1. Projets conjugués
Au lendemain de la première guerre mondiale, deux projet distincts, inspirés par la reconnaissance, ont été élaborés simultanément. En se conjuguant, ils ont donné naissance au Monument Interallié et à l’église du Sacré-Cœur qui forment à Cointe un ensemble monumental bien connu des Liégeois.
Suivons d’abord la genèse du Monument Interallié. Au lendemain de la paix retrouvée, on voulut rendre un hommage collectif à la gloire des soldats alliés. Un vœu fut émis en ce sens lors du premier congrès de la Fédération Interalliée des Anciens Combattants (F.I.D.A.C.) en 1921. Deux ans plus tard, un congrès semblable réuni à Rome s’enthousiasma pour le projet et en confia l’exécution à une nation ayant été particulièrement éprouvée par le conflit et qui en fut la première victime : la Belgique. Un comité interallié fut constitué et confié à la Princesse Jean de Mérode, présidente de la Fédération Nationale belge des Combattants. Le comité projeta d’édifier un monument commémorant la collaboration des alliés pendant la guerre, à Liège, ville qui subit en 1914 le premier choc de l’invasion. On pensa construire à Fétinne ce “Mémorial Interallié” qui devait faire renaître la solidarité internationale sur le terrain de la charité. Le Mémorial devait contenir un musée de la charité internationale pendant la Grande Guerre.
Pendant ce temps, dans les milieux catholiques, on élaborait un autre projet. Depuis longtemps, on avait décidé d’ériger un mémorial au Sacré-Cœur de Jésus pour la protection dont avait joui le Pays de Liège pendant les dures années de l’occupation. Il ne fut d’abord que d’une statue monumentale à placer au plateau de Cointe. On parle ensuite d’ajouter une chapelle qui prit bientôt les proportions d’une église et qu’on appela prématurément “basilique.”
C’est l’abbé de Fooz, curé de Roloux, qui fut le promoteur du projet de monument religieux. L’Évêque désigna Cointe comme site : ainsi l’église servirait en même temps d’église paroissiale. Jusque là, en effet, la paroisse Notre-Dame de Lourdes de Cointe ne disposait que d’une chapelle provisoire située rue du Chéra. L’élaboration du projet fut donc confiée à la Fabrique d’Eglise, institution responsable dans la paroisse du lieu de culte. Cette Fabrique est soumise à une législation très stricte. Les démarches entreprises par le Conseil de Fabrique se heurtèrent à tant de difficultés administratives que celui-ci renonça au projet qui fut dès lors pris en charge par une association privée érigée le 14 novembre 1923 : l’A.S.B.L. “Monument Régional du Sacré-Cœur“. A la fin de la même année, l’A.S.B.L. acheta le château Saint-Maur et les propriétés voisines.
De ce temple dédié au “Prince de la Paix”, on voulait faire un centre vivant de dévotion eucharistique et un centre diocésain de la dévotion au Sacré-Cœur. Ces deux projets fusionnèrent dès le moment où les responsables du “Monument Interallié” apprirent qu’un comité liégeois se proposait d’ériger une grande église régionale et un centre de pèlerinage à Cointe. Les deux monuments n’en feront qu’un seul qui comportera un élément civil et patriotique, le Monument Interallié, et un élément religieux, l’église du Sacré-Cœur.
Les comités réunis approuvèrent le projet de construction qui avait remporté le concours ouvert pour la circonstance. Il était l’oeuvre de l’architecte anversois Jos. Smolderen, auteur d’un autre monument à Zeebruges.
2. Les travaux
Lors de la pose de la première pierre du futur monument, on ne pensait encore qu’à la construction de la statue du Sacré-Cœur. La pierre en question est conservée dans la chapelle latérale dédiée à Saint-Maur. Elle porte une inscription : “Au prince de la Paix, le pays de Liège reconnaissant. Le 21 juin 1925, Sa Grandeur, Mgr Rutten, Évêque de Liège, d’Eupen et de Malmedy, posa solennellement le première pierre de ce monument.“
l.’ouverture des soumissions pour les travaux eut lieu au château Saint-Maur, l’actuel Castel, le 8 septembre 1931. Un devis estimatif parlait de 4.600.000 francs. La construction de l’église fut confiée d’abord à la firme S.A. Hallet et Poismans. Elle fut poursuivie par la S.A. Poismans et Cie, alors que l’entreprise Hallet travaillait au Mémorial. En effectuant les déblais pour les fondations de l ‘église, on ne fut pas peu surpris de trouver une demi-douzaine de puits de mine de quelque 90 cm de diamètre. On se trouvait sur l’emplacement d’une ancienne houillère, vieille de 2 à 3 siècles, dont l’administration des mines ignorait l’existence.
