OLIVER : Une ourse dans le jardin (anthologie, 2023, trad. P. Thonart)

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Mary Oliver ?

Un des aspects les plus étonnants de la poésie de Mary Oliver est la continuité de ton, à travers une période d’écriture étonnamment longue. Ce qui change néanmoins, c’est une insistance plus marquée sur la nature et une plus grande précision dans l’écriture, au point qu’elle est devenue un de nos meilleurs poètes… Pas de plaintes dans les poèmes de Madame Oliver, pas de pleurnicheries, mais d’aucune manière l’impression que la vie soit facile… Ces poèmes nous soutiennent, plutôt que de nous divertir. Même si peu de poètes ont aussi peu d’êtres humains dans leurs poèmes que Mary Oliver, il faut constater que peu de poètes sont aussi efficaces pour nous aider à avancer.

Stephen Dobyns, New York Times Book Review

[d’après BUSTLE.COM, 17 janvier 2019] La poétesse américaine Mary Oliver (1935-2019) vient de décéder à l’âge de 83 ans. Elle s’était vu décerner le Prix Pulitzer ainsi que le National Book Award. Sur le site du San Francisco Chronicle, on peut lire que Bill Reichblum, son exécuteur littéraire, précise que Mary Oliver était décédée le 17 janvier, des suites d’un lymphome, à son domicile de Hobe Sound, en Floride.

Mary Oliver était l’auteure de plus de 15 recueils de poésie et d’essais. Elle était réputée pour son amour de la nature et des animaux, ainsi que pour sa manière joyeuse d’appréhender la vie et le monde. Son oeuvre est reconnaissable par sa simplicité : Mary Oliver estimait que “La poésie, pour être comprise, doit être claire.” Selon la National Public Radio, la poétesse a un jour déclaré : “Il ne s’agit pas de faire chic. J’ai le sentiment que beaucoup de poètes d’aujourd’hui sont un peu comme des danseurs de claquettes. Je trouve que tout ce qui n’est pas nécessaire est superflu et ne doit pas être dans le poème.”

Mary Oliver est née à Maple Heights, dans l’Ohio, le 10 septembre 1935. Son enfance a été marquée par un père abuseur sexuel et une mère négligente : Mary s’est réfugiée dans la poésie et la nature. Jeune poète, on la disait fortement inspirée par une autre poétesse, Edna St. Vincent Millay. Elle a d’ailleurs brièvement habité chez cette dernière, aidant ses proches à trier les archives de l’auteure après son décès, en 1950. Au milieu des années 50, Mary Oliver a suivi les cours de la Ohio State University et du Vassar College, sans obtenir de diplôme néanmoins.

Paru en 1963, son premier recueil, No Voyage, and Other Poems, a marqué le début d’une carrière prolifique, couronnée par un Prix Pulitzer, un National Book Award, un American Academy of Arts & Letters Award, un Lannan Literary Award, le Poetry Society of America’s Shelley Memorial Prize et l’Alice Fay di Castagnola Award, sans compter des bourses accordées, entre autres, par la Guggenheim Foundation et le National Endowment for the Arts. Mary Oliver était également détentrice de la Catharine Osgood Foster Chair for Distinguished Teaching au Bennington College jusqu’en 2001.

Dans son poème de 2006 intitulé When Death Comes (Quand la mort viendra), Mary Oliver écrit :

Quand ce sera fini, je veux pouvoir dire que, toute ma vie, je suis restée l’épouse de l’étonnement. Et j’ai été le marié qui prend le monde entier dans ses bras.
Quand ce sera fini, je ne veux pas me demander si j’ai fait de ma vie quelque chose de particulier, et de réel.
Je ne veux pas me retrouver soupirant, effrayée ou pleine de justifications.
Je ne veux pas finir après n’avoir fait que visiter ce monde.

En lisant ceci, une chose est certaine : au cours de sa “vie sauvage, qui est unique et si précieuse“, Mary Oliver a développé une oeuvre qui aura certainement un impact sur les lecteurs -et les auteurs- des générations à venir.

Kerri Jarema, bustle.com

Tous les poèmes de Mary Oliver présentés dans cette sélection sont traduits par Patrick Thonart, partagés dans notre poetica et repris dans un recueil non-publié à ce jour : Une Ourse dans le jardin (disponible sur demande, 2023)

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Devotions: The Selected Poems of Mary Oliver (recueil, 2017)

[PENGUINRANDOMHOUSE.COM] Ce recueil est un Best-Seller du New York Times et a été désigné “Livre qui m’a aidé.e à tenir bon” par le Oprah’s Book Club. “Quel que soit l’endroit où vous commencez à lire, Devotions est incroyablement attirant, qu’il s’agisse des exubérants poèmes au chien d’Oliver ou des poèmes sélectionnés dans American Primitive (prix Pulitzer) et dans Dream Work, un de ses recueils les plus exceptionnels. Peut-être que le plus important, c’est cette écriture lumineuse qui nous apaise face à un monde fou et qui démontre combien une conscience plus aigüe peut profiler et transformer une vie, instant après instant, poème après poème. » —The Washington Post
C’est un peu comme si la poétesse s’était assise à côté de nous et nous indiquait quels poèmes elle considère comme les plus importants.” — Chicago Tribune

La poétesse Mary Oliver a reçu le prix Pulitzer et elle présente ici une sélection personnelle de son travail, ce qui en fait probablement le recueil définitif de ses poèmes, écrits pendant plus de cinq décennies de sa magnifique carrière littéraire.

A travers les années, Mary Oliver a su toucher un nombre impressionnant de lecteurs avec des vers brillamment ciselés, exprimant son amour pour le monde naturel et les liens puissants qui unissent tous les vivants. Identifiée par Dwight Garner comme “de loin la poétesse la plus vendue du pays“, elle nous revient avec ce recueil étonnant et définitif de ses poèmes des cinquante dernières années.

Edités avec soin, ce sont plus de 200 poèmes parmi les meilleurs qu’Oliver a écrits, depuis son tout premier recueil, No Voyage and Other Poems, publié en 1963 (elle avait 28 ans), jusqu’à son tout dernier recueil, Felicity, paru en 2015. Cet ouvrage est fait pour durer et il a été conçu par Mary Oliver en personne : elle y offre le meilleur d’elle-même. Dans ces pages, elle nous propose un recueil extraordinaire, inestimable, de ses observations à la fois délicates, passionnées et précises de la Nature authentique.

N’hésite pas

Si, soudainement, tu es pris d’une joie inattendue,
N’hésite pas. Abandonne-toi. Il y a plein
de vies et de villes entières détruites ou en passe
de l’être. Nous ne sommes pas sages, et pas si souvent
gentils. Et beaucoup ne pourra être pardonné.
Pourtant, la vie a de la ressource. C’est peut-être
sa manière à elle de rendre les coups, qui fait que parfois
quelque chose se passe qui est plus grand que toutes les richesses
ou tous les pouvoirs du monde. Ça peut être n’importe quoi,
mais tu le ressens certainement à l’instant précis
où l’amour commence. De toute façon, c’est souvent le cas.
De toute façon, quoi que ce soit, n’aie pas peur
de son abondance. La joie n’est pas faite pour être une miette.

Quand je suis parmi les arbres

Quand je suis parmi les arbres,
particulièrement parmi les saules et les féviers,
mais aussi les hêtres, les chênes et les épicéas,
ils envoient de vrais signaux de joie.
Je pourrais presque dire qu’ils me sauvent, chaque jour.
Je suis si loin de l’espoir de me voir un jour,
n’être que bonté, et discernement,
et ne jamais me presser pour traverser le monde
mais marcher lentement, et m’incliner souvent.

Autour de moi, les arbres remuent leurs feuilles
et lancent leur appel, “Reste un peu.”
La lumière s’écoule de leurs branches.

Et ils appellent à nouveau, “C’est si simple,” disent-ils,
“et toi aussi tu es venue
au monde pour cela, aller paisiblement, être remplie
de lumière, et resplendir.”

A Thousand Mornings (2012)

[PENGUINRANDOMHOUSE.COM] Ce Best-seller du New York Times est un recueil de textes de la célèbre poétesse Mary Oliver. Dans A Thousand Mornings, Mary Oliver retrouve l’imagerie si caractéristique de son œuvre ; elle nous emmène dans les marais et le long de la côte de sa région bien-aimée : Provincetown dans le Massachusetts. Qu’elle étudie les feuilles d’un arbre ou qu’elle fasse le deuil de son chien bien-aimé, Percy, Mary Oliver reste ouverte aux enseignements qui naissent des instants les plus furtifs et elle explore avec lucidité, humour et bienveillance les mystères de notre vie quotidienne.

Le matin, je descends sur la plage

Le matin, je descends sur la plage
où, selon l’heure, les vagues
montent ou descendent
,

et je leur dis, oh, comme je suis triste,
que vais-je–
que dois-je faire ? Et la mer me dit,
de sa jolie voix :
Excuse-moi, j’ai à faire.

Thirst : Poems (2007)

[GOODREADS.COMThirst, recueil de 43 nouveaux poèmes  de Mary Oliver (prix Pulitzer), introduit deux nouvelles voies dans son œuvre. En plein deuil de sa compagne depuis quarante ans, son grand amour, la grande photographe Molly Malone Cook, Mary Oliver s’efforce de convertir le chagrin en un chemin spirituel, de vivre la tristesse de la perte comme une partie de l’amour et non comme sa fin. Dans ces pages, pour la première fois, elle raconte sa découverte de la foi, sans toutefois abandonner l’amour de la Nature qui a été sa marque de fabrique pendant quarante ans. Dans trois longs poèmes étourdissants, Oliver explore les dimensions et vérifie les paramètres de la doctrine religieuse, se demandant, par exemple, ce que c’est qu’être bon : “A quelle fin ? / L’espoir du Paradis ? Non, pas cela. Mais plutôt d’entrer / dans l’autre royaume : grâce, et imagination, / et tous ces liens : être comme une feuille, une rose, / un dauphin.”

Des usages du chagrin

(J’ai rêvé ce poème dans mon sommeil)

Quelqu’un que j’aimais, un jour, m’a donné
une boîte pleine d’ombres.

J’ai mis des années à comprendre
que, cela aussi, était un cadeau.

New and Selected Poems, Volume Two (1992)

Pendant près de cinquante ans, Mary Oliver a écrit de la poésie et est devenue la voix américaine la mieux placée pour traduire notre expérience de la Nature. Dans ce recueil, on trouvera quarante-deux nouveaux poèmes (c’est déjà un recueil en soi) et d’autres pièces choisies par l’auteur dans six recueils qu’elle a publiés depuis ses New and Selected Poems, Volume One.

En hommage à une certaine folie

Les soirs d’hiver,
ma grand’mère,
qui n’avait plus toute sa tête
(une partie s’en était retournée vers la Bohème),

étalait des journaux sur le sol de la véranda
pour que les fourmis, disait-elle, puissent s’y glisser,
comme sous une couverture, et rester au chaud,

et moi, que pourrais-je me souhaiter,
si ce n’est, une fois frappée par l’éclair des années,
d’être comme elle, avec ce qui lui restait, tout cet amour.

New and Selected Poems, Volume One (1992)

[BEACON.ORG] A sa première parution en 1992, New and Selected Poems, Volume One a reçu le National Book Award. Quatorze ans se sont écoulés depuis et ce recueil de poésie est devenu un des plus vendus dans le pays. Il contient trente poèmes inédits et une sélection d’autres textes extraits des huit premiers livres publiés par l’auteure.

La sensibilité des poèmes de Mary Oliver et la brillante façon dont elle aborde la Nature et les questions fondamentales de l’existence, comme la vie et la mort, ont gagné l’admiration des critiques comme des lecteurs. “Aimez-vous ce monde ?” : avec cette question adressée directement au lecteur, Oliver interrompt un poème sur les pivoines. “Chérissez-vous votre humble et soyeuse existence ?” : ainsi, elle nous fait entrevoir l’extraordinaire dans notre vie ordinaire, combien quelque chose de si commun que la lumière peut être “une invitation / au bonheur, / et ce bonheur, / lorsqu’il est justement vécu, / est une sorte de sainteté, / palpable et pleine de rédemption.” […] Les évidences passionnées d’Oliver – qui ne cache jamais son plaisir réel – sont des rappels puissants du lien qui unit chacun d’entre nous à tous les êtres vivants et à la nature elle-même.

Pluie

1

Tout l’après-midi, il a plu, et soudain
un pouvoir inouï a surgi des nuages
le long d’un fil jaune,
aussi impérieux que Dieu devrait l’être.
Quand il a frappé l’arbre, son corps
s’est ouvert à jamais.

2 Le marais

La nuit dernière, sous la pluie, des détenus ont escaladé
la clôture de barbelés de la prison.
Dans l’obscurité, ils se sont demandés s’ils pourraient le faire, et ils savaient
qu’ils devaient essayer de le faire.
Dans l’obscurité, ils ont escaladé la clôture, poignant et poignant encore
dans les barbelés.
Malgré l’obscurité, la plupart d’entre eux ont été repris et renvoyés à l’intérieur du camp.
Mais quelques-uns d’entre eux grimpent toujours les barbelés ou errent
dans les marais bleuâtres, de l’autre côté.
Que ressent un fil barbelé quand on le saisit, comme on
saisirait un quignon de pain ou d’une paire de chaussures ?
Que ressent un fil barbelé quand on le saisit, comme on
saisirait une assiette ou une fourchette, ou un bouquet de fleurs ?
Que ressent un fil barbelé quand on le saisit, comme on
saisirait un bouton de porte, des papiers, un drap propre pour se glisser dessous ?

3

Ou ceci : il pleuvait, mon oncle
gisait dans le parterre fleuri,
froid et brisé,
tiré de sa voiture, moteur au ralenti,
calfeutrée de chiffons, et le brillant
de ce long tuyau. Mon père a crié,
puis l’ambulance est venue,
puis nous avons tous regardé la mort,
puis l’ambulance l’a emmené.
Du porche de la maison,
je me suis retournée une fois encore
cherchant mon père, qui s’attardait,
qui était toujours debout dans les fleurs,
qui était cet homme de boue immobile,
qui était ce petit personnage dans la pluie

4 Petit matin, mon anniversaire

Les escargots glissent sur le patin rose de leur corps
au milieu des belles-de-jour.
L’araignée est assoupie parmi les pouces rouges
des fraises.
Que vais-je faire, que vais-je faire ?
La pluie est lente.
Les petits oiseaux vivent en son sein.
Même les scarabées.
Les feuilles vertes lapent ses gouttes.
Que vais-je faire, que vais-je faire ?
La guêpe est assise sous le porche de son château de papier.
Le héron bleu plane hors des nuages.
Le poisson saute hors des eaux sombres, tout en bouche et en arc-en-ciel.
Ce matin, les nénuphars ne sont pas moins charmants, selon moi,
que les nymphéas de Monet.
Je ne veux plus être utile, plus être docile, je ne veux plus emmener
les enfants loin des prairies jusque dans le discours
de la décence, et leur inculquer qu’ils sont (ou pas) mieux
que l’herbe elle-même.

5 Au bord de l’océan

J’ai déjà entendu cette musique,
déclara le corps.

6 Le jardin

La gaine ourlée
du chou frisé,
la cloche creuse
du poivron,
l’oignon vernis.
Betterave, bourrache, tomates.
Haricots verts.
Je suis rentrée et j’ai tout posé
sur la table de la cuisine : ciboulette, persil, aneth,
le potiron comme une lune pâle,
les pois dans leurs pantoufles de soie, l’éblouissant maïs
trempé de pluie.

7 La forêt

La nuit
sous les arbres
le serpent noir
rampe humide
en se frottant
durement
contre les racines de sanguinaire,
les feuilles jaunes,
les petits ergots des écorces,
pour arracher
son ancienne vie.
Je ne sais
s’il sait
ce qui se passe.
Je ne sais
s’il sait
s’il va y arriver.
Au loin,
la lune et les étoiles
partagent une faible lueur.
Au loin,
une chouette hulule.

Au loin
une chouette hulule.
Le serpent sait
que ces bois sont aux chouettes,
que ces bois sont à la mort,
que ces bois sont une épreuve,
où il faut ramper et encore ramper,
où il faut vivre parmi les cosses des arbres,
où il faut s’allonger sur les brindilles sauvages
qui ne peuvent supporter son poids,
où la vie n’a pas de sens
et n’est ni polie, ni intelligente.
Où la vie n’a pas de sens
et n’est ni polie, ni intelligente,
il commence
à pleuvoir,
il commence
à embaumer comme le corps
des fleurs.
Derrière la tête
l’ancienne peau se fend.
Le serpent frissonne
mais n’hésite pas.
Il avance d’un pouce.
Il commence à s’écouler comme sang,
comme du satin.

Quand la mort viendra

Quand la mort viendra
avide comme l’ours en automne ;
quand la mort viendra et sortira toutes les pièces brillantes de sa bourse

pour m’acheter, puis que, d’un geste, elle la refermera ;
quand la mort viendra
comme la rougeole ;

quand la mort viendra
comme un iceberg entre les omoplates,

je veux passer la porte pleine de curiosité, en me demandant :
mais comment sera-t-elle, cette cabane de ténèbres ?

Pour ça, je regarde tout
comme un frère et une sœur,
et le temps, je le vois comme une simple idée,
et l’éternité comme une autre possibilité,

et je vois chaque vie comme une fleur, aussi commune
qu’une pâquerette, et aussi singulière,

et chaque nom est une musique douce à ma bouche,
tendant, comme toute les musiques, vers le silence,

et chaque corps est un lion plein de courage, et quelque chose
de précieux pour la terre.

Quand ce sera fini, je veux pouvoir dire que, toute ma vie,
je suis restée l’épouse de l’étonnement.
Et j’ai été le marié qui prend le monde entier dans ses bras.

Quand ce sera fini, je ne veux pas me demander
si j’ai fait de ma vie quelque chose de particulier, et de réel.
Je ne veux pas me retrouver soupirant, effrayée
ou pleine de justifications.

Je ne veux pas finir après n’avoir fait que visiter ce monde.

House of light (1990)

This collection of poems by Mary Oliver once again invites the reader to step across the threshold of ordinary life into a world of natural and spiritual luminosity.

 

Jour d’été

Qui a créé le monde ?
Qui a créé le cygne, et l’ours noir ?
Qui a créé la sauterelle ?
Je veux dire – cette sauterelle-là,
celle qui a surgi de ces herbes-là,
celle qui croque du sucre au creux de ma main,
elle dont les mandibules vont d’avant en arrière, pas de haut en bas,
elle qui regarde autour d’elle avec ses yeux énormes et très compliqués.
La voilà qui lève ses pâles pattes avant et se nettoie consciencieusement la face.
La voilà qui ouvre ses ailes et s’envole en flottant dans l’air.
Je ne sais pas exactement ce qu’est une prière.
Mais je sais comment faire attention, comment rouler
dans l’herbe, comment tomber à genoux dans l’herbe,
comment flâner et me sentir bénie, me promener dans les champs ;
c’est ce que j’ai fait le jour durant.
Dis-moi, qu’aurais-je dû faire d’autre ?
Est-ce que tout ne meurt pas un jour, toujours trop tôt ?
Dis-moi, toi, que veux-tu faire
de ta vie sauvage, qui est unique et si précieuse ?

Roses, Fin d’été

Qu’est-ce qui arrive
aux feuilles quand
elles virent rouge et or et tombent
sur le sol ? Qu’est-ce qui arrive
aux oiseaux chanteurs
quand ils doivent s’arrêter
de chanter ? Qu’est-ce qui arrive
à leurs ailes rapides ?

Crois-tu qu’il y ait
un ciel individuel
pour chacun d’entre nous ?
Crois-tu que quiconque,

de l’autre côté des ténèbres,
va nous appeler, nous, vraiment ?
Au-delà des arbres,
les renardes apprennent toujours à leurs petits

à vivre dans la vallée.
on dirait qu’elles ne disparaissent jamais, qu’elles sont toujours là
dans l’éclosion de la lumière
qui se dresse chaque matin

dans le ciel sombre.
Et, derrière un autre épaulement de collines,
en bord de mer,
les dernières roses ont ouvert leur fabrique de douceur

et la rendent au monde.
Si j’avais une autre vie
je voudrais la passer entièrement dans
une jubilation sans retenue.

Je serais une renarde, ou un arbre
plein de branches agitées.
Et cela ne me gênerait pas d’être une rose
dans un champ plein de roses.

Elles n’ont pas encore été touchées par la peur, ou l’ambition.
C’est pourquoi elles n’y ont pas encore pensé.
Elles ne se demandent pas non plus combien de temps il y aura des roses, et quoi après.
Ou n’importe quelle autre question futile.

Printemps

Quelque part,
une ourse noire
vient de se réveiller
et regarde

vers la vallée.
La nuit durant,
dans le frémissement et l’agitation
du printemps naissant,

je pense à elle,
à ses quatre poings
foulant le gravier,
à sa langue rouge

comme le feu
qui frôle l’herbe
et l’eau fraîche.
Il n’y a qu’une question :

comment aimer ce monde.
Je pense à elle
qui se dresse
comme une corniche noire de feuilles

et qui carde de ses griffes
le silence
des arbres.
Quelle que soit

ma vie par ailleurs,
avec ses poèmes
et sa musique
et ses cités de verre,

elle est aussi cette ombre éclatante
qui descend
les flancs de la montagne,
soufflant et goûtant ;

le jour durant je pense à elle –
à ses crocs blancs,
à son silence,
à son amour parfait.

Dream Work (1986)

Dream Work, un recueil de quarante-cinq poèmes, suit chronologiquement et logiquement American Primitive, avec lequel Mary Oliver a gagné le prix Pulitzer pour le meilleur livre de poésie publié en 1983 par un poète américain. La profondeur et la finesse de perception qui irradiaient si constamment American Primitive se retrouve dans Dream Work également. A ceci s’ajoute toute l’attention que l’auteur y consacre au travail solitaire et difficile de l’âme qui doit accepter la vérité sur le monde personnel de chacun et donner sa juste valeur à chaque victoire par laquelle les difficultés des relations humaines peuvent se voir transcendées. La dimension historique fait également son entrée dans le travail d’Oliver, que ce soit par héritage (comme dans son poème sur l’Holocauste) ou par l’intermédiaire d’un douloureux regard sur le présent (comme dans Acide, un poème qui évoque un jeune garçon blessé qui mendie dans les rues d’Indonésie). Plus profondément que dans ses recueils précédents, la sensibilité qui préside à ces poèmes est mélangée avec le monde réel. La volonté de Mary Oliver de pratiquer la joie s’y retrouve toujours mais approfondie par la conscience de soi, l’expérience et l’exercice du choix.

Conséquences

Par après,
J’ai senti sous mon épaule gauche
la plus curieuse des blessures.
Comme si je m’étais appuyée
sur un objet vibrant trop fort,
elle saignait secrètement.
Personne ne connaît son nom.

Par après,
par droiture plutôt que par raison,
j’ai repensé à ce gros Allemand
dans son pardessus mal ajusté,
dans les bois, près de Vienne, réalisant
que les oiseaux s’éloignaient encore et encore, et
que même en marchant plus vite
il ne les rattraperait jamais.

Comment vivons-nous chacun dans ce monde ?
Chaque chose en compense une autre, je suppose.
Quelquefois un malheur ne fait pas de tort du tout, mais au contraire
brille comme la lune nouvelle.

Je pense souvent à Beethoven
se levant, quand il ne pouvait dormir,
trébuchant dans la poussière et les partitions froissées,
baillant, s’asseyant au piano,
traçant rapidement note après note après note.

Les oies sauvages

Pourquoi dois-tu faire le bien ?
Pourquoi veux-tu faire pénitence
Et traverser des déserts à genoux ?
Laisse plutôt le doux animal dans ton corps
Aimer ce qu’il aime.
Parle-moi du désespoir, du tien, et je te parlerai du mien,
Pendant que le monde continue de tourner.
Pendant que le soleil et les perles claires de la pluie
Balaient les paysages,
Les prairies, les arbres bien enracinés,
Les montagnes et les rivières.
Pendant que les oies sauvages, dans le ciel ouvert,
S’en retournent encore, comme chaque fois.
Qui que tu sois et quelle que soit ta solitude,
Le monde s’offre à ton imagination,
Il t’appelle du cri des oies sauvages, âpre et attirant.
Sans cesse, il te répète que ta place
Est là, dans la grande famille des choses qui sont.

American Primitive (1983)

“Prix Pulitzer de poésie, Mary Oliver propose dans ce recueil déjà célèbre, American Primitive, cinquante textes visionnaires sur la nature, les êtres humains en amour et la vie sauvage en Amérique, vus tant de l’intérieur du corps que de l’extérieur. American Primitive m’enchante par la pureté de son lyrisme, la délicieuse fraîcheur de ses intuitions, et l’éclat spirituel tout particulier qui éclaire ses pages.” – Stanley Kunitz
“Ces poèmes ont poussé naturellement dans un terreau de sensations et de sentiments, et une maîtrise instinctive de la langue donne, à tort, l’impression qu’ils sont nés sans effort. Les lire est un vrai délice sensuel.” – May Swenson

Dans les bois marécageux

Regarde, les arbres
transforment
leurs propres corps
en piliers

de lumière,
ils dégagent de riches
effluves de cannelle
et de plénitude,

les longs cierges
des roseaux
éclosent et ondulent au large
sur les épaulements bleus

des étangs,
et chaque étang,
quel que soit
son nom, est

désormais sans nom.
Chaque année,
tout ce que j’ai
pu apprendre

dans ma vie
me ramène à cela : les flammes
et la rivière noire de la perte
dont l’autre rive

est le salut
et dont le sens
nous échappera à jamais.
Pour vivre dans ce monde,

tu dois savoir
faire trois choses :
aimer ce qui est mortel,
le serrer

contre tes os en sachant
que ta vie en dépend,
puis, une fois le temps venu de le laisser aller,
le laisser aller.

Twelve Moons (1979)

Dans son quatrième recueil de poésie, Twelve Moons (Douze lunes), Mary Oliver continue à explorer les domaines de la nature et des relations humaines – séduisants mais quasiment inaccessibles – et le désir profond et persistant d’une union joyeuse avec eux. Ces poèmes vibrants et magiques sont animés de la conscience douloureuse de la beauté pure de la nature. Fascinante, sa vision intime nous emmène dans des territoires où nous ne pouvons que furtivement entrevoir hommes et nature.

