traitement brut, autant de la technique gravée que de l’assemblage des matériaux.

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MATHY : Sans titre (2016, Artothèque, Lg)

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MATHY Vincent, Sans titre

(impression numérique, 40 x 30 cm, 2016)

Vincent MATHY, né à Liège en 1971, a suivi les cours de l’école Saint-Luc de Bruxelles. Son dessin, qui mêle techniques traditionnelles et numériques a très vite séduit. Illustrateur de talent, il a publié une trentaine d’albums jeunesse (Gallimard Jeunesse, Albin Michel, Bayard, Milan, L’Ecole des Loisirs…) et de bandes dessinées. Il est notamment co-auteur de la série “Ludo” chez Dupuis. (d’après  GALLIMARD-JEUNESSE.FR)

Cette image est tirée d’un ensemble publié par l’éditeur liégeois Ding Dong Paper en 2016. Ici Vincent Mathy développe un vocabulaire fait de formes simples, géométriques, et de couleurs vives, dans la lignée d’illustrateurs comme le Russe Vladimir Lebedev, l’Anglais Fredun Shapur ou l’Italien Bruno Munari.

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ANDRE, Carl (1935-2024)

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[CONNAISSANCEDESARTS.COM, 25 janvier 2024] Derrière l’austérité de l’homme se cachait le talent d’un grand artiste qui a révolutionné la sculpture. Carl ANDRE, pionnier de l’art minimal et maître de l’épure, est décédé mercredi 24 janvier à l’âge de 88 ans.

Lorsque l’on demandait à Carl Andre (né en 1935) ce que représentait pour lui la rétrospective organisée en 2016 par le musée d’Art moderne de Paris, qui couronnait plus d’un demi-siècle de création, la réponse était à l’image du personnage, modeste : “Rien, si ce n’est que j’ai toujours espéré que mes œuvres soient une source de plaisir pour celui qui les regarde, comme elles le sont pour moi lorsque je les crée”. Pionnier de l’art minimal, l’artiste est décédé le 24 janvier 2024 à l’âge de 88 ans. En 1988, il avait été accusé puis acquitté du meurtre de son épouse, l’artiste Ana Mendieta, décédée le 8 septembre 1985 d’une chute depuis le 34e étage de l’immeuble où résidait le couple à New York.

Une œuvre à la beauté épurée

L’artiste au Dia: Beacon à New York en 2015 © Bill Jacobson studio

Depuis le milieu des années 1960, Carl Andre avait développé une œuvre à la beauté épurée, qui n’a jamais cessé de se développer et de s’intensifier, tout en restant fidèle à des principes définis dès le temps des premières sculptures : il ne sera jamais question de figuration, mais simplement de forme, de matière et d’espace. Après ses études à la Phillips Academy d’Andover, près de Boston, Carl Andre a débuté par la peinture dans les années 1952-1953, à l’époque où l’expressionnisme abstrait (Jackson Pollock, Willem de Kooning…) régnait en maître aux États-Unis.

“Supprime le langage en toi.”

En 1954, lors d’un voyage en Europe, il avait découvert les œuvres de Constantin Brancusi (1876-1957) et s’était émerveillé devant la pureté minérale et l’ordonnancement parfait des mégalithes du site de Stonehenge. Arrivé à New York trois ans plus tard, Carl Andre avait partagé un temps l’atelier de Frank Stella. En 1958, alors en pleine réalisation de ses Black Paintings aux lignes labyrinthiques, ce dernier avait prodigué à son camarade le conseil suivant : “N’imite pas mon travail. Supprime le langage en toi, et travaille directement avec le matériau concret tel qu’il se présente dans la réalité”. Il n’en n’avait pas fallu plus à Carl Andre pour ranger ses pinceaux et décider de se consacrer à l’art en trois dimensions, tout en composant en parallèle une série de poèmes, à partir d’associations de mots qu’il choisit tant pour leur sens et leur pouvoir d’évocation que pour leur beauté visuelle et leur sonorité.

Il a procédé de la même manière en sculpture. Dès la fin des années 1950, les œuvres de Carl Andre résultaient en effet, elles aussi, d’assemblages d’éléments indépendants, qu’il sélectionnait pour leurs formes géométriques simples et leur matière brute ou industrielle (le bois, la pierre, la brique, le métal). En 1959, l’artiste avait produit sa toute première série, Pyramid, hommage non dissimulé à la Colonne sans fin de Constantin Brancusi. Pour des raisons financières, il avait ensuite travaillé durant cinq ans en tant que mécanicien et conducteur pour la Compagnie des chemins de fer de Pennsylvanie, dans le New Jersey.

Vers une sculpture horizontale

C’est au milieu des années 1960 que l’artiste avait pris son envol. Sa première exposition personnelle a eu lieu en 1965, à la galerie Tibor de Nagy, à New York, un an avant la manifestation fondatrice de ce que l’on appellera l’art minimal, ou le minimalisme. Organisée au Jewish Museum de New York, Primary Structures : Younger American and British Sculptors réunit pour la première fois Donald Judd, Dan Flavin et Carl Andre, qui est alors le seul à proposer une œuvre sculpturale plane, un alignement d’une centaine de briques posées sur le sol.

Certes, Carl Andre a été l’un des pionniers du minimalisme. Mais il détestait les étiquettes. “Les mots en “isme”, c’est de la connerie. La seule chose qui compte, c’est l’art”, affirmait-il, en expliquant que le minimalisme était d’abord, à ses yeux, un état d’esprit. Pour créer, il avait besoin de faire le vide, de se libérer de ce qu’il savait de l’art et de la sculpture, afin de proposer quelque chose de nouveau. Très vite, il a révolutionné  la sculpture en abandonnant la verticalité, celle de la grande statuaire et des bustes classiques, pour développer un travail qui se déploie principalement à l’horizontale, au gré d’installations au sol qui font corps avec l’espace. L’inspiration d’une sculpture naissait d’ailleurs, le plus souvent, de l’endroit où elle devait être installée.

3 œuvres phares 

      • Vues de poèmes (1958-2010, installation),
      • Lament for the children (1976, installation),
      • Margit endormie (1989, technique mixte, dimensions variables)

Carl Andre n’avait pas d’atelier, ou plutôt, il en avait des milliers. “Je ne réalise pas de dessins, pas d’esquisses préparatoires, pas de maquettes. J’ai simplement des matériaux, un espace, et la chance de pouvoir travailler”, résumait l’artiste. Chacune de ses créations résulte d’un assemblage de modules, qu’il qualifiait d’éléments ou de particules. Si l’œuvre finale est souvent monumentale, elle est toujours composée d’unités de taille modeste. Pour que l’artiste puisse les porter, les déplacer et les agencer à sa guise, sans avoir à mobiliser une armée d’assistants.

Un nouveau rapport à l’œuvre

Carl Andre s’est imposé comme un maître de l’épure qui juxtaposait, empilait, construisait, plus qu’il ne sculptait. “Les origines de mon travail se situent dans le savoir-faire de la classe ouvrière : pose de briques, carrelage et maçonnerie. Ce n’est pas l’aspect visuel des briques que j’aime dans ma sculpture, c’est le fait de pouvoir les placer, de créer en tant qu’individu une œuvre de taille relativement conséquente, en manipulant moi-même les briques”, confiait-il en 2015, à l’occasion de l’exposition Icônes américaines, organisée au Grand Palais, à Paris.

Carl Andre avec sa grande barbe des années 1970 © Keystone

Si le principe de l’installation est répandu dans l’art contemporain, il n’en était pas de même dans les années 1960. Au même titre que Donald Judd (ses Stacks constitués d’éléments alignés verticalement, accrochés au mur), Carl Andre a bouleversé l’idée que l’on se faisait du statut de l’œuvre d’art, en s’effaçant derrière elle, en ne transformant pas la matière. En la désacralisant aussi. Si l’œuvre est minimaliste, le geste de l’artiste l’est tout autant. La nature même de son travail in situ instaure un nouveau rapport avec le spectateur, qui découvre ses pièces en se déplaçant, en les traversant, en marchant dessus (Zinc-Lead Plain ou encore 144 Tin Squares, créée à New York en 1975 et faite de carrés d’étain).

Habiter l’espace

La question de l’espace est centrale. Celui de l’œuvre, mais aussi celui qu’elle occupe. D’où le titre de la rétrospective organisée en 2016 au musée d’Art moderne de la Ville de Paris, La sculpture comme lieu. L’artiste jouait avec les volumes, les proportions, la géométrie, la symétrie, les perspectives, les rythmes, selon un principe de série, de répétition, de variations (les Équivalents, un ensemble d’œuvres comprenant toutes le même nombre de briques, mais assemblées différemment). Épurées, silencieuses, ses pièces ne relèvent ni du décor, ni de l’architecture.

Il s’agissait pour Carl Andre de trouver l’équilibre parfait, pour que chaque œuvre habite l’espace, qu’elle y affirme sa présence sans le contredire, ni le saturer. C’est dans cet esprit qu’avait été conçue cette exposition (la première depuis celle du musée Cantini, à Marseille, en 1997), qui réunissait aux côtés de poèmes, de photographies et d’objets, une quarantaine de pièces emblématiques, de toutes époques. “La sélection a été en partie dictée par la disponibilité des pièces… Un collectionneur, par exemple, a refusé de nous prêter une petite œuvre en métal. Je lui avais demandé, et il m’a répondu qu’il ne pouvait pas, car son chat dormait dessus chaque nuit. J’ai trouvé cela magnifique ! “, avait déclaré l’artiste.

Guillaume MOREL


[I-AC.EU] Carl Andre est l’un des principaux représentants de l’art minimal américain. Après ses études d’art à la Phillips Academy à Anhover, il voyage en Europe. En 1957, il s’installe à New York où il travaille dans une maison d’éditions et partage un atelier avec Frank Stella. Influencé par Brancusi et la peinture de Stella, il commence à s’orienter vers la sculpture. En 1965, il réalise sa première exposition personnelle à la Galerie Tibor de Nagy à New York et, en 1970, une autre au Musée Guggenheim de New York. À partir des années 1970, ses œuvres sont exposées dans les musées du monde entier, entre autres, en 1987 au Stedelijk Van Abbemuseum à Eindhoven, en 1996 au Museum of Modern Art à Oxford et en 2005 à la Kunsthalle de Bâle. De 2014 à 2017, une exposition rétrospective Carl Andre: Sculpture as Place, 1958-2010 lui est dédiée et est présentée au Museo Nacional Centro de Arte Reina Sofía (Madrid), à la Nationalgalerie im Hamburger Bahnhof (Berlin), et au Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris (Paris).

Né dans un milieu de bâtisseurs (son père était menuisier dans un chantier naval), il en garde une prédisposition et un goût pour l’élémentaire, le matériau, confirmés plus tard par ses amitiés artistiques : la proximité de Frank Stella lui apporte une sorte d’exemple moral et formel. Fidélité au matériau, rigueur de l’élaboration, refus de tout symbolisme, nécessité de l’acte créateur éliminant ce qui ne le sert pas strictement sont toujours prioritaires dans ses recherches. Dans un laps de temps très court, Carl Andre aborde les problèmes fondamentaux de la sculpture : rapport au sol, taille directe, signes distinctifs du savoir-faire classique. Considérant que le bois est finalement bien plus intéressant avant d’être découpé, il opte définitivement pour la non-intervention sur le matériau, quel qu’il soit, et l’utilise tel que peut le livrer l’industrie (briques, billots de bois, blocs de béton synthétiques standard, plaques de métal, etc.).

Un axiome essentiel est au fondement de toute l’œuvre de Carl Andre : forme = structure = lieu. Toute réalisation est un objet en relation avec son environnement. Il ne peut donc y avoir de signification, pas d’évocation, pas de savoir-faire de l’artiste. L’œuvre est le signe qui rend présente l’idée, mais la visualisation de l’idée doit être la plus élémentaire possible, afin que l’image (ce qui est vu) fasse le moins appel à l’imaginaire, évite au maximum de solliciter les affects. Ramené ainsi au minimum, c’est davantage le signe d’un volume que le volume lui-même qui prime. Ainsi, de minces plaques posées au sol permettent une appréhension différente de l’objet : on ne tourne plus autour, on marche dessus… L’œuvre échappe alors de manière salutaire à l’immortalité traditionnelle de l’œuvre d’art : comme tout objet, elle peut et doit s’user.

Le refus du façonnage et de ce que Carl Andre appelle ‘l’art d’association‘ le différencie singulièrement des autres artistes minimalistes. Il résulte d’un souci d’évidence et d’un goût pour le contact direct préférés à tout autre considération, formelle, symbolique ou psychologique.

L’art d’association fait que l’image est associée avec d’autres choses que ce que l’œuvre d’art est par elle-même. L’art d’isolation a sa propre localisation sur un minimum d’associations avec des choses autres que l’œuvre elle-même. L’idée est l’exact opposé de l’art d’association. J’essaie de réduire dans mon travail la fonction de production d’image au degré le plus faible…

Carl Andre


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Plus d’arts visuels en Wallonie et à Bruxelles…

LEVAUX : Triste petit pion (s.d., Artothèque, Lg)

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LEVAUX Aurélie, Triste petit pion

(sérigraphie, 47 x 37 cm, s.d.)

Formée à l’ESA Saint-Luc de Liège, où elle enseigne aujourd’hui le dessin, Aurélie William LEVAUX (née en 1981) travaille à la croisée des genres, quelque part entre la bande dessinée, la littérature et l’art contemporain. Elle commence à faire de la bande dessinée au sein du collectif Mycose en 2003. La relation à l’intime que permet ce médium lui permet de se raconter dans des histoires au ton doux-amer, frôlant l’autobiographie (d’après OUT.BE).

Cette sérigraphie a été réalisée par l’imprimerie française Trace. Une femme à la langue démesurée lèche un petit personnage en costume-cravate qu’elle tient dans ses mains. La composition très symétrique et la grande figure féminine tenant dans ses mains un petit homme ramène à l’image classique de la vierge à l’enfant. Mais ici, l’ “enfant” en question est un politicien en costume cravate tenant une pipe à la main.

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OPRL : Les peintures d’Edgar Scauflaire

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[OPRL.BE] Réalisées entre 1952 et 1954, les 16 peintures murales du peintre liégeois Edgar SCAUFLAIRE (1893-1960) rehaussent la Salle Philharmonique de l’OPRL (Orchestre Philharmonique Royal de Liège) d’un ensemble iconographique exceptionnel inspiré de thèmes musicaux.

Depuis l’inauguration de la Salle Philharmonique (1887), les murs de scène n’offraient à la vue que de grandes surfaces planes sobrement délimitées par des cadres moulurés dorés. Au début des années 1950, M. Christophe, Directeur général au département des Beaux-Arts et de l’Instruction publique, eut l’excellente idée de commander à Edgar Scauflaire (1893-1960), peintre liégeois de renom, de grandes peintures murales destinées à orner les panneaux demeurés vierges de toute décoration. Scauflaire, qui avait déjà eu l’occasion de réaliser des compositions de grandes dimensions (dessins au pastel, vitraux, peinture sur verre, rideaux de théâtre, etc.) adopta ici la technique de la peinture à l’huile. Il fut aidé pour la réalisation par les peintres Jean Debattice, José Delhaye et Valère Saive. Compartimenté en 16 panneaux de dimensions variées, les trois murs de scène firent l’objet de deux campagnes de travaux. La première, achevée en 1952, comprenait la décoration des panneaux inférieurs des parois latérales. La seconde, qui intégrait les panneaux restants, ne fut clôturée qu’en 1954.

La Naissance de la Musique © Thierry Lechanteur

Présentant de nettes similitudes avec sa peinture de chevalet (symétrie, juxtaposition de surfaces colorées en guise de fond, influence modérée du cubisme), les peintures murales de Scauflaire constituent un très bel exemple d’intégration d’art moderne dans une œuvre d’art ancien. La menace de les recouvrir d’un badigeon uniforme, exprimée en son temps par des détracteurs, fut à l’origine d’un mouvement de protestation qui aboutit au classement du bâtiment, le 27 mai 1986.

De 1998 à 2000, ces peintures ont fait l’objet d’une campagne de nettoyage, dans le cadre de la restauration de la Salle Philharmonique. En 2023, Thierry Lechanteur a photographié 8 des 16 panneaux en haute définition. En septembre et octobre de la même année, à l’occasion du centenaire de sa toute première exposition, Scauflaire fut mis à l’honneur par Les Amis de l’Orchestre Philharmonique Royal de Liège, dans le cadre de deux expositions proposées, l’une à la Salle Philharmonique (dessins, fusains, pastels), l’autre à la Galerie des Beaux-Arts (peintures).