La consolidation du terrain a été réalisée par l’injection de ciment. Il fallut amener 250 camions de 2.000 kg de ciment. Ce travail d’injection dura un an et consomma une part des fonds rassemblés pour le monument. Ainsi, les assises de l’église reposent sur un formidable bloc de béton. L’ossature de l’église n’est pas construite en béton armé. L’élévation et les piliers sont en maçonnerie de briques. Les pierres du revêtement extérieur sont celles dites Mézangères, appelées communément pierres de France. Les hourdis de la crypte, les linteaux intérieurs, la voûte supérieure et la coupole extérieure sont en béton armé.
Malheureusement, le bâtiment est resté inachevé. En effet, autour de l’espace central, sous la grande coupole, on prévoyait deux grandes chapelles et deux portails monumentaux. Une seule des grandes chapelles qui devaient rayonner autour de la coupole a été construite : c’est le chœur. L’autre chapelle, de même que les deux entrées monumentales, n’ont pas été réalisées parce qu’on manquait d’argent. Une maquette exposée dans l’église permet de voir comment devait se présenter l’édifice initialement prévu.
Ceci explique que trois pans de l’enceinte ont été fermés (on espérait la chose provisoire) par des parois élevées en maçonnerie de briques rouges recouvertes de cimentage. Deux porches que l’on croyait aussi provisoires ont été construits en maçonnerie et recouverts de cimentage. Les aménagements intérieurs n’ont pas été effectués à cause du manque de fonds.
3. L’inauguration
Nous nous intéressons principalement à ce qui concerne l’église du Sacré-Cœur. A titre d’information complémentaire, nous mentionnons ce qui concerne d’autres éléments faisant partie de l’ensemble monumental de Cointe.
Le 22 mars 1936, dimanche du Laetare, la paroisse N.-D. de Lourdes assiste à la bénédiction solennelle de la nouvelle église paroissiale dédiée au Sacré-Cœur, Prince de la Paix. Cette bénédiction a été donnée par Mgr Simenon, vicaire général, assisté par l’abbé Claessens, curé, et de Mgr de Gruyter, ancien curé de la paroisse. Cette bénédiction marquait l’ouverture de la nouvelle église au culte.
La consécration de l’église, qu’on appelle aussi “dédicace”, eu lieu le vendredi 19 juin 1936, jour de la fête du Sacré-Cœur, par Mgr Kerkhofs, Évêque de Liège. L’inauguration du Monument Interallié a eu lieu le 20 juillet 1937. Elle fut présidée par le Roi Léopold III en présence du Prince Charles, du Maréchal Pétain, du Maréchal Earl of Cavan et de la Princesse de Mérode. Le monument aux morts de Cointe, plaque commémorative fixée sur le mur extérieur de l’église face à la tour votive, a été inauguré le 17 juillet 1938.
4. Style et dimensions
De style néo-byzantin, l’église est couverte d’un dôme central à lanterne supporté par huit double colonnes. Des chapelles occupent les absidioles greffées autour du plan circulaire. La coupole est formée par trois éléments superposés :
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- une coupole intérieure de forme ovoïdale percée à la partie supérieure ;
- un cône intermédiaire ;
- la coupole extérieure de forme sphérique, absolument indépendante des autres. Cette coupole est légère : elle n’a que 8 cm d’épaisseur.
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L’église a 84 m de façade. La hauteur totale de l’édifice est de 54 m (la tour votive du Monument Interallié a 75 m).
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- La hauteur sous la coupole intérieure : 35 m ;
- La hauteur sous la coupole extérieure : 42 m ;
- Le diamètre de la coupole intérieure : 25 m ;
- Le diamètre de la coupole extérieure : 28 m ;
- Le diamètre de la lanterne : 8 m 50 ;
- Le poids total des matériaux employés : 25.000 tonnes.
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5. Meubles et décoration
Le Sacré-Coeur en marbre blanc de Carrare placé à l’ intérieur de l’église sur un socle imposant en face de l’entrée est la reproductionn faite par Karel Weirich d’un Sacré-Coeur sculpté pat son père : Ignace Weirich (1856-1916). L’original est à Rome.
La statue de Saint Maur provient de la chapelle dédiée au saint dans la rue portant son nom. C’est Saint Maur abbé (il porte la crosse). Il y a eu incontestablement confusion entre l’abbé angevin et l’obscur ermite hutois vénéré à Cointe. C’est devant le statue de l’abbé que prient ici les fidèles. L’oeuvre semble dater du 17e siècle. La polychromie est neuve.
Le Christ en croix surmontant le tabernacle du maître-autel est l’oeuvre du céramiste cointois Dominique Harzé. Dès 1935, la Pologne préparait l’aménagement décoratif et l’ameublement de la chapelle dédiée à la Vierge de Czestochowa.
Les fonts baptismaux, fixés dans le baptistère, sont faits d’une cuve en marbre sur pied.
Les orgues sont les dernières orgues de cirque construites par Kerckhoff de Bruxelles en 1905.
Les vitraux sont plus tardifs.Les trois vitraux du chœur honorent le Sacré-Cœur. Celui du centre est dédié au Sacré-Cœur, Prince de la Paix. Celui de gauche évoque le cœur transpercé de Jésus. Celui de droite montre le disciple bien-aimé s’appuyant sur le cœur de Jésus. Ils sont l’oeuvre de G. Steger et de J.Colpaert qui les ont réalisés en 1953.