Dormir dans la forêt

Je pensais que la terre
se souvenait de moi, elle
me reprenait si tendrement, arrangeant
ses jupes sombres, les poches
pleines de lichens et de graines. J’ai dormi
comme jamais auparavant, comme un galet
sur le lit de la rivière, rien
entre moi et le feu blanc des étoiles,
rien que mes pensées, et elle flottaient,
aussi légères que des papillons de nuit, dans les branches
des arbres parfaits. Toute la nuit,
j’ai entendu respirer les petits royaumes
tout autour de moi, les insectes, et les oiseaux
qui besognent dans l’obscurité. Toute la nuit,
je me relevais, je replongeais, comme dans l’eau, aux prises
avec un lumineux halo. Au matin,
j’avais disparu au moins une douzaine de fois
dans quelque chose de meilleur.

No Voyage and Other Poems (1963)

De nature réservée, Mary Oliver a donné peu d’interviews. Elle préfère laisser parler son œuvre. Celle-ci parle d’elle-même et elle est écoutée par d’innombrables lecteurs depuis des dizaines d’années. Le New York Times écrivait récemment que Mary Oliver était “de loin, le poète le plus vendu dans le pays.” Née dans une petite ville de l’Ohio, Oliver a publié son premier recueil de poésie en 1963, à l’âge de 28 ans ; No Voyage and Other Poems, initialement publié en Grande-Bretagne aux éditions Dent Press, a connu une deuxième publication aux US en 1965 chez Houghton Mifflin. Mary Oliver a depuis publié de nombreux ouvrages, qu’il s’agisse de poésie ou de prose. Mary Oliver a étudié à la Ohio State University et au Vassar College, sans obtenir de diplôme. Elle a vécu plusieurs années dans la maison d’Edna St. Vincent Millay dans l’état de New York, avec sa compagne, Norma Millay, sœur de la poète. C’est là qu’elle a rencontré la photographe Molly Malone Cook, fin des années 50. Pendant plus de quarante ans, Cook et Oliver ont vécu ensemble, principalement à Provincetown, Massachusetts, jusqu’à la mort de Cook, en 2005. Pendant sa longue carrière, Mary Oliver a reçu de nombreux témoignages de reconnaissance de la qualité de son œuvre (Prix Pulitzer Prize en 1984 ; Shelley Memorial Award ; une bourse Guggenheim ; American Academy and Institute of Arts and Letters Achievement Award ; Christopher Award et L.L. Winship/PEN New England Award ; National Book Award ; Lannan Foundation Literary Award ; New England Booksellers Association Award for Literary Excellence). Ses essais sont parus dans la collection Best American Essays (en 1996, 1998, 2001), dans l’Anchor Essay Annual 1998 et dans Orion, Onearth et d’autres revues encore. Oliver a dirigé l’édition 2009 des Best American Essays. Ses travaux sur l’art de la poésie, A Poetry Handbook et Rules for the Dance, sont régulièrement utilisés dans les formations à l’écriture. Reconnue comme brillante lectrice, elle a lu des poèmes dans quasiment tous les états du pays et à l’étranger. Elle a animé des ateliers dans différentes hautes-écoles et dans des universités, et travaillé en résidence à la Case Western Reserve University, à la Bucknell University, University de Cincinnati et au Sweet Briar College. A partir de 1995, elle a occupé la Catharine Osgood Foster Chair for Distinguished Teaching au Bennington College et ce, pendant cinq années consécutives. Elle a été honorée du titre de Docteur Honoris Causa par l’Art Institute de Boston (1998), le Dartmouth College (2007) et la Tufts University (2008). Oliver vit actuellement à Provincetown, Massachusetts, importante source de son inspiration.

Le voyage

Un jour enfin tu as su
ce que tu devais faire et
tu t’y es mise,
malgré les voix autour de toi
qui hurlaient encore
leurs mauvais conseils-
malgré toute la maison
qui s’est mise à trembler
et la vieille corde que tu sentais à nouveau
sur tes chevilles.
« Répare ma Vie ! »
pleurait chaque voix.
Mais tu ne t’es pas arrêtée.
Tu savais ce que tu avais à faire,
malgré le vent qui attaquait
de ses doigts raides
tes fondations les plus intimes,
malgré leur mélancolie
déchirante.
Il était déjà fort
tard, et la nuit violente,
et la route pleine de branches
tombées et de pierres.
Mais, peu à peu,
comme tu laissais leurs voix derrière toi,
les étoiles ont commencé à briller
à travers le manteau de nuages,
et il y a eu une voix nouvelle
que tu as lentement
reconnue comme la tienne,
qui t’a tenu compagnie
tandis que tu arpentais
le monde
de plus en plus loin,
déterminée à faire
la seule chose que tu pouvais faire-
déterminée à sauver
la seule vie que tu pouvais
sauver.

Traduction : Patrick Thonart


[INFOS QUALITE] statut : validé | mode d’édition : partage, traduction et iconographie | sources : Beacon Press | traducteur : Patrick Thonart | contributeur : Patrick Thonart | crédits illustrations : en-tête © DR ; © Kevork Djansezian ; © DR | remerciements : Bénédicte Wesel..


Plus de poésie en Wallonie-Bruxelles…

THONART : Tu es ma rive (2019)

Temps de lecture : < 1 minute >
© Bénédicte Wesel
Tu es ma rive
Le long de toi
Je coule
Tu es ma terre
Dans ton ventre
Plongent mes racines
Tu es ma lune
A ta lumière
Je hurle
Tu es mon orage
Dans tes éclairs
Je vois
Tu es ma femme
Dans tes doigts
Je vis

Patrick Thonart


Lire ou dire encore…

THONART : Le doux conte de Jolie-Femme et du Hérisson de cœur (2019)

Temps de lecture : 4 minutes >
© 2016 Bénédicte Wesel

Il était une fois une jolie femme qui était jolie et qui était une femme. Pour une fois, il n’y avait pas de “on” qui avait décidé de l’appeler Jolie-Femme (comme c’est la coutume dans les contes…) : c’est elle qui en avait décidé ainsi. Bref, une femme, jolie, un caractère.

Or, qu’on ne s’y méprenne pas, cette volonté forte -et la fréquence des geais du Petit-Bois qui se fichaient le bec dans les troncs de sapin en la regardant passer- ne la protégeait pas du vent sourd de la Folle-Inquiète.

La Folle-Inquiète, c’était une légende qu’on hésitait à raconter dans la Forêt, tant elle mettait mal à l’aise. Elle parlait de terribles choses, de mères qui mangeaient leur enfant puis qui le recrachaient dans des trous noirs, de pères aux mille-mains et aux yeux qui roulent quand les filles sont belles, d’abandons violents, de crachats gluants, de morve verdâtre, de proutes fétides et… d’une vieille folle qui avait voulu se sacrifier pour sauver toutes les jeunes filles qui viendraient après elle.

Elle avait épousé un père indigne, un Ogre lubrique, veuf de plusieurs de ses filles, un grand gars avec une barbe bleue et une drôle de clef sanglante qui pendait à sa ceinture. La légende voulait que la vieille folle (qui était alors une fort accorte beauté) lui eût proposé de sacrifier à sa voracité, en préparant un ragoût délicieux, mitonné à base de ses propres mains… confites. Ceci, à condition qu’il se change en cerf et ne touche plus qu’à ses propres chèvres pour peu qu’elles aient enfanté une fois au moins.

L’Ogre, intrigué, accepta et dévora les mains de sa belle avec appétit. Il recracha ensuite les petites phalanges coincées entre ses dents puis se leva de table en rotant d’importance et partit dans la Forêt où, fidèle à son serment, il se changea en cerf (à dix cors, je vous prie) et, invaincu pendant autant d’automnes qu’il y a de pommes sur les pins, il réserva ses saillies aux biches de son cheptel.

Confiante dans le succès de son stratagème, la désormais vieille folle se mit à la peinture et, handicap oblige, fit chaque année du porte-à-porte pour vendre des cartes de soutien aux “peintres de la bouche et du pied”.

C’est alors que, un jour où elle vendait ses jolies cartes dans le village voisin, elle entendit un cri de jeune femme qui ne laissait aucun doute sur ce qui se passait et qu’elle vit un cerf bondir hors de la grange d’où venaient les gémissements de la femme, avec une clef sanglante arrimée à son cou. Le cerf disparu, la vieille folle dût se résigner : son sacrifice avait été inutile, les ogres ont cette faculté extraordinaire de rester des ogres, même avec des cornes.

La raison de la vieille n’y survécut pas : elle fuit dans les bois voisins et ne reparut jamais. Sauf que… Sauf que chaque nuit d’automne, quand le brame a raclé les gorges, on raconte qu’elle souffle dans un cor, du fond de sa grotte, espérant avertir les jeunes femmes du danger, si elles croisaient un cerf avec une clef rouge au collet. Depuis, on l’appelle la Folle-Inquiète et la tradition veut que, l’Automne venu, les vierges du village posent une bougie sur le revers de leur fenêtre ouverte, afin que le souffle du cor de la Folle-Inquiète l’éteigne avant potron-minet.

Jolie-Femme avait entendu raconter la légende fort souvent déjà mais, ce matin, elle avait réellement senti le souffle de la Folle-Inquiète, alors qu’elle marchait confiante, sur une sente du bois qu’elle connaissait bien pourtant. Peu après, du fond des buissons, avait flûté une chanson qui avait posé la glace sur ses tempes. Dans son ventre, elle sentait le vide de la peur…

C’est le brame, c’est l’aurore,
C’est le temps du dix-cors,
Venez, venez danser mes filles,
L’Ogre attend, dressé dans la charmille…

Malgré ses jambes, gelées par une inquiétude plus vieille que son plus vieux souvenir, malgré son cœur qui battait la crainte de ce qu’elle ne pouvait imaginer, Jolie-Femme arriva à s’encourir, loin de la voix profonde qui rampait dans les buissons, loin du souffle de la Folle-Inquiète qui réveillait tout ce qui, souvent, noircissait ses Nuits.

Elle arriva au bord d’une petite rivière où s’affairait un Castor, battant l’eau d’une queue en table d’harmonie. L’animal fébrile était gris de travail mais l’endroit était beau et la maison du rongeur bien accueillante. Visant Jolie-Femme qui s’approchait, il lui déclara tout de go : “Je te connais bien, fillette, et les geais m’ont dit ta beauté : ils m’ont beaucoup raconté. Ils n’ont pas menti et, si tu veux, tu peux vivre à mes côtés pendant un an et un jour. Ce sera le terme de notre amour.” Jolie-Femme était fatiguée et avait encore peur de l’étrange mélopée ; elle n’était pas bégueule et elle accepta la protection de l’ingénieux ingénieur, spécialiste du rondin.

Les mois passèrent et un drôle d’enfant leur vint, qui mélangeait dans sa belle tournure les caractéristiques de ses deux parents, pourtant si différents. Les mois passèrent encore, au grand dam du castor qui avait occupé toute la rive disponible et devait maintenant s’affairer à l’intérieur de ses propres passages et de ses propres tunnels. L’espace commençait à manquer et Jolie-Femme souffrait un peu du dos, obligée qu’elle était de rester courbée dans ce qu’elle voulait voir comme sa propre maison.

Un jour qu’elle était sortie dans la Forêt pour soulager ses courbatures, elle arriva près d’un vieux chêne au pied duquel elle s’assit et… s’endormit. Jolie-Femme était toujours très belle mais il faut dire qu’elle dormait la bouche ouverte (des oiseaux m’ont aussi dit qu’elle ronflait de belle manière), ce qui fit l’affaire d’un Hérisson qui, ni une ni deux, grimpa sur sa poitrine, plongea dans sa gorge et descendit prendre la place de son cœur.

Éveillée par l’indélicatesse du hérisson, elle sentit d’abord les piqûres de ses piquants, à un endroit situé derrière ses poumons : son cœur usurpé. La douleur fit vite place à une étrange chaleur, comme si une fleur s’ouvrait au Soleil, à l’intérieur d’elle.

Que se passait-il ? Combien de temps avait-elle dormi ? Pourquoi sentait-elle la chaleur du hérisson coquin dans chaque partie de son corps joli ? Comment une boule de piquants (pas trop piquant quand même) avait-elle pu la réveiller de son sommeil étrange, au pied du Chêne si vieux ?

C’est alors qu’elle vit l’Ours qui chantait dans la clairière…

Patrick Thonart


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THONART : C’est la nuit, c’est le marbre (2019)

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THONART : Le Chêne fait bois amer à celles dont la Mère boit (2014)

Temps de lecture : 2 minutes >
KOLLWITZ Käthe, Die Mutter (1921-22) © MoMA

Il était une Renarde
Bien joliment tournée,
Et je l’dis, ça m’regarde,
Par un grand Ours aimée.

Pendant qu’les autres se fardent,
Notre rouquine zélée,
Près des ânes monte la garde,
Et balaie les allées.

C’est comme ça d’puis toujours,
Faut jamais qu’elle se laisse,
Même dans ses grands amours,
Par le cœur, prendre en laisse.

Pourtant son cœur tout roux,
Cloîtré chez le Héron,
Battait bien comme un fou,
Au creux de son giron.

Tout en haut d’une tour,
Elle s’était emmurée,
Elle disait “par amour”
A sa mère, l’Araignée.

Pas à sa première bière,
Un beau jour l’arachnide,
Sortit de sous une pierre,
Comme en rêve sordide ;

A sa fille, la Mère octopattes
Révéla son secret rouge,
Celui des sociopathes
Qui, emmurés, trop bougent.

Elle lui hurla les silences,
Et lui murmura les cris,
Et, perdue dans sa transe,
Provoqua son mépris.

Aux créneaux du château,
L’enfant vivait orpheline,
Mais au creux de son dos,
Blessait toujours l’épine.

Pas de Roi magnifique,
Pour alléger son fardeau :
La Marâtre maléfique,
Lui tenait lame dans le dos.

A quel sein se vouer ?
Les siens étaient si beaux.
A quelle main se nouer ?
La Belle ne savait trop.

Penchée dessus le Puits,
Elle briquait la margelle,
Mirant, au fond, la Nuit
Et la Lune, montant vers elle.

Dans la Lumière blanchâtre,
Elle pouvait se noyer,
Mais un reflet d’albâtre
D’en finir l’a empêché.

La Lune n’est pas tout.
Elle est la confidente.
Mais quand chante le hibou,
Il se peut bien qu’elle mente.

A quoi bon s’abîmer,
Dans le reflet de soi,
On reste déraciné,
Tant qu’on refuse la Joie.

Demain, à la brume,
Nous irons, ma Rousse,
A l’heure qui s’allume,
Revoir le blé qui pousse.

fable préparée par Patrick Thonart


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THONART : Interview exclusive. L’éditeur de wallonica.org nous dit tout… (2019)

Temps de lecture : 8 minutes >
© Patrick Thonart

En exclusivité mondiale, nous avons rencontré l’éditeur du célèbre blogue encyclopédique wallonica.org, en l’absence de son complice en édition, Philippe Vienne. Patrick Thonart a néanmoins préféré rester anonyme, afin de ne pas subir le harcèlement des lobbies de l’industrie du tabac et du sucre. Notre envoyé spécial à Liège (BE) a sélectionné pour vous quelques moments forts, extraits des bandes enregistrées lors des trois entrevues qui ont eu lieu dans les locaux de l’encyclopédie en ligne, d’abord rue des Wallons (ça ne s’invente pas) puis au Pèrî, sur les hauteurs de Liège.

Tout d’abord, pourquoi avez-vous décidé d’enfin sortir de votre réserve et accepté de nous parler sans voile de l’encyclopédie wallonica.org ? Que s’est-il passé ?

C’est la lecture de l’autobiographie ‘fictive’ de Salman Rushdie (Joseph Anton : une autobiographie, 2012) qui m’a affranchi de mes derniers scrupules. Voilà une icone de la liberté de pensée pour laquelle on descendait facilement dans la rue ; pas pour son œuvre (dont je ne suis pas le plus grand fan) mais parce qu’il a perdu dans un concours de circonstances et qu’il s’est retrouvé condamné à mort internationalement par un chef ‘spirituel’ local dont, soi-disant, il n’aurait pas respecté le dogme religieux dans un de ses romans. Plein de gens meurent ensuite ou sont agressés, Rushdie vit caché pendant que les atermoiements des différents responsables politiques disent toute l’estime dans laquelle est tenue la liberté d’expression : bref, du lourd et de l’exaltant. Et puis, des années plus tard, Rushdie décide d’écrire cette autobiographie et on découvre un auteur assez pédant, un réseauteur fort mondain et des monceaux de banalités : “Le jour de Noël, Elizabeth et lui purent inviter Graham Swift et Candice Rodd à passer la journée avec eux. Le lendemain, Nigella Lawson et John Diamond, Bill et Alicja Buford vinrent dîner. Elizabeth qui aimait beaucoup la fête de Noël et tout son rituel, au point qu’il s’était mis affectueusement à la qualifier de “fondamentaliste de Noël”, était très heureuse de pouvoir “faire Noël” pour les autres…“. On pense aux vers de T.S. Eliot dans The Love Song of J. Alfred Prufrock (1917) :

In the room the women come and go
Talking of Michelangelo.

Par contre, quelques pages plus loin : “Il s’efforça de se rappeler ce qu’était le métier d’écrivain, s’obligea à redécouvrir les habitudes de toute une vie. L’introspection, l’attente, la confiance accordée à l’histoire. La découverte lente ou rapides des contorsions par lesquelles on glissait dans l’organisme d’un monde imaginaire, comment on y pénétrait, on y cheminait, avant de parvenir à le quitter. Et la magie de la concentration qui donnait l’impression de tomber dans un puits profond ou dans une faille temporelle. Tomber dans la page, guettant l’extase qui se produisait trop rarement. Et le dur travail d’autocritique, le regard sévère posé sur les phrases, utilisant ce qu’Hemingway avait appelé son détecteur de merde. La frustration de se cogner contre les limites du talent et de la compréhension.

Alors, si une pointure de cette taille peut ainsi faire du yo-yo entre clairvoyance artistique et banalité sans nom, la voie est libre pour des monsieurs-tout-le-monde comme nous, qui veulent bosser honnêtement sans jouer les divas. Ceci explique cela…

N’est-ce pas justement une des clefs de votre travail : mélanger les petits et les grands ?

Oui, précisément, nous avons pensé que la meilleure manière de valoriser les contenus wallons et bruxellois, c’était de les mélanger à des contenus qui ne sont ni wallons, ni bruxellois. Qui plus est, nous veillons à sauver des textes d’auteurs méconnus et à les mélanger avec des extraits d’œuvres culturellement ou humainement importantes, dont la réputation est nationale ou internationale. Même chose pour la Revue de presse : s’il avait fallu se limiter à la presse belge francophone, on n’allait pas très loin ; alors on ratisse large et les articles de presse ou de blogs que nous sélectionnons ne sont pas marqués par leur origine, seule la qualité compte.

Nous avons la chance que les ordinateurs ne sont pas encore trop malins : l’index alphabétique des sculpteurs ne connait ni pays d’origine, ni indicateur de réputation, ce qui permettra à un plasticien issu du fin fond de nos Ardennes de figurer dans la liste entre HEPWORTH Barbara et MOORE Henry pour peu que son nom commence par I-J-K ou L !

Et ceci ne concerne que l’organisation de nos articles au sein de wallonica.org, c’est sans compter avec tout le réseau d’hyperliens qui relie chacun d’eux à d’autres sites de qualité, externes à wallonica.org, qu’ils soient belges francophones ou édités au départ d’un autre pays de la Francophonie.

Nous pensons qu’appliquer la logique de réseau à l’intérieur de wallonica.org et d’insérer notre “archipel de contenus” au sein du grand réseau de la Toile, en utilisant les meilleurs dispositifs techniques et promotionnels, c’est la bonne manière d’assurer la visibilité à nos savoirs wallons et bruxellois. C’est le coup du microcosme, reflet du macrocosme qui a déjà fait ses preuves…

Informations prises, vous n’en êtes pas à votre coup d’essai dans le domaines des encyclopédies en ligne. Racontez-nous…

J’ai d’abord rencontré le philosophe Jacques Dufresne au Canada, en 2000, et on a travaillé ensemble pendant plus de dix ans : après un après-midi dans les érablières, je me suis retrouvé avec l’exclusivité de l’édition de son agora.qc.ca pour l’Europe et l’Afrique. A l’époque, il était assez populaire au Québec et dans les petits papiers du Premier Ministre Landry. Lui et son équipe avaient lancé la première encyclopédie en ligne du genre, en Lotus Notes (un “collecticiel” aujourd’hui désuet), parallèlement à un magazine de qualité. C’était une encyclopédie francophone gratuite et sans publicité, qui grandissait au fil des rencontres de l’équipe avec tel spécialiste de ceci ou tel expert de cela : une croissance organique donc, à l’inverse des encyclopédies payantes traditionnelles qui établissent leur “arbre des connaissances” avant toute chose, puis contactent un réseau d’experts pour la rédaction, puis publient, puis font payer les utilisateurs et gagnent aussi sur la pub. Diderot avait travaillé comme ça (lui, par souscription), la pub en moins.

Jacques voulait que son Encyclopédie de l’Agora (agora.qc.ca) respecte des principes qui restent valables pour wallonica.org :

      1. Vers le réel par le virtuel : l’expérience en ligne doit à tout moment ramener à l’expérience réelle et ne pas exalter l’aliénation virtuelle ;
      2. Accueillir toutes les opinions, les loger au niveau qui convient et les composer verticalement (Simone Weil) : on peut tout publier, le tout est d’encadrer le contenu d’un dispositif critique (par exemple : ne pas publier Mein Kampf en un PDF téléchargeable unique -à moins de vouloir cartonner dans la fachosphère- mais le publier en extraits commentés, en aval d’un dossier sur l’intolérance) ;
      3. Un site lent : au-delà de la mode du “slow” qui n’avait pas cours à l’époque où Jacques s’est lancé (1998), le dispositif de l’encyclopédie en ligne, doit inviter à la lecture, à l’appropriation, à prendre le temps de la réflexion critique et au plaisir…

Ensemble, on a développé une interface proprement wallonne qui donnait accès aux mêmes contenus que l’interface québécoise. Si vous tapiez agora.qc.ca dans votre navigateur, vous arriviez au même article “Debussy” que si vous aviez encodé walloniebruxelles.org (l’URL de l’époque pour l’interface wallonne) mais l’apparence graphique et les annonces de promotion d’intérêt public (expos, concerts, parutions…) étaient dépendantes de votre interface : un concert de l’Orchestre de Liège dans le deuxième cas, une conférence d’Ivan Illitch à Montréal dans le premier.

L’Encyclopédie de l’Agora, ce n’était pas rien, surtout quand on pense aux ressources limitées qui ont permis sa mise en ligne : 12 millions de visiteurs annuels et un réseau de quelque 1.500 auteurs, ça ne se trouve pas sous le sabot d’un cheval. Michel Serres a fait l’éloge de l’initiative et de grands esprits comme Ivan Illitch et d’autres ont donné plusieurs de leurs écrits à Jacques pour qu’il les publie, tous droits cédés. J’ai également obtenu son référencement dans les sites recommandés par la BnF. L’interface wallonne en a bénéficié, avec un demi-million de visiteurs après seulement 6 mois en ligne. Idem, Jean-Pol Schroeder (Maison du Jazz de Liège, BE) nous a cédé les droits de publication sur un excellent livre de référence sur le jazz, qui était épuisé dans le commerce.

Ca fait du boulot, des heures et des heures de travail, ça ! Des heures de bénévoles ?

Oui, principalement. Nous avons d’abord été aidés financièrement par la Communauté française puis mis en faillite par les mêmes (no comment…) ; la FWB a aussi timidement (une fois, comme on dit à Bruxelles) délié les cordons de la bourse… Par après, la Province de Liège nous a concrètement soutenus lorsqu’il a fallu migrer l’encyclopédie en PHP/MySQL. Sans pub, on mange souvent des pâtes, alors les aides et les soutiens sont toujours les bienvenus. A bon entendeur…

Ceci étant, si wallonica.org est le fruit d’un travail d’écriture originale réel (articles journalistiques, monographies, traductions, reportages, nouvelles, critiques, poèmes…), fait par les collaborateurs internes ou externes de l’équipe, un pourcentage important de nos publications est le résultat d’un travail de compilation et de réseaugraphie de ressources publiées par des tiers, auxquelles nous renvoyons systématiquement par nos hyperliens. A la fonction de blog s’ajoute donc la mise en valeur du travail de “consoeurs et confrères” que nous assemblons, illustrons et relions au sein de notre encyclo. Dans cet Archipel des Honnêtes Savoirs, wallonica.org est un précipité de nos créations comme de nos découvertes…

Vous tournez toujours sur le Lotus Notes historique ?

Ce n’est qu’en 2012 que j’ai décidé de migrer à nouveau vers un blogue encyclopédique en WordPress : wallonica.org. Le sevrage est bientôt bouclé : nous sommes toujours en train de rapatrier les articles qui étaient proprement wallons dans la base de données partagée avec le Québec, tout en écrivant ou compilant de nouveaux contenus, avec mes nouveaux collègues et des partenaires apparus entretemps. Tout ça, à la main…

Un blogue encyclopédique : ça sent un peu le paradoxe, non ?

La grosse difficulté du monde actuel est que l’informatique a introduit un fonctionnement en réseau et que nous ne sommes pas encore pleinement au fait de ce que ça veut dire au quotidien.
Sans vouloir vous blesser, votre question en est la preuve : un blogue, c’est une séquence d’articles sur un thème choisi, articles qui se suivent dans le temps ; une encyclopédie, c’est une arborescence d’articles, organisés selon des catégories en cascade.

Dans des sites WordPress comme dans d’autres, on a un grand aquarium (la base de données du site) où nagent une multitude de poissons de même taille (les articles) mais qui ont chacun des étiquettes sur le dos (les métadonnées : la date, les catégories, les mots-clés…).
Faire une requête (une recherche) dans un site comme ça, c’est puiser un groupe de poissons qui partagent les mêmes étiquettes et choisir celui ou ceux que l’on veut manger (ici : lire).
Ainsi, dans wallonica.org, en cliquant sur la catégorie “Artefacts”, on va obtenir la liste de tous les articles existants qui portent sur les créations artistiques et pouvoir choisir, au départ de son titre, celui qui nous intéresse pour l’afficher à l’écran. Plus question de séquence ou de hiérarchie de contenus ici : tous les objets du site sont reliés dans un maillage épais entre leurs métadonnées.

Comment m’y retrouver, alors, dans wallonica.org ?