Si les panneaux supérieurs sont simplement décorés d’angelots, de plus vastes compositions occupent en revanche le fond de la scène et le centre des parois latérales. À gauche de l’orgue, La Naissance de la Musique évoque l’apparition des premières manifestations musicales : un couple esquisse quelques pas de danse au son d’une conque est jouée par une jeune fille juchée sur à un animal marin, créature imaginaire qui rappelle les temps préhistoriques. Scauflaire prend le parti de considérer, comme chez Platon, que la danse et la musique sont apparus conjointement et sont indissociables.

Le mythe d’Orphée © Thierry Lechanteur

Dans Le Mythe d’Orphée, situé du côté opposé, c’est le thème d’Orphée charmant les humains, les animaux, les plantes et les minéraux au son de sa lyre qui est illustré. Ce célèbre mythe remontant à l’Antiquité, très fréquemment mis à l’honneur au cours des siècles, en particulier lors de la Renaissance florentine (grâce au philosophe Marcile Ficin), met en avant le pouvoir psychologique de la musique sur les êtres vivants et le reste de la création.

Quittant la mythologie, Scauflaire imagine pour les parois latérales un hommage à deux compositeurs liégeois illustres : André-Ernest-Modeste Grétry (à droite, côté cour) et César Franck (à gauche, côté jardin). L’Hommage à André-Modeste Grétry (1741-1813) est entouré de deux panneaux, décorés à gauche d’un harpiste et à droite d’un homme, assis sur un tambour, jouant d’un instrument à perce conique, tous deux portant des vêtements du XVIIIe siècle. La scène principale, dont on connaît une peinture à l’huile qui a servi de projet, présente Grétry en apothéose. Il tient un livre et non une partition, allusion probable au fait que Grétry était non seulement compositeur mais également écrivain. Il est entouré d’une jeune fille nue, peut-être la muse inspiratrice, et d’un homme plus âgé tenant un sceptre et un aigle (Grétry fut apprécié sous l’Ancien Régime comme sous l’Empire).

Hommage à André-Modeste Grétry @ Thierry Lechanteur

En dessous de ces trois personnages, diverses scènes sont représentées liées à des compositions de Grétry. À droite, un homme à tête de chat s’incline devant une jeune fille ; tous deux semblent tirés de l’opéra-comique Zémire et Azor, œuvre inspirée de La Belle et la Bête de J.-M. Leprince de Beaumont. À côté d’eux, plusieurs villageois dansent, évoquant les Six nouvelles romances, musique instrumentale reflétant la gaieté villageoise. À gauche, le troubadour a peut-être un rapport avec l’opéra-comique Richard Cœur de Lion.

Hommage à César Franck @ Thierry Lechanteur

L’Hommage à César Franck (1822-1890) est également entouré de deux panneaux, décorés de musiciennes. La scène centrale est uniquement composée de personnages tirés de ses œuvres. Au milieu de cette scène figurent Les Béatitudes : le Christ amour, surplombant un globe terrestre, apaise d’un geste les douleurs de l’humanité. Les personnages à l’arrière-plan sont peut-être les bienheureux.

À gauche, deux personnages féminins semblent évoquer les oratorios Ruth (1846) et Rebecca (1881), tirés de l’Ancien Testament : tandis que Ruth porte les épis de blés qu’elle a glanés dans les champs de Boaz, son futur mari, Rebecca porte une cruche d’eau qu’elle offre au serviteur envoyé par Abraham, père de son futur mari Isaac.

À droite le cavalier et la biche font référence au poème symphonique Le Chasseur maudit, inspiré d’une ballade moyenâgeuse de Bürger. Le Comte du Rhin délaisse la messe pour lui préférer une partie de chasse. Tandis que sonnent les cloches et s’élèvent les chants religieux, il défie les âmes pieuses qui s’efforcent de le retenir et s’élance dans la forêt. Il se retrouve seul, son cheval refuse d’avancer. Une voix d’outre-tombe le maudit à jamais et de toutes parts les flammes l’investissent. C’est le moment où le cheval se cabre, que Scauflaire figure.

Source principale : QUIRIN D. & MARAITE L., Edgar Scauflaire (1893-1960), peintre-poète (catalogue de l’exposition Edgar Scauflaire organisée à Liège en 1994)

d’après OPRL.BE

Sur le site de l’OPRL, vous trouverez les 24 photos en haute définition (prises par Thierry Lechanteur) des œuvres de Scauflaire ornant la salle philharmonique. Curieux de voir ça ? Cliquez ici…


Cliquez sur le logo pour en savoir plus sur le bâtiment du Conservatoire de Liège…

Autoportrait en pied © artnet

[LABOVERIE.COM] Peintre, décorateur, illustrateur et critique d’art belge, Edgar Scauflaire est né à Liège le 9 mars 1893. En 1915, il s’inscrit à l’Académie des Beaux-Arts de Liège où il suit les cours d’Auguste Donnay, Adrien de Witte, François Maréchal, Émile Berchmans, et Ludovic Bauès. À ses débuts, jusqu’en 1925, il se consacre surtout au dessin : mine de plomb associée au pastel, à travers des portraits et des œuvres allégoriques, marquées par la simplicité du trait et la modernité de compositions sophistiquées. Après ses études de peinture à l’Académie, Scauflaire gagne sa vie comme journaliste et illustrateur.

En 1918, l’artiste adhère au groupe Les Hiboux avec Luc Lafnet, Auguste Mambour et Jef Lambert. La vie du groupe s’essouffle rapidement mais Edgar Scauflaire reprend le nom pour signer ses articles artistiques et de mode qu’il écrit pour le journal La Meuse : Jean Hibou.

À partir du milieu des années 1920, il se consacre de plus en plus à la peinture à l’huile mais aussi aux peintures murales monumentales pour des commandes particulières. Il réalise par ailleurs des grandes peintures sur verre, des vitraux, des cartons de tapisserie et des rideaux de théâtre. Sa première exposition importante se déroule au Cercle des Beaux-Arts de Liège en 1923. Il quitte La Meuse en octobre et finit l’année par une exposition personnelle à la Galerie Dekenne à Bruxelles. A partir de ce moment-là, Edgar Scauflaire réalise de nombreuses expositions en Belgique et à l’étranger.

En 1930, l’artiste entre à La Wallonie comme rédacteur. Il présente deux peintures dont une sur verre lors de l’inauguration de la Galerie Apollo. Il quitte La Wallonie en 1937. Aidé par des mécènes, il vit dorénavant de son art. L’année suivante, Scauflaire décore la salle de musique du Lycée Léonie de Waha en réalisant sa première œuvre monumentale sur verre.

Exposition internationale de l’Eau (affiche lithographiée, Liège, 1939 © Ville de Liège / Fonds patrimoniaux

Pendant la seconde guerre mondiale, Edgar Scauflaire crée L’Atelier Libre pour soustraire les artistes liégeois aux sollicitations de l’occupant en leur offrant du travail. Incarcéré un temps à la Citadelle de Huy, il reprend ses activités dès sa libération. Il reçoit de nombreuses commandes d’œuvres monumentales destinées aux espaces publics, comme la fresque pour Le Bon Marché, à Bruxelles. En 1958, il participe à l’Exposition universelle de Bruxelles, comme membre du jury et comme exposant.

Son œuvre est appréciée pour la simplicité raffinée de ses compositions, pour leur équilibre et pour la subtilité de sa palette chromatique. Edgar Scauflaire est considéré comme l’un des meilleurs représentants de la peinture moderne de Wallonie. Le musée des Beaux-Arts et les Fonds patrimoniaux de la Ville de Liège détiennent plusieurs œuvres de l’artiste. Le 22 octobre 1960, Scauflaire décède d’une crise cardiaque à l’âge de 67 ans.

d’après LABOVERIE.COM


[INFOS QUALITE] statut : validé | mode d’édition : veille, compilation, correction, édition et iconographie | sources : oprl.be ; connaitrelawallonie.wallonie.be ; laboverie.com | contributeur : Patrick Thonart | crédits illustrations : © Thierry Lechanteur ; © artnet ; © Ville de Liège / Fonds patrimoniaux.


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MONFORT : Sans titre (s.d.)

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MONFORT Martine, Sans titre

(linogravure, 40 x 40 cm, s.d.)

Martine MONFORT est née le 26 août 1951. Elle suit les cours de Georges Comhaire à l’Académie Royale des Beaux-Arts de Liège en section gravure. Elle participe ensuite à de nombreuses expositions personnelles en Belgique (Liège, Louvain…) et à des expositions de gravure internationales (Triennale de Gravure de Spa en 1986, International Biennal Print and Drawing Exhibit Taipei en 1995). Martine Monfort anime un atelier de gravure pour l’asbl Li Querneu à Huy. (d’après CENTREDELAGRAVURE.BE)

Illustration : Martine Monfort © vinalmont.be

Martine Monfort est une spécialiste de divers procédés de gravure, notamment l’aquatinte. Elle opté ici pour la linogravure, délaissant les nuances de gris pour un noir et blanc radical. Si le motif évoque un damier, une observation plus attentive nous montre une organisation chaotique : nulle ligne n’est perpendiculaire à l’autre. L’ordre attendu par le spectateur laisse place à un désordre subtil et quelque peu désarçonnant….

Pour en savoir plus…

Et pourquoi pas emprunter cette oeuvre gratuitement à l’Artothèque de la Province de Liège ? N’attendez plus, foncez au 3ème étage du B3, le centre de ressources et de créativité situé place des Arts à B-4000 Liège…

[INFOS QUALITE] statut : actualisé | mode d’édition : compilation (droits cédés) et mise à jour par wallonica.org  | source : Artothèque Chiroux | commanditaire : Province de Liège – Culture | contributeur : Philippe Vienne | crédits illustrations : © Martine Monfort ; vinalmont.be | remerciements à Bénédicte Dochain et Frédéric Paques

LO BIANCO : Bottine (2010, Artothèque, Lg)

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LO BIANCO Audrey, Bottine
(eau-forte, 22 x 22 cm, 2010)

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Audrey Lo Bianco

Audrey LO BIANCO est née en 1984. Licenciée en arts plastiques, visuels et de l’espace, recherches picturales et tridimensionnelles de l’Académie des Beaux-arts de Liège, Audrey Lo Bianco a reçu différents prix en Belgique et au Luxembourg, et a exposé à différentes éditions de la Biennale internationale de gravure (Liège), à la Bienal internationale de Villa Nova de Cerveira (Portugal), au Centre culturel des Chiroux et dans de nombreuses galeries belges et étrangères. (d’après OUT.BE)

A travers une série de gravures minimalistes, Audrey Lo Bianco aborde avec délicatesse le monde de l’enfance. L’eau-forte permet un trait fragile et tremblé, les ratures et le fonds grisâtre évoquent une vieille photographie. Silhouettes, jambes, chaussures… les détails s’accumulent, comme autant de fragments nostalgiques ou de trésors inestimables et dérisoires.

[INFOS QUALITE] statut : actualisé | mode d’édition : compilation (droits cédés) et mise à jour par wallonica.org  | source : Artothèque Chiroux | commanditaire : Province de Liège – Culture | contributeur : Philippe Vienne | crédits illustrations : © Audrey Lo Bianco ; academieroyaledesbeauxartsliege.be | remerciements à Bénédicte Dochain et Frédéric Paques

PINELLI : Sans titre (silhouette féminine) (2014, Artothèque, Lg)

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PINELLI Joe G., Sans titre (Silhouette féminine, 2014)
[dessin aux bâtons d’huile]

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Joe_G_Pinelli
Joe G. Pinelli © PLG

Joe G. (Giusto) PINELLI (né en 1960) est un illustrateur, dessinateur et scénariste de bande dessinée.  Il arrive à Liège à la fin des années 1970, pour y suivre le cours de bande dessinée de Jacques Charlier à l’Académie Royale des Beaux-Arts. Lorsqu’il commence à réaliser ses premières bandes dessinées, il décide de se raconter, de mettre en image son quotidien. De nombreux extraits de ces récits autobiographiques, sont publiés dans des fanzines, tant en Belgique qu’en France ou encore aux Pays-Bas. Son graphisme libéré et tendu en fait l’un des auteurs importants de la Bande dessinée indépendante.

Ce dessin aux bâtons d’huile fait partie de l’œuvre du peintre fictif Hans Von Furlow, créé par Joe G. Pinelli et évoqué notamment dans son album Féroces Tropiques (Dupuis, sur scénario de Thierry Bellefroid). A travers la biographie d’un autre peintre fictif, celle de Kurt Hix, Pinelli évoque en filigrane la première guerre mondiale et plus tard, dans une série de fanzines, la montée du nazisme…

[INFOS QUALITE] statut : actualisé | mode d’édition : compilation (droits cédés) et mise à jour par wallonica.org  | source : Artothèque Chiroux | commanditaire : Province de Liège – Culture | contributeur : Philippe Vienne | crédits illustrations : © PLG | remerciements à Bénédicte Dochain et Frédéric Paques

KENDRICK, Mathieu dit SOWAT (né en 1978)

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[CONNAISSANCEDESARTS.COM, 14 juin 2019] Après des années passées dans les entrailles d’édifices abandonnés, Sowat anime ses toiles d’une nouvelle calligraphie de signes liquides.

Sowat a grandi sous le soleil marseillais et l’azur californien, l’œil gorgé de couleurs. Il couvre de graffitis les voies ferrées de la capitale méditerranéenne et s’émerveille à Los Angeles devant la calligraphie du chollo writing des gangs mexicains. Puis, en 2010, il rencontre Lek, figure majeure du graffiti parisien. Inséparable, le binôme explore les lieux abandonnés, chantiers et autres ruines urbaines pour les couvrir, en secret et la nuit, d’images éclatantes qui épousent la structure des bâtiments comme des peintures rupestres. Le duo fait entrer l’art de la rue dans des friches intérieures insoupçonnées, puis filme ses interventions. Ils séduisent Jean de Loisy, qui leur permet de “s’éclater” clandestinement – l’adrénaline est indispensable – dans les sous-sols du Palais de Tokyo. Ce qui les amène à y réaliser le film Tracés directs avec Jean Villéglé et d’autres artistes du Street Art, et à exposer à la galerie d’agnès b., en 2013.

Deux ans plus tard, ils se retrouvent à la Villa Médicis, dont ils “enturbannent” la loggia avec des bandes de plastique bleu. Mais en se frottant au monde de l’art, Sowat prend goût au travail solitaire de l’atelier. Ses grandes toiles éclaboussent l’œil avec le geste énergique du graffiti. Ses couleurs explosent,  brouillées, les encres sont pulvérisées en mille petites taches hypnotiques. Leur effet répétitif fait songer aux papiers peints, à Mark Tobey, à Pollock et surtout à… Georges Seurat ! Un pointillisme réalisé non à la pointe du pinceau mais à la pointe du bambou. Il est parvenu à unir deux mondes longtemps inconciliables, celui de la rue et celui du musée.

Elisabeth Vedrenne


© Sowat

[LEFEUVREROZE.COM] Sowat est un artiste franco-américain basé à Paris. Sa longue et complice collaboration avec Lek nourrit, depuis toujours, sa démarche personnelle : grands voyageurs, acteurs d’interventions in situ et aux œuvres spectaculaires car inscrites dans l’espace public, ils tirent des itinérances du duo Lek & Sowat une expérience du sensible qui vient enrichir leurs parcours individuels. Après une année à la Villa Médicis (2015-2016), ils reviennent à Paris en résidence à la Cité internationale des arts. C’est dans son atelier sur le site de Montmartre que Sowat a ainsi pu bénéficier de ce temps particulier qu’est celui de la résidence d’artiste, en retrait des regards que l’on croise ou qui vous scrutent dans l’espace public un temps de recherche, de suspens du quotidien, et d’expérimentation, où il approfondit ses essais de calligraphies sur toile et papier.

Dans son atelier, Sowat aborde ainsi plus intimement certains aspects de sa démarche, tout en explorant plus avant le calligraffiti, qui est au cœur de sa pratique picturale. Pour cela, il fait appel à des matériaux généralement considérés comme appartenant à des mondes antinomiques (celui du graffiti et celui des beaux-arts) : Sowat est un passeur et son œuvre comme une passerelle entre ces deux univers.

