A la découverte des (vrais) animaux qui se cachent derrière Nessie, le Yéti ou le Kraken

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Une étude vient de suggérer qu’une “grosse anguille” pourrait bien se cacher derrière le monstre du Loch Ness. Petites explications scientifiques sur ce qui se dissimule derrière Nessie, qui serait avant tout un mirage, et quelques autres créatures mythiques, du Yéti au Kraken.

La cryptozoologie, la “science des animaux cachés”, enquête sur les animaux dont l’existence est controversée, et dont la réalité n’est attestée que grâce à des témoignages. Certains, devenus des créatures mythiques, à l’image du Léviathan ou du Yéti, ont fait l’objet d’études sérieuses, qui remontent aux origines mêmes de ces monstres populaires, voire quasi-légendaires.

Petit “débunkage” en règle, avec Benoît Grison, auteur du Bestiaire énigmatique de la cryptozoologie : du Yéti au Calmar géant.

Il y a assez souvent, en cryptozoologie, des animaux qui sont supposés inconnus mais qui ne sont que des animaux rares, mal observés ou mésinterprétés par des gens qui ne sont pas des naturalistes. Il peut y avoir des animaux inconnus, parce qu’il reste beaucoup de faune à découvrir. Mais il est très très rare qu’il n’y ait rien du tout derrière, qui ne soit pas biologique.

Benoît Grison

Derrière Nessie, des phénomènes naturels (et des phoques)
© Philippe Vienne

Qui n’a pas entendu parler du monstre du Loch Ness – Nessie pour les intimes – cette fameuse créature digne de la préhistoire, dont la tête et le long cou affleurent à la surface de l’eau ? Le nombre de témoins a longtemps intrigué les naturalistes, certains d’entre eux adhérant à l’hypothèse d’une créature marine.

Une idée que vient conforter une étude parue ce jeudi 5 septembre [2019] et qui estime qu’une grosse anguille pourrait bien se cacher derrière la créature mythique. En juin 2018, l’équipe de Neil Gemmell, de l’université d’Otago, en Nouvelle-Zélande, a recueilli plus de 200 échantillons ADN dans le célèbre lac écossais. Après analyse de près de 500 millions de séquences, le généticien n’a découvert aucune trace de plésiosaure, une famille de grands reptiles aujourd’hui disparus. En revanche, de “nombreuses séquences ADN d’anguilles” ont été retrouvées, si bien que l’hypothèse de “très grosses anguilles” ayant pu être prises pour Nessie semble plausible aux chercheurs… qui cherchaient avant tout à étudier les différents organismes présents dans le lac.

Mais si les témoignages d’une créature mythique hantant le lac écossais sont aussi nombreux (plus d’un millier entre 1933 et aujourd’hui), c’est avant tout parce que nombre de personnes ont été victimes de mirages, dus aux conditions climatiques du Loch Ness.

On oublie souvent que le Loch Ness est un lac de très grande taille, 7 milliards de m³ d’eau, et où il y a des mirages, raconte Benoît Grison. Quand vous avez par exemple un madrier qui flotte à la surface du Loch Ness et qu’il est réfracté, on peut avoir l’impression d’un cou d’animal qui se dresse au dessus de l’eau.” A l’origine de ces mirages, le phénomène naturel de “la couche thermique d’inversion” (la couche profonde de l’eau demeure à une température constante, plus froide, alors que celle de la surface fluctue) peut créer une réfraction en surface. Ce phénomène est non seulement à l’origine de mirages susceptibles de distordre et d’agrandir ce qui se trouve dans l’eau (comme du bois mort par exemple) mais la friction des couches d’eau à des températures différentes peut entraîner la formation de “vagues sans vents”, donnant l’impression que se forme en surface le sillage d’une créature marine, comme si quelque chose se déplaçait juste sous la surface du lac.

De temps en temps, quelques phoques se sont introduits dans le Loch Ness, périodiquement, ce que les riverains ignoraient“, ajoute Benoît Grison. Ces mêmes phoques, probablement déformés du fait des mirages, sont certainement à l’origine de nombreux témoignages.

© geo.fr
Le Yéti, mi-singe mi-ours ?

Le Yéti c’est un petit peu compliqué : il y a deux groupes de témoignages complètement cohérents phénoménologiquement, poursuit Benoît Grison. Il y a un groupe au sud de l’Himalaya, avec des témoignages anciens et sérieux, qui décrivent l’animal comme une sorte d’Orang-outan terrestre. En revanche, au Tibet, il est décrit comme un ours.

Au Népal, au sud de l’Himalaya, les témoignages sont anciens et se sont raréfiés au fil du temps, “soit c’est un mythe en train de s’éteindre, soit il n’est pas impossible biologiquement que l’Orang-outan continental, qui vivait il y a quelques milliers d’années dans cette région d’Asie, ait survécu dans les forêts himalayennes un peu plus tard qu’on ne le croit“. Là où au Népal le Yéti est décrit comme ayant une apparence simiesque, au Tibet, en revanche, on le qualifie plus volontiers d’humanoïde couvert de poils et s’attaquant au bétail. “Les nuances de couleur de la fourrure correspondent à l’ours bleu. C’est un animal redoutable, impressionnant, qui se met facilement sur ses deux pattes arrières et qui s’attaque au bétail : il a tout pour faire un parfait croque-mitaine“.