D’abord, il faut se dire qu’on arrive souvent dans un article via un moteur de recherche externe, donc, sans passer par la page d’accueil ou le formulaire de recherche de wallonica.org. Par exemple, si vous cherchez une citation de Montaigne, vous tapez [Montaigne à+propos] dans votre page Google et vous arrivez directement sur la page https://wallonica.org/montaigne-textes/ sans passer par la page d’accueil de wallonica.org. Si, par contre, vous visitez wallonica.org au départ de cette page d’accueil (vous avez tapé https://wallonica.org dans votre navigateur), vous pouvez choisir d’afficher toute une catégorie d’articles ou tous les articles marqués d’une même étiquette (mot-clé). Et ça marche !

L’intelligence (c’est un terme technique) se trouve alors dans l’organisation des catégories et des mots-clés. Pour wallonica.org, le défi était de trouver une manière différente de proposer nos contenus. C’est chose faite. Je suis parti de ce que fait l’Honnête Homme face au monde pour créer sept catégories (plus d’infos ici) : les actions, les artefacts, les contrats, les discours, les dispositifs, les symboles et, face à l’homme, le monde comme il va, là où la main de l’homme n’a jamais mis le pied. Ceci pour les articles proprement encyclopédique (Paul Diel, vanité, La jeune fille sans mains, Perron liégeois…) auxquels on peut également accéder par le menu… Encyclopédie.

Dans votre dossier de présentation, vous parlez de “Wallonie au carré”, c’est une boutade liégeoise ?

Vous avez l’œil en matière de boutades, manifestement : dans wallonica.org, on passe de l’humour brusseleir de Bossemans et Coppenolle aux citations de Jean-Claude Van Damme, mais vous avez raison, en l’espèce, l’allusion est liégeoise. La formule du Carré Wallonica nous permet d’afficher le dispositif au complet. Chacun trouvera son bonheur en termes de savoirs wallons et bruxellois sur un de nos quatre sites :

      • les savoirs dans le BLOG ENCYCLO (wallonica.org) ;
      • les ressources à télécharger dans la DOCUMENTA (documenta.wallonica.org) ;
      • les lieux et curiosités touristiques dans le TOPOGUIDE (topoguide.wallonica.org) et
      • les articles commerciaux dans la BOUTIQUE (boutique.wallonica.org).

Cette logique de carré parfait est le fruit d’essais multiples. Chaque fois, dans nos moments les plus créatifs, on en revenait systématiquement à ces quatre “fonctionnalités” pour capter puis satisfaire nos lecteurs. On notera d’ailleurs que notre boutique est bien modeste et qu’elle sert surtout à créer le lien entre l’internaute et des créations wallonnes et/ou bruxelloises que nous trouvons intéressantes et dont le créateur est présent dans le blog encyclo. Dans 99 % des cas, le bouton “Acheter” est remplacé par “Contacter l’auteur” ou “LIBREL.BE“, notre partenaire “livres” qui assure l’acheminement vers des librairies indépendantes…

à suivre…


D’autres du même…

THONART : Pauvre B… (comme Berlioz)(Prologue, spécial 25e anniversaire ORW, 1992)

Temps de lecture : 8 minutes >
Cet article est initialement paru dans le n° spécial de la revue « Prologue », consacré au 25e anniversaire de l’Opéra Royal de Wallonie (Liège, BE) – texte actualisé en 2018

Des aigles napoléoniennes à l’albatros de Baudelaire, rares sont les artistes du XIXe qui ont pu enfiler les petits chaussons du siècle. La question reste posée : qui était hors pointure ? Les romantiques ou la bourgeoisie de l’époque ? Pour Berlioz, la réponse ne fait aucun doute : le monde chausse trop petit et, pour s’envoler vers le Parnasse, un artiste doit être un va-nu-pieds de l’âme (quand il ne l’a pas vendue à qui vous savez…).

Mon grand projet n’est pas de ce monde

Génération perdue pour elle-même, la gent romantique a régné sur un XIXe siècle bourgeois à souhait. Non content d’avoir renversé d’un revers de cape bien théâtral l’édifice rationnel que la fin du XVIIIe avait douloureusement élaboré, l’individu romantique ne vit qu’une loi, la sienne. Le créateur est son propre classique, sa propre référence : à la quiétude de l’équilibre, il préfère le mouvement de la passion. Le siège de l’art quitte l’esprit pour saigner avec le cœur.

L’option était crédible, dynamisante. Pourquoi alors étaient-ils tous si blêmes, ces romantiques, si tristes, si suicidaires et si colériques ? Ils n’en mouraient pas tous mais tous étaient frappés. Comment pensaient-ils se sevrer impunément de la mesure ? Impossible, le temps ne suspend jamais son vol ! Il ne reste que la fuite, la fuite en avant, la démesure, le grand projet.

Berlioz était de la partie. La mèche en bataille, il a combattu toute sa vie le médiocre et le vulgaire (à savoir, pour un romantique, le reste du monde). Des projets, il en vécut qui, impitoyable légalité de la vie, furent son cilice.

Né en 1803 dans une famille bourgeoise de l’Isère, il s’installe en 1821 à Paris. Au grand dam de son dragon de mère et contre l’avis de son brave père (qui ignore encore combien de fois il devra délier les cordons de sa bourse pour son artiste de fils), il abandonne ses études de médecine pour le Conservatoire. La légende veut que ce soit l’audition de l’Iphigénie en Tauride de Gluck qui ait plongé Berlioz dans cet état de grâce qui ne l’abandonna qu’avec son dernier souffle. En effet, le 8 mars 1869, Berlioz s’éteint, épuisé par une vie d’exaltation et d’extravagances, un long coma éveillé où, campé sur ses partitions ou, comme dirait Lewis Caroll, tout ruginiflant du haut de son pupitre, Berlioz a bretté pour la défense de l’âme qu’il s’était choisie, pour l’intégrité de son gigantesque ego. Renonçant à la quiétude, il n’a pas signé ce contrat en blanc que lui tendait le siècle, réalisant ainsi le rêve secret (et contradictoire) de ses confrères dissidents : devenir un “modèle” romantique, un classique de la révolte.

Les femmes : amantes ou ennemies ?

Premières ennemies, premiers grands projets : les femmes. Éperdument amoureux à l’âge de douze ans déjà (l’élue d’alors s’appelle Estelle), Berlioz se découvre une deuxième chimérique aimée en 1827, sous les traits d’Ophélie. Parfait en théorie : la femme idéale ne peut être que rêvée ; aussi, quelle meilleure proie choisir pour un amour impossible que la désincarnée Ophélie dont même la mort est une oeuvre d’art préraphaélite ? Pratiquement, rien ne va plus : ladite Ophélie est une Irlandaise épanouie du nom de Harriet Smithson qui ne daignera pas épouser notre héros avant 1833. Six ans de manœuvres d’approche tapageuses et plus ou moins infructueuses mais six années pendant lesquelles Berlioz réussira néanmoins à presque-épouser une certaine Camille Moke. En fait, Pleyel l’emportera, profitant de l’absence de Berlioz, parti pour l’Italie grâce à son Prix de Rome. Episode rocambolesque au cours duquel le compositeur revient en France en costume de femme de chambre, avec deux pistolets, une fiole de laudanum, une de strychnine et la ferme intention de tuer tout le monde. Ah, ce siècle qui résiste et ces femmes qui ne comprennent pas son génie ! Reste que Berlioz enrage, trépigne et se vexe à un tel point que voilà la belle actrice shakespearienne transformée en sorcière dans la nuit de sabbat de sa Symphonie fantastique.

Affiche du film de Christian-Jacque : La symphonie fantastique (1942)

Extrait d’une lettre à son ami Ferrand : “Oh ! mais la symphonie… J’espère que la malheureuse y sera ce soir ; du moins, bien des gens conspirent à Feydeau pour l’y faire venir. Je ne crois pas cependant : il est impossible que, en lisant le programme de mon drame instrumental [le programme parut intégralement dans Le Figaro du 30 mai 1830] elle ne se reconnaisse pas et, dès lors, elle se gardera bien de paraître. Enfin, Dieu sait tout ce qu’on va dire, tant de gens savent mon histoire !” Coup de théâtre : elle cède et l’épouse, le rêve devient réalité et l’exaltation vire à la déception. “Je croyais avoir épousé l’actrice ; je n’ai épousé qu’une dame anglaise”, dame anglaise qu’il quittera, sans l’abandonner (après qu’elle lui eut donné un fils, Louis), pour suivre une mégère de la pire espèce (ainsi le veut la légende), une cantatrice médiocre à rendre jalouse une trompette de glacier (Berlioz écrira : “Elle miaule comme deux douzaine de chats“). Marie Reccio (Melle Martin, de son vrai nom) s’attachera aux pas de Berlioz jusqu’à leur mariage, bien des années plus tard, en 1854, alors que la Smithson, malade et paralysée depuis quelques années, rend l’âme sans public et que la disparition du père de Berlioz apporte au compositeur une certaine aisance. La petite histoire considère même que la réaction de Berlioz à l’échec parisien de Tannhäuser (“Le public a ri du mauvais style musical. Pour moi, je suis cruellement vengé”) était inspirée par Madame Berlioz II. Bilan féminin : jalousies, cris et tapages, emballements et cruelles retombées. Dure réalité.

L’autorité : un épouvantail à abattre

Autre adversaire, les autorités musicales. Dispute avec Cherubini, le directeur du Conservatoire ; quatre tentatives infructueuses d’emporter le Prix de Rome qu’il n’obtiendra qu’au cinquième essai, avec Sardanapale, une oeuvre sur laquelle il n’aurait pas aimé être jugé (elle n’est aujourd’hui presque jamais jouée : le fantôme de Berlioz en soupire d’aise). Le public semble, quant à lui, avoir plus souvent applaudi aux effets musicaux (certes novateurs) qu’à la réalité musicale de la pensée de Berlioz. Le compositeur, également critique musical virulent, n’avait en outre pas manqué de se faire des ennemis dans l’establishment parisien de l’époque. Ces ennemis, eux aussi, savaient tremper leur plume dans le vitriol ; ainsi Fétis dans la Revue musicale du 15 décembre 1832 : “Aucun artiste, si heureusement organisé fut-il, ne s’est dit, au commencement de sa carrière qu’il allait faire une révolution dans son art. Avant d’être inventeur en musique, il faut être musicien ; M. Berlioz ne semble pas l’avoir compris. Il entrevoit des nouveautés qu’il est hors d’état de réaliser. Esprit inventif, ses conceptions avortent : son impuissance trahit ses désirs.”

Belle analyse psychologique du suicide romantique : à miser toute son énergie sur un grand projet exalté, l’ego est épuisé lorsqu’il s’agit d’organiser les modalités du quotidien (l’absolu n’est pas d’aujourd’hui).

Entrer dans la légende, mode d’emploi

Est-il une angoisse plus terrifiante pour un artiste romantique que l’incertitude de la postérité ? Comment s’assurer de ne pas disparaître à jamais dans les colonnes poussiéreuses des dictionnaires oubliés alors que s’éteint la dernière bougie de l’opéra, alors que cesse de résonner le dernier applaudissement ? Berlioz veut le succès et il le connaîtra de son vivant, et quand ce n’est pas en France, c’est en Allemagne, en Angleterre ou en Russie. Les oeuvres acclamées alors ne sont peut-être pas toujours les plus représentatives de son art musical, mais un public plus ou moins important lui reste néanmoins “fidèle” (comme un public parisien peut l’être…). Benvenuto Cellini est un échec, la Damnation de Faust elle-même ne suscite d’abord que l’indifférence, alors que la Symphonie fantastique, après moult péripéties, connaît un franc succès et que L’Enfance du Christ fait un malheur. Ainsi, de cuisantes défaites en ovations triomphales, Berlioz a su bâtir sa propre légende. Doué d’un sens de la publicité à faire pâlir un consultant en communication, il a soigneusement consigné dans ses écrits (avec plus ou moins d’honnêteté) ce que la postérité devait garder en mémoire à son propos. Chroniqueur redouté, il exerce son talent (réel) d’écrivain et de critique au Journal des débats et ses Mémoires hautes en couleur établissent ce qui sera “la vérité sur Berlioz” pendant de longues années. En matière d’éternité, l’important est d’avoir le dernier mot.

Et la musique ?

Non content d’avoir été un amant éconduit, un époux déçu, un critique musical respecté, un autobiographe autoritaire, un chef d’orchestre maniaque et un incorrigible romantique, Berlioz a aussi composé de la musique. C’était même là son activité principale. Pourquoi s’en souvenir ? Quelques années auparavant, le monde de la création avait été secoué par un ermite viennois : en quelques quatuors, Beethoven avait restauré aux yeux du monde la puissance tectonique et évocatrice de la musique instrumentale. Il ne faut pas oublier que la vie musicale ne connaît à l’époque qu’un seul maître : le théâtre. Les notes ne suffisent pas, il faut le texte. Nous sommes loin de la pureté des genres. Le XIXe est un siècle essentiellement littéraire : la peinture ne parle pas encore en termes de surfaces et de couleurs, la sculpture en termes de formes et de matière, la musique en termes de son et d’harmonie. Partout, il est question de symboles, d’allégories, de narration et de paraphrase. A tel point que Berlioz devra présenter sa Symphonie fantastique comme un “drame instrumental”. N’a-t-on pas commenté la première en disant du jeune compositeur “qu’il porte sur la scène lyrique ses brillantes inspirations et il ne tardera pas à y prendre un rang distingué…” ou encore “Assez parlé vaudeville. Secouez votre manteau, venez avec moi : nous allons voir un étrange jeune homme, fanatique, hardi, convaincu…, dédaigneux des formes conçues, se plaisant et s’exaltant de préférence à tout ce qui est anormal dans l’art et dans la vie sociale… Ce jeune homme est une puissance en vérité ; il le prouve. Il arrive d’Italie, et donne son concert ex abrupto. Ce concert sera romantique, fantastique, diabolique, que lui importe : ce sera beau, mauvais, bon, ridicule, extravagant, gracieux, sans nom, sans analogie, que lui importe ! … Ce jeune homme a dès ce jour un auditoire conquis, il peut dire à présent : La terre que je foule est à moi.” (Jules Janin, critique aux Débats, 1832).

Que l’on pèse dans la Damnation le poids expressif de la partie instrumentale : le signal est donné, la voix elle-même est moins récitante qu’un instrument parmi les autres, et déjà point l’unité wagnérienne, et déjà s’annonce le XXe siècle et la musique pure.

La Fantastique secoue délicieusement la France (Paris) de l’époque, l’orchestre revendique ses droits et s’enfle à souhait sous la baguette de Berlioz : à la sobriété beethovénienne des quatuors succède l’océanique multitude des formations romantiques. “Mais quand mes cent trente musiciens voulurent se ranger sur la scène, on ne sut où les mettre. J’eus recours à l’emplacement du petit orchestre d’en bas. Ce fut à peine si  les violons seulement purent s’y caser… on demandait des pupitres… on criait ici pour des chaises, là pour des instruments, là pour des bougies…“. Qu’on ne s’y méprenne pas, si Berlioz opte résolument pour le langage instrumental, le programme officiellement distribué pour la Symphonie fantastique ne comptait pas moins d’une centaine de lignes d’explications et de commentaires sur ces “Episodes de la vie d’un artiste”.

Autre innovation attribuée à notre compositeur : l’idée fixe. Il s’agit en fait d’une formule mélodique ou harmonique récurrente qui caractérise un personnage, une situation ou un thème particulier (dans la Fantastique, il s’agira de l’aimée) ; le traitement, au sein de chaque mouvement, de cette idée fixe indique clairement à l’auditeur le message adressé par l’auteur. Comme on le sait déjà, son ami et rival Wagner reprendra et amplifiera ce procédé : le Leitmotiv. Autant pour la contribution de Berlioz à l’histoire de la musique.

Que l’on reproche à Berlioz sa grandiloquence, que l’on trahisse sa stature musicale en le faisant jouer au cinéma par le chétif Jean-Louis Barrault, qu’on l’adule pour son oeuvre -novatrice s’il en est- ou pour la pertinence de son interprétation du mythe de Faust, Berlioz a une carrure qui fait de l’ombre. Il est des artistes dont la quiétude -et le sérieux- invitent à l’harmonie, Berlioz comptera plutôt parmi ceux qui dénoncent et combattent, parmi ceux qui, aveuglés par leur grand projet, basculeront avec Lui, en signant sans lire…

Diff Diff Belzébuth, Belphégor, Astaroth, Méphisto !
Sat sat rayk ir kimour.
Has has Méphisto ! Has has Méphisto !
Has has has has has Irimiru karabrao !

Patrick THONART


Lectures :

  • BERLIOZ Hector, Le Chef d’orchestre, Théorie de son art (Arles, Actes Sud, 1988, 1ère édition en 1855)
  • MAGNETTE Paul, Les grandes étapes dans l’oeuvre de Berlioz : la Symphonie fantastique (Liège, 1908)

[INFOS QUALITE] statut : validé | mode d’édition : rédaction | source : collection privée | commanditaire : wallonica.org | auteur : Patrick Thonart | crédits illustrations : ORW | remerciements à l’ORW et, spécifiquement, à Martine van Zuylen


Du même auteur…

THONART : Tolkien or the Fictitious Compiler (ULiège, 1984) – 07 – Bibliography

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THONART : Tolkien or the Fictitious Compiler (ULiège, 1984) – 06 – Conclusion

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THONART : Tolkien or the Fictitious Compiler (ULiège, 1984) – 05 – The Ring

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THONART : Tolkien or the Fictitious Compiler (ULiège, 1984) – 04 – The Sword

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Many an earl of Beowulf brandished
His ancient iron to guard is lord

Beowulf, l. 753-4

Then lifted his arm the Lord of the Geats
And smote the worm with his ancient sword
But the brown edge failed as it fell on bone
And cut less deep than the king had need
In his sore distress…

idem, l. 2431-5

Who so pulleth out this swerd of this stone
and anuyld is rightwys kinge borne of all England

Morte d’Arthur

Sir, there is here bynethe at the river a grete
stone whiche I sawe flete above the water
And therin I sawe stycking a swerd
The kynge sayde I wille see that merveill
Soo all the knyghtes went with him

id.

And as for this swerd there shalle never
man begrype
Hym at the handels but one
But he shalle passe alle other

ibid.

He took his vorpal sword in hand
The vorpal blade went snicker-snack !

Jabberwocky

These many quotations from English heroic texts – “Jabberwocky” can be considered as a kind of mock-heroic poem – suggest that Philippe Sellier’s comment on the importance of the sword in the French medieval literature can be extended to the English medieval literature. He writes : “Au Moyen-Age c’est surtout l’épée qui compte : de l’Excalibor du roi Arthur, de la Joyeuse de Charlemagne à l’épée de Jeanne d’Arc“. Moreover he himself establishes that sword and heroism are not a feature limited to the Middle Ages but common to all heroic literatures of all times – this implies naturally texts involving the use of swords ; one can not imagine Buffalo Bill hunting with a sword. Sellier illustrates his definition of heroism with texts as old as an account of Cyrus’ life by Herodotus (Vth cy b.C.) and as recent as a poem by St John Perse (XXth cy).

Nevertheless, since I have chosen to concentrate on English medieval literature, I shall use the word “heroic” in a more restricted meaning : “heroic” will be opposed to “romantic” (i.e. to all that is connected with the medieval romances and not at all with the 19th cy romantic revival). In a nutshell, heroic literature includes mainly the old English epic poetry from Beowulf to the Battle of Maldon, whereas the romantic literature I shall refer to, includes the middle English romances from the various “matters” up to Malory’s Morte d’Arthur (XVth cy).

I shall try to expose in this chapter how the sword – which appears in both heroic and romantic literatures (4) is used in a different way by the Beowulf poet and by Malory. I shall also comment on the various characteristics of the swords in these texts and finally try to explore Tolkien’s swords in the Lord of the Rinqs and other texts.

Mimming, Naegling, Excalibur, Durandal, Joyeuse, Hauteclaire, (5) all  “great” swords are given a name and their name is forever connected with the name of the corresponding hero. To be submitted to such a process of individualization is in fact a privilege which objects are seldom enjoying. Moreover it is a privilege limited to certain swords. In Beowulf one of the hero’s swords is sometimes called Naegling (not so often, the poet often prefers to call it “brown edge” – meaning “bright edge” or “ancient iron”, etc.) :

Then the king once more was mindful of glory,
Swung his great sword-blade with all his might
And drove it home on the dragon’s head.
But Neagling broke, it failed in the battle,
The blade of Beowulf, ancient and grey. (OAEL, 1. 253I to L. 2535)

Naegling and the other heroic swords are associated with the hero’s strength, his courage; battles are won thanks to the “ancient blade” but since the sword is considered as a separate being, it can “fail in the battle” and cause the hero’s defeat when it is “not his lot that edges of iron could help him in battle” (1. 2535-6).

The other characters in the poem probably have weapons too but since they have not the status of heroes, their daggers, axes, spears and swords are mentioned but not individualized :

Many an earl of Beowulf brandished his
ancient iron to guard his lord. (OAEL, 1. 733-4)

[contenus en cours de digitalisation]

Contents

[INFOS QUALITE] statut : en constructon | mode d’édition : rédaction et iconographie | sources : mémoire de fin d’études ULg | auteur : Patrick Thonart | crédits illustrations : en en-tête, une scène du film de Peter Jackson : l’épée Anduril brandie par Aragorn © New Line Cinema.


Plus de Tolkien…

THONART : Tolkien or the Fictitious Compiler (ULiège, 1984) – 03 – The Quest

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It is often the case with romances that a quest appears to be the organizing pattern of the narrative. One of the best-known medieval examples is the quest for the Sancgreal in the Arthurian Romances. It also seems a common feature that the quest-pattern should be limited to romances. As a matter of fact heroic literature is preoccupied with more down-to-earth matters. Since the main concern of the hero is to go down to posterity i.e. leave in the minds of the living people an image of courage and unfailing virtue – virtue being in this case proportional to the adherence to the heroic code of honor and not at all the Ten Commandments – the Old English. heroic poetry rather puts the emphasis on war, the duties of the Germanic comitatus, the patching up of blood feuds with impossible marriages, the problems of man in front of his lot (wyrd) and the shame of the warrior unfaithful to his lord. In this sense heroic poetry can be said to be more true-to-life than romances.

It is the lot of the Germanic warrior to concentrate on one word : “overcome”. Overcome fear in order to appear as a courageous soldier, overcome temptation to remain submitted to one’s lord, overcome the enemy to save one’s tribe, overcome evil to gain the right to a high renown after death. Be it physically or intellectually, victory was the stimulating principle of the life of a warrior. The alternative between  victory by physical strength or by wise strategy is best illustrated in Beowulf‘s three progressive assaults. Young Beowulf kills Grendel with his bare hands. Grendel’s mother, which dwells at the bottom of a lake, must be killed by a magical sword. The third. assault against a fire-breathing dragon necessitates a special shield capable of protecting Beowulf from the flames. Beowulf, helped by Wiglaf, is victorious but dies. I should rather have written “is victorious and dies” since a heroic warrior knows he is doomed to violent death; it is moreover his greatest achievement to die with an “undefeated spirit”. Anyway, as a traditional hero, he must die on the battlefield or as a result of his encounter with the enemy – in this case: the dragons. It is a necessary condition for him to deserve his place in the Valhalla even if the Valhalla has disappeared from christianized Old English poetry. Beowulf ends thus a successful career completed by an unavoidable death.

Another feature of the hero is his “transparency” as a character. One could conclude that the heroic achievement is external : the hero is judged in his status according to “deeds” giving evidence of his courage. Whatever the fear felt or the inner cowardice of the character, what matters is the external appearance of heroic virtue. Such an interpretation, reducing heroism to a “look” in the modern meaning of the word, is based on a corrupt(ed) reading of Old English poetry. Modern writings are indeed full of characters whose appearance inside the tale contrasts with their real feelings or inner life. This was not true in the early medieval literature.

What I mean by “transparency” is precisely that heroes are supposed to have an inner life corresponding to their external appearance. More than that, the medieval poets were not at all concerned with psychological matters. Their characters are meant to be courageous when they act courageously. The inner conflicts between fear and courage are directly conveyed into actions illustrating the choice made by the hero. Moreover a good character is mainly thoroughly good, courageous and strong, whereas the traitor is presented as thoroughly perverse.

Romances on the contrary are not so much concerned with the public image of the hero for its own sake. The innovations in concern brought by the romance-writers are of two kinds. On the one hand, the eschatological struggle between Light and Darkness, God and the Devil in which the hero takes part as a herald of Good is no more set on a war-background involving armies and wide battlefields or dragons embodying all the Evil of the world. The battlefield in romances is symbolically reduced to the protagonist himself, inside of whom the actual struggle takes place. While the heroic hero takes part in a battle,the action in romances is located inside the protagonist which is used as a microcosm reflecting human experience. This conclusion is drawn in accordance with Brewer’s interpretation of the tale as the total mind of the protagonist. He in fact means by this that, since the protagonist and the other characters in the narrative are aspects of the protagonist’s mind, the story itself is the summing up of these aspects of the total mind. The various events are in fact illustrations of the various conflicts occurring in the mind of the maturing protagonist, romances being often, according to Brewer, stories of maturation. The tale is consequently seen as dynamic, the evolution of the protagonist being its organizing and stimulating principle. I mean by dynamic that the parameters determining the construction of the tale at its beginning are altered during its course and different at the end. Let us take for example the Green Knight: he is a terrible father-figure at the opening of Sir Gawain and the Green Knight, forcing young Gawain out of childhood, represented by the Court of King Arthur, I already explained that; it appears, however, at the end. that the character that served as a temptator throughout the tale, as a confessor during the rationalization scene and the Green Knight himself are but one and the same person : Bertilak of the High Desert. More than that, this character is himself the victim of Morgan the Fay. It is in this sense that I used the words “altered parameters”, characterization being one of these parameters; So much for the first innovation made by the romance-writers.

The second is actually a corollary of the first. Since man and his experience are at the centre of the preoccupations of the romantic tale, it is logical that romances should be concerned with the humanity of the hero, refusing to reduce him to a courageous warrior in front of his lot. The heroic rules that were at the centre of the heroic “casuistry” are hence questioned. in romances. Benson (quoted by Brian Stone) says that Sir Gawain and the Green Knight is the “story of the perennial conflict between ideal codes and human limitations”. I shall also try in this chapter to explain how Frodo’s humanity is illustrated in The Lord of the Rings, my general purpose remaining, however, to show why this tale is not a romance.