Ce temps d’atelier, un retrait du monde, aura permis à Sowat d’affiner son geste artistique. Ses œuvres témoignent d’un langage multiforme, qui tient tout d’abord de la citation : la technique du tag chère à Sowat vient servir les formes, volutes, torsions, taches et lignes d’écritures qui s’inspirent directement de diverses esthétiques calligraphiques très repérées dans l’espace urbain : le Cholo writing de Los Angeles (où habite la moitié de la famille de l’artiste), les inscriptions en latin dans la pierre et le marbre des édifices romains, les calligraphies arabes observées au Maroc ou aux Émirats Arabes Unis, le graphisme de l’alphabet hébreu redécouvert lors d’une intervention à Tel Aviv, ou encore les idéogrammes chinois regardés de près lors d’un séjour à Hong Kong. Sowat inscrit d’abord sa pratique d’écriture peinte dans des références globales, pour certaines : référence à la grande histoire millénaire ou la micro-histoire de villes-mondes (comme Los Angeles), tirées de ses nombreux voyages, qu’il va ensuite s’approprier.

​Les toiles de Sowat sont autant de déclinaisons d’un nouvel alphabet formant des phrases qui se transmuent. Son travail est ainsi d’abord une célébration du signe, se traduisant par une effervescence organisée, voulue par l’artiste transformé en alchimiste démiurge, qui se joue de sa propre maîtrise technique : en apposant sur la peinture, et sur son geste artistique, de l’eau et d’autres “fluides” qui vont réagir ensemble et faire évoluer les motifs sur la toile, il laisse ainsi la part des choses naturelles modifier et transformer le phrasé de ses toiles.

La puissance iridescente de ces œuvres nous laisse entrevoir, à distance, des pluies diluviennes, des forêts chamarrées profondes, d’essaims tremblotants, ou, quand on s’approche, des textes et des formes d’écritures, recouverts de parures de camouflages, qui nous permettent de retracer et revenir à l’origine de l’œuvre, au plus près du geste de l’artiste.

Bénédicte Alliot, DG de la Cité internationale des arts


[INFOS QUALITÉ] statut : validé | mode d’édition : partage, décommercialisation et correction par wallonica | sources : Connaissance des arts ; Le Feuvre & Roze | commanditaire : wallonica.org | contributeur : Philippe Vienne | crédits illustrations : © artshebdomedias.com ; © Sowat.


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MULS : sans titre (s.d., Artothèque, Lg)

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MULS Isa, sans titre
(aquatinte, 43 x 56 cm, s.d.)

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isamuls
© isamuls.blogspot.com

Née en 1976, initiée à l’Académie de Saint-Gilles (Bruxelles), Isa MULS poursuit actuellement ses recherches graphiques aux Ateliers Mommen et sa formation en gravure à la RHoK académie d’Etterbeek.

Pour cette œuvre, Isa Muls utilise la technique de l’aquatinte à l’ancienne – sa technique de prédilection. On saupoudre la plaque de cuivre avec de la colophane avant de la plonger dans l’acide. Ce sont ces grains qui donnent aux noirs une profondeur particulière. Un cliché de la police de Los Angeles datée de 1928  a été le déclencheur. Un homme armé en  poursuit  un autre dans une arrière-cour un peu glauque. L’aura… l’aura pas …?  (d’après l’auteur)

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IMPEDUGLIA : Stupid Man (2009, Artothèque, Lg)

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IMPEDUGLIA Laurent, Stupid Man
(sérigraphie, 50 x 70 cm, 2009)

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Laurent Impeduglia © delphinecourtay.com

Peintre, dessinateur, touche-à-tout actif sur la scène internationale depuis le début des années 2000, Laurent IMPEDUGLIA (né en 1974) met volontiers en scène des personnages issus de l’univers de son enfance (publicité, jeux vidéo, comics…) qu’il combine avec des éléments naturels ou architecturaux, des formes abstraites et des symboles plus ou moins obscurs. Ses compositions accordent aussi une place importante à de courtes phrases qui apparaissent comme des sentences ou un titre, un peu à la manière de Jacques Charlier, son aîné en irrévérence (d’après SPACE-COLLECTION.ORG).

Dans cette vision naïve, inspirée à la fois par les bandes dessinées underground, l’art brut ou le pop art et Basquiat, Laurent Impeduglia dresse un portrait corrosif de notre société. Dans ce grand bazar capitaliste, où se mêlent consommation, religion et industrie, tout semble fêlé, la folie et la mort guettent. 

[INFOS QUALITE] statut : actualisé | mode d’édition : compilation (droits cédés) et mise à jour par wallonica.org  | source : Artothèque Chiroux | commanditaire : Province de Liège – Culture | contributeur : Philippe Vienne | crédits illustrations : © Laurent Impeduglia ; delphinecourtay.com | remerciements à Bénédicte Dochain et Frédéric Paques

AILLAUD, Gilles (1928-2005)

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Lions, girafes, phoques… Gilles AILLAUD, disparu en 2005, a beaucoup peint les animaux, souvent en captivité. Pourtant ses toiles, contemporaines des premières œuvres Pop et de leur fascination pour les produits de la consommation, n’ont rien d’exotique. Laissant croire qu’il représentait des animaux, c’est notre relation à la nature qui s’impose pourtant comme son seul et véritable sujet.

Interrogé sur son choix de ne peindre presque exclusivement que des animaux, Gilles Aillaud répondait : “parce que je les aime”. Contemporaines des premières œuvres Pop, de leur fascination, plus ou moins distante, pour les produits de la consommation, de la communication de masse, le sujet de Gilles Aillaud pouvait apparaître comme exotique. Les interrogations que notre époque adresse à notre relation au vivant rendent son iconographie moins incongrue et montrent l’importance de cette rétrospective. Attendue, cette exposition [au centre Pompidou] permet de (re)découvrir l’œuvre de Gilles Aillaud comme récemment ceux de Georgia O’Keeffe ou Germaine Richier. L’objectivité manifeste de son art fait de lui, le père putatif d’une nouvelle génération d’artistes que fascine un réalisme emprunté aux technologies modernes de l’image. C’est faute d’avoir pu être philosophe, que Gilles Aillaud est devenu peintre. De sa première formation, sa peinture a hérité une nature hybride, l’équivalent de ce que la tradition chinoise nommait : une Peinture lettrée.

Que ses représentations des parcs zoologiques soient contemporaines de Surveiller et punir (de Michel Foucault) et de La société du spectacle (de Guy Debord) en lesquels se résumaient les questions que sa génération adressait aux formes du pouvoir et à l’artificialisation du monde ne saurait être insignifiant. Plutôt toutefois que de peindre une philosophie, Gilles Aillaud s’est appliqué à “peindre philosophiquement”.

Laissant croire qu’il représentait des animaux, c’est notre relation à la nature qui s’impose comme son seul et véritable sujet. Loin des villes et de leur “jungle” de béton, il a retrouvé en Afrique une nature dont les animaux dupliquent couleurs et contours jusqu’à disparaître en elle. Avec les moyens de son art, Gilles Aillaud a voulu atteindre un tel “effacement”. Son “humilité” technique donne forme au songe d’une réconciliation, loin de tout projet de “maîtrise” et de “possession” du monde.

d’après CENTREPOMPIDOU.FR


Gilles Aillaud, “La Bataille du riz” (1968) © Guy Boyer

Impossible de cantonner Gilles Aillaud dans les seules représentations d’animaux en cage. Proche des peintres Eduardo Arroyo et Antonio Recalcati, il est l’un des représentants de la Figuration narrative qui a su s’engager en politique, réalisant des affiches et des slogans pour Mai 68. Dans l’exposition [au centre Pompidou] figure cette Bataille du riz, qui souligne son opposition à l’impérialisme américain. Elle a été présentée dans la salle rouge du 19e Salon de la jeune peinture en 1968, exposition censurée puis transférée au musée d’Art moderne de Paris et aux usines Berliet de Bourg-en-Bresse. Un peu plus loin est accrochée la superbe représentation des gueules noires de Fourquières-lès-Lens.

Comme le rappelle le commissaire de l’exposition Gilles Aillaud. Animal politique, l’artiste est contemporain de la publication du livre Surveiller et punir de Michel Foucault (1975) et de La Société du spectacle de Guy Debord (1967). Les toiles de Gilles Aillaud, montrant des animaux enfermés dans leur jungle de béton, sans visiteur ni soigneur, parlent de cette artificialisation du monde qui se développe dans la seconde moitié du XXe siècle.

“Lorsque je représente des animaux toujours enfermés ou déplacés, ce n’est pas directement la condition humaine que je peins, explique Gilles Aillaud. L’homme n’est pas dans la cage sous la forme du singe mais le singe a été mis dans la cage par l’homme. C’est l’ambiguïté de cette relation qui m’occupe et l’étrangeté des lieux où s’opère cette séquestration silencieuse et impunie”.

Avec l’éditeur Franck Bordas, Gilles Aillaud se lance en 1988 dans un vaste projet d’encyclopédie de tous les animaux en hommage au comte de Buffon, auteur d’une Histoire naturelle, générale et particulière en 1749-1789. Un animal par jour, tel est l’ambition de Gilles Aillaud qui les dessine au Jardin des plantes aussi bien qu’en Afrique. Du harfang à la genette, l’ensemble est publié en trois recueils sur trois ans avec un texte de Jean-Christophe Bailly pour chaque gravure.

Au Kenya, Gilles Aillaud découvre les ibis, les girafes et les éléphants dans leur cadre naturel.  “Les animaux et le paysage dans une unité que le trait du dessin puis, plus tard, le pinceau, vont devoir rejoindre”, écrit Jean-Christophe Bailly. Les animaux se fondent dans leur environnement en un mimétisme étonnant et forment un tout avec la nature. La touche devient plus légère. Gilles Aillaud se réconcilie avec notre monde.

d’après  CONNAISSANCEDESARTS.COM


[INFOS QUALITÉ] statut : validé | mode d’édition : partage, décommercialisation et correction par wallonica | commanditaire : wallonica.org | contributeur : Philippe Vienne | crédits illustrations : © Fonds Gilles Aillaud ; © Guy Boyer


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PEIRE : Sans titre (1987, Artothèque, Lg)

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PEIRE Luc, Sans titre 
(sérigraphie, 62 x 52 cm, 1987)

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luc.peire
Luc Peire © SABAM

Luc PEIRE (1916-1994) est parti de l’expressionnisme pour évoluer vers une réduction et une stylisation personnelle de la figure humaine (dans les années 50), puis une représentation de l’être humain en tant qu’être spirituel symbolisé par le mouvement vertical et situé dans un espace équilibré. L’univers de Peire est pureté : pureté de la couleur, pureté de la forme, pureté du rythme. Le désir de Peire de collaborer avec d’autres artistes, architectes et urbanistes a conduit à de nombreux projets d’intégration en Belgique et en France. (d’après LUCPEIRE.COM)

Sérigraphie issue d’un recueil collectif intitulé Sept abstraits construits rassemblant des estampes de Marcel-Louis Baugniet, Jo Delahaut, Jean-Pierre Husquinet, Jean-Pierre Maury, Victor Noël, Luc Peire et Léon Wuidar (imprimeur et éditeur : Heads & Legs, Liège). Lors de sa parution, en novembre 1987, le recueil complet fut présenté à la Galerie Excentric à Liège dans le cadre d’une exposition intitulée Constructivistes Belges. (d’après CENTREDELAGRAVURE.BE)

[INFOS QUALITE] statut : actualisé | mode d’édition : compilation (droits cédés) et mise à jour par wallonica.org  | source : Artothèque Chiroux | commanditaire : Province de Liège – Culture | contributeur : Philippe Vienne | crédits illustrations : © Luc Peire ; SABAM | remerciements à Bénédicte Dochain et Frédéric Paques

LES TONTONS RACLEURS : Le Montagnard (2017, Artothèque, Lg)

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LES TONTONS RACLEURS, Le Montagnard
(sérigraphie, 60 x 40 cm, 2017)

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LES TONTONS RACLEURS est un duo créatif d’artistes sérigraphes. Maud Dallemagne (1982) et Nicolas Belayew (1982), diplômés en arts plastiques de l’Ecole de recherche graphique (Erg — Bruxelles), explorent les possibilités offertes par la sérigraphie en tant qu’outil d’expérimentation. Etablis à Charleroi (et Liège) en Wallonie, ils développent une pratique artistique multidisciplinaire en complicité avec d’autres créateurs et ouvrent cette démarche à la participation du public. Ils sont également actifs dans les domaines du graphisme, de l’illustration et de la peinture en lettre.

Dans cette image, qui s’inscrit dans une série de portraits (voir La Physicienne dans la collection de l’artothèque), le travail de surimpression d’images et de motifs produit un récit par association. On retrouve des textures évoquant la roche, la flore, la cartographie en opposition avec l’apparence de l’homme. Qu’il soit amateur de montagne, qu’il soit originaire des montagnes, qu’il soit montagnard dans un sens métaphorique ou encore d’autres choses, cela se construit mentalement chez le regardeur de l’image. Le rose n’est pas sans évoquer l’amateurisme ou la délicatesse en contraste avec l’image du montagnard. Entre distance et proximité se forme une narration poétique, dans laquelle même le portrait peut être vu comme une image parmi les autres.

[INFOS QUALITE] statut : actualisé | mode d’édition : compilation (droits cédés) et mise à jour par wallonica.org  | source : Artothèque Chiroux | commanditaire : Province de Liège – Culture | contributeur : Philippe Vienne | crédits illustrations : © Les Tontons Racleurs | remerciements à Bénédicte Dochain et Frédéric Paque

NOEL : Sans titre (1987, Artothèque, Lg)

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NOËL Victor, Sans titre 
(sérigraphie, 52 x 62 cm, 1987)

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noelvictorserigraphie

Après des études à l’Académie des Beaux-Arts de Mons, Victor NOËL (1957-2006) devient professeur de peinture décorative et de dessin publicitaire à l’Académie des Beaux-Arts de Tournai, jusqu’en 1976. Grand admirateur du Bauhaus, il s’engage dans l’abstraction géométrique vers 1954. Il fut membre des groupes Formes, D4, Géoforme, et Art concret en Hainaut. Il était aussi co-fondateur de la revue Mesures Art International en 1988. (d’après CENTREDELAGRAVURE.BE)

Sérigraphie issue d’un recueil collectif intitulé Sept abstraits construits rassemblant des estampes de Marcel-Louis Baugniet, Jo Delahaut, Jean-Pierre Husquinet, Jean-Pierre Maury, Victor Noël, Luc Peire et Léon Wuidar (imprimeur et éditeur : Heads & Legs, Liège). Lors de sa parution, en novembre 1987, le recueil complet fut présenté à la Galerie Excentric à Liège dans le cadre d’une exposition intitulée Constructivistes Belges. (d’après CENTREDELAGRAVURE.BE)

[INFOS QUALITE] statut : actualisé | mode d’édition : compilation (droits cédés) et mise à jour par wallonica.org  | source : Artothèque Chiroux | commanditaire : Province de Liège – Culture | contributeur : Philippe Vienne | crédits illustrations : © Victor Noël | remerciements à Bénédicte Dochain et Frédéric Paques

EYEN : Sans titre (Personnages) (s.d., Artothèque, Lg)

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EYEN Luc, Sans titre (Personnages)
(pointe sèche, 20 x 36 cm, s.d.)

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Luc Eyen © creahm.be

Luc EYEN est né en 1973. C’est un artiste actif dans les ateliers du CREAHM de Liège, ainsi qu’au Cejiel. Camper hardiment dans le métal un animal ou un personnage n’a pas de secret pour lui, ses multiples portraits témoignent d’une belle “santé” plastique. Sa vie quotidienne alimentant intensément son expression artistique, il aime à représenter obligeamment tous ses amis. Le plus souvent, en marge de ces représentations anecdotiques, il prend soin de noter très méticuleusement tout un univers de prénoms, de dates de naissance, de multiples messages affectifs, comme autant de références à la “réalité” de l’instant qu’il voulut fixer. (d’après BEAUXARTSLIEGE.BE)

Cette pointe sèche très brute évoque l’art primitif. Les silhouettes hiératiques semblent nous observer de leurs yeux d’un blanc éclatant.

