CASTELLUCCI, Bruno (né en 1944)

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C’est à Châtelet que Bruno CASTELLUCCI voit le jour, en 1944, année combien importante pour notre jazz ! Ses parents, d’origine italienne, remarquant son goût précoce pour la musique, l’inscrivent, parallèlement à ses études, à un cours de solfège à l’Académie de Musique de Châtelet. Il y apprendra également le piano pendant deux ans, mais cet apprentissage académique ne réussit pas à l’ intéresser vraiment : il ne se sent guère d’affinités pour le piano.

C’est en parfait autodidacte qu’il poursuivra son approche de la musique. A l’âge de quatorze ans, il se fait offrir une batterie et se met au travail, avec une ardeur bien plus affirmée que lors de son passage en académie. Il fait bientôt la connaissance de jeunes musiciens amateurs avec lesquels il monte ses premiers groupes. C’est au sein de l’un de ces premiers orchestres qu’il remporte, au Festival Adolphe Sax, à Dinant, le prix du meilleur batteur. Encouragé par ce succès, Bruno Castellucci commence à entrevoir la possibilité de mener une carrière de musicien professionnel. Mais en ces années 60, années sombres pour le jazz, il comprend d’emblée qu’il lui faudra pratiquer bien d’autres types de musiques ; ce qui ne le dérange d’ailleurs pas vraiment, son caractère le portant dès le départ à une conception éclectique de la musique.

Parallèlement à ses premiers contrats comme ‘pro’, il s’intègre progressivement dans le petit monde du jazz belge : dans les jam-sessions, il apprend à connaître les règles du jeu et se familiarise avec ce ‘répertoire’ qu’est censé connaître tout jazzman qui se respecte. Bientôt, il rencontre Maurice Simon, Jacques Pelzer, Francy Boland… Il côtoie et accompagne René Thomas lors de ses séjours en Belgique. Et, dès 1963, il joue de manière régulière dans le quintette du saxophoniste Alex Scorier. Les hasards du métier le mettent rapidement en rapport avec les artistes les plus variés, du chanteur yé-yé au trompettiste de bop, en passant par ces fameux ‘orchestres de guitares’ qui pullulent à l’époque en Belgique comme ailleurs.

De 1970 à 1974, il travaille essentiellement comme musicien de studio, non seulement en Belgique, mais aussi en Allemagne, aux Pays-Bas, et même en Angleterre et à Paris (notamment avec Robert Grahame). Il joue avec le groupe Placebo (1973) et suit Marc Moulin dans quelques unes de ses expériences (Sam’Suffy par exemple, en 1975). Avec Michel Herr, Robert Jeanne et Richard Rousselet, il rejoint le groupe Solis Lacus, une des formations les plus importantes du pays, dont la musique se colore des accents jazz-rock mis à la mode par les ‘enfants de Miles’. Dès cette époque, il est avec Félix Simtaine et Freddy Rottier un des batteurs les plus en vue de la scène belge, le plus actif dans la sphère jazz-rock, et son nom est cité dans le monde musical professionnel européen.

En 1974, il entre dans le big band de la BRT : il y restera jusqu’en 1980, sans pour autant se limiter à ce seul orchestre. En effet, on le rencontre aux côtés de musiciens comme Ian Akkerman (1977), Philip Catherine, Jasper Van’t Hoff, Michel Herr (il enregistre notamment un des trois disques du fameux Herr-Engstfeld Quartet), etc. En outre, depuis 1974, il participe à divers stages et s’intéresse de plus en plus à l’enseignement. De 1978 à 1985, il instruira les jeunes batteurs inscrits au Séminaire de jazz du Conservatoire de Liège ; à partir de 1985, c’est à Rotterdam qu’il dispensera son enseignement, étant un des quatre instructeurs étrangers du Conservatoire de cette ville.

Lors d’une interview accordée en 1979 au journal de la BDN, il confirme le caractère éclectique de ses goûts musicaux et exprime son intérêt pour la musique de Georges Benson par exemple, qu’il qualifie de “bon disco“. Il aime aussi jouer en big band et pendant plusieurs années, il travaillera dans l’orchestre de Peter Herboltzheimer (c’est avec cet orchestre qu’il accompagnera le temps d’un disque – un hommage à Parker – l’organiste allemande Barbara Dennerlein). Mais, il fait alors une rencontre décisive : celle de Toots Thielemans qui, appréciant la précision et la maturité de son jeu, l’engagera bientôt dans son propre quartette européen dont il est incontestablement l’élément-clé. Au cours de sa carrière, il a d’ores et déjà eu l’occasion de rencontrer quelques authentiques géants : Slide Hampton, Art Farmer, Johnny Griffin, Benny Carter, Joe Pass, Tete Montoliu, Niels-Henning Oersted-Pedersen, Palle Mikkelborg, Freddie Hubbard. Il a accompagné bon nombre d’entre eux en studio et, lors d’émissions de télévision, il a fait la connaissance de vedettes internationales comme Benny Goodman, Sammy Davis Jr, Dizzy Gillespie ou Lionel Hampton. Aux quatre coins du monde, il a monté ses caisses et ses cymbales sur les scènes de tous les grands festivals (Montreux, Nice, La Haye, Los Angeles, Montréal, etc.).

En bref, il est devenu un des musiciens majeurs du jazz européen, un jazz qu’il a d’ailleurs représenté dans différentes formations aux Festivals de Pori, Ljubljana, etc. Il est impossible de rendre compte dans le détail du travail fourni en quelques trente ans de carrière par un musicien aussi polyvalent et aussi boulimique que Bruno Castellucci. On notera pourtant, entre mille et une manifestations de son talent, sa présence aux côtés de Chet Baker sur le disque superbe témoignant de la rencontre entre le trompettiste et Steve Houben, Bill Frisell, etc. Il a signé là un de ses enregistrements les plus fins et les moins démonstratifs. Castellucci, à l’exception d’une récente expérience dans la sphère jazz-rock, n’a guère manifesté jusqu’à présent le désir de devenir lui-même leader de ses propres orchestres. Il reste le sideman solide et le musicien professionnel qu ‘il n’a cessé d’être depuis ses débuts.

Jean-Pol SCHROEDER


[INFOS QUALITE] statut : actualisé | mode d’édition : transcription (droits cédés), correction et actualisation par wallonica.org | source : SCHROEDER Jean-Pol, Dictionnaire du jazz à Bruxelles et en Wallonie (Conseil de la musique de la Communauté française de Belgique, Pierre Mardaga, 1990) | commanditaire : Jean-Pol Schroeder | contributeur : Philippe Vienne | crédits illustrations : © jazzathome.be | remerciements à Jean-Pol Schroeder


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