As has often been said in this study, a quest constitutes the leading-thread of the narrative. Frodo left the Shire in order to destroy the One Ring in the Fires of Orodruin. This ring he inherited from his uncle Bilbo then retired at Rivendell, the dwelling of Master Elrond Half-Elven. It is Gandalf the Grey, a wizard, who proposed the quest to Frodo. Elrond has also chosen eight companions among the Free Peoples…

…to accompany the Ring-Bearer on the Quest of Mount Doom. They were : Gandalf, Aragorn, Dúnadan of the North, and Boromír, Prince of Gondor (for men); Legolas, son of King Thranduíl (for the Elves); Gimlí, son of Glöin (for the Dwarves); and three Hobbíts – Meriadoc, Peregrin, Samwíse.

Together they leave to Orodruin. Gandalf disappears in the Mines of Moria and Aragorn has consequently to reveal his true name – he had so far been known as Strider – and his rank: he is the True Pretender. Arrived to the Rauras Falls, they have a little rest. Time enough for Boromir to succumb to the power of the Ring, try to steal it and die repentant under the blows of Orcs that attacked the fellowship. So far for the handle of the forked quest.

“Forked quest” means here that from that point in the story two different courses of the narrative are to be taken into account. On the one side, the major part of the Fellowship (Aragorn, Legolas, Gimli, Pippin and Merry), who follows a heroic evolution as I shall try to make clear further, and, on the other, Frodo and Sam, who achieve the romance part of the tale. This chapter is thus an amplification of my conclusion to the chapter devoted to Brewer’s interpretation of The Lord of the Rings. I hope to have shown that Brewer’s statement that Tolkien’s book is a romance of maturation applies only to the part of the narrative devoted to Frodo.

In the Arthurian tales centered on the Sancgreal, various members of the same community are on a similar quest: Percival, Galahad, Lancelot and others try to discover the Grail Castle. The similarity between the multiple quest in the Morte d’Arthur and in The Lord of the Rings is not an evidence of the romanticity of Tolkien’s work. As a matter of fact Malory’s “Noble tale of the Sancgreal“ (book XIII) is not one as a narrative, it is rather a series of smaller romances each devoted to a questing character. Hence a possibly misleading paralelism between the two books. In addition to that, Brewer considered The Lord of the Rings as the romance of Frodo exclusively, the other characters being splits of the protagonist or related figures.

However, the early mention of the conditions of the quest corresponds to the traditional pattern of romances. Gawain leaves Arthur’s Hall to seek the Green Knight, who will return the blow Gawain inflicted him. The bargain between Gawain and the Green Knight is settled in the tale as early’ as line 282 (the whole romance being 2530 lines long):

So I crave in this court a Christmas game,
For is is Yuletide and New Year, and young men abound here.
If any in this household is so hardy in spirit,
Of such mettlesome mind and so madly rash
As to strike a strong blow in return for another,
I shall offer to him this fine axe freely;
This axe, which is heavy enough, to handle as he please.
And I shall bide the first blow, as bare as I sit here.
If some intrepid man is tempted to try what I suggest,
Let him leap towards me and lay hold of this weapon,
Acquiring clear possession of it, no claim from me ensuing.
Then shall I stand up to his stroke, quite still on this floor –
So long as I shall have leave to launch a return blow
Unchecked.
Yet he shall have a year
And a day’s reprieve, I direct.
Now hasten and let me hear
Who answers, to what effect.

In Peredur ab Evrawc, Peredur (Percival) is told before leaving his mother the various recommendations that will determine his further behaviour in the tale

Va, dit-elle,tout droit ä la cour d’Arthur, là ou sont les hommes les meilleurs, les plus généreux et les plus vaillants. Ou tu verras une église, récite ton Pater auprès d’elle. Quelque part que tu voies nourriture et boisson, si tu en as besoin et qu’on ait pas assez de courtoisie ni de bonté pour t’en faire part, prends toi-même. Si tu entends des cris, vas de ce côté; il n’y a pas de cri plus caractéristique que celui d’une femme. Si tu vois de beaux joyaux, prends et donne à autrui, et tu acquerras aussi réputation. Si tu vois une belle femme, fais-lui la cour, quand même elle ne voudrait pas de toi, elle t’en estimera meilleur et plus puissant qu’auparavant.

It seems thus that the rules of the game have to be settled before the game opens. In The Lord of the Rings, the opening spell is not an exception

Three Rings for the Elven-Kings under the sky,
Seven for the Dwarf-Lords in their halls of stone,
Nine for Mortal Men doomed to die,
One for the Dark Lord on his dark throne
In the land of Mordor where Shadows lie.
One Ring to rule them all, One Ring to find them,
One Ring to bring them all and in the darkness bind them
In the land of Mordor where Shadows lie.

It has been evoked in the chapter devoted to the Ring that Frodo’s quest, as opposed to Percival’s or Galahad’s, was in some sense a negative quest, at least an ambivalent one. Frodo indeed does not leave home in order to seek something, he possesses the object. of the quest from the beginning of the tale: the ring inherited from Bilbo. The actual aim of his quest is moreover destruction and not discovery. This reversed quest-motive is due to the nature of the object of the quest itself. On the one hand, the Grail is a Christian symbol of sanctity, it stands on the side of Good and of God:

Le Graal représente à la fois, et substantiellement, le Christ mort pour les hommes, le vase de la Sainte Cène (c’est-à-dire, la Grâce divine accordée par le Christ à ses disciples), et enfin le calice de la messe, contenant le sang réel du Sauveur. La table sur laquelle repose le vase est donc,selon ces trois plans, la pierre du Saint-Sépulcre, la table des Douze Apôtres, et enfin l’autel ou se célèbre le sacrifice quotidien. Ces trois réalités, la Crucifixion, la Gène, l’Eucharistie, sont inséparables et la cérémonie du Graal est leur révélation, donnant dans la Communion la connaissance de la personne  du Christ et la participation à son Sacrifice Salvateur. (Dds, p. 482-483)

Its origin seems however to be rather pagan:

Le Saint Graal de la littérature médiévale européenne est l’héritier sinon le continuateur de deux talismans de la religion celtique pré-chrétienne : le chaudron du Dagda et la coupe de souveraineté. (Dds, p. 482)

In its symbolical function, the Grail could in fact fit with all religions:

Le Graal c’est la lumière spirituelle, qui n’a que faire des dogmes. Mais on ne peut s’en approcher qu’au prix d’une longue recherche et de douloureux efforts de dépassement de soi-même. (BMC, p. 286)

The quest of the Grail is thus purely spiritual. Though it is actualized in adventures and secular peregrinations, it is in fact a spiritual research inside one’s soul: the questing hero tries to achieve the interiority of faith, the mystical relationship between lnimself and God. It is in this context that
Brekilien properly describes it as “n’ayant que faire des dogmes”.  Mysticism requires individuality : the mystic follows his own path refusing the too well-beaconed highway to God that church is. The quest of the Grail is thus a positive interior quest of something – in this case the Grail- which reflects an ideal state-of-soul that one has to achieve.

On the other hand the ring is obviously not standing for any personal achievement. On the contrary, it embodies the forces of Evil threatening the moral integrity of the questing hobbit. As I wrote in another chapter, the Ring, borne out of Evil, represents the lust for power to which any of us might succumb. The hobbits are described by Tolkien in the prologue as

an unobtrusive but very ancient people,… they love peace and quiet and good tilled earth: a well-ordered and well-farmed countryside was their favorite haunt… They were a merry folk. They dressed in bright colours, being notably fond of yellow and green;… And laugh they did, and eat, and drank, often and heartily, being fond of simple jests at all times, and of six meals a day (when they could get them).

The author gives us a picture of a sensible innocence, uncorrupted by the lust for power (“sensible” meaning here that their innocence has nothing to do with that of God’s Lamb: Hobbits enjoy food and drink and sometimes quarrel; their innocence is a rather temperated one). Evil, embodied by the Ring, has thus to come from outside the Shire. The moral integrity is here a starting point rather than an achievement. Hence the necessary destruction of the Ring as a means to protect innocence from corruption. In the Morte d’Arthur, the case of Lancelot illustrates very well my point here. Lancelot’s quest ends on a meagre satisfaction: he is allowed to see the Grail very briefly, in a dream. The reason for that failure is his corrupted soul, i.e. his love for Guinevere, his lord’s wife. The two quests are thus totally reversed:  whereas finding the Grail means achieving personal sanctity, an interior connection with God, the destruction of the Ring means preventing the original innocence of the protagonist and his fellow-hobbits from being spoiled by corruption.

Another aspect of the quest that could serve as a point of comparison is its ending: is success necessary and what should be the meaning of a failure ? I already alluded to the difference of attitude in front of the quest to be performed between Gawain and Frodo. Gawain left the court as a daring youth (“what should man do but dare ?” SGGK, l.565) whereas Frodo felt “very small, and very uprooted, and well-desperate” (p. 76). The contrast between Gawain’s self-confidence and Frodo’s sense of doom led me to say that Frodo’s fears denoted a rather heroic mood. Any romance reader indeed knows that there must be a happy ending. Though Gawain makes a mistake, he is not beheaded by the Green Knight and he is allowed to go back – repentant – to his lord’s court in order to tell the other knights of the Round Table of his fault. Gawain’s failure is turned into a good moral lesson. The same for Lancelot: lacking virginity, he cannot reach the Grail Castle and only’ sees the object of his quest “half wakynge and slepyng” (MMAE, p.158). As a squire comments :

I dare ryght wel saye
sayed the squyer that he dwelleth in some dedely synne wherof he was never confessid (MMAE, p. 160)

Lancelot, however, does not seem to mind his limited success :

Mais voilà que le visionnaire s’estime satisfait et content de lui. (MMAE, p. 30-31)

Failures of the protagonist are thus minimized in romances in order to provide a happy ending :

& Yf I may not spede
I shall retorne ageyne as he that maye not be ageynst the wil of our
Lord Ihesu Cryste (MMAE, p. 144)

In point of fact they are even more meaningful than success would have been : a failing hero is made human, identification is made easier and the tale the more effective.

Frodo on the contrary illustrates heroic fatalism as if he knew from the very beginning that heroic tales often conclude on the death of the hero – though glorious. His failure is moreover not at all tempered by a posteriori considerations. Although his quest is successful – the Ring is destroyed – Frodo once succumbed to the power of Sauron and, without the providential intervention of Smeagol, he would have turned towards Darkness and Sauron. He says to Sam Gamgee after Gollum’s death:

But for him, Sam, I could not have destroyed the Ring. The quest would have been in vain, even at the bitter end.

In spite of the joy provided by the saving of the Shire, Frodo has changed:

One evening Sam came into the study and found his master looking very strange. He was very pale and his eyes seemed to see things far away. “What’s the matter, Mr Frodo ?” said Sam. “I am wounded”, he answered, ”wounded; it will never really heal.”

Fatality is thus the feeling that prevails in his mind. This is once more a feature that does not fit with the definition of the traditional romantic hero. As a matter of fact the further we analyse the various characteristics of Tolkien’s book, the less it is possible to classify his references: Frodo is a questing character (thus romantic) having a rather heroic mood.

Genuinely romantic and corresponding to Brewer’s theory is however the progression of his quest. Tolkien organized various “rites of passage” on his way to Orodruin: doors, gates, tunnels, bridges, crossing of waters are by nature places that imply a passage. Symbolically they are also meaningful, e.g.

La porte symbolise le lieu de passage entre deux états, entre deux mondes, entre le connu et l’inconnu, la lumière et les ténèbres, le trésor et le dénuement. La porte ouvre sur un mystère. Mais elle a une valeur  dynamique, psychologique; car non seulement elle indique un passage, mais elle invite à la franchir. (DdS, p. 779)

Be it on purpose or unconsciously Tolkien provided the Fellowship with many of these “passages”. Before leaving the Shire, the Hobbits had to cross the Brandywine river on a ferry. Crossing a river is not an image limited to Tolkien: in ancient China, the “just married” pairs had to cross the river in Spring, it meant a real crossing of the seasons, the year, from the Yin to the Yang; is was moreover a rite of purification (DdS, p. 449-450). Acheron, Phlegeton, Cocyte, Styx and Lethe are the names of the rivers of Hell, they were to be crossed by the damned souls (DdS, id.). I shall, however, not go into too far fetched interpretations of Tolkien’s rites of passage. We cannot know anyway whether he meant them as such (i.e. symbolically) or if the various crossings simply meant stages in a travel – I mean that Tolkien could have used these “steps” as devices in order to render the spatial translation necessary to a picaresque narrative (the more you cross rivers and go through gates and tunnels, the further you are from home).

Beside the symbolical use and the technical one, there is another possibility: Tolkien, impregnated with medieval literature, could have noticed the many “passages” that appear in romances and heroic tales, and simply have reproduced the pattern in The Lord of the Rings without exploring its deeper meaning. The last alternative should, however, be a kind of an insult to Tolkien’s cleverness and keen knowledge of the functioning of medieval stories, and, be it the case, I should rather consider that professor Tolkien purposely ignored the analysis proposed by psychoanalysts as Yung and others, probably because he hated excessive interpretation. It. could nevertheless be possible that the identification of Tolkien with medieval poets was nearly complete. These ancient story-tellers obviously did not know about Brewer’s analysis of symbolical tales, and, instinctively, reproduced patterns in their creations, or rather re-creations, not modifying the inner meaning of the story they tried to re-tell. The function of many medieval story-tellers actually consisted in giving to a traditional motive a version “adequate to itself and the audience” (as Brewer explains in his Symbolic Stories). Brewer writes:

While the same given story may have differing verbal realizations, each version must be regarded as adequate to itself… each version has its own validity, its own character, just as different members of the same family, though sharing similar characteristics, each have their own individuality. Each version must be judged in itself, as well as being an emanation of a general entity. (BBS)

The basic story, or let us say the basic pattern, could be compared to an apple pie, the poet being the cook who determines the portion of sugar, flour and butter according to the taste of his guests. There is indeed a basic recipe but one may use brown sugar instead of white sugar, add some cinnamon or whatever. In this sense the various crossings or passages could have appeared to the poet as necessary ingredients for a consistent and relevant tale, without revealing their archetypal meaning (since not objectivized). So much for the possible “innocence of Tolkien as a story-teller.

At the border of the Shire is also a forest. Jung interpreted the forest as the representation of the unconscious, the attitude of the protagonist in front of it determining whether he lived in harmony with his deepest self or on the contrary feared to be faced with his inner tensions. Reactions can thus be varied and the forest can be experienced as unfriendly or protective:

D’autres poètes sont plus sensibles au mystère ambivalent de la forêt, qui est génératrice â la fois d’angoisse et de sérénité, d’oppression et de sympathie, comme toutes les puissantes manifestations de la vie. (DdS, p. 455)

My point is here to mention a series of “passages” in the tale, offering diverse possible interpretations but without deciding on their validity. I am no psychoanalyst and cruelly lack the cleverness of Dr Brewer, so that, as I suggested in the introduction, my work had better be considered as a guide to various doors and windows, all of them being possible approaches to Tolkien’s work, to be opened by others than myself. The reader should feel as Alice in the hall :

There were doors all round the hall, but they were all locked; and when Alice had been all the way down one side and up the other, trying every doors, she walked sadly down the middle, wondering how she was to get out again.(LCAW, p. 27)

Yet, I shall have the lack of humility to try to direct the reader’s eyes towards the “little three-legged table, all made of solid glass” and the “tiny golden key” (id.). It would be my greatest achievement to give enough clues for the reader to discover the little door behind the low curtain. End of the digression.

It is thus necessary to mention the various forests that appear in The Lord of the Rings, each being differently experienced by Frodo. The Old Forest at the border of the Shire is a dark one, “stories” are told about it. An interesting passage is this :

“Are the stories about it true ?” asked Pippin. “I don’t know what stories you mean”, Merry answered, “If you mean the old bogey stories Fatty’s nurse used to tell him, about Goblins and Wolves and things of that sort, I should say no. At any rate I don’t believe them. But the Forest is queer. Everything in it is very much more alive, more aware of what is going on, so to speak, than things are in the Shire… But at night things can be most alarming… I thought all the trees were (LofR, p. 125)

If we take for granted Jung’s interpretation of the Forest as the unconscious, this extract strikingly illustrates the theory. Night being a period during which everything can happen, since “ratio” is at sleep or at least less powerful, it could be the reason why rthings can be most alarming” (just imagine the terror-striken self facing his darkest unconscious without the help usually provided by rationalization). “Queer things” are, if we play the psychoanalytical game, pulsions. Pulsions, in fact the contents of the unconscious, are not expressed in rational terms (one has to think of the “language” used by dream-making) but in “unintelligible language”. Brewer wrote that fairies were to be considered as standing for pulsions of the protagonist.

There is both ancient depth and a fresh inventiveness in his creation of non-human, non-animal creatures, Elves, Dwarves, Ents, Fairies, that enbody perceptions and impulses that the naturalistic novel has long since laid aside. (BLRR, p. 262)

I shall therefore leave the reader conclude by himself on the meaning of Lothlorien and its inhabitants, the Elves. We must however not skip other important episodes.

Frodo has thus left the Shire, comfortable childhood, and gone through the Old Forest, the unconscious and the pulsions that inhabit it. At the edge of this forest, the Hobbits (the Fellowship has not yet been completed with Elves, Men and Dwarves) were attacked by trees ; Frodo was almost drowned and Pippin and Merry were literally swallowed by an old willow-tree. There were rescued by Tom Bombadil – a protecting father figure – and went on their way. To have succumbed to the attacks of the forest would probably have meant alienation (total dependence on one’s pulsions). After the council of Elrond – another father-figure – the completed Fellowship went South. Noticeable is the presence of many father-figures round Frodo at the beginning of the tale : Gandalf who drives Frodo out of childhood, Tom Bombadil and Elrond who make up for Gandalf’s defection (he left the Hobbits to their lot until he met them anew at the council) and Aragorn, as we shall further see. Indeed, in the depth of the Moria, Gandalf disappeared during a fight against a Balrog. Another helpful father was needed and it is then that Aragorn reveals his true lineage and takes over the leadership of the frightened group. Before entering the Moria, however, Gandalf had once been helpful to the Hobbits. The access to the mines of Moria is shut by a locked door, a passage, but this passage is moreover invisible : no actual door is to be seen. It is indeed true that the youth does not know how to become an adult, the father-figure is necessary : he has to impose the tests and help his child to get through. Beside that any growing up youth must leave behing his various teddy-bears which were his companions throughout childhood. All this could be said to appear in this episode of the LofR. Gandalf-father leads the Fellowship in front of the West Door but

Dwarf-doors are not made to be seen uhen shutt said Gimli. They are invisible, and theyr own masters cannot find them or open them, if their secret is forgotten. (LofR, p. 321)

It is indeed true that a father must keep in mind his own maturation trials to be able to be helpful to his child. Daddy-Gandalf then pretended not to know how to go through the door :

But do not you know the uord, Gandalf? asked Boromir in surprise.
No  ! said the wizard.
The others looked dismayed, only Aragorn, who knew Gandalf well,  remained silent and unmoved. (LofR, p.324)

One feels naturally distressed at the sight of a father who cannot help. It could be very clever of a father to leave some doubt about his capacity so that the child could be led to think over his problems by himself.  Nevertheless Gandalf interrupted the suspense and pronounced the magical opening words

Annon edhellen, edro hi ammen!
Fennas nogothrim, lasto beth lammen!
No, I didn’t work!
Edro, edro!
It didn’t work either!
Mellon! (LofR, p. 324-325)

At last the door opened but it did not mean the end of the test for Frodo yet. A last kick of childhood prevented him from “passing the door”:

Out from the water a long sinuous tentacle had crawled; it was palegreen  and luminous and wet. Its fingered end had hold of Frodo’s foot, and was dragging him into the water. (LofR, p.326)

Dark water could play the same part as the forest before, giving meaning to Frodo’s comment : “I’m afraid of the pool. Don’t disturb it!” It is a split of Frodo who is however deprived of his teddybear : Sam had to leave Bill the poney behind him. Being the father, Gandalf made things clear to him :

I’m sorry, Sam, said the wizard. But when the door opens I do not think you will be able to drag your Bill inside, into the long dark of Moria. You will have to choose between Bill and your master. (LofR, p. 321)

After the episode of Lothlorien to which I already alluded and during which one of the faint mother-figures, Galadriel, appears, crossing new gates (the Gate of Argonath), the fellowship split into two groups : the heroic and the romantic one.

On the romantic side, Frodo and Sam went ont their way to the Cracks of  Doom. Other “passages” appear throughout the tale a.o. the Black Gate, the Marshes of the Dead, the Shadow Mountains, the Pass of the Spider and at last Mount Doom, the way to which, i.e. the way to the completion of the quest and hence of the maturation process, is winding and hard to climb. Each of these tests could be subject of a long analysis, be it psychoanalytical or symbolical both are connected anyway but it is not my point here. Their presence gives first of all clear evidence that Frodo’s part of the quest – as a matter of fact the only actual quest of the tale is genuinely romantic. Brewer was right there. I would like to comment only on two passages of the narrative : concerning respectively Shelob the Spider and Gollum-Smeagol as a guide. Shelob, a giant spider which bites Frodo and plunges him in a deep sleep, has a feIlow-spider that Tolkien confronted to Bilbo in There and Back Again (TBH, p. 161) :

Then the great spider, who had been busy tying him up while he dazed,  came from behind him and came at him. He could only see the thing’s eyes, but he could feel its hairy legs as it struggled to wind its abominable threads round and round him.

As for Shelob :

The bubbling hiss drew nearer, and there was a creaking as some great jointed thing that moved with slow purpose in the dark… Monstrous and abominable eyes they were, bestial and yet filled with purpose and with hideous delight, gloating over their prey trapped beyond all hope of escape… A little way ahead and to his left he saw suddenly, issuing from a black hole of shadow under the cliff, the most loathly shape that he ever beheld, horrible beyond the horror of an evil dream. (LofR, p. 744-754)

Both spiders are nevertheless overcome by the protagonist and the test is therefore completed. I mentioned these two passages because I think they constitute the best example of critical temptation. A spider that appears in a dream is interpreted as standing for physical contact, sexual promiscuity which can be feared or enjoyed. It is therefore easy to associate the function of spiders in Tolkien’s tales with that of dragons in romances : the killing of the dragon is for Brewer the victory over sexual fears. The dragonfight-feature indeed appears in various medieval tales : be it heroic (Beowulf’s victory over three worms of the hottest kind, the last being sleeping on a treasure; noticeable is also the fact that the fight takes place under a barrow) or romantic as Peredur-Percival adventure (BMC, p. 277) :

L’autre lui répondit que c’était en se battant avec Le Serpent Noir caché sous un monticule appelé Cruc Galarus, Le Tertre Douloureux. Ce serpent avait  dans la queue une pierre magique : quiconque la tenait dans une main recevait dans l’autre toutes les richesses qu’il désirait.

The pattern dragon-barrow-treasure is also present in Tolkien’s tales. Bilbo’s task is to kill Smaug, one of the greatest Urulôri (fire-dragons)  “who lays on the gathered wealth of both Erebor and Dale” inside the Lonely Mountain (TTc, p. 535-536). I only take in consideration here the presence of a dragon to be vanquished, the interlaced motives dragon-barrow-treasure offering possibilities of interpretation which are beside the point here. It is as I said tempting to consider the motive of the killing of the dragon and hence of a spider as a purely medieval one and to conclude in favour of Tolkien’s intention of using such a pattern in the medieval trend, by imitation. Reality is, however, different and demonstrates the aleatory ground of excessive critlcism:

And many months later, when Ronald was beginning to walk, he stumbled on a tarentula. It bit him, and he ran in terror across the garden until the nurse snatched him up and sucked out the poison. When he grew up he could remember a hot day and running in fear through long dead qrass, but the memory of the tarentula itself faded, and he said that the incident left him with no special dislike of spiders. Nevertheless, in his stories, he wrote more than once of monstrous spiders with venomous bites . (HCTB, p.13-14)

The second thing I would like to allude to is Gollum (Smeagol) accompanying. I have said before that Smeagol was to be considered as a “split” of Frodo, in fact his negative split pointing out the possibility of failure – hence making the evolution of the tale more thrilling. The very fact that Gollum should be the negative self of the protagonist is interestingly illustrated by their balanced strengh during the tale : during the journey through Sauron’s desolated territory there is an alternation of predominance between the two Frodo’s. GoIIum, who had been trailing Frodo and Sam, attacks them as they make ready to enter the Heart of Darkness. However, Frodo prevents Sam from killing the defeated slimy creature and this seems almost to turn back to a life of gentleness again. It is a chastened Gollum that serves as a guide to the two hobbits. But, while Frodo’s forces are declining, the ring getting heavier and heavier as they come closer to Mount Doom, Gollum’s cruelty and evil forces increase up to the final crisis. At Mount Doom Frodo is at his lowest and actually succumbs to the Power of Darkness; Gollum on the contrary is more angry than ever against the Ring-Bearer, his treasure being so closely at hand. At the climax of the contrast only, evil Smeagol commits his “unwilling” suicide and disappears in the Fires of Doom with his coveted treasure. He, as a negative Frodo, was no longer needed since the quest was completed. Self-destructive evil.

The multiple rites of passage, the completion of the quest, the unicity of the protagonist, contribute to the romance aspect of Frodo’s part of the narrative in the terms in which Brewer analyzed it. But, as opposed to that, the other members of the fellowship do not take part in a romantic quest, on the contrary, I already insisted on the fact that each member of the Fellowship had a personal existence, separate from the central protagonist, because of his belonging to a specific nation of Middle-Earth : Gimli the Dwarf, Legolas the Elve, Merry and Pippin the Hobbits, Aragorn and Boromir the Men. Boromir dies early in the tale and his death is caused by his addiction to the Ring. He could therefore be considered as a negative split but a split of Aragorn! He is thus not connected with Frodo, Brewer’s central protagonist, and, as a foil to Aragorn, he gives the latter the central role in the heroic part of the Fellowship. Indeed, Aragorn is a hero of high lineage :

Aragorn II, born in Rivendell (2931 Third Age), the only son of Gilraen the fair and Arathorn II, fifteenth Chieftain of the Dùnadain of Arnor. When his father died in battLe only two years after Aragorn’s birth, the boy in his turn became Chieftain.
His mother then took him to safety in Rivendell, where the young Dùnadain was fostered by Elrond himself. Then he bore the name Estel (“hope”) to conceal his true lineage from the emissaries of Sauron who were scouning the North for the last Heir of Isildur. On his twentieth birthday, Elrond revealed his true name and ancestry, and the ancient hopes of his House, and he gave to Aragorn the heirlooms of his Line : the Ring of Barahir, and the shards of Elendil’s sword Narsil. (TTC, p. 28)

His career does correspond to the various stages described by Sellier : born of high rineage, the hero has to undergo a phase of occultation, he then has to come back to his heroic status after having been rqcognized as a hero thanks to a token (in this case the sword of Elendil) and having done deeds establishing his worth as a hero. Aragorn is thus fully independent from Frodo since he achieves his own career. Even the two other Hobbits achieve minor heroic careers. Hobbits are not by definition made out of the “right stuff”. They are shy and cordially dislike adventures. Both Hobbits are however dubbed by two kings of Middle-Earth : Peregrin “Pippin” Took swore allegiance to the steward Denethor II and was made a guard of the Citadel for his pains, he was later “knighted by king Elessar for his services to Gondor” (TTC, p. 468-469); Meriadoc “The Magnificent” Brandibuck :

Being of aristocratic Hobbit lineage, from the start Merry was able to  express his admiration in the correct manner by formally pledging his service to the king, a gesture which greatly pleased the aged ruler, though doubtless he continued to regard the Hobbit more as a ward than a warrior. Nonetheless, Meriador of the Shire did accompany the Riders of Rohan on their epic journey to the aid of Gondor during the War of the Ring. And in the battle of Pelennor Fields he stood by Théoden after the king was attacked by the Chief Ringwraith, and he courageously strucke the Nazgûl, thus helping to bring about his downfall. For these deeds Merry won great honour and renown among the Rohirrim, uho named him Holdwine in their language and gave him rank and much esteem in their land..