[INFOS QUALITE] statut : actualisé | mode d’édition : compilation (droits cédés) et mise à jour par wallonica.org  | source : Artothèque Chiroux | commanditaire : Province de Liège – Culture | contributeur : Philippe Vienne | crédits illustrations : © Luc Eyen ; creahm.be | remerciements à Bénédicte Dochain et Frédéric Paques

SHINODA, Toko (1913-2021)

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Née en 1913 en Mandchourie et dans une famille de sept enfants, Toko Shinoda grandit au Japon, où elle apprend dès ses 6 ans la calligraphie. Le travail de son oncle, qui grave des sceaux pour la famille impériale, va l’inspirer et lui révéler sa vocation très tôt. Dans une atmosphère érudite, j’ai grandi en sachant que je voulais faire ces choses, devenir une artiste”, confie-t-elle à l’agence de presse américaine United Press International, en 1980. Dès l’adolescence, Toko Shinoda ressent le besoin de s’extraire des carcans réducteurs de cet art millénaire très codifié pour expérimenter une nouvelle forme d’art. Malgré les remontrances de son père, elle cherche de nouveaux motifs en travaillant toujours avec l’encre et le papier traditionnel japonais en poussant la calligraphie jusqu’à ses limites.

Après avoir exposé à Tokyo en 1940, la calligraphe passe deux ans à New York, où elle rencontre les maîtres de l’expressionnisme abstrait étasunien, notamment Mark Rothko et Jackson Pollock, qui font prendre à son art un tournant décisif. S’inspirant de ce courant, elle crée des formes longilignes en camaïeux de noirs, qu’elle rehausse parfois d’un sépia ou d’un bleu. Utilisant la technique pluricentenaire de l’encre solide sumi, produite à partir de suie de façon artisanale et s’utilisant en frottant un bloc contre une pierre mouillée, Toko Shinoda développe une œuvre extrêmement réfléchie et planifiée. L’encre sumi a en effet la particularité d’être très rapidement absorbée par le papier, ce qui rend impossible tout travail postérieur une fois que le trait est tiré. Avec ses traits minutieux et asymétriques, elle cherche à capturer le fugace et l’évanescent inhérents au quotidien.

La vie de Toko Shinoda a été émaillée de reconnaissance, ce qui n’était pas couru d’avance pour une femme dans le Japon du XXe siècle. Elle a très tôt été distinguée comme l’une des plus grandes calligraphes de son époque à son installation à Tokyo lorsqu’elle était jeune adulte, dans les années 1930. Un grand honneur, habituellement réservé aux hommes, dans une société où les rôles de genre sont très marqués et segmentés. Son œuvre est exposé au Museum of Modern Art (MoMA) dès 1954, lors d’une exposition consacrée à la calligraphie japonaise. Par la suite, il entre dans les collections du Metropolitan Museum (Met) à New York, du MoMA, de la famille impériale japonaise et du British Museum de Londres, entre autres. Toko Shinoda réalise également des gravures et des peintures murales, notamment pour le temple bouddhiste Zojo-Ji de Tokyo. Aujourd’hui, ce sont ses œuvres qu’elle laisse derrière elle : Je ne me suis jamais mariée et je n’ai pas d’enfants », a-t-elle déclaré au Japan Times en 2017, et je suppose que cela semble étrange de penser que mes peintures sont à leur place – bien sûr, ce n’est pas du tout la même chose. Mais je le dis, lorsque des peintures que j’ai faites il y a des années reviennent dans ma conscience, on dirait qu’un vieil ami, ou même une partie de moi, est revenu me voir“.

d’après CONNAISSANCEDESARTS


De la calligraphie aux lithographies

Formée à la calligraphie depuis l’âge de 6 ans, Tôkô SHINODA a grandi au sein d’une famille d’artistes qui comptait parmi ses membres un ancien calligraphe de l’Empereur Meiji. Elle s’éloignera progressivement de la calligraphie traditionnelle et de ses conventions pour chercher son mode d’expression propre. Elle continue cependant d’utiliser de l’encre, le sumi d’origine chinoise, pour tracer au pinceau d’élégantes lignes qu’elle imprimera ensuite par lithographie… Lithographies auxquelles elle appose souvent une touche finale de couleur, le plus souvent à l’encre rouge. Son œuvre est le plus souvent, et assez unanimement, caractérisée comme la fusion réussie de la calligraphie traditionnelle et de l’expressionnisme abstrait. Une qualification judicieuse mais trop peu explicitée. Tâchons ici d’en préciser un peu les contours.

L’esprit libre et l’aventure de l’expressionnisme

Son itinéraire artistique la mène de la calligraphie à l’expressionnisme ; de Tôkyô au New York effervescent des années 1950, où elle croisera le chemin de certains des membres de l’école de New York : Mark RothkoRobert Motherwell… Elle trouve dans leurs questionnements communs une inspiration qui ne la quittera plus.

D’un côté, elle rejoint le rejet marqué de la figuration qui caractérise ce courant, qui marche alors sur les traces de Kandinsky ou de Gorky. De l’autre, elle est séduite par la primauté donnée aux émotions et à la libre exploration des moyens permettant de les exprimer. Lui est donnée l’occasion de participer à cette grande aventure, cette quête existentielle de la peinture qui se cherche en-dehors de la figuration et de la représentation. La matière, la forme et la couleur sont en train de prendre le devant d’une scène bouillonnante où les débats et les désaccords sont fréquents. Clement Greenberg, critique engagé dans le mouvement depuis ses prémices, tentera d’analyser cette époque dans un célèbre essai de 1982 intitulé Modernist painting dans lequel il explique que l’art se développe en faisant sa propre critique, en éliminant tout ce qui ne relève pas directement de l’art (comme l’imitation de la Nature qui caractérisait la peinture occidentale prémoderne).

C’est dans ce contexte que Shinoda s’inscrit : si j’ai une idée bien définie pourquoi la peindrais-je ?” déclare-t-elle dans une interview en 1980. Je vivais en quelque sorte dans une excitation quotidienne indescriptible. Les artistes étaient libres de faire tout ce qu’ils voulaient”. Elle se passionne alors pour une forme particulière qu’elle ne cessera de mettre et remettre sur l’ouvrage : le trait. En même temps, elle renoue définitivement avec l’encre de Chine qu’elle choisit parce qu’elle offre la plus grande variété de couleurs et de variations”. Le souci de la matière et de ses possibilités est plus fort que jamais.

Cette quête l’aura menée loin de la calligraphie traditionnelle et de ses règles d’airain dont elle ne voulait plus depuis longtemps, au grand dam de son père. Pourtant Shinoda ne s’est jamais vraiment coupé de toute influence japonaise, bien au contraire. Sa proximité avec les traditions de pensée japonaise fera même hésiter les critiques sur l’épithète à lui attribuer : le Time en 1983 lui consacre un article intitulé Une conservatrice renégate, une libérale traditionaliste.

Une sagesse iconoclaste

Commençons par le bouddhisme. Son influence sur la peinture et la calligraphie sino-japonaise est indiscutable. Il n’est donc pas incongru de l’y retrouver sous le pinceau, ni sous la plume, de Tôkô Shinoda qui a également beaucoup écrit. Il est impossible de décrire mon évolution artistique avec des mots […] En fait je pense que mes œuvres n’expriment rien. Mais même si elles n’expriment rien on aime parfois à les regarder”. Le rien dont Shinoda parle n’est pas le néant occidental mais la “vacuité” bouddhiste.

Un autre thème qui imprègne son œuvre et sa vie est celui de l’impermanence, présent à la fois dans le bouddhisme et dans la sensibilité traditionnelle. Ma vie est en quelque sorte un rêve. Peindre une ligne est comme un rêve” déclare-t-elle à 102 ans, filant une métaphore courante qui traverse l’histoire du Japon et qui rappelle celle du “monde flottant” des estampes. Comme pour le haïku (elle en écrit d’ailleurs), elle conçoit ses œuvres comme des tentatives de refléter son émotion (kokoro) à l’instant où elle peint. Une phrase qu’elle aime citer et qui a donné son titre à un livre, la vie est (d’)un seul trait, peut également s’interpréter à cette aune.

Bien que nourrie de tradition japonaise, la personnalité de Tôkô Shinoda détonnait souvent avec le reste de la société de son temps. Plutôt solitaire (elle ne s’est jamais mariée) et pas conformiste pour deux sous, sa liberté d’esprit et de réflexion l’ont parfois amenée à des positions iconoclastes.

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Plus d’arts visuels en Wallonie et à Bruxelles…

 

JEAN : From Liege with love (2018, Artothèque, Lg)

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JEAN Hélène, From Liège with love
(serigraphie, 59 x 42 cm, 2018)

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helene.jean
Hélène Jean © be.linkedin.com

Née en 1989, Hélène JEAN expose ses œuvres depuis 2012 mais peint depuis l’enfance. Elle utilise essentiellement les pastels secs et l’encre de chine sur des toiles ou du bois. Reçue au Conservatoire National de Région de Toulouse, elle a tout d’abord fait une carrière de comédienne durant laquelle, outre la comédie, elle réalise des décors et crée des éclairages. Cette expérience lui permet de mesurer à quel point la peinture et la sculpture sont essentielles pour elle. Artiste peintre autodidacte, elle projette intensément ses émotions dans ses créations, desquelles émanent toute l’énergie de la nature et un imaginaire prolifique.

Cette sérigraphie adopte les codes de la carte-postale ainsi que ceux de la bande dessinée. L’image est divisée en neuf cases qui présentent huit scènes ou huit lieux typiques de Liège : le musée de la Boverie, des boulets-frites, un plan de Liège, deux verres de bière qui s’entrechoquent, une péniche (sur deux cases, car elle est bien entendu tout en longueur), deux pigeons, le perron et une gaufre. C’est un regard à la fois ironique, mais aussi amusé et bienveillant que semble poser l’artiste sur sa ville d’adoption.

 

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PIRENNE : Georges Le Brun (1873-1914) – Sa vie de peintre (1920)

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[ACADEMIA.EDU, Catalogue de l’exposition Georges Le Brun. Maître de l’intime, présentée au musée Félicien Rops, Province de Namur, du 24 octobre 2015 au 6 mars 2016 ] Conférence prononcée par Maurice Pirenne à l’occasion de la première exposition personnelle consacrée à Georges Le Brun, à la salle de la Société des beaux-arts, Verviers, en 1920.

C’est de la vie de peintre, c’est de l’art de Georges Le Brun qu’il va s’agir ici, or, quoique de caractère très différent, je crois avoir été mêlé à son intimité, à son intimité artistique, plus que personne, du moins d’une façon aussi continue. Voilà pourquoi c’est moi, ce n’est que moi, hélas !, qui vais essayer d’en donner une idée.

J’ai écrit ceci d’un seul jet en me servant exclusivement de ma mémoire ; après coup, au moyen de dates, de certains faits oubliés ou ignorés de moi que l’on m’a rappelés ou appris j’ai vérifié mon travail. J’ai constaté qu’à prendre la chose du point de vue rigoureux, historique, certaines parties auraient dû être remaniées.

Le ferai-je ? – Non – Je me suis contenté d’intercaler quelques dates. Je n’ai pas voulu faire une biographie méticuleuse, je ne cherche pas ici la précision, la vérité matérielle, extérieure ; non, ayant eu la chance d’assister au développement de la vie d’un vrai artiste, j’ai rappelé mes souvenirs, je les ai transcrits comme je les voyais et ainsi c’est le temps qui, m’ayant fait perdre de vue les détails inutiles, a créé naturellement cette synthèse.

C’est un même goût, une même passion pour la peinture qui nous a réunis. Nous étions encore en classe, à l’Athénée. Le Brun devait avoir dans les 17 ans. Monsieur Constant Simon, professeur de dessin à l’Athénée lui avait donné quelques leçons d’aquarelle. De suite Le Brun s’y mit avec ardeur. Son père lui avait acheté le traité de peinture à l’aquarelle de Cassagne et consciencieusement le jeune peintre le bûchait. Ce livre ne le quittait plus ; il en citait de longs morceaux de mémoire, il devait en rêver. Intelligent comme il était, il en profita d’une façon étonnante ; ses progrès étaient surprenants.

Son père, Monsieur Léon Le Brun, ingénieur, à l’esprit savant et original, inventeur, s’intéressait naturellement beaucoup aux essais de son fils. Taquin, il s’amusait à contredire ses  opinions, à discuter ses admirations et surtout, à relever ironiquement dans ses études, les moindres fautes de dessin. Ces critiques le piquaient, aussi dès le début Le Brun s’acharna-t-il à dessiner juste ; c’est pourquoi ses aquarelles des premiers temps avaient déjà tant de tenue et de sérieux.

Toutes les heures libres que laissait la classe, elle était devenue l’accessoire, étaient consacrées au seul travail important, peindre. Opiniâtre et robuste rien ne le rebutait, ni le froid, ni le chaud. L’hiver il mettait de l’alcool dans son eau pour qu’elle ne gelât pas et grimpait au Husquet, il habitait alors Dison, laver des effets de neige.

C’est de ce temps-là que l’été, on allait peindre à Maison-Bois. Pendant les vacances nous y passions la journée entière. Isidore Meyers, en villégiature chez Joseph Deru, venait y brosser des sous-bois, dans une pâte riche et claire qui était une révélation pour nous. On se retrouvait autour de la chefnée [sic] à la ferme Bonhomme, pour dîner. Maison-Bois était alors le rendez-vous des artistes et des esthètes verviétois : Smaelen, Debatisse, Henrard, Deru qui suivait les jeunes de son œil bienveillant et narquois… Aujourd’hui, tous ceux-là sont morts et l’on a coupé tous nos arbres.

Binjé, Staquet et Uijtterschaut étaient les trois aquarellistes belges les plus connus alors. Comme il a, aux Salons de peintures, étudié les œuvres, comme il les a discutées, comparées, jugées ! Un jour il écrivit à Staquet pour lui demander de pouvoir lui montrer ses études. Le fin aquarelliste, bonhomme, le reçut plusieurs fois avec la meilleure grâce, fut étonné des rares qualités que montraient les essais du jeune peintre, lui donna d’excellents conseils. Plus tard il ira voir Meunier sans autre recommandation que lui-même. Comme l’aquarelliste le grand statuaire reçut son jeune admirateur avec une parfaite bienveillance et un sincère intérêt pour ses travaux.

Mais la rhétorique est finie, enfin ! Il est bien entendu qu’il sera peintre ; il part pour Bruxelles (1895). Il s’y fait inscrire à l’Académie. Il entre dans la classe de Portaels. Il y resta huit jours…

L’Académie, non, décidément, pas ça ! L’Académie, l’enseignement officiel, le dressage artistique ; l’Académie, horreur ! N’est-elle pas l’éteignoir de tout feu sacré, de toute spontanéité, de toute originalité, de toute hardiesse, de toute vie : l’Académie c’est la mort. Toutes les jeunes revues le proclament, tous les artistes originaux le déclarent ; c’est d’ailleurs une chose qu’on ne discute pas, un article de foi. Ô belle foi dangereuse, ô belle foi juvénile !

S’il va à Bruxelles c’est pour apprendre certes, mais comme il l’entend, en étudiant les maîtres qu’il a choisis, librement, ce n’est pas pour rentrer à l’école, subir la règle. Pour dessiner d’après le modèle vivant, il se fait recevoir membre du cercle La Patte de Dindon réunion de peintres qui travaillent en commun le soir dans les combles de la maison des corporations sur la place de l’Hôtel de ville.

C’est là qu’il connut Laermans. L’art prenant, la note neuve qu’apportait Laermans, qui exposait alors pour la première fois, lui plut extraordinairement. Ils devinrent grands amis. Le Brun en subit quelque temps l’influence. Mais il se dégagea. Il finit par trouver l’art tumultueux du sourd génial trop criant, trop extérieur, gâté, pour lui, comme d’un souci, d’une préoccupation du public. Ça ne satisfaisait plus complètement son goût ; il était devenu difficile. Il avait étudié les maîtres il s’était imprégné du sérieux des grands peintres belges d’après 1830, de ces forts, de ces graves et honnêtes artistes : Leijs, De Groux, de Braekeleer, Stobbaerts, Mellery

Mais au musée ancien l’inégalable XVe siècle l’avait pris : Van Eyck, Memling, Roger de la Pasture, les autres. Puis leur unique continuateur, le vieux Breughel, le seul qui, réfractaire à la mode, à la toute puissante influence de l’Italie évolua dans la tradition nationale. Breughel, il eut toute sa vie, pour lui, un vrai culte ; cet art archaïque et pourtant si vivant avait avec le sien de singulières analogies.