D’autres vitraux ornent la chapelle saint-Maur. Ils sont des hommages rendus à des enfants de la paroisse morts au service de la patrie ou de l’église : Michel Nève de Mévergnies (1943) ; Albert Forgeur (196l) ; Maurice
Hauterat (1944). D’autres ouvrages récents ornent le chœur : les grilles en fer forgés. Les confessionnaux sont aussi en fer forgé.
La crypte est décorée de trois mosaïques dues à J. Osterrath et placées en 1938. La mosaïque centrale faisant effet de retable représente des anges en adoration, celle de gauche représente N.D. de Lourdes, celle de droite Sainte Bernadette, la voyante de Lourdes.
6. La visite
Tout a été conçu pour faciliter la visite de l’ensemble du bâtiment. Un escalier monumental, situé derrière l’autel, donne accès au balcon qui surplombe le choeur. D’autres escaliers donnent accès aux deux balcons situés à l’arrière du bâtiment. Des escaliers aménagés dans les deux clochetons N-E conduisent vers la galerie, le promenoir à la base du dôme. Le visiteur ayant gravi les 85 marche peut circuler à son aise dans le promenoir long d’environ 100 m et situé à une hauteur de 42 m. Dans la galerie, 40 baies sont ouvertes dans la paroi extérieure permettant à celui qui circule dans la galerie de découvrir le plus beau panorama ininterrompu de Liège et de sa banlieue. Par des fenêtres donnant vers l’intérieur, le visiteur peut, de la galerie, voir l’église de haut.
Depuis la galerie, on accède à la lanterne couronnant le dôme par l’escalier de 91 marches posé en colimaçon entre la voûte intérieure et la coupole extérieure. Cet escalier en béton armé encastré sur les parois des coupoles intérieure et moyenne, permet l’accès facile au balcon qui couronne la coupole extérieure. Depuis ce point élevé le visiteur a une vue impressionnante du panorama. La montée vers la lanterne par l’espace. situé entres les coupoles impressionne le visiteur et lui donne une idée saisissante des dimensions du bâtiment.
7. Une basilique ?
La dénomination de “basilique” donnée à une église ne tient pas à son architecture et ne dépend pas de la volonté de ceux qui l’ont construite. Il s’agit d’un titre décerné à l’édifice par l’autorité ecclésiastique qui veut honorer le sanctuaire. Pour comprendre le sens et l’origine de ce titre, il est utile de faire un peu d’histoire.
Dans l’antiquité romaine, on qualifiait de royal un édifice imposant. Le terme basilique, d’origine grecque (“basilikos”, du mot “basileus” qui veut dire “roi”), fut employé par les seuls latins pour désigner une grande salle. On appela “basiliques” principalement les édifices publics civils qui servaient de marché ou de palais de justice.
Les chrétiens des deux premiers siècles ne semblent pas avoir eu d’édifices réservés à leurs assemblées. Leurs réunions avaient lieu dans des maisons privées. Au troisième siècle, certaines maisons, devenues propriété de la communauté, servirent de lieu de rassemblement. La croissance de la communauté amena les chrétiens à construire non seulement des maisons ordinaires servant d’église, mais de grandes salles du genre des salles publiques connues à l’époque. Quand les chrétiens construisirent des édifices religieux adoptant le dessin et les proportions de la basilique civile, on parla de basiliques chrétiennes. Celles-ci se caractérisaient par la forme basilicale, c’est-à-dire une grande surface rectangulaire couverte d’une charpente que supportaient des rangées de colonnes parallèles à un côté.
Le titre de “basilique”, resté longtemps imprécis a été finalement conservé par certaines églises qui étaient plus connues à cause de leur antiquité, de leurs dimensions ou de leur célébrité. A partir du 16e siècle, les papes ont donné le nom de “basilique” à des églises qui ne jouissaient pas d’elles-mêmes d’une longue antiquité et d’une grande célébrité. La législation ecclésiastique plus récente dit : “Aucune église ne peut être honorée du titre de basilique sinon par la permission apostolique ou par une coutume immémoriale.” Trois insignes sont remis à une église élevée au rang de “basilique” : le pavillon, grand parasol fait de bandes de soie alternativement rouges et jaunes ; la clochette fixée au sommet d’un bâton ; la chape violette dont se vêtent les chanoines si la “basilique” a un chapitre.
L’église du Sacré-Coeur à Cointe n’a pas été honorée du titre de basilique. C’est donc prématurément que les promoteurs de l’église ont parlé de “basilique” et c’est erronément que certains l’appellent ainsi.
Auguste REUL, abbé
[INFOS QUALITÉ] statut : validé | sources : brochure inédite | mode d’édition : partage et correction par wallonica | commanditaire : wallonica.org | contributeur : Philippe Vienne | crédits illustration : toutes les illustrations sont © Manu Utility. Voir l’album complet de Manu Utility sur la “basilique” de Cointe ici.
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