In addition to that, the main characteristic of this part of the narrative, which establishes it clearly as non-romantic, is that it is based on war : the Great War of the Rings. War is never at the centre of romances and, when it appears, it remains peripherical (MMAE, p. 58) :

Thenne within two yeres kyng Uther felle seke of a grete maladye
And in the meane whyle his enemies usurped upon hym
and did a grete bataylle upon his men
and slewe many of his people
Sir said Merlyn ye may not lye so as ye doo
for ye must to the feld though ye ride on an hors lyttar
yor ye shall never have the better of your enemyes
but yf your persone bethere
and thenne shall ye have the vyctory…
And at Saynt Albons they mette
with the kynge a grete hoost of the north
And that day Syre Ulfyus and Syr Bracias dyd grete dedes of armes
and kyng Uthers men overcome the northern bataylle and slewe many peple
& putt the remenaunt to flight

(This extract being the longest evocation of war in the Morte d’Arthur). It is however logical that it should be so, romances being centered on individual achievement. War is by essence a wider phenomenon implying a whole society or a whole tribe. It is precisely what appears in The Lord of the Rings : Theoden King, Denethor, Faramir, Aragorn, Eowyn, Legolas and Gimli, Gandalf, Merry and Pippin, the Balrog, are all actors in the Great war of the Ring. Large armies are confronted : Orcs, Dwargs, Balrogs and others on the side of Sauron and the Elves, the Dwarves, the Hobbits, the Riders of Rohan, the Ents, even the army of the Deads are on the side of the Free Peoples. Battles follow battles up to the final victory thanks to Aragorn intervention by sea. There is indeed no room enough in the solipsistic romances, hence in the protagonist’s mind, for so many people and events at the same time!

The last aspect I would have liked to discuss briefly in this chapter is death  in The Lord of the Rings. There are in fact two kinds of deaths in Tolkien’s creation, and these two deaths naturally reflect the two kinds of heroes I analysed : heroic and romantic. The heroic warrior was aware of death as the end of his physical life, his reputation as a courageous soldier being the warrant of his immortality. It is consequently natural that his body should be destroyed, mainly on a funeral pyre. In LofR Denethor, ruling Steward of Gondor, tragically dies on the pyre he has prepared for his son and himself :

Swiftly he snatched a torch from the hand of one and sprang back into the house. Before Gandalf could hinder him he thrust the brand amid the fuel, and at once it crackled and roared into flame.
Then Denethor leaped upon the table, and standing there wreathed in fire and smoke he took up the staff of his stewardship that lay at his feet and broke it on his knee.
Casting the pieces into the blaze he bowed and laid himself on the table, clasping the Palantir with both hands upon his breast. (LofR, p. 888)

Similarly Beowulf’s body is burned on a “peerless pyre” (OAEL, p. 97, l. 2935-2945) :

The geat folk fashioned a peerless pyre
Hung round with helmets and battle-boards,
With gleaming byrnies as Beowulf bade.
In sorrow of soul they laid on the pyre
Theyr, mighty leader, their well-loved lord.
The warriors kindled the bale on the barrows
Wakened the greatest of funeral fires.
Dark o’er the blaze the wood-smoke mounted;
The winds were still, and the sound of weeping
Rose with the roar of the surging flame
Till the heat of the fire had broken the body.

The body of romantic protagonists – when their death is mentioned in the tale – have on the contrary to be kept unspoiled since their death has not the absolute meaning of the heroic one. Death means in romances the access to “true life”, in the “other world”, paradise. Plunging its roots into the Celtic mythology, the romantic “other world” is located overseas (BMC, p. 12-13) :

Mais l’Autre Monde est également situé de l’autre côté de l’océan, dans une île paradisiaque où il n’y a ni mort, ni souffrance, ni mal, où tout est beau et pur. Elle porte, dans la tradition gaélique, les noms de Tir nam-Og, la Terre des Jeunes, Tir nam-Blo, la Terre des Vivants, Mag Meld, la Plaine du Plaisir, Tir Tairngire, la Terre du Bonheur, Mag Mor, La Grande Plaine, Tirr aill, L’Autre Monde, ou encore Tir na m-Ban, La Terre des Femmes. Pour les Bretons, c’est l’Île d’Avalon, l’Île des Pommes (la pomme a toujours été le symbole de la connaissance). De toute façon, cette île habitée par les fées est le pays du bonheur sans mélange, de l’amour, des jeux.

The similarity between Malory’s “auylyon” and Tolkien’s Grey Havens is striking : both are oversea and both are the final dwelling-place, the destination of the Last Journey. Dying Arthur comforts Bedwere in these terms :

For I wyl into the vale of auylon to hele
me of my grevous wounde
And if thou here never more of me praye for my soule
but ever the quenes and ladyes wepte and shrycked that hit was pyte to here
And as sone as syr Bedwere had loste the syghte of the baarge he wepte and uaylled and so took the foreste (MMAE, p. 232)

At the end of the LofR all the characters that do not belong to the New Age of Middle-Earth leave on a white ship to the Grey Havens (LofR, p. 1068-1069) :

and the sails were drawn up, and the wind blew, and slowly the ship slipped away down the long grey firth; and the lïght of the glass of Galadriel that Frodo bore glimmered and was lost. And the ship went out into the High Sea and passed on into the West, until at last on a night of rain Frodo smelled a sweet fragrance on the air, and heard the song of singing that came over the water. And then it seemed to him that as in his dream in the house of Tom Bombadil, the grey rain-curtain turned all to silver glass and was rolled back, and he beheld white shores and beyond them a far green country under a swift sunrise.

Such a soft, progressive death (one thinks of the second movement of Schubert’s string quintett for two cellos) leaves in the mind of the reader a whole picture of the heroes, and one could easily believe Malory when he writes (MMAE, p.232) :

Yet somme men say in many partyes of England that king Arthur is not  deed
But had by the wylle of our Lord Ihesu into another place
and men say that he shal comme ageyn & shal wynne the holy crosse. I wyl  not say that it shal be so
but rather I wyl say that there is wryton upon his tombe this vers
Hic iacet Arthurus Rexquondam Rexque futurus

The conclusion of this chapter can but be the same as elsewhere in this study : no strict or scientific decision can be made about the romance likeness of LofR. Though Frodo’s quest corroborates Brewer’s hypothesis, other elements in the tale – and not the least ones – make it impossible to adhere completely to his views. It is indeed true that Frodo is confronted with various rites of passage, many of which have a clear psychoanalytical or symbolical explanation. The ultimate ending of Frodo’s quest moreover confirrns, by similarity with genuine romances, what Brewer considered as obvious : the state of the hero’s body being taken as a criterium, Frodo goes unspoiled to the “other world” as Arthur did before. But the many other characters that achieve personal careers prevent the extension of the romantic aspect to the totality of the tale, giving evidence of the multiplicity of independent protagonists. Each of these characters sharing heroic and romantic characteristics, one can not assess that LofR is a heroic tale either. There is more to Tolkien’s creation than a mere romance, there is a blend – a refined one – of the whole Middle-Aqes.


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[INFOS QUALITE] statut : en constructon | mode d’édition : rédaction et iconographie | sources : mémoire de fin d’études ULg | auteur : Patrick Thonart | crédits illustrations : en-tête, un dessin de Tokien © 2004 Royal Mail.


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The Lord of the Rings as
more than a Romance

The Lord of the Rings is not a romance ! It seems almost scandalous to make such a declaration after having read the captivating pieces of criticism written by Derek S. Brewer in Symbolic Stories and the Lord of the Rings as a Romance (BSSBLRR). It is not less daring to open a chapter with what could be considered as an accusation of critical incapacity. It is in fact not at all the case here and these two opening sentences are written without any vindictiveness – I have not the least chance to compete with Mr Brewer’s deep knowledge of the romantic matter and I therefore only propose a small adjustment of one of his analyses. He was moreover clever enough no to lay his work open to sharp criticism and this thanks to one letter ! The title The Lord of the Rings as a romance involves a mere approach of Tolkien’s tale in comparison with romantic literature and its characteristics whereas a title as The Lord of the Rings is a romance would have implied a firm statement leaving no place for doubts or nuances. Dr Brewer was not that naïve, he was self-disciplined enough -though one is delighted with the enthusiasm underlying his analysis of Symbolic Stories – to dodge the problem. What is less prudent is his comment in the epilogue of Symbolic Stories :

The Lord of the Rings is a romance of adolescence.

He wrote it ! It is the result, he writes, of his “analysis of the fundamental structure” of the book (p. 190). These ten words filled me with ease not because a polemical text is always easier to write than a quiet, common-sensed piece of criticism, but simply because it offered me a starting-point for the difficult discussion of Tolkien’s story. The help provided by Dr Brewer’s writings was naturally not limited to a counterpoint in an intricate controversy. His unorthodox approach to symbolic stories remains in my opinion an innovation which has in it  all the germs of the orthodoxy to come in matters of “non-realistic” stories. I shall try to discuss it further in this chapter.

Before commenting on Brewer’s modern – I insist – on “modern” – approach to romance I have first to write some words on tradition. The definition given by the Longman Dictionary of Contemporary English gives some clues to a complete view of what romance is (p. 963) :

A story of love, adventure, strange happenings, etc., often set in a distant time or place, whose events are happier or grander or more exciting than those of real life.

As to the Random House Dictionary of the English Language, it says (p. 1242):

1. A narrative depicting heroic or marvelous achievements, colorful events or scenes, chivalrous devotion, unusual or even supernatural experiences, or other matters of a kind to appeal to the imagination.
2. A medieval narrative, originally in verse, in some romance dialect treating of heroic personages or events : the Arthurían Romances.

These definitions are general enough to satisfy everybody. In the Concise Cambridge History of English Literature, George Sampson adds that romances are often anonymous and he explains that there is a difference between  heroic and romantic, a shift in matter which he ascribes to the change of audience. The growing female audience allowed the introduction of courtly love and – one must also consider the systematic christianization of late medieval literature – the Virgin cult (p. 33). From poems on the sanguinary deeds of courageous warriors recited in the hall, the medieval literary taste turned to a more ornamental description of courteous knights fighting in the name of fair ladies. Romances mark thus the beginning of an increasing interest for women in English literature. It is also commonly accepted that romances must have happy endings. The discussion of romances moreover implies the use of the sempiternally quoted lines of Jehan Bodel :

Ne sont que iii matíères à nul home antandant,
De France et de Bretaígne et de Rome la Grant.

To the matters of France (a.o. Carolingian romances), of Britain (mainly the Arthurian cycle) and of Romes (a.o.Lydgate‘s Troy Book and Chaucer’s tale of Palamon and Arcite told by the knight), must be added the so-called matter of England (King Horn, Havelock the Dane) and Oriental tales (Floris and Blancheflour, Barlaam and Josaphat).

Concerning the remoteness of the romantic world Sampson gives an interesting comment :

They describe a utopian society in which everything appears to be anybody’s and in which there is no consciousness of patriotism or nationalism, but only a sense of Universal Christendom at war with the powers of darkness.

I fully agree with Sampson’s “no consciousness of patriotism or nationalism” since it constitutes the central difference between heroic and romantic literature. Heroic tales are, if not national, at least tribal. Beowulf faces Grendel alone but he represents his nation. He dies as a hero but also as a king, his lot being thus associated with the future of his people. This is made clear in the poem in line 2742 and seq. :

Now comes peril of war when this news is rumoured abroad,
The fall of our king known afar among Frisians and Franks !
For a fierce feud rose the Franks when Hygelac’s warlike host
Invaded the Frisian fields, and the Hetware vanquished the Geats,
Overcame with the weight of their hordes, and Hygelac fell in the fray… (OAEL)

Gawain’s failure on the contrary has no implication on the destiny of a nation the name of which we do not even know. My point is thus that the  career of a central character in a romance is individual – Mr Brewer cannot but agree with this – as opposed to earlier texts in which the hero’s deeds matter for the community rather tan for the central protagonist himself. The last thing I have to write about the traditional attitude towards romantic tales is my sincere astonishment in front of opinions such as Mr Sampson’s (SCHL, p. 39) – opinions which, sadly enough are widespread in the scholarly world – :

There is no need to catalogue the shortcomings of the old stories. People in all ages are easily amused. It is not for the consumer of crime-novels, thriller-films or television serials to cast stones at the medieval romances.

The parallelism drawn between romances and what Sampson obviously considers as degenerated kinds of cultural manifestations is at least pejorative and moreover symptomatic of the deep contempt in which unrealistic tales were and are still held.

The existence of such a segregation is explained by Brewer. It is the result, he says, of an evolution that took its roots in the Renaissance and the humanist thinking, went on in the scientific revolution of the seventeenth century up to our industrial civilisation. The increasing materialism in occidental thought led to a progressive rejection of what was not true-to-life in literature. The epitome of this attitude is illustrated in the late nineteenth century naturalism. Brewer opposes the novel to the romances. Novels present the relationship between man and society in a plausible way which allows psychological analysis. Romances on the contrary take no consideration of social reality and moreover are written in an hyperbolic style and variable tone that used to cause heart-attacks to all naturalists. What could be then the value of those tales that do no observe a strict “mimesis” of surface events ? It is precisely Brewer’s point to explain that there are two levels in a story. The surface (or objective) course { of the tale can either be true-to-life as in a novel or “apparently not reflecting reality” as in romances (BSS). These surface events are anyway determined by “inner” events or “deeper” events or meanings :

All stories are, further, in some way symbolic, in that they are examples or illustrations, at a level “below” the surface, of something of what we feel about human experience. (BSS).

The difference he establishes between surface meaning and fundamental meaning is therefore important. Whereas the plot and the characterization of a novel depends on objective reality, the so-called “unrealistic” tales reflect deeper realities, in some way archetypal ones. Their apparent inconsistency is in fact the expression of the fundamental meaning according to which they are built.

Fantasy-thinking seems to be irrational, but it is concerned with the reality of feelings and their conflicts, and with the reality of our need to both celebrate our feelings and resolve our conflicts.

This is quoted from Anne Wilson‘s Traditional. Romance and Tale : How stories mean (WTRT, p. 52) (9). She treats the unrealistic tales in the same manner as Brewer but at another level : while Brewer tries to establish the meaning of various symbolic stories, Wilson concentrates on “how they mean” i.e. the treatment that the primeval meaning of a story has to undergo in order to become a consistent tale, ready for the immortal life that traditional stories seem to have.

Neither Chaucer nor Shakespeare ever invented a plot, and even if Boccacio  occasionally did so, he put it together out of entirely familiar elements. (BSS, p. 3)

Any romance reader who wants to discover the meaning of a tale has thus to face two things :

In the traditional tale we must therefore distinguish between the verbal realization of the story and its pre- or non-verbal existence as “shape”, “pattern”, “structure” (all such expressions being inevitably metaphorical).
(BSS, p. 3)

These two aspects of the tale are thus its text-form, i.e. what we read, and its fundamental meaning. A comparison that could help to make things clearer is the dream. It is now commonly accepted that dreams are meaningful in the sense that their latent content expresses unconscious tensions. Those contents are treated by the dreamer so as to become “acceptable” by his consciousness; the result of this treatment is called the manifest content. One of the processes used by the mind of the dreamer is rationalization i.e. the a posteriori objective explanation of facts primarily exclusively meaningful on a subjective level. If we equate the fundamental meaning of a tale with the latent content of a dream and the surface meaning of the one with the manifest content of the other, we also realize that rationalization has the same importance in both story and dream (parenthesis mine) :

(fantasy-thinking) is also concerned with the reality of our need to defend ourselves against a conscious realization of what we are feeling and doing as we create stories. (WHSM, p. 52)

A good example of rationalization is the sudden identification of a character which has been a mere “function” throughout the tale. In Sir Gawain and the Green Knight the Green Knight who served as temptator-confessor is named at the very end :

”Truly”, the other told him, “I shall tell you my title.
Bertilak of the High Desert I’am called here in this land.
Through the might of Morgan the Fay who remains in my house,
… She sent me forth in this form to your famous hall,
To put to the proof the great pride of the house,
The reputation for high renown of the Round Table (SGGK)

As a result of Brewer’s and Wilson’s comments on the matter, one may conclude that rationalization can be useful to the story-teller in two ways. On the one hand as an adaptation of the tale to the audience and on the other hand to render in understandable terms latent pulsions which give the tale its fundamental meaning. In addition to that, it can be useful to the critic who faces divergences in various tales at the bottom of which he guesses a unique “pattern”.

A further step in his study is the realization of the identity between narrator, reader and protagonist. Anne Wilson, for example, introduces her essay as follow :

This book suggests that if the story-telling experience is one of creation and recreation on the part of the story-teller and his audience, and if the identification with the protagonist of the story does take place, then the story-teller, the audience and the protagonist should be seen as united. The approach argues that each story should be viewed as its protagonist’s creation. (WTRT)

Brewer goes even further once he has established the meaningfulness of these symbolic stories :

No character, with the possible partial exception of the protagonist, has an autonomous inner life, a self-motivated independent existence of his or her own. This is an exceedingly important point, the corollary of the fundamental principle that the whole story is told from the point-of-view of the protagonist. (BSS)

The protagonist’s experience dealt with in the tale in thus common to the narrator and the reader as human beings. The next step in Brewer’s approach is that, since growing-up is the most frequent an unavoidable experience in human life, many symbolic stories and, in particular, many romances are tales of maturation rather of maturity. Philippe Sellier (SMH) explains in his Mythe du Héros what he considers as the typical heroic career : an alternation of symbolical births and deaths up to the final heroic status. A hero must be of noble descent, undergo a phase of “occultation” (e.g. Romulus and Remus and their mother-wolf), then be confronted with various “épreuves” or “rites de passage” (often against gigantic or multiple beings : hydras, giants or armies) in order to be “recognized” and restored in a due status. What Sellier announces as the basic career of a hero is reduced in Brewer’s study, to a more analyzable pattern : growing-up with the family drama as background. Many romances give the symbolic account, according to Brewer, of the Various “rites of passage” faced by the protagonist. From untried youth to adulthood, it depicts the emerging of the hero from the rule of the parents to the establishment of his self in relation with his beloved or “peer” and society. The various characters of such a story can therefore be reduced to a set of basic functions :

  • parent-figures at first protective an then restrictive, to be escaped;
  • peer-figures, the beloved to be conquered;
  • sibling-figures, i.e. brothers and sisters mainly helpful;
  • splits of the central protagonist, a.o. the negative split, the dark equivalent of the hero which appears to illustrate the possibility of failure.

The sex of the protagonist is also determinative to the ingredients of the plot: be it a young man, he has to leave home and go on a quest, facing terrible father-figures (ogres, giants, bears…) and friendly mother-figures, the rule being that characters on the same sex are mainly unfriendly. A young girl will be ill-treated at home by a negative mother-figure (cfr. Cinderella, Snow-White), driven out and finally “recognized” by her peer whom she will marry. The psychoanalytic Oedipus triangle is consequently at the centre of the story save the appearance of the peer which constitutes the necessary happy conclusion:

To put the matter with crude brevity: what the male protagonist has to do is kill his father, dodge his mother and win his girl. The female protagonist has to dodge her father and if not kill at any rate pretty severely neutralize her mother and make it possible to her man to get her. Achievement of the peer signals success – the breaking out of the family triangle, in which the protagonist is always inferior, into the freedom of adult responsibility and equal stable relationship with another person. Usually reconciliation with parent-figures is also achieved. (BBS, p. 9).

What is of importance in Brewer’s analysis is that

While the protagonist is the central leading figure, to whom all other figures must be related, these other figures are aspects of the protagonist, so that the totality of all the characters and actions adds up to as it were a total protagonist, the whole mind of the tale, just as, in a dream, everyone in it is part of the whole mind of the dreamer even if they represent real persons in waking life. (BSS, p. 24)

The obvious corollary to this which Brewer also explains is that nothing can happen outside the mind of the total protagonist, meaning by this that any action in which the central protagonist does not actually or virtually take part has to be at least in direct connection if not with him, with his maturation career. Any element of a tale, once established as being external to the central maturation process, should then constitute an evidence of the “non-romanticism” of the story (since we concentrate on romances as defined by Brewer).

I shall now try to sum up the various characteristics of romances that have been exposed so far. Romances are at face value unrealistic and unconnected with objective reality. The “plot” of a romance is centered on an individual evolution, often the growing-up of the central protagonist. Hence the possible identification between the protagonist, the author (creator or re-creator of archetypal motives) and the reader. In addition to the fact that romances are not national, their elements can on the contrary be reduced to various “functions” corresponding to the components of the family drama. Any element being external to that central pattern should be thus considered as non-romantic.

My purpose in this chapter was to demonstrate that Dr Brewer had gone a little too far when he affirmed that The Lord of the Rings was a romance of maturity. I shall naturally no pledge my word that he was completely mistaken. I shall rather try to examine what led him to that conclusion and what determined me to take if not the opposite view, at least a more nuanced one.

No one could deny that a quest is at the centre of The Lord of the Rings: the destruction of the One Ring. A quest-stucture implies very often a journey through various “countries” and makes easier the introduction in the tale of encounters and perils to be experienced by the protagonist(s). This aspect constitutes naturally the recommended structure for a romance (the interpretation of various rites of passage will be approached in the chapter devoted to the quest). Quests, as Brewer explains, can be of two kinds : they are either determined before the coming to awareness of the protagonist (cfr. Sir Degarre and King Horn) or, later, when the hero decides to go on a quest in full consciousness of the consequences (cfr. SGGK). It is the second option which has been chosen by Tolkien : Gandalf “proposes” the quest to Frodo who is already in his fifties:

There is only one way: to find the Cracks of Doom in the depths of Orodruin, the Fire-Mountain, and cast the ring in there, if you really wish to destroy it, to put it beyond the grasp of the Enemy for ever. (p. 74)

After having hesitated the “young” hobbit decides to leave:

Of course, I have sometimes thought of going away, but I imagined that as a kind of holiday, a series of adventures like Bilbo’s or better, ending in peace. But this would mean exile, a flight from danger into danger, drawing it after me and I suppose I must go alone, if I am to do that and save the Shire. (p. 76)

One realizes easily that this “reversed“ quest – he has to destroy the Ring, not to discover it – has nothing appealing in it. Frodo’s decision seems moreover to be more the acceptance of one’s destiny as Gandalf tells Frodo:

But you have been chosen, and you must therefore use such strength and heart and wits as you have. (p. 75)

There we are ! This last sentence is typically father-like. Gandalf, in Brewer’s eyes, is thus the father-figure that forces the adolescent out of his childish world (the Shire) to a world where nowhere is safe. Brewer is right : the Shire with its round doors and windows, quiet summer evenings, its almost fœtal comfort, can be interpreted as the re-creation of the warm environment of our first age. Hobbits are besides halflings, child-sized. Frodo and his environment are thus a perfect starting-point for a maturation process. It is all the more evident when one thinks of Bilbo, Frodo’s uncle (nepotism !), who also left the Shire on a quest and also achieved individual existence in front of society by killing Smaug (a dragon) and left the Shire to live in Rivendell, a symbolically adult area of Middle-Earth. If Frodo’s motivation for leaving is not exactly the same as Gawain’s:

We should also not neglect the fact that his departure may be no more – and no less – than the last kick of male restlessness before being tied down to domesticity and what Hemingway in A Farewell to Arms calls the “biological trap”. (BSS, p. 70)

it could be at least

a mysterious latent feeling of “work” so far not done, of destiny to be achieved, of identity to be fixed, before the protagonist can settle with a wife. (BSS, p. 70)

Ay, there is the rub” says Hamlet, Frodo does not settle with any peer ! Once more Brewer has a do-it-yourself explanation to that : the achievement of the peer is in this story reserved to a split of protagonist. It is indeed true that Tolkien provided Frodo with splits as it is common in romance-writing. Sam Gamgee who leaves the Shire with Frodo and accompanies him to the Cracks of Doom, Settles in Bag-End at the end of the story and marries Rosie, his “peer”. The other two hobbits, Merry Brandybuck and Pippin Took, obviously to be considered as splits and “siblings“, also achieve minor individualizations. Their becoming adult is moreover materialized in the fact that they get physically taller after having drunk magical water among the Ents. Another split is Gollum or Smeagol, a negative split, it illustrates, as I have mentioned before, the possibility of failure of Frodo’s quest and his end gives evidence of Tolkien’s opinion on the self-destructive power of Evil. Professor Tolkien also introduced fairies in his tales. Brewer interprets them as reflecting upon the various pulsions present in the protagonist (it would take another hundred pages to explore the function of each fairy, so that I prefer to take this for granted).