D’avoir contemplé tant d’exemples magnifiques, il était pris d’une grande exaltation. À force d’admirer les vieux maîtres, il était dégoûté de la peinture moderne. En effet, l’art de notre pays au XVe siècle est le sommet dans l’art de peindre ; d’un tel point de vue, les œuvres contemporaines paraissent bien vagues. Aussi ne fut-il pas distrait par l’art de mode ; l’art habile et creux, pour la chasse au succès ; son esprit était ailleurs, il ignorait tout ça.

Cependant il voulait produire. Il aspirait à travailler à sa guise, sans influence, en pleine liberté ; maintenant qu’il sait bien ce qu’il veut, il n’a plus besoin que de la nature. Et voilà qu’il se rappelle être un jour passé, au cours d’une excursion en Ardenne, à travers un village perdu en pleine Fagne. Il le revit, maisons de moellons, toits de chaume, hautes haies de hêtres, frustes et gris, avec tout autour la Fagne, jusqu’à l’horizon.

Il ira habiter là.
Il part pour Xhoffraix, tout seul.

Qu’on ne se trompe pas, il ne part pas en dégoûté de la vie, parce qu’il n’a pas su s’adapter : il ne part pas triste, plein d’amertume, en neurasthénique ; jamais la neurasthénie ne l’effleura, non, il part content, il va réaliser son idée, il en est tout joyeux. Et il resta là, plusieurs années, sept ou huit ans, hiver et été, presque continuellement. Ce furent de fameuses années !

Il logeait dans une auberge plus que rustique située à la bifurcation de la  route de la Baraque et de celle de Hoquai, chez Charlier, petite auberge isolée, un peu en dehors du village. Toute la journée il s’acharnait à sa peinture et le soir, il lisait ; Flaubert surtout, religieusement. Il avait fini par savoir Madame Bovary par cœur ; dans l’austère chef-d’œuvre, il puisait comme une direction morale.

Bientôt il connut tous les habitants de l’endroit. Il les interpellait par leur prénom, avait ses entrées chez tous, s’installait au coin du feu, dans la marmaille ; avec hommes et femmes il fraternisait. Il avait vite appris à parler couramment leur wallon, il rendait des services, il donnait des conseils, il se disputait ; plusieurs fois il s’est battu. Il faisait partie du village.

D’habitude, il revenait à Verviers du samedi au lundi. Quand il rapportait des travaux finis, c’était un événement pour moi. J’allais vite les voir et nous les discutions avec sincérité.

Il me montra d’abord de grandes aquarelles d’un faire large et simple, peintes sur un dessin scrupuleux. Les meilleures d’entre ces aquarelles sont des modèles dans le procédé. S’il avait uniquement visé le succès, il n’aurait jamais abandonné ce genre difficile où il avait acquis une vraie maîtrise dans une note bien à lui.

Mais la peinture à l’eau n’est pas faite pour le travail repris, complété, le travail en profondeur. La peinture à l’huile s’y prête mieux. Il l’aborda.

Il a peint à l’huile de nombreux intérieurs. Parfois sans personnage – c’est l’âme des choses qui parle – mais souvent avec l’habitant. On le voit, entre les murs, en bas lambrissés de chêne, en haut blanchis à la chaux, sous le plafond à grosses poutres, sur le rude plancher ou les larges dalles inégales, vaquer aux besognes quotidiennes. Il est assorti à sa demeure faite de matériaux francs, solides, naturels, à ses meubles de chêne qui sont là sans doute aux mêmes places depuis combien de générations monotones.

L’homme qui passe (1900-1903) © Musées de Verviers

Le Brun à toutes les époques de sa vie a peint des intérieurs. Ceux de cette première manière sont des peintures lourdes, appuyées, sombres, d’une sobre intimité. Il a peint aussi à l’huile des têtes de paysans ; ce sont des portraits peints sans artifice, d’une vérité profonde. En même temps que ces peintures, souvent comme études pour elles, il faisait des dessins au fusain. Têtes âprement individualisées, surprenantes de vie, intérieurs grandement, profondément sentis.

De cette époque aussi date cette série de dessins : personnages et animaux au travail. Ils sont le produit d’inlassables notations prises sur le vif ; des heures durant, butant dans les mottes. Il suivait, croquant leur mouvement, les bœufs à la charrue. Ce qu’il y a dans ces dessins, comprimés dans le simple trait qui les cerne, de vérité, de vie !

Comme tout çà [sic] sent la Fagne !

Ces études ont servi à composer des tableaux où l’on voit le naturel du pays avec ses bêtes à la besogne en plein air.

Le plus important de ces tableaux est le triptyque : L’Automne à Xhoffraix : au centre Le Labour, à droite Le Berger, à gauche La Récolte de pommes de terre.

C’est un grand poème rustique peint au pastel ; il est composé d’une façon géniale, je dis le mot, il est juste. Le peintre dit ce qu’il veut dire avec force, avec clarté, avec noblesse, avec originalité. Et c’est grand, ça déborde le cadre, c’est grand comme la terre. Il a créé ce tableau dans la solitude, en 1899, il avait 25 ans.

Cette composition d’art si élevé, ce résultat de tant de labeur, jamais il ne l’a exposé. Il ne le trouvait pas suffisamment réalisé.

Que de nobles choses d’ailleurs parmi celles dont je viens de parler, non seulement ne furent jamais exposées ; presqu’aucune [sic] ne l’a été ; mais ont été détruites par lui. Où sont les aquarelles du début ? Où sont tant de tableaux, de dessins ? Je me rappelle entre autres de magnifiques portraits d’arbres centenaires perdus dans la Fagne, de vieilles haies tordues, de rudes chemins ; je crains bien que la plupart n’existent plus. Il les a laissés se perdre. Que j’aurais voulu revoir tous ces témoignages d’une période de conviction si ardente. Il fut injuste envers ces œuvres, envers lui-même ; il fut trop modeste ou trop orgueilleux ; il était difficilement satisfait ; on aurait trouvé cela bien peut-être, qu’est-ce que cela pouvait lui faire si lui, il voulait mieux.

D’entre les gens bien doués pour les arts il y en a de deux sortes : premièrement, ceux qui, étant donnés [sic] leurs dons, s’en servent pour arriver à obtenir par eux le plus de notoriété et, pardon de devoir prononcer dans un tel entourage le mot ignoble, de l’argent, le plus d’argent possible ; deuxièmement, ceux qui se servent de leurs dons pour arriver à faire le mieux qu’ils peuvent selon l’idée qu’ils se font de la beauté, qui s’efforcent d’approcher le plus près possible de leur idéal ; quant à la répercussion du résultat de leurs efforts sur le public, que celui-ci admire, qu’il se moque, qu’il grogne ou manifeste une parfaite indifférence la chose n’a pour eux aucune importance. De ces deux buts, Le Brun avait choisi le second.

Il y a dans son œuvre plusieurs choses exagérées, frappantes, qui prêtent à la discussion ; un autre les aurait exposées, aurait encore même forcé la note afin d’attirer l’attention, de faire parler de lui. Le Brun, lui, les jugeait, il les trouvait incomplètes et ne les montrait pas.

Heureusement, cependant, beaucoup de ces œuvres nous restent ; dans toutes perce la recherche du caractère, elles sont impressionnantes, elles arrêtent ; c’est précisément cette recherche visible du caractère qui les lui fit renier. Il y trouvait quelque chose d’exagéré, d’extérieur, de déjà vu croyait-il peut-être. Et certes dans ces œuvres fougueuses on sent passer le souffle épique déchaîné par Meunier ; mais comme il y est bien lui-même.

Quand ce ne serait que par une sorte de sécheresse, de gaucherie (que l’on trouve d’ailleurs dans les œuvres qui suivront) qui, à côté de tant de hardiesse, donnent à ces dessins, à ces peintures je ne sais quelle saveur de fraîcheur et d’honnêteté ; car cette sécheresse et cette gaucherie inconscientes attestent une soumission aimante devant la nature admirable.

Par la suite, à force de s’oublier toujours plus dans l’étude de la nature il se trouva plus intimement ; il la rendit avec plus de finesse et d’intimité.

Le procédé du dessin rehaussé de pastel ou d’aquarelle lui plaisait. Il l’a beaucoup pratiqué. C’est dans ce procédé que l’on trouve surtout, venant après ses travaux de la première période à Xhoffraix, une suite de tableaux où son ardeur s’est retenue. Œuvres tranquilles, où le procédé cède s’oublie, où l’aspect matériel, le trait voulu, décoratif, s’effacent pour laisser le sentiment se communiquer sans mélange. Ces œuvres-là, il les a toujours aimées.

Voyez par exemple, L’Homme qui s’en retourne et je cite aussi le délicieux paysage, Les Nuages roses qui est dans ce genre, une œuvre exquise. La recherche de l’effet, de l’heure, est précisée, les nuances y sont, l’œuvre est toute attendrie.

La grande charmille | Les nuages roses, Longfaye (1903) © Musées de Verviers

Ce tableau et plusieurs autres d’entre les plus remarquables de Le Brun étaient la propriété d’Émile Peltzer. Le Brun et lui furent de bons amis ; et je m’arrêterai un moment ici pour rendre hommage à Émile Peltzer. Tout jeune encore il se révéla comme un esthète au goût sûr, délicat, personnel, indépendant ; rien du snob qui suit les modes. Il ne la suivait sûr [sic] pas quand en 1902, il achetait des tableaux à Le Brun. Poussé par son goût pour les arts il s’y laissait aller généreusement et son flair de jeune connaisseur le guidait bien. Émile Peltzer allait venir se fixer à Verviers ; il eût été sûrement le mécène intelligent dont l’art ici avait besoin ; et voilà qu’après avoir échappé au danger de la guerre, car lui aussi s’était engagé, il meurt à 35 ans. C’est pour Verviers une perte sans doute irréparable.

Plus le séjour de Le Brun à Xhoffraix se prolonge, plus sa manière de voir, de peindre, s’affine. Ce qu’il fait est toujours construit, achevé, avec la même conscience, mais il pousse dans des voies nouvelles.

Il s’est mis à étudier, enveloppant les choses, la lumière diffuse. Cette étude devient souvent dominatrice ; elle est caractérisée par plusieurs charmants tableaux dont les titres même qu’il leur donna indiquent la tendance : Symphonie en bleu, Le Soleil qui fuse.

D’autres fois il stylise le dessin, la couleur, avec grande discrétion d’ailleurs, comme dans ce paisible tableau : La Matinée sereine. Et dans certaines toiles même ; parfois, par exemple dans : Le Bouquet de roses, perce une sorte de préciosité.

J’aurais voulu, comme il convient, décrire plus de tableaux et montrer ainsi les tendances, les recherches multiples qui dans toutes ces œuvres qui nous entourent et qui sont si bien parentes indiquent les phases diverses de l’activité intellectuelle de celui qui les a créées. J’ai essayé. Quand j’ai relu ce que j’avais écrit, je n’ai trouvé, pour exprimer les nuances d’une variété originale que lourde monotonie et répétition de mots banaux et usés. Je suis confus, je suis attristé pour Le Brun, de constater si rudement qu’il aurait fallu ici quelqu’un connaissant les secrets de l’art d’écrire.

Les œuvres de la dernière période à Xhoffraix malgré beaucoup d’intentions subtiles et littéraires restent rustiques et fortes ; mais le charme ambigu qui s’en dégage est très différent de celui des premières œuvres. Les dernières sentent moins la Fagne ; arrivé à ce moment l’artiste est poussé par le nouvel élan d’une inspiration plus intime, plus subjective. Dès lors, Xhoffraix ne lui est plus nécessaire, il l’a, si je puis dire, vidé… provisoirement.

Après cette longue réclusion laborieuse il est temps de s’évader, d’aller voir du nouveau, de se rafraîchir les yeux, le cœur, l’esprit ; il est temps de se replonger dans la vie.

Il quitta son village et rentra dans le monde.

Je puis moins intimement suivre cette partie, cette dernière partie de son existence ; mais si par intervalles l’intimité de son esprit m’échappa, du moins j’ai suivi la naissance de toutes ces œuvres.

D’abord il fit un voyage en Italie (3 à 4 mois). Il a laissé une copieuse correspondance et de nombreuses pages où il a décrit cet inoubliable pèlerinage et ses impressions d’art ; d’entre elles, deux lui restèrent palpitantes : la fresque de Benozzo Gozzoli, l’ineffable conteur et le temple de Pæstum ; sa majesté l’avait écrasé.

Puis un séjour de quelques mois à Paris. Il y peint deux curieux tableaux, clairs comme ceux des impressionnistes, mais stylisés : une Vue de Notre-Dame de Paris et Le Pont de la Concorde ; puis enfin, il revient à Bruxelles. Il y travaille dans l’atelier de Blanc-Garin ; académie libre où il se remet à l’étude du dessin. Il se fait des amis, artistes, écrivains, musiciens ; il va dans le monde. Mais voilà qu’un jour, on apprend qu’il fait une retraite à Thimister, dans le pays de Herve.

Il y a peint plusieurs tableaux très poussés où il a mis toute sa persévérance à rendre les objets dans leur réalité. Le détail est représenté à fond, chaque pavé, chaque brique, chaque feuille presque est montrés [sic]. De ce scrupuleux travail où, par la force de sa volonté l’artiste s’absorbe dans son modèle émane une saine impression de calme. Voir : La Ferme au pays de Herve et La Ferme-château (Musée d’Ixelles, salle Maus). À Thimister, il fit aussi de nombreux dessins, rehaussés ou non de couleurs ; personnages et intérieurs ; ils sont très simples et très complets.

Après avoir passé, pendant un an ou deux, la plus grande partie de son temps à Thimister, il rentre à Bruxelles et, grand événement, il se marie (en 1904). Je ne m’occupe pas ici de la vie intime de Le Brun. Il faut cependant dire que sa femme, sa vaillante femme, sentait profondément les arts, qu’elle aimait l’art de son mari, elle le comprenait, elle en était fière. L’harmonie dans le ménage fut toujours parfaite.

Après un séjour de quelques mois à Limburg a/d Lahn, ils vinrent se fixer à Theux. Deux enfants y naissent : un garçon et une fille. L’été le ménage allait souvent faire de longs séjours à Sancourt, près de Cambrai, chez des tantes de Madame Le Brun.

Des voyages, des aventures, des amitiés nouvelles, se marier, avoir des enfants ; il vit, il a des distractions parfois, mais jamais l’art ne l’a lâché.

Le cercle de ses admirations s’est élargi. Il a vu des œuvres nouvelles ; il admire ; il se passionne. Les impressionnistes l’avaient séduit. Il adorait Renoir, comment résister à ce frais Amour de la vie ? Mais Leys, Renoir, quel contraste ? Il s’agit de concilier ces contrastes, et tant d’autres. C’est la crise
que doivent subir tous les artistes d’aujourd’hui. Il en sort d’ailleurs allègrement ; le jugement assoupli ; peignant plus clair ; mais il reste bien lui-même et si les œuvres peintes après son séjour à Xhoffraix sont différentes entre elles ; c’est d’une différence qui n’est que superficielle, qui tient à ce qu’elles furent peintes dans des lieux différents, Limburg, Sancourt, Thimister, Theux, mais par le profond elles sont semblables, et si, sans doute, le degré d’inspiration n’est pas toujours le même, elles sont bien toutes de la même main volontaire. Elle les a toutes réalisées à fond sans jamais rien y laisser de vague ou de hasardeux.

À Theux dans sa maison il a peint ou dessiné une série d’intérieurs animés de personnages : sa femme et ses enfants ; ces œuvres sont remplies d’intimité, de distinction et de subtilité ; il a peint aussi à Theux des paysages dans la ville et aux environs. Citons le Grand Vinâve, c’est le portrait de sa maison et Le Potager de la Bouxherie d’un charme mystérieux.

Puis il va travailler à Lierneux, Francorchamps, etc. De cette époque date Le Village dans la vallée (Hébronval) d’un style très pur, plein de sentiment, d’une éloquence mesurée. C’est beau, c’est très beau : Le Printemps à [Moulin du] Ruy, fraîche idylle, et des intérieurs d’un métier raffiné, où par exception dans son œuvre, il s’amuse à noter les couleurs pour elles-mêmes. Elles sont observées avec science dans l’aquarelle : La Ferme de la Haase, le ton des lointains bleus est rendu magnifiquement.