Le Yéti aurait donc une origine bicéphale : les récits d’une créature simiesque et ceux d’une créature humanoïde se confondant volontiers. Reste qu’une créature proche du Yéti a réellement existé : le gigantopithecus, éteint il y a 100 000 ans, était un singe qui pouvait faire 3 m de haut et peser jusqu’à 350 kilos.

© futura-sciences.com
Le Kraken ? Un calmar géant et quelques canulars

Cet animal mythique, issu des légendes scandinaves, a évidemment été inspiré par le calmar géant. Dans les légendes, le Kraken tient beaucoup de la bête-île : “quand les marins arrivent sur une île, ils font un feu, et réalisent un peu tard qu’il s’agit en réalité d’un monstre marin ; mais dans sa dimension tentaculaire, on a compris qu’il a été inspiré par le calmar géant, qui n’a été décrit scientifiquement qu’en 1857. C’est récent, à l’échelle de l’histoire des sciences“.

Le calmar géant, ou Architeuthis, est un animal qui vit en profondeur, à plus de 1000 mètres, précise Benoît Grison. Quand un Architeuthis arrive à la surface, c’est qu’il est moribond, et en très mauvais état physiologique. Ses tentacules s’agitent, mais c’est parce qu’il est en train d’agoniser. Il est clair que la vision de calmars qui peuvent atteindre 17 mètres, pour les marins d’autrefois, avec les mouvements convulsifs des tentacules, ça pouvait impressionner.

Des canulars ont achevé de perpétuer la légende du Kraken engloutissant les navires au fond des abysses : lorsque la découverte scientifique du calmar géant fut confirmée, de nombreux journaux de l’époque prétendirent que des bateaux avaient été coulés. “Ces bateaux n’ont jamais existé, en sourit l’auteur du Bestiaire énigmatique de la cryptozoologieLe dernier dans cette lignée là, c’est Olivier de Kersauson, qui a prétendu que son trimaran avait été saisi par un calmar géant. Il a affirmé que le calmar avait saisi de ses bras la coque de son bateau à voiles et l’avait ralenti. Un ami qui travaillait pour l’Ifremer, à Brest, a demandé s’il était possible d’examiner la coque une fois le trimaran rentré, mais bien entendu il a refusé…

Regalec © aquaportail.com
Le Léviathan : “roi des harengs” ou colonies d’organismes ?

Dans la Bible, le terme de Léviathan est avant tout synonyme de monstre, et ne renvoie pas à un animal précis. “Il y a une fusion des mythes : les scandinaves ont fait une relecture du Léviathan comme étant leur serpent de mer (Jörmungand, ndlr), et c’est ce qui s’est imposé dans la culture occidentale. Dans la période moderne, les gens utilisent le serpent de mer pour tout ce qui a une forme allongée dans les océans, c’est un mot-valise.

En lieu et place de serpents de mer, il s’agit surtout d’animaux rares et surprenants, parmi lesquels le Régalec, surnommé “Roi des harengs” ou “Ruban de mer”. Ce poisson osseux, doté d’une crête rouge sur la tête et à l’air patibulaire, peut faire jusqu’à 8 mètres de long. “C’est un animal tellement rare que les biologistes se demandent encore s’il y a une ou deux espèces“.

Parmi les autres créatures susceptibles d’évoquer un serpent de mer, les pyrosomes arrivent en bonne place : ces organismes pré-vertébrés se regroupent en colonies. D’une taille de quelques millimètres, plusieurs centaines de milliers de ces organismes peuvent se coller les uns aux autres pour former de longs tubes pouvant atteindre jusqu’à 12 m de long.

La mer est très mal connue, tient cependant à préciser Benoît Grison. Il y a au moins un tiers des espèces marines qu’on ne connaît pas, donc on ne peut pas exclure que pour un témoignage restant qui semble cohérent, il y ait une créature inconnue.

Balaeniceps © sylvancordier.com
Des ptérodactyles survivants ? Non, la silhouette du Balaeniceps

Malgré les fantasmes, on est encore bien loin du Jurassic Park de Michael Crichton. En Afrique australe, notamment en Namibie et au Botswana, des rumeurs insistantes avaient décrit des reptiles volants tout droit surgis de l’ère secondaire. “C’était des témoignages crédibles, de fonctionnaires coloniaux, relate Benoit Grison. Mais en fait, il y a cet oiseau extrêmement étrange, le Balaeniceps, ou Bec-en-sabot, qui, en vol, a une silhouette parfaitement ptérosaurienne“.

Ça tient à son bec extraordinaire, extrêmement massif, et à sa silhouette. Les témoignages honnêtes de créatures ptérosauriennes se retrouvent tous dans l’aire de distribution du Bec-en-sabot. Il y a une certaine cohérence derrière le témoignage, les gens sont sincères, mais il s’agit d’une réinterprétation massive. C’est finalement bien plus fréquent que les mystifications.

d’après FRANCECULTURE.FR


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