One could easily draw a parallelism between Frodo and Sir Gawain, a typical romance hero. Both protagoniste fail : Gawain hides the green girdle from the Green Knight and Frodo is overcome by the power of the Ring at the very moment when he has the possibility to destroy it :

“I have come”, he said, “But I do not choose now to do what l came to do. I will not do this deed. The Ring is mine ! (p. 981)

But, since “all’s well that ends well” in romances, both tales have happy endings (I shall nuance this further as for The Lord of the Rings): Gawain is given the occasion of repenting and Frodo is thwarted in his decision by the providential self-destruction of Smeagol. Another characteristic shared by both heroes in their loneliness. Gawain is left with “no man but God to talk to” and Frodo, though Sam’s assistance never fails, is morally alone:

Self-sacrifice is most poignant when it is entirely solitary; when apparently no one can ever know of the lonely painful deed that has been ungladly volunteered, and that has apparently been of no avail. This solitary heroism is Frodo’s, and the more convincing is that Tolkien does not totally isolate him physically since Sam remains with him for various purposes of the narrative. (BLRR, p. 257)

Their chastity is also to be compared :

First, chastity is for him (Gawain) a supreme virtue, and was generally taken as such in the culture of the time, even for men. The great examples of the importance of male chastity in Arthurian Literature are the romances about Galahad and Percival. Lancelot failed to achieve the Grail because of his unchastity with Guinevere. (BSS, p. 76)

A possible reason for giving such importance to virginity could be that:

The Virgin Mother makes, in this poem, no such outrageous demand. By demanding chastity she begins to break the carnal natural bond exerted by the other aspects of the mother-image, making it possible to use energy in other ways. (BSS, p. 86)

The chastity observed by Frodo is however not tested as that of Gawain. While his story is a “story of innocence tested and virtue successful” in which Gawain achieves the “highest form of mature self-realization for a man” (i.e. not succumbing to a possible peer), chastity is not the central theme in The Lord of the Rings; Frodo is not tempted by sex but by power.

I have explored so far why The Lord of the Rings could have been considered a romance. It is now time to turn to the other possibility : why the book is not a romance. Although, as I wrote it, many things are comparable between Gawain’s and Frodo’s careers, differences are also to be mentioned. A capital one is the type of fear inspired by their possible end:

Said Gawain, gay of cheer,
‘Wether fate be foul or faire,
Why falter I or fear ?
What should man do but dare ? (SGGK, l. 562-565)

It seems that Gawain begins to actually experience some tremors of fear only after the second temptation, exerted on him by his guide to the Green Chapel. He nevertheless keeps a noble attitude in front of the danger to come :

“By God”, said Gawain, “I swear
I will not weep or groan:
Being given to God’s good care,
My trust in him shall be shown”. (SGGK, l. 2156-2159)

Frodo on the contrary seems to be marked from the very beginning of his quest by a strong sense of the “Wyrd“, the inexorable lot he is doomed to:

“But I feel very small, and very uprooted, and well-desperate. The enemy is so strong and terrible.” (p. 76)

Though this attitude (confessing one’s weakness) is strictly modern – a heroic warrior would have dishonoured his name by doing so – the sense of Doom can be said to be more heroic than romantic. In the structure of the tale itself, the Saruman-postlude (he has modernized and industrialized the Shire during Frodo’s absence, establishing a totalitarian regime) is not evidently romantic. The traditional romantic happy ending is in fact temperated by the mitigated conclusion invented by Tolkien. I concentrated on Gandalf as a father-figure, but other characters could be considered as father-like : Bilbo, Saruman (a negative Gandalf), Elrond, Treebeard, the King of the Golden Hall, Celeborn and, why not Aragorn. In spite of the profusion of fathers, positive and negative ones, the mother-figures are rare. The almost complete absence of women in Tolkien’s tales is striking and there might be a clear explanation to that. Young Tolkien probably did not entertain feminine conversations in the trenches and moreover – war being only part of his experience, though prominent:

At the age when young men were discovering the charms of female company he was endeavouring to forget them… All the pleasures and discoveries of the next three years… were to be shared not with Edith but with others of his sex, so that he came to associate male company with much that was good in life. (HCTB, p. 45)

The two faint mother-figures in the tale are totally positive: Goldberry is a “water-sprite of the Old Forest, the bride of Tom Bombadil and daughter of the ‘River Woman of Withywindle’ (TTQ, p. 25). She welcomes the Company in Bombadil’s house, offering a good supper. Galadriel, the Bearer of Nenya, one of the Three Elven-Rings, shows Frodo the Eye in a fountain (insight into his quest ?). The two beneficent women in the tale could as well reflect the two women that Tolkien loved in his life : his mother and his wife, Edith Bratt. Since we are dealing with sentimental roots it is natural to say a word on the Hobbit’s attachment to the Shire. I have quoted Sampson in the beginning of this chapter. He said that there was “no consciousness of patriotism or nationalism, but only a deep sense of universal christendom at war with the powers of darkness” (SCHL, p. 39). Gawain accepts to have his head cut off as an individual. Brewer insists repeatedly that romances should be viewed as a progressive achievement of the protagonist as individual. Though Gawain belongs to the Knights of the Round Table, he leaves on his own for a personal quest in which he will be tempted personally. Although the Round Table appears at the beginning of the romance as a childish world i.e. from which Gawain has to depart (being in that similar to the Shire), the next time it is mentioned is only at the end during the rationalizing explanation of Bertilak. In the Morte d’Arthur, no mention is made either of a country to protect, of a flag to be kept flying. It is on the contrary necessary for the symbolical purpose of a romance to be, as Sampson explains, remote in place and time. As opposed to that, each character in The Lord of the Rings belongs to a nation, be it the Shire, Lothlorien, Rohan, Gondor or any other place of Middle-Earth. Frodo decides to go and destroy the “Peril of the World” in order to “save the Shire”. He and Sam very often remember their valley on the way to Orodruin. Legolas “Green Leaf”, an elf, fights in the name of Mirkwood (or forest of Taur e-Ndaedelos), and Gimli “is enrolled in the fellowship of the Ring, to represent his kinfolk in the entreprise” (TTC, p. 245). The more evident nationalistic aspect of the book is naturally embodied by Aragorn:

To re-establish the ancient kingship of both Gondor and Armor was Aragorn’s sworn duty, and his one great hope. (TTC, p. 28)

Each member of the company’ belongs to somewhere. Tyler writes:

This fellowshíp was to represent each of the Free Peoples – Hobbíts, Men, Dwarves and Elves. (TTQ, p. 331)

Each character is thus individualized in the tale through his “nationality”. Since Tolkien wanted us to adhere completely to his story (the so-called “unwilling suspension of disbelief” which I shall explain in a further chapter), we cannot consider the tale as “remote”, without “place” or “time” reference. The nationalist or patriotic connotations are irreconcilable with the given definition of the romance and The Lord of the Rings is therefore not to be considered as a romance, at least an orthodox one. These “nations” represented in the fellowship are closer to the Heroic conceptions. Each character in Beowulf is referred to as belonging to a country or a tribe (Beowulf, lord of the Geats, etc.). The nationalist tendency is epitomized in the late heroic poetry (The Battle of Maldon, The Battle of Brunanburgh). The patriotic coloration derives probably from the fact that heroic poetry was at the time para-historical, that is was rooted in historical material. What a mastery of story-telling-Tolkien has developed since the only roots of the complete mythology and history he created are to be sought in his imagination. Moreover the “Free People” rings a bell: during WWI Tolkien must have experienced the comradship which inspired him the Fellowship and the “Free People” could as well resound as the “Allies” of both wars.

This is thus one point that prevented me from completely adhering to Brewer’s view on The Lord of the Rings. The second one and not the least, is Brewer’s insistance on the singleness on the protagonist, which is however logical in his interpretation of romance as TALE = PROTAGONIST = AUTHOR = READER. I have already alluded to the fact that other characters than Frodo are individualized through their nationality, I shall now devote the end of this chapter to the multiplicity of questing characters (the double quest-aspect will be dealt with in the next chapter). Brewer writes about Gawain:

Because of our identification with him, we see the other characters entirely in their relation to him, and never to each other. He is present in every scene, and all the scenes have effectively only two characters, Gawain and another. (BSS, p. 83)

I already quoted him when he affirmed that

no other character, …, has an autonomous inner life, a self-motivated independant existence of his or her own. (BSS, p. 23)

There is precisely the problem. If we concentrate on Frodo, the romance-pattern described by Brewer is observed but there are in the book other characters questing and – since these could have been considered as splits of Frodo as is the case with the other hobbits and Smeagol – these other characters achieve their own quest. The most striking example beside Gandalf the Grey (who after a first death reappears as Gandalf the White – death as rite of purification ?), is Aragorn.

It will be explained in details in the chapter devoted to the characterization how Strider is a typically heroic character, it is sufficient here to mention that, though of high lineage, he has undergone a period of occultation after which he has been restored in his heroic status (cfr. the “Sword Reforged”) to finally settle with his peer, Arwen Undómiel, as king of both Arnor and Gondor. Aragorn achieves thus the complete heroic career and this independently from Frodo. The structure of the double quest itself (the heroic one, Aragorn and the major part of the Fellowship, on the one side and the romantic one, Frodo and Sam, on the other) prevents the unicity advocated by Brewer. A good third of the book contains events happening outside the reach of Frodo and moreover unconnected with his personal quest.

These two major counter-arguments – I do not develop here the war-ending which is also typically heroic – allow me to conclude in favour of the non-romantic aspect of The Lord of the Rings or rather : it is not only a romance. The part of the narration devoted to Frodo fits with the analysis of Dr Brewer but the author of The Lord of the Rings as a romance has lost sight of the rest of the narrative in which the romance-likeness is not at all verified ! I once more want to insist on my profound admiration and indebtness to Mr Brewers approach to symbolic stories. My purpose was only to suggest that he probably recognized a pattern in Tolkien’s work which was in his eyes typical of romances i.e. the maturation theme and that he enthusiastically concluded in favour of what I hope I have demonstrated as excessive. It is not because an ape wears a bowl-hat that he is an Englishman.


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Game n°1: which one doesn’t belong

(t)weode
gifena in dys ginnan gr(un)de Heo d*aer d*a gearwe fu(n)de
mundbyr(d) aet d*am maeran theodne, tha heo ahte maeste thearfe
hyldo thaes hehstan Deman, thaet he hie wid* thaes hehstan brogan gefridode, frymda waldend. (JUDI)

Ich was in one sumere dale;
In one suthe dizele hale
Iherde ich holde grete tale
An hule and one niztingale. (OWNI)

Lo, we have listened to many a lay
Of the Spear-Danes fame, their splendor of old
Their mighty princes and martial deeds! (OAEL)

One summer season, when the sun was warm, I rigged myself out in shaggy woollen clothes, as if I were a shepherd, and in the garb of an easy-living hermit I set out to roam far and wide through the world, hoping to hear of marvels. (WLPP)

The siege and the assault being ceased at Troy,
The battlements broken down and burnt to brand and ashes,
The treacherous trickster whose treasons there flourished
Was famed for his falsehood, the foulest on earth. (SGGK)

… was broken
He bade a warrior Abandon his horse
And hurry forward, to join the fighters,
Take thought to his hands and a stout heart. (OAEL)

No sculon herigean heofonrices weard,
metodes meahte and his modge thanc,
weorc wuldorfaeder, swa he wundra gehwaes,
ece drihten, or onstealde. (OAEL)

Once in a hole in the ground there lived a hobbit. (TBH)

Game n°2: which one doesn’t belong

The mice have returned, he said.
The elder said nothing, Watt wondered if he had heard.
Nine dampers remain, said the younger, and an equal number of hammers. (OAEL)

Jimmy : Why do I do this every Sunday ? Even the book reviews
seem to be the same as last week’s. Different books – same
reviews. Have you finished that one yet ? (OLBA)

April is the cruelest month, breeding
Lilacs out of the dead land, mixing
Memory and desire, stirring
Dull roots with Spring rain. (ELWL)

I have walked by stalls in the market-place where books,
dog-eared and faded from their purple, have burst with a white
hosanna. (WGFF)

riverrun, past Eve and Adam’s, from swerve to shore to bend
of bay, brings us by a commodius vicus of recirculation back
to Howth Castle and Environs. (JJFW)

Once in a hole in the ground there lived a hobbit. (TBH)

Illustration by Tolkien : ” Once in a hole…” (c) 2004 Royal Mail

The answers are in both game I and game 2 the last extract : the first sentence of The Hobbit (TBH, first published in 1937) that J.R.R. Tolkien once wrote on a blank leaf, as the legend recalls (HCTB, p. 177). In game I, I have chosen a series of medieval extracts mixing heroic and romantic literature. Being a twentieth century writer, Tolkien was naturally to be considered as an intruder among the Beowulf-poet, Caedmon and Nicholas of Guildford [author of The Owl and the Nightingale ?]; the subject of this study being, however, precisely to compare Tolkien’s works with medieval
literature, as one will read further. In game 2, contemporary extracts were neighboring the innocent sentence of the Oxford professor. It will appear to any reader of Tolkien that the author of The Lord of the Rings is not an “angry young man” (be it only because of his age, he was 58 in 1950) as Osborne nor an experimental poet as Eliot. Tolkien could not be compared either with modernists as intellectual Joyce or post-modernists as moral Golding. Finally, the absurd is not exploited by him and his treatment of language is no doubt completely different from Beckett‘s. Where is then outsider Tolkien to be classified – since classification seems to be the first preoccupation of many critics in front of originality ?

Avant de quitter le roman historique, il est deux écrivains dont nous voulons dire quelques mots : Mervyn Peake et J.R.R. Tolkien. Les ouvrages sur le roman moderne n’en parlent guère. Ils représentent pourtant une catégorie d’auteurs qui n’est pas nouvelle dans la tradition littéraire anglaise, une forme particulière de fantastique ou plutôt de fantasy, terme dont le français n’offre aucun équivalent satisfaisant. (RRGB)

I shall not make comments on the association proposed by Jean Ruer in Le Roman en Grande-Bretagne depuis 1945 between Tolkien’s complete mythology and the gothic world of Mervyn Peake‘s novels : a Tolkien fan must prudently avoid any possible offence to a virtual Peake lover. It is nevertheless true that the label “fantasy-writer” is vague enough for a critic to group the two writers under it.

In our century the means of narration have become diversified : a story-teller has the possibility of practicing his vocation in the cinema, literature, TV-serials, theater, cartoons, comics or elsewhere. Inside literature itself, there is a great profusion of modes of writing (one has to compare Beckett’s experimental plays or novels with the more traditional ones of Isherwood or Waugh). If we further focus on fiction, we realize that the general diversification also caused a multiplication of subject-matters : from the psychological novel to space-opera writings, English (and American) literature offers a whole range of possibilities. There remains, however, a strong (academic) selection as to what is to be considered as “literature”, and fantasy-writing is not always given its due status. There are indeed many “low brow“ books depicting the adventures of glamorous astronauts encountering sexy venusian queens, precisely the kind of tales (not novels) that gave fantasy its bad reputation; although there are some writers who succeeded in giving some “works of literature” to the genre (Abraham Meritt and A.E. Van Vogt being two of these).

Since many fantasy-writers enjoy creating bizarre civilisations on remote planets or even post- or pre-civilisations on earth (be it in an invented past or “after the bomb”) Tolkien’s creation of Middle Earth could as well be put on the same book shelf as Isaac Asimov, Leigh Brackett, Ray Bradbury and Philip K. Dick. But there is more to Tolkien than mere remoteness of setting. There must be more to Tolkien since over ten millions of The Lord of the Rings had been sold when the author died, since the work was translated in at least twenty different languages, since a kind of hectic ‘Tolkien-craze spread over the USA and crossed the ocean to settle in Great Britain : calendars, maps of Middle-Earth, postcards, pictures of the various characters of the tale, have been sold all over the world. In the United Kingdom as in the States, there are “Tolkien Societies”, the members of which eat mushrooms sitting on dead trunks and telling stories of the Three
Ages. Tolkien, however, was not so pleased with that frenzy, as he commented on the “campus cult” in a letter to a reader of his :

Being a cult figure in one’s lifetime I’m afraid is not at all pleasant. However I do not find that it tends to puff one up; in my case at any rate it makes me feel extremely small and inadequate. But even the nose of a very modest idol cannot remain entirely untickled by the sweet smell of incense. (HCTB)

Ruer also mentions that (RRGB)

Consécration suprême : dès 1969 paraissait aux Etats-Unis une première parodie : Bored of the Rings.

Why were (and are) Tolkien’s “molly-coddled Hobbits” so attractive ? Why did the very hobbit-like professor become almost deified by the Hyppy culture ? Could it be for the mere sake of escapism ? It is indeed true that the Shire offers a tempting quietness and that the tribal world the author presents appears under similar forms in the work of other writers of his century. There seems to be a tendency to go back to social genesis in modern fiction from Steinbeck (The Grapes of Wrath) to Golding : the latter for instance demystifies “le bon sauvage” in The Lord of the Flies and examines the social (dis)integration of a group of English young men left alone on an island; in The Inheritors he goes back to prehistory in order to explain his opinion on man. Similarly, utopias and anti-utopias also try to recreate “remote” worlds, where “remote” civilizations cruelly emphasize the shortcomings of our present society, by contrast or by caricature. But Tolkien is not a utopist and refuses any allegorical interpretation of his work. What is then the spell that Tolkien cast over the Anglo-Saxon world (cartesian France e.g. was far less enthusiastic about The Lord of the Rings) ?

The many possible approaches to Tolkien’s work (giving evidence of its artistic value) led me to make a choice : I had to study Tolkien and his work from a particular point-of-view and try to demonstrate why The Lord of the Rings is not a common fantasy-book.

The first impression of the reader when he enters pre-industrial Middle-Earth is that is “looks like” being medieval. There are indeed features in the tale which are medieval, and it is precisely my point in this study to compare genuinely medieval texts with Tolkien’s work in order to establish whether this “medieval look” is a mere varnish or is deeply rooted in the pre-renaissance tradition.

Moreover there is not one Middle Age, there are Middle Ages : Old English poetry and Middle English romances will serve as a base for my comparison; these two kinds of medieval literature are distinct in time, in form and in matter : I shall therefore try to conclude on which Middle Age inspired Tolkien for his creation. It is a piece of criticism that determined me to contrast these two literatures : Derek S. Brewer wrote The Lord of the Rings as a romance in which he tries to demonstrate why it shares enough common features with genuine romances for us to take the book shelf mentioned above and put it beside Sir Gawain and the Green Knight, Sir Degarre, King Horn, Havelock the Dane and Malory’s Morte d’Arthur. I shall try to explain why I do not agree with Dr Brewer in the first chapter, the other chapters being devoted each to a theme of comparison that could illustrate my point : in what sense I consider that Brewer has been a little excessive when he concluded in favour of the romance-likeness of The Lord of the Rings.

I have been so far giving professor Tolkien intentions which he may never have had : did Tolkien write medieval tales on purpose ? Did he systematically apply Old- and Middle English patterns in order to create his stories ? Is The Lord of the Rings creation or re-creation ? Could we parallel the professor’s work with that of Chaucer, the anthologist of the Canterbury Tales ?

The fundamental question is in fact : If The Lord of the Rings is a “compilation” of medieval motives, was the distinguished Oxford medievalist aware of being a compiler or was he simply a “fictitious compiler” ?

One has to know that the mythology of Middle-Earth, according to the author himself, was created as a background to the professor’s own-created languages. Hence two possibilities : if professor Tolkien purposedly reproduced. medieval patterns, his books are technical achievements – this is, however, not my point here – or if the lecturer of the revolutionary Beowulf : the Monsters and the Critics sincerely created a story with elements he had in his mind (in this case medieval ones), his tale then should appear rather as a mere “digest” of medieval literature than as a romance or a heroic poem. In both cases, the success they encountered bears witness to the relevance of these medieval motives : medieval man was as human as we are and not yet divorced from the fundamental values in life. It is therefore normal that his problems should be similar to ours, and that his reactions as presented in his literature should be as useful to our modern selves as any modern writing concerned with human problematics.

Shame on the Renaissance and its inheritors for having confined medieval literature to the then pejorative status of child-literature. The Dark Ages were simply human.


Contents

Plus de Tolkien…

THONART : Tolkien or the Fictitious Compiler (ULiège, 1984) – 00

Temps de lecture : 2 minutes >

THONART P., Tolkien or the Fictitious Compiler (ULiège, 1984) est un mémoire de fin d’études présenté en Philologie germanique à l’Université de Liège, Faculté de Philosophie & Lettres, en 1984. L’exemplaire conservé par les bibliothèques universitaires n’étant plus consultable (détruit lors d’inondations), on trouvera dans wallonica.org l’intégralité du texte. On notera que le Professeur John Ronald Reuel Tolkien (Oxford) était Docteur Honoris Causa de l’Université de Liège (1954) et qu’il collabora pendant plusieurs années avec Simonne D’Ardenne qui y était professeur, pour l’édition et la traduction de textes médiévaux.

D’autres informations sur la biographie de l’auteur du Seigneur des Anneaux (porté au cinéma par Peter Jackson), du Hobbit et d’une multitude d’autres histoires de la Terre du Milieu sont disponibles dans la très complète biographie rédigée par Humphrey Carpenter (Paris, Christian Bourgois, 2002).

On trouvera ci-dessous les remerciements ainsi qu’une table des matières du texte intégral (en anglais), qui permet de naviguer dans tout l’ouvrage. Par ailleurs, l’intégralité du mémoire original est téléchargeable dans notre DOCUMENTA, en PDF océrisé…


Tolkien or the Fictitious Compiler
Acknowledgements

But all fields of study and enquiry, all great Schools, demand human sacrifice. For their primary object is not culture, and their academic uses are not limited to education. Their roots are in the desire for knowledge, and their life is maintained by those who pursue some love of curiosity for its own sake, without reference even to personal improvement. If this individual love and curiosity fails, their tradition becomes sclerotic.

There is no need, therefore, to despise, no need even to feel pity for months or years of life sacrificed in some minimal inquiry: say, the study of some uninspired medieval text and its fumbling dialect; or some miserable “modern” poetaster and his life (nasty, dreary, and fortunately short) – NOT IF the sacrifice is voluntary, and IF it is inspired by a genuine curiosity, spontaneous or personally felt.
But that being granted, one must feel grave disquiet, when the legitimate inspiration is not there; when the subject or topic of “research” is imposed, or is “found” for a candidate out of some one else’s bag of curiosities, or is thought by a committee to be a sufficient exercise for a degree. Whatever may have been found useful in other spheres, there is a distinction between accepting the willing labour of many humble persons in building an English house and the erection of a pyramid with the sweat of degree-slaves.

TOLKIEN J.R.R., Valedictory Adress
to the University of Oxford

The latter has not proved true in this case and I am therefore grateful to Prof. P. Mertens-Fonck for the wise advice she gave in my small contribution to the English pyramid. I know now that patient Merlin was perhaps a woman.

Patrick Thonart


Contents [contenus en cours de digitalisation]

[INFOS QUALITE] statut : en constructon | mode d’édition : rédaction et iconographie | sources : mémoire de fin d’études ULg | auteur : Patrick Thonart | crédits illustrations : © Unwin & Allen.


Plus de Tolkien…

THONART : Concert KulturA. Left Lane Cruiser (US) + Renaud Lesire (BE) (avec quatremille.be, 2017)

Temps de lecture : 3 minutes >
24 octobre 2017 : concert RENAUD LESIRE au KulturA (Liège, BE)
“Viens, Chérie, on rentre nourrir le chat…”

Ca avait mal commencé, pourtant : alors que le brave Renaud Lesire (“Blues | One-man bluesband | Delta, Country and Chicago blues”) avait ouvert le feu en première partie et qu’il grattait du bon blues comme-là-bas-dit-donc (on connaît l’homme, il sait y faire), une grève générale du technicien-son rendait la guitare aussi gluante que l’épave d’un camion de Nutella en plein soleil : voir les mains magiques du bluesman s’affairer sur son instrument sans pouvoir distinguer le beau son gras que ses doigts savent si bien sortir des différentes guitares, on l’avait tous mauvaise. Viens, Chérie, on rentre…

Puis, un sursaut d’humanité a ramené l’absent à sa table de mixage et la magie a repris après quelques glissements de curseurs. Renaud Lesire n’a pas démérité et le public post-ado qui lui était déjà acquis en a eu pour son argent : du Delta rugueux au Chicago plus stylé, le tout mâtiné de quelques passages de picking alla Chet Atkins, il y en a eu pour tous les goûts. Merci Renaud. Viens, Chérie, on rentre…

“Attends, ça va déménager, maintenant…”
24 octobre 2017 : concert LEFT LANE CRUISER au KulturA (Liège, BE)

Derrière le bar du KulturA (Liège, BE), Clément a l’œil à tout et il me retient d’une de ces œillades concupiscentes dont il a le secret : “Renaud Lesire, c’est déjà chouette, mais tu dois voir les deux gars de Left Lane Cruiser, tu vas adorer !”. OK, on est resté et… on n’a plus touché le sol avant le matin suivant (acouphène compris).

Originaires de l’Indiana (US), les deux larrons font du Blues post-Punk tendance Rock-garage, m’explique-t-on. Là, j’ai pas tout compris mais j’ai quand même réalisé qu’il n’y avait aucun rapport avec les dimanches que mon grand-père passait, justement dans son garage, à simoniser le capot de son automobile, en écoutant la “Palomaaa”.

Fredrick “Joe” Evans IV (guitares et chant) éructe ses tunes avec une voix de camionneur enroué, version Evil Dead, avec la gueule de bois en plus. On passera sur l’humour ringard de ses commentaires de transition (le garçon est américain, il n’y peut rien) parce que la manière dont sa gueulante de gorge racle les accords de guitare est inimitable (comme la Suze !) et que l’agilité de ses 666 doigts, c’est du jamais vu : à l’entendre, j’ai réalisé combien les cordes n’étaient qu’un moyen parmi d’autres de sortir du son d’une guitare. Bref, du bonheur-bien-gras-de-l’enfer-de-la-mort-qui-tue.

Aux côtés du Golem hurlant, Pete Dio joue l’érotisme pur aux percussions. Son jeu est précis et presque didactique, tant c’est lui qui structure toute la masse sonore qui sort du duo. Là où la voix et la guitare jouent la bombe à gluons et font rebondir les danseurs sur le mur opposé, les beats de Dio scandent chacune des marches qui monte vers l’explosion finale : il accélère, ralentit, il syncope, il détaille puis marque l’arrivée au palier d’une frappe de fin du monde pour ensuite re-ruisseler vers le bas et reprendre la progression. Ce type doit arrondir ses fins de mois en faisant du porno soft, côté bruitage, c’est pas possible autrement.