La salle à manger, Theux (1906) © Musée d’Ixelles

Toutes ces œuvres ont pour sujet le village de la pleine Ardenne ; elles représentent des motifs analogues à ceux qu’il peignait à Xhoffraix. En effet peu à peu il s’était rapproché de la Fagne : Xhoffraix l’attirait. En le quittant il ne lui avait pas dit un adieu définitif ; il devait y revenir. Car après tout c’est là qu’il est vraiment bien pour travailler ; c’est là, plein de mâles souvenirs, son chez lui intellectuel. Il y retourne, il s’y retrouve, mûri, plus conscient, mais le même. Il va reprendre la tâche interrompue, la compléter, la clôturer ; une œuvre suprême ; où il se mit tout entier, la couronne.

Au Salon de Liège du printemps de 1914, il exposait un grand tableau : La Haute Fagne, l’infini de la morne plaine, les fermes entourées de la charmille sans feuille, la bruyère, le genévrier, le ciel gris d’hiver plein de pluie froide, le départ symbolique de deux routes… L’œuvre fit sensation. En effet l’impression qui s’en dégage est prenante. L’artiste a synthétisé là des impressions diverses du pays, ses admirations. Il a représenté la Fagne comme il l’a vue, aimée, rêvée ; la Fagne selon son cœur, sa Fagne. C’est son chef-d’œuvre ; c’est un chef-d’œuvre. On dirait qu’averti mystérieusement de sa fin prochaine (l’œuvre datée de 1914) il ait voulu, grave adieu, exprimer, en une fois toute son âme. Ce triptyque émouvant est exécuté avec calme et patience. Sur une préparation à l’aquarelle, il est travaillé au pastel et au crayon. De longues études minutieuses l’ont précédé. L’œuvre est savant. La grande ligne est émue ; mais voulue, consciente. Les détails, l’un après l’autre ont été dessinés sertis. Beaucoup d’ingéniosité, de recherches, d’intentions, et pourtant une rude impression de force et de grandeur.

Cette grandeur est subtile, cette rudesse est ingénieuse. Grandeur, subtilité, alliance rare ; chez Le Brun elle est fréquente ; c’est la note caractéristique de son talent. Car Le Brun, son art le crie, ne fut pas un homme aux goûts simples, je parle des goûts de son esprit, comme sa vie à Xhoffraix, sa fraternisation avec les rustres, son insouciance pour tout confort pourraient le laisser croire.

Ce garçon aux nerfs solides, ce blagueur incorrigible, ce nageur émérite, ce boxeur fameux était tout le contraire d’un réaliste ; un romantique plutôt, un idéaliste. Mais ne pataugeons pas dans ces mots vagues qui pour chacun de nous ont sans doute un sens différent. Le certain c’est qu’il aime le rare, le compliqué, il fuit le terre à terre, l’ordinaire, le bourgeois. Moralement et physiquement il se plaît hors de la vie courante ; il lui faut un cadre d’art, mais qui n’ait pas servi.

S’il a aimé Xhoffraix, c’est qu’il a trouvé là un ensemble de gens et de choses qui, depuis des ans et des ans n’avaient pas changé. C’était les mêmes mœurs, les mêmes habitations, les mêmes métiers, les mêmes outils, qu’il y avait des siècles. Dans ce milieu pittoresque, il vivait une vie fruste, brutale parfois, délicieusement rude, hors de la banalité de la vie ordinaire, hors du siècle.

Et si, marié, il a choisi Theux pour résidence, ce fut en grande partie pour habiter dans cette belle maison ancienne dont la façade évocatrice arrête tous les gens sensibles qui traversent la place de la petite ville.

Et comme il a soigné l’intérieur de sa maison ! Comme il l’a complétée, la meublant exclusivement de meubles et d’objets anciens ; bahuts, coffres gothiques, meubles Louis XVI, faïences, étains ! Ce sont les vieilleries habituelles, mais ici choisies par un artiste, présentées d’une façon moderne si personnelle, toutes une à une et dénichées par lui chez le paysan et acquises, avec quelles ruses ! Déjà, au commencement de son séjour à Xhoffraix, quand de retour de Verviers il m’avait montré ses nouvelles peintures, il allait me chercher, par exemple, un vieux plat de faïence dont il me détaillait son admiration pour le dessin, le ton, la matière.

En tout cas, dans ses tableaux on trouve le fini minutieux, le détail rare et la stylisation, un goût pour l’archaïque et la symétrie, le précieux, le naïf, l’ingénieux, mais on trouve aussi la grandeur et la force.

Ce sont des éléments contradictoires pris à part, sans doute, mais leur mélange imprègne ses travaux d’une singulière saveur. À la fois il voyait compliqué et grand et c’est je le répète le piquant de son art. Le Brun n’était pas un sensuel. Sa peinture se goûte avec l’esprit ; elle est bien d’un Wallon d’Ardenne ; elle est bien le produit de la fréquentation depuis l’enfance de notre paysage. Et notre paysage offre aux peintres peu de ressources, semble-t-il ; du moins, c’est un pauvre pays pour un amateur de couleurs, d’effets à grands spectacles.

Sa lumière est sèche, sa couleur monotone est souvent dure.

C’est le dessin qui domine ; c’est lui qui parle surtout. Tous les aspects du pays ont quelque chose de construit ; même quand le rocher n’affleure pas on sent toujours que le sol s’appuie sur sa solidité énergétique. Cette rude assise supporte toute la souple fantaisie de la végétation.

La couleur chez nous, n’a ni rutilance, ni langueur : dans les saisons froides, des gris grêles, d’une variété subtile et qui se contentent modestement de rehausser le dessin, de le compléter, le mot couleur est bien lourd pour désigner cette coloration toute spirituelle, l’été, du vert partout, prairies, haies, collines boisées, vert de plantes vivantes, sans fadeur, plutôt aigre, noir même parfois. Dans les sites resserrés, le détail joue un grand rôle, les fleurs, les fruits sauvages, les pierres, toutes les différentes pierres. Et ses aspects sont variés ; brusquement, à tout bout de champ, ils changent, souvent contradictoires tenant ainsi toujours la sensibilité, l’esprit en activité.

Ce pays est très difficile à peindre. Beaucoup y renoncent. Il n’y a rien à peindre ici, disent-ils, et ils vont à Venise, en Flandre, en Espagne, en Provence, retrouver dans la nature les sujets consacrés. Comme il est difficile à peindre ! Pourtant il a son charme ; personne ne le nie. Sans hausser la voix il nous dit des paroles fraternelles. Ce charme est inédit, il n’a pas encore été formulé, il est trop complexe, sans doute, pour l’être. Pour le fixer un peu il faut l’avoir senti soi-même, car ici, aucune formule, aucun modèle à imiter. Il faut l’extraire ce charme de la nature, avec son cœur et son esprit. Le Brun avait l’amour, la finesse, la volonté, le désintéressement qu’il faut pour y arriver.

Quant à son métier, il est toujours curieux et personnel, comme tout métier appris seul. Il travaille d’une manière patiente et ingénieuse car il n’a garde de confondre l’expression de la force avec la force de l’expression ; je veux dire qu’il sait bien que ce n’est pas une facture primesautière, agitée, heurtée qui exprime la force, qui en communique l’impression ; ce débraillé est une faiblesse, comment pourrait-il traduire la force profonde que l’artiste sent, qu’il voit dans la nature. Pour y arriver il faut de persévérants,
de méthodiques efforts vers un but bien défini, de la lenteur et ne rien négliger. La puissance du miraculeux Van Eyck peut se regarder à la loupe. Aussi le métier de Le Brun n’est pas celui où s’affiche la facture, le coup de brosse ou le coup de crayon. Sa fougue ne l’entraîne pas, il la domine, même dans ses œuvres de jeunesse. Méthodiquement son travail est mené à bien. Il prépare des dessous et petit à petit, par couches successives il arrive à la réalisation. Séance après séance il reprend son ouvrage, il y vit, il s’y plaît, il est triste quand fini, il faut l’abandonner. Si c’est nécessaire, il attendra un an, le retour de la tache de soleil, à la bonne place dans la chambre. Et toujours il pense à son tableau, le vit, le rêve.

Il le rêve, mais l’étude de la nature est toujours là scrupuleuse ; à tout ce qu’il a produit elle sert d’assise ; c’est la base saine, le rocher solide sur lequel son œuvre est construit.

Le Brun ne tenait pas à montrer le produit de son travail au public. Le public et lui ne s’aimaient guère. On a vu de ses tableaux à divers Salons triennaux ; mais il n’a pas participé à tous. Il envoyait sans goût à ces exhibitions hétéroclites.

En 1903, Octave Maus l’a invité à participer au Salon de La Libre Esthétique ; il y envoya quelques tableaux ; et, dans le courant de sa carrière il a fait à Verviers, Liège et Bruxelles quelques expositions particulières. Ces expositions particulières il les a toujours faites avec d’autres artistes. Il fallait le solliciter pour qu’il se joigne à nous, il acceptait, mais à condition
de n’avoir pas à s’occuper d’autre chose que d’envoyer ses tableaux. Jamais il n’a exposé seul, les embarras que procure l’organisation d’une exposition lui semblaient disproportionnés avec le désir qu’il avait de montrer ses tableaux.

Cette exposition-ci est la première où ses œuvres sont réunies. Pour la première fois l’on peut se rendre compte de son art, quoique nous n’ayons malheureusement pas pu obtenir certaines œuvres intéressantes appartenant à des particuliers.

Chaque fois qu’il a montré ses peintures, elles intéressèrent beaucoup ceux qui comprennent l’art de peindre. Leur charme spécial séduisit un groupe de personnes au goût subtil et même certains critiques d’art les comprirent, les aimèrent, en parlèrent dans les journaux. Dans les journaux, pourtant, son nom n’a pas beaucoup traîné. Il s’occupait peu de ça, il ne faisait vraiment rien pour ça, au contraire. En effet, aimer les grandes époques, ne tenir aucun compte de la mode, vivre de longues années dans la solitude, c’est un bien mauvais moyen pour arriver, rapidement, à la notoriété.

Et puis l’amour propre de Le Brun était énorme. Il était sûr de sa valeur. Il aurait comme un autre accepté le succès : mais s’abaisser, pour l’obtenir il n’aurait pas pu. Il ne s’occupait pas de ça d’ailleurs, je l’ai déjà dit, il s’agissait pour lui de peindre le mieux qu’il pouvait. Le reste était sans importance.

N’était-ce pas ainsi que Leys, de Brackeleer, De Groux et tous les autres qu’il a tant admirés, ont travaillé ? D’entre eux, plusieurs, de leur vivant, ne furent pas plus connus du bourgeois que lui…

Il avait la tête pleine de projets de tableaux, il en avait en train ; bien portant, tranquille, il y travaillait, toujours optimiste, quand la guerre éclata. Il abandonne tout. Il court mettre sa santé, son énergie, au service du pays.

Carabinier volontaire, il a été tué aux premières lignes, à Stuijvekenskerque, le 26 octobre 1914. Il avait 41 ans, il était parti sans calcul ni hésitation, plein d’enthousiasme. Tout le temps de sa courte campagne il s’est conduit comme un jeune brave. Jeune brave, oui, jeune ; à son âge, il n’avait rien perdu dans les hasards de la vie, de la foi, de l’exaltation, du joyeux courage, des mépris, du gaillard de 17 ans qui voulut, mordicus, se faire peintre.

Le quadragénaire était resté digne du jeune homme ; il avait jusqu’au bout vécu son idéal. Selon cet idéal il a fini héroïquement sa vie ; et il aura trouvé çà [sic] bien. Mais nous, regretterons-nous jamais assez une telle vie fauchée dans sa vigueur ?
Mais son œuvre hautaine reste, et son exemple.

Maurice Pirenne (1920)

Ce texte a été publié dans le catalogue de l’exposition Georges Le Brun.  Maître de l’intime, présentée au musée Félicien Rops, Province de Namur, du 24 octobre 2015 au 6 mars 2016, sous la direction scientifique de Denis Laoureux

[INFOS QUALITE] statut : validé | mode d’édition : partage, édition et iconographie | source : Province de Namur ; academia.edu | contributeur : Patrick Thonart | crédits illustrations : en-tête, La haute fagne © Jacques Spitz ; © Musées de Verviers ; © Musée d’Ixelles.


Plus d’arts visuels en Wallonie-Bruxelles…

GRAAS : Le cirque : les tigres (2000, Artothèque, Lg)

Temps de lecture : 2 minutes >

GRAAS Béatrice, Le cirque : les tigres  (linogravure, 79 x 48 cm, 2000)

Et pourquoi pas emprunter cette oeuvre gratuitement
à l’Artothèque Chiroux de la Province de Liège ?

Beatrice Graas © beatricegraas.be

Née en 1962, Béatrice GRAAS est diplômée de l’Institut supérieur des Beaux Arts Saint Luc à Liège en 1987, elle ajoute à ses études de peinture une formation en gravure et lithographie, d’abord avec Marc Laffineur à Liège, et ensuite, à l’Académie du soir de Verviers avec Michel Barzin. Depuis 2004, Béatrice Graas est membre du groupe Impression. (d’après BEATRICEGRAAS.BE)

Son vocabulaire pictural se rattache à l’enfance, au bonheur de créer, à la liberté, la spontanéité. Elle traduit la pureté de cet univers par des coloris imprégnés de fraîcheur. Dans ses peintures apparaissent des personnages, des animaux imaginaires ou familiers et toute une série de graffitis, de fragments d’écriture qui relèvent du côté enfantin. “Il y a comme un plaisir  d’étendre largement la couleur, d’inonder la toile de jaune de bleu, de vert, d’y introduire des éléments graphiques qui sont souvent bienvenus et accrochent la vie à ces grandes étendues peintes […]” (Pierre Deuse, cité sur BEATRICEGRAAS.BE)

[INFOS QUALITE] statut : actualisé | mode d’édition : compilation (droits cédés) et mise à jour par wallonica.org  | source : Artothèque Chiroux | commanditaire : Province de Liège – Culture | contributeur : Philippe Vienne | crédits illustrations : © beatricegraas.be | remerciements à Bénédicte Dochain et Frédéric Paques

LAOUREUX : L’art abstrait au prisme de la Wallonie. Un point de vue (2015)

Temps de lecture : 20 minutes >

[PROVINCE.NAMUR.BE, hiver 2015] PEINTURE PARTAGÉE, UNE COLLECTION D’ART ABSTRAIT WALLON – Expo à la Maison de la Culture de Namur (10 janvier 2015 – 8 février 2015)

L’exposition Peinture partagée, met en lumière la passion d’un couple de collectionneurs namurois pour l’art abstrait wallon. Si la Belgique est connue pour être le pays accueillant le plus de collectionneurs par m², on situe généralement les collections privées dans le Nord du pays ou dans la capitale. Mais la vallée mosane abrite également quelques passionnés anonymes.

L’envie de montrer cette collection (rendue publique pour la deuxième fois seulement) s’inscrit dans cette volonté de dessiner la vitalité culturelle au Sud du pays. C’est tout le propos de cette collection qui s’élabore depuis plusieurs dizaines d’années avec comme fil rouge celui de l’abstraction en Wallonie. Ce qui n’était au départ qu’une intuition est rapidement devenu un canevas essentiel : “Nous revendons peu à peu certaines œuvres, notamment figuratives, pour acheter des grands noms de l’art abstrait wallon” expliquent les collectionneurs. Au-delà de la fierté nationale, c’est une manière de circonscrire la passion, lui fixer des limites – financières et esthétiques. C’est une manière aussi de construire une véritable identité à la collection. Le but avoué est aussi de revaloriser le patrimoine . “Beaucoup d’artistes sont partis à Paris car c’est là que cela se passait. Ils se sont naturalisés français mais ils provenaient du Sud de la Belgique. Nous devons en être fiers“, ajoute le collectionneur.La collection s’est ainsi formée en duo et de façon autodidacte. Elle découle d’abord de coups de cœur avant de devenir un exercice plus réfléchi. Elle commence avec l’oeuvre bleutée (sans titre, 1957-58) de Joseph Lacasse, dont le couple est littéralement tombé amoureux. S’ajoutent bientôt d’autres grands noms de l’art abstrait : Pol Bury, Raoul Ubac, Jo Delahaut, Marcel Lempereur-Haut… Il s’agit essentiellement d’oeuvres non-figuratives sans distinction de genre, de style ou d’école (Hard Edge, lyrique, géométrique, cinétique, etc.). On trouve des œuvres très diverses d’Henri Michaux, des dessins mescaliniens – réalisés sous influence – aux encres de Chine, des peintures de Mig Quinet, Françoise Holley-Trasenster ou Gaston Bertrand, etc. La collection se fait aussi plus contemporaine, avec Jacques-Louis Nyst, Jean-Pierre Ransonnet, Gabriel Belgeonne ou Victor Noël. Elle nous réserve aussi des découvertes, tel ce couple d’artistes, Hauror, qui avait participé au Salon des Réalités Nouvelles dans les années 50 mais dont le nom est peu connu aujourd’hui. L’une des deux œuvres de la collection a prêté son titre à l’exposition : Peinture partagée. Aujourd’hui, c’est cette passion de collectionneurs qui est partagée avec le public.

Catalogue : textes de Roger Pierre Turine, critique à La Libre Belgique et Denis Laoureux, historien de l’art (ULB).

Province de Namur


L’art abstrait au prisme de la Wallonie. Un point de vue

[ACADEMIA.EDU] Les tableaux abstraits rassemblés dans la collection qui forme la trame de la présente exposition ont en commun d’avoir été conçus durant la seconde moitié du XXe siècle par des artistes issus de cette partie de la Belgique qu’un de ses ressortissants notoires, André Blavier, se voyant lui-même Wallon et apatride, situait dans un Extrême-Occident imaginaire. Il faut dire que la Wallonie, “curieux pays curieux” contient une diversité culturelle bigarrée et surprenante au regard de l’étroitesse géographique de son territoire. Cet Extrême-Occident est aussi l’angle, forcément partial et partiel, mais assumé comme tel, à travers lequel s’est constitué, au fil d’acquisitions triées sur le volet, le récit visuel de cette “passion privée” pour une Wallonie qui s’expose aux cimaises d’un “musée rêvé” à la croisée de la Sambre et de la Meuse.

Peindre en Wallonie

Sélectionnés avec soin à travers ce prisme à double face que constituent, d’une part, l’abstraction après 1945, et d’autre part, la Wallonie en tant que terre natale des artistes, cet ensemble de tableaux témoigne autant du regard singulier d’un collectionneur qu’il ne donne à voir un pan de l’histoire de l’art en Belgique, et a fortiori de l’épanouissement de l’art abstrait en Europe. Pour un historien de l’art, ceci pose plusieurs questions complexes auxquelles on ne peut se dérober sans toutefois prétendre à les épuiser.

Une première question est celle du lien entre peinture et territoire, et donc entre production artistique et identité régionale. Si on peut admettre assez facilement que l’angle wallon se tient en tant que critère constitutif d’une collection d’art abstrait, peut-il pour autant dicter une lecture des œuvres ? Sans doute pas. En confondant la méthode – l’origine wallonne – avec son objet – la production artistique – on se trouverait en mauvaise posture lorsque, pour expliciter l’entreprise à ceux qui demanderaient à bon droit quelques éclaircissements, on aurait à définir ce qui, sur un plan plastique, serait soi-disant spécifiquement wallon et ce qui, de facto, ne le serait pas.

L’art moderne transgresse les règles du nationalisme. La peinture de Jo Delahaut, dont il sera question plus loin, en est un exemple éloquent. Né en région liégeoise, l’artiste vit à Bruxelles et noue des contacts avec ses confrères des Réalités nouvelles dont il partage pleinement les postulats esthétiques au point d’exposer en leur compagnie de 1948 à 1955.

Oeuvre de Jo Delahaut dans le métro bruxellois © STIB

On peut multiplier les exemples : Ernest Engel-Pak, Paul Franck, Joseph Lacasse, Marcel Lempereur-Haut, Léopold Plomteux, Henri-Georges Closson et Françoise Holley, pour clore ici cette liste non exhaustive, contribuent également aux salons des Réalités nouvelles qui s’organisent à Paris dès 1946. Certains artistes s’installent à Paris, comme Raoul Ubac qui quitte Malmedy en 1932. Il fut précédé par Joseph Lacasse. Né à Tournai en 1894, ce dernier s’établit à Paris en 1925 où il effectuera le reste de sa carrière. Il participe notamment au salon des Réalités nouvelles de 1958. Les tableaux qu’il réalise à ce moment donnent au spectateur l’impression que la couleur est une énergie qui, après avoir effectué une remontée au sein de sa propre profondeur, arrive à l’air libre où elle frémit à l’intérieur de plans géométriques dérivant à fleur de toile avec la lenteur d’un mouvement de tectonique de plaques. La peinture de la Lacasse fonctionne comme un vitrail. Tout se passe comme si une lumière dont la source se trouvait derrière la toile traversait la couleur pour éclairer la peinture et la faire vibrer dans sa masse.

On se gardera donc d’appliquer à la création artistique un droit du sol qui conduirait à la définition d›un art national contraire par nature à la dynamique transfrontalière de la modernité. Mais si on ne se reconnaît pas le droit de définir ce qui serait wallon en termes d’expression artistique, nous ne sommes pas davantage autorisés à anesthésier les singularités en confondant la partie avec le tout. Si on éprouve quelque réticence à voir dans un tableau de Delahaut l’emblème pictural d’une identité régionale, il faut admettre que ce tableau est forcément, comme ont dit, né quelque part. Ne peut-on pas tenter de déceler, sans souscrire au nationalisme qui agite ici et là l’Europe des années 2010, une sensibilité commune qui se sédimente dans des tableaux peints au même endroit et, parfois, au même moment ? Ne peut-on pas, sans être suspect, faire apparaître la dynamique structurelle collective – groupes, manifestes, expositions communes, revues, etc. – qui explique des effets de proximité esthétique unissant les artistes actifs au sein une même aire culturelle ?

Une seconde question se pose. Comment expliquer le découpage chronologique qui fait commencer en 1945 la contribution des artistes né en Wallonie à l’histoire de l’abstraction ? Marquée par un héritage symboliste qui a prolongé la fin-de-siècle jusque 1918, la Belgique n’a pas été un territoire propice à l’épanouissement de l’abstraction qui naît et se développe, au début des années 1910, hors du monde classique. Certes, Vassili Kandinsky expose en 1913 à Bruxelles, à la Galerie Georges Giroux… mais l’événement est sans lendemain : James Ensor, Fernand Khnopff, George Minne, William Degouve de Nuncques sont alors au zénith de leur carrière. Après 1918, l’expressionnisme flamand dominé par Constant Permeke et le surréalisme constitué autour de René Magritte laisseront peu de place à la Plastique pure. Celle-ci constitue la contribution belge au constructivisme international. Mais l’avant-garde ne prend pas et, à partir de 1925 déjà, les peintres arrêtent leur activité ou se réorientent progressivement, comme Marcel-Louis Baugniet, vers le design.

Étude de Marcel-Louis Baugniet (1927) © FRB

La situation des peintres abstraits actifs après 1945 est tellement différente que cette nouvelle et seconde génération ne doit en aucun cas être vue comme le prolongement naturel de la première. Et pour cause : l’abstraction, singulièrement dans sa veine géométrique, fait alors l’objet d’une reconnaissance qui touche autant le monde institutionnel officiel que le public, la critique et les collectionneurs. Le Palais des Beaux-Arts de Bruxelles a joué, dans l’institutionnalisation de l’art abstrait, un rôle largement international, qui culmine par ailleurs avec l’Expo’58. Son Directeur général, Pierre Janlet, est lui-même amateur d’art moderne et d’abstraction géométrique en particulier. Janlet est à l’origine de la Galerie Aujourd’hui. Celle-ci succède en 1953 au Séminaire des Arts fondé en 1945 par Luc Haesaerts et Robert Giron. La Galerie Aujourd’hui fut, durant une dizaine
d’années, une plateforme extrêmement dynamique. Cette assise institutionnelle a été accompagnée par des initiatives privées. La Jeune Peinture belge (1945-1949), l’Association pour le progrès intellectuel et artistique en Wallonie – l’APIAW – constituée en 1944 à l’initiative du Liégeois Fernand Graindorge organiseront de nombreuses expositions d’art
abstrait, tout en assurant la diffusion de l’art international. Françoise Holley, par exemple, participe autant aux salons de l’APIAW qu’à ceux des Réalités nouvelles auxquels elle contribue de 1951 à 1954. Après 1945, l’abstraction jouit d’une reconnaissance publique et privée qui crée un horizon d’attente plus que favorable pour la jeune génération d’artistes dont il va question ci-après.

Les années Jeune Peinture belge

La Jeune Peinture belge (1945-1949) est une association sans but lucratif fondée le 4 août 1945. Elle a pour objectif de créer les conditions nécessaires au retour d’un dynamisme artistique miné par les années de guerre. Rassemblant des jeunes peintres qui ne se reconnaissent ni dans l’animisme ni dans le surréalisme, à l’heure où Cobra n’existe pas encore, la Jeune Peinture belge s’est assignée une fonction essentiellement logistique. Elle bénéficie d’un réseau de partenaires institutionnels prestigieux et d’un système de financement issu du monde privé. Un Conseil d’administration est mis sur pied, de même qu’un jury organisant la sélection des œuvres pour les expositions nationales et internationales. Des critiques d’art apportent à l’entreprise le soutien de leur plume. Administrée avec soin et détermination par René Lust, la Jeune Peinture belge n’est pas une avant-garde abstraite, même si elle conduit la plupart de ses membres à l’abstraction. Elle est plutôt un cadre, une structure offrant aux peintres les moyens matériels d’exposer en Belgique et à l’étranger. Ceci explique pourquoi il n’y a pas de manifeste de la Jeune Peinture belge, contrairement à Cobra qui verra le jour en 1948, mais des statuts déposés au Moniteur belge.

DELAHAUT J., Composition 1952 © Musées Royaux des Beaux-Arts de Belgique

C’est dans ce contexte qu’il revient à Jo Delahaut d’avoir présenté à Bruxelles en 1947, et à Oxford l’année suivante, des compositions qui constituent les premiers tableaux abstraits exposés en Belgique après la Seconde Guerre mondiale. Le fait est important, même s’il est passé à peu près inaperçu à l’époque. L’engagement de Delahaut pour l’abstraction géométrique est à la fois immédiat et radical. Il se fonde sur la négation de toute référence à la réalité. L’artiste partage en cela les postulats esthétiques de son ami Auguste Herbin. Dans un premier temps, Delahaut assimile la peinture abstraite à la mise en place d’une architecture visuelle composée de lourdes lignes noires droites. Celles-ci constituent un réseau linéaire qui délimite l’expansion des formes dans une construction picturale dont la stabilité exprime le besoin d’un monde en équilibre. Comme Herbin, Delahaut ne cessera d’explorer les relations multiples entre la forme et la couleur pour ériger la géométrie en rhétorique visuelle caractérisée par l’éloquence, la clarté, la raison.

Delahaut n’est pas le seul membre de la Jeune Peinture belge à s’engager dans l’art abstrait dans l’immédiat après-guerre. On songe ici à Mig Quinet, plus âgée, il vrai, que la plupart des membres du groupe de la Jeune Peinture belge qu’elle cofonde par ailleurs. Pour diverses raisons, les tableaux abstraits de Quinet ne seront exposés qu’en 1953, au Palais des Beaux-Arts de Bruxelles. Contrairement à Delahaut, Quinet ne rejette pas le réel. Elle part d’un objet, ou d’une scène qu’elle choisit pour sa qualité cinétique : un cirque, un carrousel, une roue, un trio à cordes… Intériorisé, analysé, déconstruit mentalement, le réel est alors transposé en plans géométriques colorés articulés par un réseau linéaire formant une structure kaléidoscopique. L’objet est ramené à une trame géométrique. Il prend la forme d’une architecture lumineuse virtuellement animée par un mouvement rotatif généré par le motif du cirque, de la roue ou du carrousel. La géométrie prend ainsi une qualité cinétique qui trouvera son plein aboutissement dans le développement ultérieur de l’Optical Art.

Élargir les limites du visible

La conversion immédiate et radicale de Delahaut à une abstraction géométrique Hard Edge est un cas unique. En fait, pour la plupart des peintres, la voie conduisant à l’abstraction résulte d’une lente métamorphose intérieure du monde environnant dont les limites se trouvent ainsi élargies, dilatées, reculées. La nature est transformée par l’imagination avant de s’incarner dans la peinture à travers une configuration plastique conservant le souvenir lointain, imperceptible, de son origine pourtant située dans le réel. Envisager la peinture abstraite non pas comme une négation du visible, mais comme un élargissement poétique de la réalité est une orientation que la plupart des peintres issus de la Jeune Peinture belge vont emprunter.

Mig Quinet, Majorité des bleus (1960) © DR

Ce passage de la ligne, selon la formule utilisée par la critique d’époque pour désigner l’adhésion à l’abstraction, se fait, pour la plupart des peintres, autour de 1950. Le lyrisme de la palette issu du fauvisme se conjugue alors à un sens cubiste de la structure pour détacher progressivement la représentation de ses liens au réel, pour soustraire cette représentation au poids de l’objet dans le but d’assimiler l’image à l’épiphanie d’un mouvement lumineux. Des œuvres comme Plaza Prado (1955) de Gaston Bertrand, mais aussi Les Angles bleus (1954) de Mig Quinet, ou encore Les Voiles (1954) de Paul Franck sont l’expression de ce processus poétique de transformation intérieure du réel où la nature se métamorphose pour prendre corps dans l’image sous la forme d’une structure lumineuse en mouvement.

Le chemin qui conduit ces peintres vers l’abstraction n’a rien de la radicalité d’un Delahaut, ni de la violence formelle qu’on trouve au même moment sous les pinceaux de Georges Mathieu ou de Wols, ni du sens de l’improvisation et de la rapidité d’exécution qui anime un Pierre Soulages. Il s’agit de vivre le monde, d’en ressentir la texture, l’atmosphère, d’en épouser les lignes de force, afin d’en extraire un sentiment qui sera mis en scène picturalement. Ce processus d’élaboration poétique de la peinture consiste à élargir les limites du monde, à métamorphoser le visible en un horizon intérieur. Ceci explique l’importance prise par le paysage dans la dynamique d’expérimentation plastique qui conduit les membres de la Jeune Peinture belge à franchir la ligne de l’abstraction à la in des années 1940. Sur son versant belge, l’abstraction lyrique se présente donc comme une attitude consistant à vivre librement la nature dont l’apparence s’élargit picturalement à la mesure d’une subjectivité d’autant mieux retrouvée et exaltée qu’elle fut étouffée par les années de guerre.

UBAC R., Empreinte grise (env. 1965) © DR

L’œuvre de Raoul Ubac est particulièrement représentative de cette façon de concevoir l’abstraction. Né dans les Ardennes belges en 1910, à un jet de pierre de la frontière allemande, Ubac s’installe à Paris dans les années 1930 où il rejoint le milieu surréaliste auquel il participe comme photographe. “La guerre me libéra du surréalisme” confiera-t-il plus tard. Cette sortie du surréalisme le conduit à la peinture qu’il pratique parallèlement à une recherche sculpturale prenant l’ardoise comme matériau de prédilection. La peinture d’Ubac se nourrit d’un rapport intime aux choses de la nature pour donner forme à un univers introspectif soumis à la législature du monde végétal : arbres, labours, feuilles, mousses, mais aussi lenteur, silence, contemplation, écoute, lux invisible. Une vie secrète palpite sous les écorces, et face au paysage, l’émotion est infinie. Celle-ci est apprivoisée, saisie, intégrée. Ubac peint, en quelque sorte, avec ses souvenirs – il habite Paris et non la France profonde –, qui forment le tissu mouvant d’un imaginaire pictural marqué par deux éléments sédimentés dans son imaginaire : l’arbre et le champ. Ce dernier est une étendue plane. Labourée, retournée vers le ciel, sa surface est lacérée par un réseau de lignes gonflées d’ombre. Les lignes noires, parallèles, dont Ubac fait un élément central de son vocabulaire conservent ainsi le souvenir des sillons de la terre cultivée. La main reprend au soc de charrue son mouvement linéaire qui, des champs ensemencés à la feuille de papier, anime la surface en un jeu de forces témoignant de la relation fusionnelle qui unit l’homme à la nature. Il s’agit d’être “Terre à terre – Face à face” comme l’écrit l’artiste en 1946. Et de confesser dans un entretien : “Un simple champ fraîchement labouré suffit à nourrir ma vision.” À l’espace civilisé du champ cultivé répond l’univers sauvage de la forêt. L’enchevêtrement naturel des branches s’oppose à la surface plane des grands carrés de labour. Ubac tire des ramures de l’arbre le principe d’un réseau linéaire provenant dès lors moins de la tradition cubiste que d’une contemplation de la nature.  L’élan des branches se transforme, sous le regard du peintre, en une frondaison de lignes dont le tracé semble tirer son énergie tranquille du lux de la sève. La palette participe à cette célébration picturale de la nature. Ubac exploite ici les couleurs sourdes de la terre. Il enveloppe ses forêts intérieures d’une lumière de rivière rendue par les modulations d’une gamme bleutée. Les titres eux-mêmes disent cette expérience du paysage et du monde rural : La Forêt après la pluie, Taillis ou encore Pierre écrite.