Soft, le concert ne l’a pas été et la salle n’a pas retrouvé sa respiration nocturne tout de suite, tellement les spasmes rythmiques de Pete Dio et les riffs peu articulés Fredrick J IV ont continué à pulser dans le ventre de tous ceux qui avaient rejoint Roture ce soir-là. Merci Clément…

Pourquoi lire également la chronique de Patrick THONART sur QUATREMILLE.BE (article du 3 novembre 2017) ? Parce qu’il y a les photos de Marie Valentine GILLARD en cadeau…

Plus de scène…

THONART : Vanité (2017)

Temps de lecture : 6 minutes >
William BLAKE : ‘I want ! I want !’ (1793)
Vanité des vanités, tout est vanité…

Vanité des vanités, dit [l’Orateur], vanité des vanités, tout est vanité.
[…] Tous les torrents vont vers la mer,
et la mer n’est pas remplie ;
vers le lieu où vont les torrents,
là-bas, ils s’en vont de nouveau.
Tous les mots sont usés, on ne peut plus les dire,
l’œil ne se contente pas de ce qu’il voit,
et l’oreille ne se remplit pas de ce qu’elle entend.
Ce qui a été, c’est ce qui sera,
ce qui s’est fait, c’est ce qui se fera :
rien de nouveau sous le soleil !
[…] … j’ai eu à cœur de chercher et d’explorer par la sagesse
tout ce qui se fait sous le ciel.
C’est une occupation de malheur que Dieu a donnée
aux fils d’Adam pour qu’ils s’y appliquent.
[…] …et je fais l’éloge de la joie ;
car il n’y a pour l’homme sous le soleil
rien de bon, sinon de manger, de boire, de se réjouir ;
et cela l’accompagne dans son travail
durant ses jours d’existence…

L’Ecclésiaste (III-IIe a.C.n., trad. Editions du Cerf, 2010)

L’Ecclésiaste, Qohélet en hébreu, est un livre de l’Ancien Testament, situé entre les Proverbes et le Cantique des cantiques ; il participe des traditions juive et chrétienne. Il est symboliquement attribué à Salomon, roi d’Israël à Jérusalem (Xe a.C.n.) mais a probablement été rédigé entre les IIIe et IIe siècles a.C.n., par des auteurs restés inconnus.

Qohélet (hébreu), Ekklèsiastikès (grec) ou, en français, l’orateur ou le maître, ‘celui qui parle devant une assemblée’, y confesse avoir recherché un sens à toute chose, dans la sagesse, comme dans la folie et la sottise (“c’est une occupation que Dieu a donnée aux fils d’Adam pour qu’ils s’y appliquent“), pour finalement réaliser combien les oeuvres des hommes ne sont que “vanité et poursuite de vent.”

Si Ernest RENAN évoque “l’épicurien désabusé qui a écrit l’Ecclésiaste” dans sa traduction commentée (1881), Marcel CONCHE, expert es épicurisme (CONCHE Marcel : Lettres & maximes, Paris PUF, 2009), est moins réservé quand il parle clairement de “l’Ecclésiaste, ce livre épicurien.”

André COMTE-SPONVILLE, de son côté, rejoint l’ambiguïté de Renan et se réjouit d’un texte au message paradoxal (mais comment mieux réfléchir sur le sens, qu’au départ d’un paradoxe ?) :

C’est l’un des plus beaux textes de toute l’histoire de l’humanité. L’Ecclésiaste est notre contemporain, ou peut l’être, parce qu’il ne croit pas, ou plus, à la sagesse : elle aussi n’est que “vanité et poursuite de vent.” Toute parole est lassante, et celle des philosophes n’y échappe pas. L’Ecclésiaste est pourtant un livre de sagesse, et c’est ce paradoxe qui le définit le mieux : ce qu’il nous propose, c’est non seulement une sagesse pour ceux qui ne sont pas des sages, c’est la seule qui vaille, mais une sagesse désillusionnée d’elle-même.

Épicurien désabusé‘, ‘parole lassante‘, ‘sagesse désillusionnée d’elle-même‘, les formules sont bien tournées mais elles naviguent dans les nuances de gris et ne font peut-être pas justice à un texte qui “fait l’éloge de la joie” (8, 15) dans un monde où “il n’y a rien à y ajouter, ni rien à en retirer” (3, 14). Chantre de la voie du milieu, MONTAIGNE aimait tant citer l’Ecclésiaste qu’il semble difficile de ne le lire qu’avec les yeux désabusés d’une Wonder Woman devant sa robe de mariée devenue trop étroite…

De la vanité vue comme péché originel de la psyché

La foi sauve, donc elle ment.

NIETZSCHE F., L’Antéchrist (1888)

Le message de l’Ecclésiaste est bien entendu entrelardé d’évocations de la perfection de la divinité et, partant, de sa création ; qui plus est, il est majoré d’un Appendice apocryphe, que n’auraient pas renié les censeurs catholiques les plus intégristes (ex. “Dieu fera venir toute oeuvre en jugement sur tout ce qu’elle recèle de bon ou de mauvais“). Le penseur critique peut s’en offusquer en prenant la chose littéralement et en dénonçant une profession de foi à l’emporte-pièce : Dieu dans son grand-oeuvre a tout juste, l’homme dans ses oeuvres minimes a tout faux. D’un autre côté, le même penseur pourrait se réjouir d’un monde présenté à la confiance de chacun comme harmonieux : “il n’y a rien à y ajouter, ni rien à en retirer” (3, 14). Mais comment alors, dans une telle réalité, être ‘désabusé’, ‘désillusionné’ dans son usage du monde, fut-il épicurien ? A cause de la vanité, justement.

Leonora Carrington, Una Vida Surrealista (1994-1997) : le serpent -et sa posture- symbolise, dans la plupart des mythes et des contes, la vanité de l’Homme. Qu’il s’agisse de la gravure ci-dessus, de Mowgli face à Kaa ou de Persée combattant la Méduse, faire face à ce qui est vain en soi peut être pétrifiant…

En 1947, Paul DIEL s’approprie le terme ‘vanité’ pour les besoins de son approche de la motivation humaine (DIEL Paul, Psychologie de la motivation, Paris, PUF, 1947). Germanophone d’origine, Paul Diel a choisi le terme “vanité” par déclinaison avec l’adjectif “vain”. Il s’agit donc de se défaire de l’association spontanée vanité/orgueil pour ne garder que le sens de “qualité de ce qui est vain, vide de sens, sans utilité essentielle.

Chez Diel, plus question d’être désabusé parce que, quoi qu’on fasse, c’est bien peu de chose, puisque tout est vain. Pour lui, la vanité n’est pas un absolu de la condition humaine qui frapperait de nullité les œuvres de chacun face à la grandeur de la Création de celui-dont-on-ne-peut-citer-le-nom-ici. Non, la vanité est individuelle et relative ou, plus simplement dit, elle mesure l’écart entre l’image que chacun a de soi et son activité réelle.

Que Picasso se vive comme un grand peintre et, postulons, qu’il le soit, cela ne créera pas chez lui d’insatisfaction : il se voit tel qu’il agit. L’image de soi et l’activité sont en accord. Si un peintre du dimanche se vit comme un Picasso méconnu, l’image qu’il a de lui présente un écart avec son activité réelle. Cet écart, ce vide, cet espace vain est, dans les termes voulus par Diel, la vanité au sens psychologique. Source d’insatisfaction, cette vanité est, de plus, source d’angoisse : tricher avec la vie entraîne une  bien réelle culpabilité, la culpabilité du tricheur…

Tricheur ? Diel n’invente rien : Montaigne avait déjà martelé “Notre grand et glorieux chef-d’oeuvre, c’est vivre à propos” (Essais, III, 13, De l’expérience), insistant par là sur l’impérative adéquation entre notre monde intérieur, que nous concevons, et le monde extérieur dans lequel nous agissons.

Culpabilité ? Ici encore, Diel s’inscrit dans la droite ligne des Anciens, en l’espèce Baruch SPINOZA qui insiste sur notre capacité à avoir une idée vraie : “Qui a une idée vraie sait en même temps qu’il a une idée vraie et ne peut douter de la vérité de sa connaissance.” (Ethique, II, 43, publiée en 1677).

Adam et Ève chassés de l’Éden (Masaccio, XVe)

Donc, si je puis avoir l’idée vraie de ce qui est satisfaisant pour moi, je me sens dès lors coupable quand je réalise que je ne suis pas à propos, que mon imagerie intérieure ne se traduit pas dans mes activités. Voilà donc la vanité qui a condamné Adam à réfléchir et penser encore “à la sueur de son front” (et à s’inventer la divinité), lui qui pouvait vivre sans arrière-pensée dans un monde sans idée, animal parmi les animaux. Quelle vanité  aussi que de vouloir manger le fruit de la connaissance du bien et du mal sans en avoir fait l’expérience !

Homéostas(i)e ? Le mot fait penser aux pires maladies alors qu’il évoque simplement “un écosystème qui résiste aux changements (perturbations) et conserve un état d’équilibre” (Larousse). Ramenée au biologique, comme au psychologique, la vanité serait le contraire de cet état d’équilibre au sein de notre système vital, en ceci qu’elle marquerait la différence entre notre vie intérieure et nos actions extérieures, causant déséquilibre et, partant, souffrance. Comment Diel articule-t-il tout cela dans son travail sur la motivation de nos comportements ?

EGO ALTER
SUR-VALORISER 1. VANITE
Je me vois supérieur à ce que je réalise effectivement dans le monde (“péché originel”)
3. SENTIMENTALITE
Faute d’avoir de l’estime pour moi, je vais la chercher chez les autres (besoin de reconnaissance, association avec des tiers remarquables)
SOUS-VALORISER 2. CULPABILITE
Je m’en sens coupable alors j’évite les confrontations avec le réel (timidité) ou j’organise ma punition (politique d’échec)
4. ACCUSATION
Puisque les autres ne me trouvent pas aussi extraordinaire que je ne le voudrais, je vais les accuser de n’y rien comprendre et d’être injustes (envers moi)
A bon entendeur…

Du dieu à Diel, on passe dès lors…
…de la vanité de vouloir faire oeuvre remarquable afin de donner sens et pérennité à son existence (diktat que dénonce vivement Montaigne dans son essai De l’expérience),
…à l’impératif catégorique d’œuvrer chaque jour à réduire l’angoissant écart entre notre monde intérieur et nos activités dans le monde.
La satisfaction de vivre est à ce prix, avec la joie en prime.

article préparé par Patrick Thonart



Pour découvrir d’autres discours…

THONART : Cendrillon et le Diable (2017)

Temps de lecture : < 1 minute >

 

Cendrillon, la belle souillon, s’assit
Et le Diable lui dit :
“Imagines-tu que, près de toi, toujours
Je rôde en Amour ?
Qu’à chaque pas que tu fais,
J’en fais un aussi ?
Ne crains-tu qu’un jour,
Secrètement miellée d’envie
Dans mes bras, tu souries ?
Ah ! Que de dangers tu cours,
À tourner le cul à l’amour ! “.

A ces mots de cœur,
La Seulette pris peur
De voir partir le Fourchu
Qui, de si belle humeur,
Lui parlait de son cul.
Ah donc, elle s’était menti :
Le Diable était gentil…

Patrick Thonart

  • L’illustration de l’article provient du film de Kenneth Branagh, Cendrillon (2015) © Disney

Du même auteur…

THONART : Richard GALLIANO au Jazz à Liège (avec quatremille.be, 2017)

Temps de lecture : 3 minutes >
D’abord, un “Hommage à Edith Piaf” avec Richard Galliano (acc) et Sylvain Luc (gt) puis, en deuxième partie, le “New Musette Quartet” avec Richard Galliano (acc), Philip Catherine (gt), Philippe Aerts (cb) et Hans van Oosterhout (dms)

“La nostalgie n’est plus ce qu’elle était”, écrivait Simone Signoret en 1976. Manifestement, pour Richard Galliano, la Simone, c’est plutôt celle de “En voiture, Simone” : ce diable d’homme pianote sur son accordéon à une vitesse qui ferait rosir de bonheur le lapin blanc d’Alice (“Je suis en retard, en retard”). Alors, quand vous êtes Jazz à Liège, que vous avez le malheur de réunir à nouveau son New Musette Quartet et qu’à la guitare vous avez Philip Catherine, une légende qui affiche 75 balais au compteur (l’homme a accompagné Dexter Gordon ou Stéphane Grappelli, en son temps), il arrive ce qui doit arriver…

Mais, commençons par le début. En première partie, l’intelligence a primé sur la nostalgie excessive : intelligence des arrangements qui traitaient les chansons de Piaf comme d’authentiques standards de jazz, évitant l’écueil d’une simple imitation de la voix et de la gouaille de La Môme. Plus encore, certaines intros fort éloignées de la mélodie connue ont vraiment bluffé un parterre peuplé de plus de musiciens que d’habitude au Forum, et c’est parmi les “ouaiii”, “supeeer”, “bien jouééé”, “ouftiii” et les applaudissements que la mélodie enfin reconnue sortait chaque fois de l’accordéon de Maître Richard. Dire Maître ou Maestro n’est pas excessif non plus : Galliano est un grand, qui a tout essayé et, souvent, réussi. Alors, quand on vient à un concert de lui, c’est moins la découverte que la confirmation qui pilote l’écoute. Qui plus est, en proposant un “Hommage à Edith Piaf”, Galliano a dû rassurer les responsables de la salle : on n’allait pas casser les fauteuils ! La surprise est venue d’ailleurs : Sylvain Luc, une fois les doigts bien déliés, a dépassé le rôle de faire-valoir du monstre sacré et a entamé un réel dialogue avec soit l’accordéon, soit l’accordina (sic). Galliano, de son côté, l’a joué réglo, sans tirer la couverture. Du beau métier à deux, un public content, une première partie propre, un hommage malin et un p’tit coup de nostalgie quand même. Que veut le peuple… ?

Le peuple de Jazz à Liège, il aurait peut-être voulu un peu plus d’audace et, surtout, il aurait adoré se faire décoiffer, être surpris et quitter la salle (pour aller écouter le formidable Bram de Looze, peut-être) en se disant avec satisfaction : “là, j’ai vécu un truc rare, un moment qui ne se répétera pas ailleurs”. La deuxième partie ne lui a pas offert ce plaisir, au public. Galliano a été impeccable mais prévisible (Galliano plays Galliano). Catherine a fait du Catherine en moins bon. Catherine, on l’a connu formidable, exaltant, osé, audacieux, avec un son i-ni-mi-ta-beuh (comme la Suze dont il avait peut-être abusé avant de monter en scène). Là, Catherine jouait tout seul, se plantait dans ses partitions, secouait la tête pour dire que ça marchait pas comme il voulait, renâclait, remettait son chapeau pour dire que c’était fini : avec tout le respect que je vous dois, Mister Catherine, vous nous avez donné le minimum syndical.

Ici encore, la surprise est venue d’ailleurs. Certes, le respectable Philippe Aerts a été bon à la contrebasse, il a même eu droit à plusieurs solos fortement applaudis. La relève est assurée. Mais il y a mieux : les drums de Hans van Oosterhout. L’air de rien, ce souriant batave, la cinquantaine fringante, a sauvé la mise et, s’il n’a pas vraiment été mis en avant dans les échanges entre ses trois acolytes, il a sous-tendu la totalité du concert de ses interventions finement nuancées. En force, pour “ramener le quartet au milieu du village” ou en percus discrètes, juste pour assurer le piquant derrière un passage plus mélodique, l’homme était juste et à propos. Non content d’être à la hauteur, il a gardé le sourire pendant toute la soirée, rappelant à tous que le jazz, c’est aussi du plaisir.

Mais Galliano est une bête de scène et, en clôture, il a habilement sorti un lapin blanc de son chapeau : une Javanaise (merci Gainsbarre) que le public a tendrement chanté a capella.

Au temps pour la nostalgie : la boucle était bouclée. Mais la magie n’est plus ce qu’elle était…

Lire la chronique de Patrick THONART sur la page Mithra Jazz Festival de QUATREMILLE.BE (25 mai 2017)

Plus de jazz…

THONART : Dee Dee BRIDGEWATER au Jazz à Liège (avec quatremille.be, 2017)

Temps de lecture : 2 minutes >

[QUATREMILLE.BE, 24 mai 2017] Baudelaire adorait le jazz et a toujours regretté d’être né trop tôt pour écouter Dee Dee Bridgewater en concert. Il devait se douter qu’on lui imposerait en première partie China Moses, rejeton de la Diva de Memphis, lorsqu’il a perfidement écrit : “Le génie, c’est l’enfance retrouvée à volonté.

C’est une chose de pouvoir déballer ses états d’âme (puérils) quand on est la fille de l’institutrice et qu’on a pu faire son élocution avant les autres. Cela marche avec un public captif (15 % de la salle du Forum de Liège : les moins de 60 ans…) qui se contente de plusieurs moments décousus, d’un beat mal servi par un bassiste poussif, d’un pianiste dont les audaces de dentellière sous acide ne créent pas l’unité et d’une confusion générale où un sax courageux, sincèrement jazzy, et des drums efficaces mais souvent abandonnés par le groupe s’efforcent de créer la magie. Autre chose est de prétendre servir l’héritage maternel : la voix de China Moses n’est pas maîtrisée et manque d’assurance quand elle doit être projetée par-delà les têtes d’un public pourtant bienveillant. D’autres (qui se reconnaîtront) renchériraient plus cruellement encore : “pour suivre cette Moïse-là (Moses) à travers la Mer rouge, il faudrait vraiment que j’aie beaucoup d’Égyptiens au derrière…

L’enfance retrouvée, c’est Dee Dee Bridgewater qui nous l’a offerte. Le génie d’une macrâle (sorcière) de la scène qui sait faire oublier qu’elle connaît toutes les ficelles du job : 100 % de la salle, tous âges confondus, KO-debout, qui se laisse séduire, violer, bousculer, groover, croonerifier, mellower, vas-y-que-j’te-rappelle-que-t’as-des-boyaux-tifier, défriser (un comble), mobiliser, Memphis-sound-iser, up-beatifier, coolifier, bref envoûter par ce que jazz, funk et blues ont de meilleur. Des drums respectés par tous, sans un seul décrochage, une basse de-la-mort-qui-tue, aussi impeccable pour rappeler le beat que pour des solos pas lights du tout, un clavier funkissime, sorte de Leviathan venu du fond des heures Motown (quelque chose du genre “les gamins, vous fatiguez pas, v’là 100 ans qu’on fait tous les soirs ce que vous essayez d’inventer“), des cuivres là juste quand il faut et deux choristes qui n’auraient pas démérité en première partie. Et puis, la voix : c’est retrouver l’enfance que de pouvoir faire rouler le chant aussi bas dans le ventre avant de l’exploser dans tous les recoins d’une salle entièrement muqueuse de disponibilité ; c’est offrir l’enfance que d’oser le cri, comme la note haut perchée (toujours juste !), en toute spontanéité, sans calcul ; c’est jouir de l’enfance que de profaner en riant des standards que l’on savait pourtant momifiés. Et c’est le génie de la maturité de tenir, de bout en bout, un parterre comblé, avec le cœur hors de la poitrine, qu’il s’agisse de prendre le contre-pied de Chet Baker en chantant la rage ressentie quand The thrill is gone, ou de finir en apothéose avec Purple Rain (sic). Quand je serai grand, je veux être choriste chez Dee Dee Bridgewater…

Patrick Thonart

Dee Dee Bridgewater chantait au Jazz à Liège (BE) le 12 mai 2017. Lire la chronique de Patrick THONART sur la page Mithra Jazz Festival de QUATREMILLE.BE (24 mai 2017)


[INFOS QUALITE] statut : validé | mode d’édition : veille, traduction et iconographie | sources : quatremille.be | contributeur : Patrick Thonart | crédits illustrations : © quatremille.be.


Plus de jazz en Wallonie…

THONART : Encyclopédies et syndrome de la berceuse (2015)

Temps de lecture : 4 minutes >

Longtemps, je me suis couché de bonne heure […], ma nourrice toute en suaves cotonnades, piquées de sueur laiteuse, me chantant doucement, du fond de sa gorge ronde et rassurante, une berceuse qui m’arrachait à moi-même, à mon être diurne, fébrile des propos tenus ou inquiet face à la fin du jour, brune et définitive. Les rimes de l’apaisante barcarolle, pour me distraire de l’échéance nocturne, tantôt disaient les merveilles du celtique Merlin, du Moïse conquérant ou de la trouble Shéhérazade, tantôt parlaient à mes sens et ramenaient mon âme tourmentée à la joliesse de mes pieds nus sous l’édredon débordant ou à ma nubile joue, sur laquelle elle posait un dernier baiser avant de disparaître.

Projet de bandeau pour l’interface de walloniebruxelles.org, ancêtre de wallonica.org

Nous sommes tous des Marcel inquiets (Proust, pas Cerdan), pourrait-on déduire du penchant naturel de l’Homme à soigner son angoisse existentielle par la création d’artefacts, qu’ils soient artistiques, mythiques ou scientifiques. Ainsi, de toute éternité, l’humain a-t-il posé des jalons devant lui -entre lui (sujet en mal de connaissance) et le monde qui est (objet hors mesure de sa connaissance)-, créé des formes intermédiaires, modèles explicatifs ou vertiges hypnotiques. De la sorte naissent philosophies, sciences et religions, dissertant chacune sur les fins ultimes, chacune tentant d’élucider l’Etre au départ de leur discours. De même, c’est pareillement que naissent les Arts, miroirs lacunaires de l’Etre tant courtisé, substituts formalisés et inspirés de lambeaux d’existences.

Ainsi la Musique. Que Vladimir Jankelevitch évoque le ‘mélisme descendant’ de Debussy, que ce dernier ait puisé chez Maeterlinck la matière de son Pelléas, que le philosophe français explore en quoi la musique nous élève “au dessus de ce qui est” (La musique et l’ineffable, 1961), en vérité, de quoi parlons-nous ici ? D’un temps substitué, d’un noble artefact qui nous ravit, au plein sens du terme, d’une berceuse de plus qui nous hypnotise, nous distrait des trépidations quotidiennes et nous rend une respiration plus régulière. Alors que, comme un anonyme l’a raconté :

Socrate, pourquoi joue​s-tu de la lyre avant de mourir?
Pour jouer de la lyre avant de mourir.

Words, words, words…” Comme le soulignait le Barde, au travers des lèvres d’Hamlet, toute l’activité de l’Homme se réduirait dès lors à des ‘mots’, des formes intermédiaires, médiatrices entre nous et l’objet convoité de notre conna​issance, baptisée dès lors la connaissance médiate (merci à Jacques Dufresne) à la différence de la connaissance immédiate que nous laissent miroiter des Spinoza (“l’idée vraie“) ou des Epicure.

Retour à la berceuse. Lors, on pourrait baptiser Syndrome de la berceuse cette propension de l’homme à créer des formes, élucidantes ou hypnotisantes, entre son entendement (et ses sens) et la réalité dont il veut prendre connaissance. Elucidantes lorsqu’elles le rapprochent d’une connaissance immédiate, lorsque leur structure formelle laisse transparaître l’objet de la connaisssance ; hypnotisantes, lorsqu’elles sont leur propre fin et servent de masques pseudo-euphorisants. Ainsi la berceuse du petit Marcel revêt-elle ces deux qualités ambivalentes (comme beaucoup de nos créations) : l’emmène-t-elle en Orient dans les senteurs des Mille et une nuits, l’enfant hypnotisé s’endormira paisiblement ; le ramène-t-elle au confort de son lit familier et à la tendresse d’un baiser, la nuit du petit n’en sera que meilleure. La morale, c’est le choix entre les deux manières. Whatever works…

Va savoir… L’ensemble de ces formes, de ces artefacts forgés de nos mains seules, constitue les savoirs de l’humanité ; il est des grands et des petits savoirs, des savoirs pratiques, techniques, d’autres spirituels ou artistiques ; il est des savoirs honteux, révoltants, il en est d’autres qui réconcilient, qui apaisent. Il est des savoirs que d’aucuns disent inspirés et que d’autres savent inspirants. Il est des savoirs qui égarent, d’autres qui éclairent. La grandeur de l’Homme, d’où qu’il soit, réside dans les savoirs qu’il a générés et dans la dignité qui s’y révèle. Les collecter avec sérieux, c’est s’adonner à l’amour de l’Homme pour lui-même, travailler à son respect et révéler son immanente universalité.

Enter l’Encyclopédie. De tout temps (à Sumer déjà!), des hommes se sont levés pour collecter, identifier, structurer, indexer et publier ces savoirs, tous les savoirs disponibles. Tous, car la censure est stérile et tout est publiable : c’est une simple question de hiérarchisation, de jugement éditorial. Aujourd’hui, l’héritage en ligne des Diderot et d’Alembert est partagé entre

      • les encyclopédies papier portées en ligne et (souvent) payantes ;
      • les encyclopédies promotionnelles, destinées à augmenter la fréquentation du site concerné et, partant, à justifier les ventes d’espace publicitaire ;
      • les initiatives encyclopédiques gratuites et structurées.

L’Encyclopédie de l’Agora​, créée à l’initiative du philosophe québécois Jacques Dufresne, relève de la troisième classe d’encyclopédies. Recommandée par la Bibliothèque Nationale de France, elle est gratuite, francophone et interactive. Plus de 10 millions de visiteurs la consultent chaque année. Pendant plusieurs années, deux interfaces permettaient à l’internaute de la visiter : l’interface québécoise, pilotée par une équipe basée en Estrie, à deux pas de l’Université de Sherbrooke, et feu l’interface wallonne, alors gérée au départ de Liège, en Wallonie (Belgique).

Aujourd’hui, wallonica.org reprend le flambeau et cherche des ressources, contenus comme moyens financiers. A bon entendeur !

Patrick Thonart


Plus de prises de parole en Wallonie…

THONART : Mère-Courage et les Grands-Vents (2015)

Temps de lecture : 2 minutes >
DOTREMONT Christian, Écriture en forme de roue et roue en forme d’écriture (1979)

Il était une fois une liane au passé dodu,
Elle avait juré qu’on ne l’y reprendrait plus :
La marâtre araignée, au sécateur, l’avait blessée
Et de ses bourgeons, désormais…
Elle faisait un bonsaï.

C’était pour elle un problème de taille.

La belle enroulée était de formes bien roulée
Et, sur les troncs haut montés, elle n’eut cesse de grimper,
Mais la nuit restait noire et froid le point du jour.
Las, si de l’enfance elle passa aux rudeurs de l’amour,
Ce n’est pas dans des histoires de fesses
Qu’on quitte ses nattes et ses tresses.

Plus tard, elle porta la vie, pleine et riante,
Comme un défi à la Géante,
A la Gorgone et ses serpents,
A la Mère… monstre sans dents.
Et la liane si fluide et ses si roulés drageons,
Partirent s’attacher au plus lointain des troncs.

L’heure était belle, l’heure était calme,
Elle rafraîchissait leur front avec des palmes.
C’était loin, c’était beau, c’était le voyage,
Et du fantôme de la Goule, elle ne voyait plus la rage.
Mais, elle le savait, la rage était sienne
Et des glaces naissantes, elle se voulut la Reine.

Et les Grands-Vents se sont levés,
Et les humeurs furent retournées,
Et le grand tronc fut démoellé,
Et la tribu fut dispersée :
La liane, seule, dure de sa rage,
Se fit appeler la Mère-Courage.

Rampante sans tronc, elle se dressait
Quand l’entrechat la déroulait.
Chacun sa Mère, la Danse en est.
Printemps sans fruit, elle cuisinait
Sous le regard des chats gourmets.
Chacun sa Mère, la Cuisine le sait.

Car Mère-Courage était donneuse,
Mais, sous les ans, poussait fibreuse,
Et, dans son ventre de chaud plaisir,
Séchait le miel, à se tarir.
Or… au creux des lèvres, vivait un bois,
Malgré le vent, malgré le froid.

Espoir de vie, stupeur de Foi,
Quand le Printemps dépend d’un doigt.
Douceur des sens, révolution
Face aux faux monstres du cabanon.
C’est donc l’orgasme, ce sont les spasmes
Qui jettent lumière sur les fantasmes.

C’est l’arrogance du Gai Sourire,
Et c’est la Joie malgré le pire,
La belle sueur au point du jour.

Lunaire Pardon, vrai pour toujours,
Un souffle fondant sur la Flamme,
En quatre mots : “Mère, tu es Femme !”
Enfin…

Un cri puissant qui tue les Vents,
C’est la rivière née du dedans.
C’est la clairière pour la Forêt,
C’est le clairon du vrai Après.

Et la Liane s’est déliée…


Plus de littérature…

THONART : WWF. L’acronyme qui ment… (2014)

Temps de lecture : 4 minutes >

On nous a menti : WWF n’est pas l’acronyme qu’on croit et Brigitte Bardot est une crypto-contrepéteuse. Ce qui est réellement en voie de disparition, semblerait-t-il, ce sont les vrais WWF (AKA “Words, Words, words Fans” ou, plus précisément, les Sermomani occidentalis Gotlibae : la fraternité des obsédés textuels, ceux-là même qui prisent tant ce blogue).

On avait retrouvé les traces d’un des derniers spécimens européens (aujourd’hui disparu) et des ornithologues avaient pu, à l’époque, le photographier en plein exercice délibératoire :

Desproges en écriture

En voie de disparition ? Oui, car, de nos jours et de nos jeunes, qui se souvient du rire de Dali, pourtant salvateur comme l’était son contrepet surréaliste “Je suis fou du chocolat Lanvin” ? Qui essaie encore de caser, dans les dîners les plus branchés où le gratin dauphinois coule à flots, une merveille combinatoire comme “Rien de tel qu’un petit coup de vin pour faire passer le riz” ? Qui, dans les mêmes circonstances, fait sonner le bouchon d’une bouteille de chez Taurino en évoquant l’écho des Pouilles ? Qui, ensuite, lorsqu’on en vient à parler bouillabaisse, ne manque pas d’évoquer la fragilité de la peau de mérou qui, à feu trop vif, pète ? Qui, enfin, alors que les alcools sont sortis et que la calotte en prend pour son grade, aura la malice d’entonner “Il court, il court, le furet” ?

Qu’on ne me dise pas que parmi nos ados, soucieux de se faire extruder les points noirs dans les salles obscures, gavés qu’ils sont par les sept Marvels immondes, que parmi eux, donc, il y en aurait encore qui comprennent la vraie supériorité de Superman, le seul qui a une bouille incroyable.

Qui, finalement, peut encore se délecter de la première de couverture (un “collector”) d’un magazine féminin de mes jeunes années, proposant aux ménagères besogneuses le subliminal “Tricotez vous-même votre poncho” ?

Peut-être l’honorable Stéphane de Groodt (“Je s’appelle Groot“), preuve vivante -et belge- de la résilience d’une fraternité bien mise à mal par la Télé-Réalité (il est vrai, par ailleurs, que le seul rire de Maïtena Biraben pourrait susciter toutes les résiliences), à ceci près que l’homme pratique plus le calembour que le contrepet.

Le contrepet. Nous y voilà. Comment en arrive-t-on aujourd’hui, au XXIe siècle, à militer en faveur de l’art du contrepet qui, au siècle dernier, était l’apanage quasi exclusif d’anciens boy-scouts aux shorts élimés, de vieux célibataires à la sueur âcre et de quelques académiciens caustiques en mal d’une dernière grivoiserie avant la momification ?

Pas question ici de jouer les nostalgiques du “grundlich” à la française, de faire valoir l’exception culturelle en terre hexagonale ou l’identité linguistique des Français (les Anglo-Saxons ne pratiquent que rarement le contrepet ; on leur connaît un sympathique I’ve got my soul full of hope mais c’est tout ; les Belges, de leur côté, sont entrés dans la légende avec une contrepèterie, surréaliste comme il se doit : Demain, il fera beau et chaud). Ceci, malgré la forte tentation de jouer la gauloiserie comme dernier rempart contre le politiquement correct.

Non, plus simplement, le contrepet n’est que le cinquième remède d’un pentapharmakon (4 + 1) qui permet à l’Honnête Homme de rester vigilant face aux langues de bois (xyloglottes, donc). Pour marcher debout, être heureux et dignes, il nous revient donc :

      1. de ne pas craindre les dieux car ils ne fréquentent pas les mêmes trottoirs que nous ;
      2. de laisser la mort en dehors de nos préoccupations puisque nous ne pouvons la concevoir (idem pour un plombier qui serait disponible le dimanche, préciserait Woody Allen) ;
      3. de ne pas craindre la douleur par anticipation car, une fois réellement ressentie, elle est peu de chose (sauf peut-être la douleur provoquée par le rapprochement violent et inconsidéré entre un orteil et un pied de lit en bois, le premier dimanche matin qui suit la sortie du Beaujolais nouveau) ;
      4. d’abandonner l’idée que le plaisir peut être infini (à part la relecture de l’intégrale des Dingodossiers) ;

Autant pour le Tétrapharmakon d’Epicure (dans la belle édition de Marcel Conche chez PUF, 2003). Il reste à l’Honnête Homme (qui peut être une femme) à…

      • (5) ​traquer l’ouverture pour un vibrant contrepet, un calembour mortifère ou un pataquès qui déride, dans tous les discours ampoulés (merci les Lumières) car c’est d’un contrepet bien placé que le vrai révolutionnaire mettra le fat au sol.

Qui plus est, comme le signalait Audiard : “Les cons, ça ose tout ; c’est même à ça qu’on les reconnaît“. Alors, toutes les vigilances sont bonnes pour désarmer les diseurs de bonne morale, les vendeurs d’avenir et les prédicateurs de bas étage, en bref, les stimulateurs de douleurs rectales ou, plus précisément, les orchidoclastes patentés.

C’est une vigilance qui exige une certaine maîtrise de la langue de Ronsard et de San Antonio, une culture chaque jour nourrie de l’expérience, une agilité combinatoire aiguisée et, surtout, une réelle jubilation à manipuler cet outil, tant galvaudé par les discours dominants, qu’est le Meccano magnifique de nos mots et de leur sens.

C’est aussi un activisme constant qui ne doit fléchir devant aucune autorité : il nous revient de dire crûment quand le roi est nu !

Patrick Thonart


[INFOS QUALITE] statut : validé | mode d’édition : rédaction | source : collection privée | commanditaire : wallonica.org | auteur : Patrick Thonart | crédits illustrations : N.A.


D’autres prises de parole en Wallonie…

Hommage à Christine…

Temps de lecture : 4 minutes >

Ce toit tranquille où marchent des colombes,
Entre les pins palpite, entre les tombes ;
Midi le juste y compose de feux
La mer, la mer, toujours recommencée !
O récompense après une pensée
Qu’un long regard sur le calme des dieux !

J’ai pondu ça pour toi, ce matin, au petit-déjeuner. Je me suis arrêté quand, ô miracle, j’ai réalisé qu’on allait réussir à te coincer quelques quarts d’heure avec nous, ici au Trurlgrrlgtr. Je suppose que Valérie a dû te ligoter assez fermement pour que ne repartes pas à une manif, dans un jardin ou une bibliothèque et je remarque qu’on a décroché les lustres : tu ne pourras donc pas t’y suspendre dans la posture du yogi en fleur d’hiver, la numéro 666, si bien nommée…

Pour fêter ça, un haiku :

Christine est assise
Instant fragile et pourtant
Rhapsodie !

Je n’ai pas trouvé d’autre mot que rhapsodie pour t’honorer : un foisonnement généreux de variations, sur un thème central néanmoins, et dans le respect de l’harmonie. J’aime ça chez toi. Alors, brièvement, quelques variations rhapsodiques avec un sms (un authentique sms de toi !) en ouverture de jeu. Je cite :

Ce dimanche manif de la Citadelle à Vottem, départ 14h (enfin sans doute un peu après) à l’enclos des fusillés / ce lundi au Beau-Mur (19h30), séminaire sur​ Démocratie et internet / ce mercredi à l’art. 23 (18h30), audit citoyen de la dette à Liège et au Beau-Mur formation sur les organisations internationales…

C’est une plaisanterie mais c’est aussi un hommage : non seulement tu es descendue du perchoir de la salle Kurth (ou Gothot) pour marcher avec nous mais tu as marché devant nous, montrant l’exemple aux traînards politiques que nous sommes tous.

Marcher à côté de toi, c’est aussi traduire, et le plaisir n’est jamais très loin (in memoriam mon petit séminaire jubilatoire, si élégamment intitulé “comment assumer le fait effroyable que l’on ne naît pas traducteur professionnel ? ou pathologie de la capilligénose chez le traducteur mâle“).

Pour le plaisir des mots, donc, des extraits de souffrance et de plaisir partagés :

Le Sagrantino
Les Canaiolo, Cesanese et autres Ciliegiolo sont des cépages cultivés en grandes quantités dans des régions aussi étendues que tout le centre-ouest de l’Italie ; ce serait manquer de respect à leur égard que de déclarer le Sagrantino « deuxième cépage le plus prestigieux de la région » : les volumes produits dans cette variété restent trop limités. Jusqu’il y a peu, on ne trouvait du Sagrantino qu’aux abords de villages comme Montefalco et Bevagna ou à différents endroits dans les environs de Perugia, en Ombrie. A l’heure où nous écrivons, la surface totale plantée de Sagrantino n’excède pas les 120 hectares ; ce chiffre devrait néanmoins augmenter fortement dans l’avenir.

L’économique reste une vraie douleur rectale, mais il a aussi fait notre quotidien de gens du passage :

Huit milliards pour huit minutes
Liège pousse un soupir de soulagement. Le projet relatif à la construction d’une ligne à grande vitesse entre la “Cité ardente” et la frontière allemande verra bel et bien le jour, projet comprenant l’aménagement d’un tunnel de 12 milliards de francs à Soumagne. Que les Allemands ne soient pas disposés à investir dans une ligne en site propre entre la frontière et la ville de Cologne, c’est un fait et qui oserait encore revenir à la charge. Liège l’a voulu, Liège l’a eu, “son” TGV, gare comprise. Que la construction d’une ligne en site propre entre Liège et la frontière allemande coûte huit milliards de plus que la modernisation de la ligne existante alors qu’elle représente un gain de temps de huit minutes, c’est un fait et qui oserait encore s’indigner de la facture?

Pire encore que la macro-économie, la science à l’européenne :

Le rapport expose la méthodologie commune aux deux équipes, et présente ensuite les conclusions respectives pour chaque région. Cette démarche a été ado​ptée dans un souci de clarté. La situation propre à chaque région est déjà très complexe en soi, et elle exige que les détails soient examinés à des degrés différents en fonction des effets et des influences découverts. Les exigences inhérentes à une évaluation de ce type, examinant l’aide humanitaire sur un spectre de plusieurs années et en de nombreux endroits, sont très différentes de celles qui sont propres à un projet d’évaluation conventionnelle. Par conséquent, la méthodologie et son raisonnement sous-jacent sont expliqués de manière détaillée. Il était en fait nécessaire d’adopter une méthodologie qui soit modulable en fonction des contraintes et des occasions, ce que reflète sa présentation.

Rien compris ! Revenons à ce qui fait sens, avec la Grande Montagne :

Quand je danse, je danse ; quand je dors, je dors ; et même quand je me promène solitairement dans un beau verger, si mes pensées se sont occupées de choses étrangères à la promenade pendant quelque partie du temps, une autre partie du temps je les ramène à la promenade, au verger, ​à la douceur de cette solitude et à moi.
La Nature a maternellement observé ce principe, à savoir que les actions qu’elle nous a enjointes pour notre besoin nous fussent très agréables également, et elle nous y convie non seulement par la raison, mais aussi par le désir…

Montaigne traduit en français moderne… au départ du japonais ! Il est de ces passages quelquefois surprenants.

Autre traduction du japonais qui fait sens, pour le plaisir encore, un des haikus les plus érotiques que j’aie rencontrés. Il est composé par une japonaise. Je te le livre

t’attendant
un, deux, trois pétales
sur le siège

Un des plus tragiques maintenant, écrit par un français rescapé des tranchées :

En pleine figure,
La balle mortelle.
On a dit : au coeur – à sa mère.

Mais, hauts les cœurs : le tragique, l’érotique, l’économique, le formel, le goûtu, le poétique, Christine est sur tous les fronts, du clavier à la rue ! J’en oublierais presque qu’elle nous a formés et, dans mon cas, à trois choses.

Pour la première, Montaigne encore :

Composer notre manière de vivre est notre devoir, et non pas composer des livres, et gagner non des batailles et des provinces, mais l’ordre et la tranquillité pour notre conduite. Notre grand et glorieux chef-d’oeuvre, c’est de vivre à propos.

Pour la deuxième, Shakespeare pour qui le roi est nu :

Words, words, words…

OK, William, mais autant pour le jeu ; pensez à cette question qui nous taraude tous, nous linguistes : l’occis mort est-il un pléonasme ?

Même dans le silence des idées, j’entends le chant des signes.

Enfin, pour la troisième, les mots d’une amie burkinabée dont je n’ai plus de nouvelles depuis deux semaines : “ton amitié est gravée au revers de mon poumon“. Que dire de plus, Christine, que ton amitié est gravée au revers de mon poumon. Merci à toi

[prononcé à l’ULG, à l’occasion du départ à la retraite professionnelle de Christine PAGNOULLE]

THONART : Rhapsodie à la courtisane (2014)

Temps de lecture : 2 minutes >

 

Ce doigt tranquille, où perchent des mots d’ombre,
Entre tes reins palpite, entre tes bombes,
Minuit le juste y compose de jeux
Ma mère, ta mère, toujours recommencées !
O récompense après une pansée
Qu’un long regard sur le calme du pieu !

La vulgarité naît-elle du sacrilège ou de la médiocrité de pensée ? Dira-t-on de ce pastiche qu’il est vulgaire parce qu’il singe un des poèmes les plus respectables de la littérature française (pastiche iconoclaste), parce que sa thématique est ouvertement sexuelle (pastiche indécent), parce qu’il cumule acte sexuel et irrespect de la mère (pastiche immoral), parce qu’il sent l’audace un peu désuète d’après-guerre (pastiche cinquante-et-un) ou parce que, après l’avoir lu, l’esprit n’a pas progressé d’un iota, qu’il n’y a pas ‘avant’ et ‘après’ sa lecture (médiocrité) ?

Hola !“, pourrait s’écrier Donatien Alphonse François, “soit, le texte est maladroit car quel vit peut se dire tranquille, qui n’a pas encore renoncé à l’exercice du plaisir d’homme ?” Mais quels fantômes (nos ‘mots d’ombre’) n’écrasons-nous pas avec ce doigt dressé, alors que nous fouillons, palpitants, les reins de la courtisane aimée ? Au zénith de la Lune, quand la tresse est défaite, quels jeux sombres et troubles ne mélangent-ils pas le souvenir de consolations gagnées au sein laiteux de nos mères avec l’apaisement réel, posé sur notre torse par les gestes de la belle, gestes répétés en abîme depuis la nuit des nuits. Quelle audace aussi, accessible aux seuls amants qui vivent la confiance, d’évoquer une ‘pansée’ là où d’autres évoqueraient l’acte d’amour : pardi, le plus raffiné des rois du Siam souffle comme une bête quand il prend sa femelle (titre qu’elle seule peut s’accorder). Et il n’a pas aimé dans la chair celui qui ne connaît cette certitude d’être le ‘Roi du monde’, alors qu’après l’amour, la repue pose la tête au creux de son épaule pour regarder la Lune au-dehors. Enfin, du pieu au doigt, la boucle est bouclée…

Je t’encule, salope magnifique,
Et je puise à la fleur de ton cul
Le printemps de ma trique.

Alors, pas de disgrâce non plus pour ces trois vers naïfs où le seul plaisir des gros mots crée la poésie autrement réservée aux seuls amants d’expérience ? Si, au pilori ! Jouer avec les mots, même avec métrique, qu’il s’agisse de contrepéter​ ou de dire avec verdeur que le Roi est nu, tout cela n’est rien si l’on ne génère un moment de passage pour l’esprit (avant et après). Pour rendre le propos plus évident, suit un des haïkus érotiques les plus délicieux qui soient, écrit par une japonaise, dame  Akiko Sakaguchi :​

t’attendant
un, deux, trois pétales
sur le siège

Bon anniversaire, Divin Marquis !

Patrick Thonart


[INFOS QUALITE] statut : validé | mode d’édition : rédaction | source : collection privée | commanditaire : wallonica.org | auteur : Patrick Thonart | crédits illustrations : en-tête, Marquis de Henri Xhonneux et Roland Topor (1989) © Roland Topor.


Plus de libertés en Wallonie…

A quoi bon, une encyclopédie ?

Temps de lecture : 2 minutes >

Entreprendre aujourd’hui l’édition d’une encyclopédie (fut-ce sous la forme d’un simple blogue encyclopédique), c’est proposer des fils d’Ariane, que l’on désire éclairés, dans le labyrinthe de la Toile : tout ou presque est là, qui peut faire viatique à l’homme qui marche éveillé. Dans la droite ligne du travail de partage des savoirs entrepris dès 1998 par le philosophe Jacques Dufresne (QC) et son Encyclopédie de l’Agora (avec laquelle nous avons collaboré pendant plus de dix ans), wallonica.org se veut tant éditeur de connaissances liées à son terroir, la Wallonie (BE), que marchepied vers d’autres gisements de savoirs en ligne : vous avez le droit de savoir-s !

Si le purin coule vers le bas, pourquoi vivons-nous dans la vallée ?

C’est Terry Gilliam (L’Obs, n°2661) qui met le doigt sur une des préoccupations de wallonica.org, à savoir une inquiétude de la pensée libre devant la prolifération des diktats à l’emporte-pièce qui font le quotidien du web 2.0 (et leur écho dont résonnent sans fin les réseaux sociaux). Car, enfin, le Café du Commerce n’est pas le Jardin d’Epicure : d’abord émerveillés par le potentiel du web, aurions-nous trop vite déterré les espoirs pacifistes de Paul Otlet et d’Henri La Fontaine (plus de savoirs partagés, moins de guerres) ? Aurions-nous espéré en vain l’émergence du CRAC, le Citoyen Responsable, Actif et Critique (s’est ajouté par la suite le S de Solidaire) ? Godot ?

Quand on est dans la merde jusqu’au cou, il ne reste plus qu’à chanter.

Beckett, encore. Alors, on chante ? Oui, pour mieux servir. Puisque l’Übermensch n’est pas pour demain et que la complexité fait loi, wallonica.org veut faire oeuvre utile en contribuant à cet archipel naissant sur la Toile, ces îlots de savoirs que des hommes et des femmes éditent en ligne. Le mot ‘éditer’ vaut ici son pesant de pèket : il s’agira de fédérer l’existant (relier contenus internes et externes), de faciliter l’accès aux savoirs (vulgariser les contenus experts), d’organiser la découverte (structurer la navigation), d’épauler les CRACS (permettre une lecture critique) et de maîtriser la publication (les options éditoriales sont le fruit d’un jugement personnel et l’internaute ne peut contribuer sans le contrôle d’un modérateur). Alors, on danse ? Oui, car n’est pas Diderot qui veut. Mais chacun peut faire sien le mot de Montaigne (Essais, III, 13) :

Notre bel et grand chef-d’oeuvre, c’est vivre à propos.

Dont acte…

wallonica.org est une encyclopédie citoyenne, indépendante, dédiée aux contenus francophones, wallons et assimilés. Initialement publiée sur walloniebruxelles.org, elle est désormais accessible à l’adresse wallonica.org. A terme, wallonica.org a pour vocation de devenir une société encyclopédique, active tant dans le domaine de l’éducation permanente, du marketing culturel d’intérêt public que de la promotion des savoirs wallons. A bon entendeur…

wallonica.org est un portail encyclopédique francophone, disponible pour tous les internautes, librement, gratuitement, sans publicité ni capture d’identité. Ses contenus sont édités par une équipe de contributeurs cooptés qui préfère “l’humanisme du lien” à l’exhaustivité : certains articles sont des compilations critiques de savoirs présents ailleurs sur la Toile, vers lesquels ils renvoient. C’était donc ça…“, s’exclame l’internaute ravi.


Au fil du blog…

THONART : La lumière est si joyeuse (2014)

Temps de lecture : < 1 minute >

La lumière est si joyeuse,
Là, ce matin,
Qu’elle viendrait lever
Ce petit voile amer
Devant ton sourire.

Je le sais.

Et, ici, mon cœur,
Dans l’attente amère de toi,
S’il embrasse d’autres cœurs,
Comme autant de pâles possibles,

Mon cœur reste une écluse fermée,
Toutes poutrelles levées :
Peu en fuit,
Tout reste à baigner
Cette pierre douce en son sein,
Une pierre que tu as posée
et
Qui reste bouillante de ton soleil…

Patrick THONART


Plus du même…

THONART : Il était plusieurs fois… (2014)

Temps de lecture : 2 minutes >

Il était plusieurs fois
Un Ours aux mille doigts
Qui de sa Belle
Caressait le Printemps

Il était une dernière fois
Une Renarde aux abois
Partagée entre son cœur et…
Ce qu’il y avait dedans

La Belle n’était pas peureuse
Et savait tracer son chemin
La Belle avait été heureuse
Mais ne savait ouvrir demain

Les deux s’étaient aimés
Et ils s’aimaient encore
Mais une page a tourné
Et a montré la Mort

C’était un jour froid sans oiseaux
Enlacés au bord de la clairière
Les amants s’étonnaient du mystère
D’une paix qui sentait le caveau

Lors d’une sente surgit la blême Araignée
Dont les fils entrenoués et bien ternes
Traînaient un cube blanc, aux arêtes aiguisées
Qu’elle posa sur une souche, devant la caverne

Qui pouvait croire qu’un si petit animal
Dans le cœur de la Rousse sèmerait le Mal
Et qu’à l’Être aimé tous les mots adressés
D’un carré blanc seraient désormais frappés

L’Ours enrageait de voir que chez sa Belle
Chaque attention se traduisait en censure
Et que les paroles qu’il attendait d’Elle
De sa tristesse augmentait la présure

Pourtant, les yeux de Dame Goupil savaient raconter
Le souvenir vif de leurs peaux ajustées
Et la confiance et la tendresse cent fois répétées
Et les doigts sur la table furtivement noués

Mais chaque mouvement de ses lèvres ourlées
Du carré blanc maudit était durement barré
S’en était à se demander
Si le Héron, son mari, s’en voyait aussi gratifié

Peau blanche et cheveux rouge, la Renarde peinait,
Se débattait, râlait et, dans tous les sens, se raidissait
Venant ici, partant par là, elle disait blanc, elle disait noir
Et la trame de tous ses contraires disait bien son désespoir

Penaud de l’abandon, l’Ours griffait les murs de sa caverne
Triste Printemps où les branches d’arbre sont toutes en berne :
Il ne savait si elle courait pour s’éloigner de leur amour
Ou si, un jour, de la clairière, elle aurait bouclé le tour…

conte préparé par Patrick Thonart


Du même auteur…

THONART : Les armoires alignées (2014)

Temps de lecture : 2 minutes >
(c) Christian DOTREMONT : L’ours du sens (1974)

 

Les armoires alignées,
dans la pièce occultée,
sont toutes si bien fermées.
Pourtant, à travers chacune,
filtre un rayon de Lune :
les serrures verrouillées
finissent toutes par rouiller.

Dans la colle d’une queue d’aronde,
poissent les crins d’une bête immonde.
Derrière le bahut,
dépasse la corde d’un pendu.
Dans ce tiroir sans fond,
grouillent des araignées sans nom.
Au lieu de l’huile dans la charnière,
coule le fiel d’une goule amère.
Sur le fauteuil défoncé,
ce n’est pas l’ombre de ta psyché
mais le reflet d’une âme damnée.
Et le bruissement dans les placards,
ce sont tes morts et les cafards.

Les armoires alignées,
dans la pièce occultée,
sont toutes si bien fermées.
Pourtant, à travers chacune,
filtre un rayon de Lune :
les serrures verrouillées
finissent toutes par rouiller.

Il n’y a pas de Jugement dernier,
il n’y a jamais assez de clefs.
On se croirait dans du Kafka
sauf que ton Procès… c’est toi.
Alors, à plein doigts,
touche ton émoi
(juste sous le cœur),
et vis enfin ta vraie peur :
plonge les mains dans le coffre noir
et sors la vieille boîte à musique,
celle que tu prenais
pour un Géant d’Afrique.

Les armoires alignées,
dans la pièce occultée,
sont toutes si bien fermées.
Pourtant, à travers chacune,
filtre un rayon de Lune :
les serrures verrouillées
finissent toutes par rouiller…

Patrick Thonart


Plus du même…

THONART : La larme de l’Ours l’avait trahi (2014)

Temps de lecture : < 1 minute >

 

La larme de l’ours l’avait trahi.

Débordée de son œil rougi,
Elle allumait sa joue

De la lueur du feu nourri.

Dans sa caverne, dans son abri,
L’Ours brûlait le sapin inutile,

Et le vent avait compris
Tout le chagrin de son ami.
“Une escarbille, sans doute”,
Disait Martin un peu contrit.

Et le vent avait conté,
La belle Renarde rencontrée,
Tous les fastes et les flambeaux
A chaque fenêtre du château,

Alors que Martin marchait,
Martin marchait dans sa forêt.

Patrick Thonart

  • L’illustration est © Pierre ALECHINSKY, Linolog I (1972)

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