Le recours au paysage comme un élément dans un processus pictural qui recule les limites du réel s’inscrit par ailleurs durablement dans l’histoire de l’abstraction. La nature est un puissant générateur de sensations que le peintre agence à la surface du tableau. Investie par la mémoire, la sensation du paysage débouche sur un univers sensible qui rejette tout édifice théorique au bénéfice d’une communion avec la matière. L’Usine (1957) de Zéphir Busine et les paysages de Roger Dudant, par exemple, s’inscrivent dans cette orientation qui ouvre les formes pour fusionner les couleurs avec une matière pigmentaire qui vibre à leur de toile. La matière reste toutefois un moyen et non une fin.

RANSONNET JP., sans titre © Collection privée

À partir des années 1980, les propriétés tactiles du tableau sont à nouveau placées au premier plan. En Belgique, plusieurs artistes contribuent au mouvement européen de retour à une peinture expressionniste riche en effet de facture. C’est ici qu’il faut situer 1990 de Zurstrassen. Celui-ci restaure un hédonisme matiériste lié, dans son cas, à une relecture de l’abstraction américaine tandis que, par ailleurs, au même moment, entre l’Ourthe et l’Amblève, Jean-Pierre Ransonnet investit les paysages ardennais dans une approche picturale qui rappelle les forêts de Raoul Ubac et les fagnes de Serge Vandercam. Il s’agit de se fondre au flux de la nature non pour décrire un coin de verdure mais pour en évoquer l’intimité. L’opération est poétique. Elle transpose les formes du paysage par le biais d’un processus de décantation intérieure qui amène le peintre à organiser les couleurs de sorte à donner au spectateur la sensation d’une immersion dans le monde végétal, qu’il s’agisse de l’épaisseur impénétrable de la forêt ou de la masse écrasante d’une colline.

Delahaut and Co

L’approche introspective et lyrique du réel amène la plupart des membres de la Jeune Peinture belge à franchir la ligne de l’abstraction autour de 1950. Les peintres suivent une trajectoire individuelle dont témoigne, par exemple, la carrière que Mig Quinet, Gaston Bertrand, Antoine Mortier, Louis Van Lint ou encore Marc Mendelson poursuivent de manière solitaire durant les années 1950.

Une autre sensibilité se développe dans le même temps. Plus radicale, entièrement gouvernée par un esprit de géométrie, elle rejette tout lien au visible pour se penser comme une autonomie plastique régie par des principes étrangers à la figuration. Elle prend appui sur la notion de forme calibrée à la couleur qui la constitue. Cette approche n’a rien d’une célébration poétique de la nature. Au contraire, elle postule que l’art abstrait est un langage visuel autonome, exonéré de tout devoir de référence au monde visible et disposant de sa logique visuelle propre. Dans ce schéma, la
forme se présente comme un module géométrique que le peintre agence à l’intérieur d’une composition où elle se répète pour former une série dans laquelle des variations de taille et de couleur sont introduites.

Cette option esthétique va largement déborder le cadre de la peinture pour toucher les arts décoratifs et l’esthétisation du cadre urbain : l’abstraction géométrique se répand dans les foyers par le mobilier, la vaisselle, la reliure tout en prenant place dans les stations de métro, les piscines, les écoles, les campus universitaires et autres lieux qui font les espaces commun de la société. Il faut dire que de nombreux collectifs d’artistes se sont formés pour assurer la promotion de l’abstraction géométrique. Cette dynamique collectif tranche avec le caractère individuel des parcours artistiques issus de la Jeune Peinture belge.

COLLIGNON Georges, sans titre © DR

Fondé à Liège en 1949, Réalité-Cobra est premier groupe à voit le jour. Il se donne comme objectif d’unir l’abstraction de tendance géométrique avec les principes issus de Cobra. Pol Bury, Georges Collignon, Paul Frank, Maurice Léonard, Léopold Plomteux et Silvin Bronkart en sont les membres. Ils organisent une première exposition en 1949. On les retrouve à l’APIAW en 1951, mais une première dissension apparaît avec le départ de Paul Frank pour qui la relation à Cobra orientait trop l’esthétique du groupe. Il faut dire que le goût des artistes de Réalité-Cobra pour la géométrie, même si l’apparente froideur des formes est tempérée par la chaleur de la gamme chromatique et par la vibration de la surface, tranche avec la spontanéité irrationnelle sur laquelle Cobra érige une vision de la représentation qui ne se confond pas avec l’abstraction.

Une troisième et dernière exposition est montée en 1952, toujours au sein de l’Apiaw. Cette année-là, le groupe Art abstrait se forme à l’initiative de Delahaut.

Delahaut joue un rôle clé, tant au niveau de l’élaboration de l’abstraction géométrique que de sa promotion à travers une dynamique associative. Plusieurs groupes d’artistes se constituent au fil des années 1950 et 1960. En organisant des expositions, ces associations assurent une visibilité à ceux qui, comme Jean Rets, Kurt Lewy, Mig Quinet, Francine Holley ou Victor Noël, s’engagent dans cet esprit de géométrie que Jo Delahaut cherchera aussi à répandre dans la société à travers l’architecture et l’art décoratif. Delahaut s’impose également comme un théoricien du langage de l’art abstrait qu’il assimile à une rhétorique régie par des lois différentes de celles qui caractérisent la peinture figurative.

Le groupe Art abstrait se constitue en 1952 autour de la peinture et de la personne de Delahaut. Ce dernier fédère une équipe de peintres clairement engagés dans la pratique d’un art ayant rejeté tout lien au réel. Georges Collignon, Georges Carrey, Pol Bury, Léopold Plomteux, Jan Saverys, Jan Burssens et le duo Hauror en font partie. Ils sont rejoints en 1954 par Jean Rets, Francine Holley, Kurt Lewy et Guy Vandenbranden. L’ensemble est actif jusque 1956. En quatre années d’existence, Art abstrait a multiplié les expositions tant en Belgique qu’à l’étranger, avant d’imploser au terme de dissensions internes opposant les tenants d’une stricte géométrie et ceux qui, comme Burssens, s’attachent au lyrisme de la matière.

Avec Maurits Bilcke et Jean Séaux, Delahaut lance en 1956 le groupe Formes qui rassemble Pol Bury, Kurt Lewy, Jean Rets, Georges Collignon, Guy Vandenbranden, Ray Gilles, Francine Holley, Victor Noël, Van der Auwera, Paul Van Hoeydonck et Van Marcke. Plusieurs critiques, tels que Jean Dypréau et Léon-Louis Sosset, apportent le soutien de leur plume à ce groupe dont les activités se limitent, en fait, à deux expositions auxquelles s’ajoute un album de sérigraphies publié en 1956.

En 1960, Formes cède la place à Art construit dont les activités contribuent à la réhabilitation de la Plastique pure des années 1920. Éphémère lui aussi, le groupe Art construit reste en activité jusque 1964. Sa dissolution ménage un espace pour la création du groupe D4. Fondé en 1965, D4 comptait les peintres suivants : Emiel Bergen, Gilbert Decock, Henri Gabriel, Victor Noël et Marcel-Henri Verden. Avec l’arrivée de Delahaut en son sein, D4 devient Geoform qui sera actif jusque 1971.

Rhétorique de la géométrie

Ces formations sont certes éphémères et difficiles à documenter, mais elles structurent et jalonnent néanmoins l’histoire de l’abstraction durant une vingtaine d’années. Les peintres qui y sont actifs érigent la clarté du plan coloré et l’approche sérielle de la forme en alternative à la gestualité de l’abstraction lyrique. Pour eux, la peinture découle moins d’un processus d’élargissement des limites du réel qu’elle ne sert de lieu de recherche formelle sans aucun rapport avec le monde visible. Triangles, croissants de lune, trapèzes constituent des modules géométriques que les artistes agencent pour donner corps à des compositions vives, dynamiques, équilibrées.

Ceci ne signifie pas que la peinture se retranche dans une tour d’ivoire. Au contraire. Nombre de peintres adhérant à l’abstraction géométrique ont plaidé pour une application sociale du langage plastique qu’ils avaient expérimenté picturalement. Les bas-reliefs placés par Delahaut au pied des immeubles de la cité de Droixhe, près de Liège, en sont l’expression.

La peinture abstraite de tendance géométrique s’apparente à une rhétorique visuelle dont le principe fondamental réside dans les combinaisons entre  trois éléments essentiels du vocabulaire plastique dont disposent les peintres : la ligne, la forme et la couleur.

La ligne est un paramètre remplissant diverses fonctions. Courbe, elle joue un rôle dynamogène en provoquant un effet visuel rotatif. Pol Bury et Jean Rets en font largement usage dans leurs compositions des années 1950. Droite, la ligne se fait architecturale en divisant le plan du tableau pour créer des surfaces agencées les unes par rapport aux autres. Comme le montrent les Entrelacs de Françoise Holley, son épaisseur peut varier, de même que sa direction, de sorte à créer des marques sonores et des effets de rythmes donnant à la peinture une dimension musicale rappelant la Sonate que Baugniet avait peint dans les années 1930.

Expo Léon WUIDAR au MACS © Ph. de Gobert

La forme, quant à elle, est vue comme un module conçu pour être répété en vue de constituer une série au sein de laquelle elle évolue en se transformant au gré de variations de couleur, de taille, de position. Delahaut excelle dans la maîtrise de la rythmique formelle qui fait de l’image une surface en mouvement. Une toile comme Rythmes nouveaux peinte en 1956 en est l’expression. Si les cercles et les arrondis ne sont pas évacués, c’est toutefois la forme angulaire qui prédomine et trouve dans la communication graphique de l’Expo’58 sa plus célèbre application. Le triangle est sans doute l’emblème formel de l’abstraction géométrique dans la Belgique des années 1950. “Lumière de l’âme”, selon Delahaut, la couleur est liée à la forme qu’elle incarne. Ce lien entre forme et couleur est primordial dans l’équilibre d’un tableau. Pour les peintres issus du groupe Art Abstrait, l’enjeu pictural consiste à trouver le timbre chromatique correspondant à la forme modulée à l’intérieur d’une suite agencée dans l’espace du tableau.

En explorant les combinaisons infinies permises par les relations entre ces trois paramètres plastiques, les peintres mettent en place un univers visuel caractérisé par une constante mutation : la forme colorée a le statut d’une séquence dans la logique d’une série. Au sortir des années 1950, cette question du mouvement de la forme dans une structure sérielle se pose avec acuité. Les réponses à cette question, toutefois, divergent. Certains peintres évacuent le principe de répétition pour se concentrer sur une seule forme magnifiée en signe immobile. C’est le début du minimalisme dont témoigne un tableau comme Structure n°1 que peint Delahaut en 1964.

D’autres, en revanche, maintiennent le concept d’exploration sérielle de la forme en valorisant le mouvement virtuellement inclus dans la dynamique de la modulation. C’est le cas de Pol Bury. Mettre la forme en action est une option esthétique qui amène ces artistes à envisager de (se) sortir du tableau pictural qui est, forcément, statique.

Dans les années 1980, la peinture de Delahaut constitue le modèle autour duquel se structure une nouvelle génération de peintres engagés dans l’art construit. Cette génération se met en place au fil des six numéros de la revue Mesure Art international qui paraît entre 1988 et 1995. Des vétérans tels que Baugniet et Delahaut participent à ce projet emmené par Jean-Pierre Maury, Pierre Husquinnet, JeanJacques Bauweraerts et Léon Wuidar.

Michaux dans le flux de l’encre

Poète et peintre d’origine belge né à Namur – il prend la nationalité  française en 1955 –, Michaux publie ses premiers textes en 1922. Trois ans plus tard, il entame une recherche graphique totalement émancipée des thèses rationalistes qui guident alors le constructivisme international et plus tard l’abstraction géométrique. À l’inverse de ce que Magritte postule en 1929 dans le onzième énoncé de sa publication Les Mots et les Images, le lisible et le visible ne sont pas, pour Michaux, des éléments de même nature. Au terme d’une recherche marquée par le surréalisme, l’usage d’hallucinogènes – entre 1956 et 1961 – et la pensée extrême-orientale, le dernier Michaux – l’artiste meurt en 1984 – revient, au milieu des années 1970, à la tache d’encre qu’il travaille avec une gestuelle informelle rappelant les travaux de 1960-1961 qui lui avaient valu une reconnaissance internationale. Vers 1974, préparant une exposition prévue à la Fondation Maeght au printemps 1976, Michaux se consacre à une série de grands formats. Ces grandes encres sont réalisées dans une optique picturale proche du jaillissement recherché par Dotremont. Alechinsky rapporte d’ailleurs qu’au cours d’un vernissage, Michaux lui-même confondit les démarches lorsque, trompé par l’obscurité, il prit un logogramme pour une de ses œuvres.

MICHAUX H., Sans titre © Drouot

Après discussion, l’auteur de Plume observe que le fondateur de Cobra est, en fait, un peintre de mots. “Il écrit, lui“, conclut Michaux qui, pour sa part, ne cherche pas vraiment à orientaliser l’écriture. Sur un plan théorique, un recueil comme Émergences-Résurgences (1972) interroge les propriétés respectives de l’image et de l’écriture. “Je peins pour me déconditionner” écrit-il d’entrée de jeu. Se déconditionner, oui, mais de quoi ?

L’image représente, pour Michaux, un lieu de dépassement du verbe. Elle relègue les mots dans l’oubli pour offrir au poète la possibilité de s’abandonner à une gestuelle dont la dimension volontairement hasardeuse, incontrôlée, tranche avec la maîtrise conceptuelle imposée par le langage. Les grandes encres de Michaux ne restaurent aucune écriture, aucun alphabet imaginaire. Elles ne donnent rien à lire. Michaux ne garde de l’écriture que le principe d’inscription sur le support comme mode de rédaction situé en dehors d’un cadre linguistique. Les grandes encres mettent ainsi en scène une poésie sans mot, où la tache noire se substitue à la lettre. Pour opérer cette substitution, Michaux active ce qui, dans l’écriture, connote le rythme : virgule, parenthèse, crochet, point. Il s’agit moins de signifier que de faire signe. Un texte comme Idéogrammes en Chine (1975) en témoigne sur un plan théorique. La ligne est un point d’articulation entre image et écriture.

Associée à l’idée de mouvement, la ligne s’affranchit de sa fonction linguistique pour se faire énergie, spasme, rapidité, vitesse, débordement. Le rapprochement entre écriture et dessin s’appuie sur une équivalence de médiums : même encre, même outil, même support. Spontanéité, rapidité d’exécution et absence de schéma préparatoire sont les principes fondamentaux de cette peinture. La démarche est également proche de l’automatisme surréaliste. Une nuance est cependant nécessaire à cet égard. L’automatisme de Michaux vise moins à faire affleurer les strates obscures du psychisme qu’à favoriser une libération du geste. Celui-ci balaie le papier
pour y répandre des laques d’encre qui s’engendrent les unes les autres. Formant un continuum vital placé sous le signe d’une perpétuelle transformation, les taches conservent pourtant une même densité en termes d’utilisation de l’encre. Michaux ne joue pas sur les modulations tonales rendues possibles par la dilution de l’encre. Celle-ci prend une signification particulière. Là où l’huile, pâteuse et collante, entrave l’immédiateté, l’encre de Chine fluidifie l’écoulement du geste. Tributaire de l’idée de mouvement, la main erre sur le papier en adoptant un rythme saccadé. Elle sature la surface en excluant toute forme de hiérarchie dans la composition. Aucun élément ne prend le pas sur un autre. Il n’y a ni centre ni marges, ni avant-plan ni profondeur, mais un univers en perpétuel devenir.

LAOUREUX Denis, ULB


[INFOS QUALITE] statut : validé | mode d’édition : partage, correction, édition et iconographie | source : Province de Namur ; academia.edu | contributeur : Patrick Thonart | crédits illustrations : en-tête, DELAHAUT J., sans titre (1958) © rtbf.be ; © Province de Namur ; © STIB ; © Fondation Roi Baudouin ; © Musées Royaux des Beaux-Arts de Belgique ; © Ph. de Gobert ; © Drouot.


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