Spa est-il le plus vieux club de foot de Belgique ?

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SPA : en 1863, des Écossais fondent le premier club de foot en Belgique

Spa est-il le plus vieux club de foot de Belgique ? C’est en tout cas la thèse de Bruno Dubois, un médecin passionné de foot et historien amateur. Un club de foot – aujourd’hui disparu – y aurait été fondé 1863, soit 17 ans avant l’Antwerp et son fameux matricule 1. Spa serait même le plus vieux club de foot fondé en Europe continentale. Pour appuyer cette thèse, Bruno Dubois se base sur un document qu’il a reçu via internet, d’un descendant de barons écossais. Le document témoigne de la fondation en 1863 du “Foot Ball Club Spa” par deux clans, les Blair et les Fairlie.

Spa, lieu de villégiature

Au milieu du XIXe siècle, le sport était réservé aux grandes fortunes qui avaient du temps et de l’argent. Et Spa était leur endroit de villégiature. “Monte Carlo, c’était Spa à l’époque“, note Bruno Dubois, par ailleurs président de l’ASBL Foot 100. Les aristocrates de toute l’Europe, les tsars et les gens fortunés y passaient leurs vacances. Dans leurs loisirs, ils pratiquaient le sport et donc ils ont constitué un club de football à Spa.

Alors pourquoi le premier de Belgique, voire d’Europe continentale, ne porte-t-il pas le matricule numéro un ? Selon l’historien, “les numéros de matricule n’ont été attribués qu’en 1926. Comme ce club de Spa fondé en 1863 était parti en Ecosse, on l’a attribué au club qui faisait partie en 1926 de l’Union belge de football. Et donc le plus vieux club c’est l’Antwerp”. 

Aujourd’hui en 4e provinciale, l’actuel club de Spa porte le matricule 60. “Les Belges qui ont créé le premier club de spa en 1897 ignoraient qu’on avait créé 34 ans avant un club qui n’a été spadois peut-être que quelques mois“, conclut Bruno Dubois. [d’après RTBF.BE]


En 2012, suite à des recherches nécessaires à la rédaction d’un livre sur les 120 ans du FC Liégeois (RFC Liégeois 120 ans de football européen), Louis Maraite avait fait une découverte inattendue. Un club de football aurait été créé en 1863 à Spa, ce qui serait le premier club belge et peut-être le plus vieux du monde ! Mais c’est Bruno Dubois président du club centenaire qui a compilé les archives de l’Union belge de football, qui a trouvé un parchemin qu’un baron écossais avait écrit à Spa cette année. Alors que la fédération anglaise a été fondée en novembre 1863, un club spadois de football aurait donc été créé avant les clubs anglais !

Un courrier était envoyé par Bruno Dubois aux Musées de la ville d’eaux. Marie-Christine Schyns conservatrice proposait une recherche et une entrevue avec Paul Mathy entérinait un accord pour l’anniversaire du club spadois. J’ai donc cherché dans les archives du Fonds Body s’il y avait une trace du passage de ce baron écossais.

Voici d’abord une copie du manuscrit (ce qui est entre parenthèses a été ajouté après recherches).

IN PEDE VIS ET VIRTUS (Dans le pied, la force et la vertu).
FOOT BALL CLUBSPAPATRON Sir E(dward) Hunter Blair, Bart 1863 PATRONESSES Miss Hunter Blair – Miss Alice Hunter Blair – Miss Esther C(onstance) Fairlie– Miss A(lice) A(nne) Fairlie MEMBERS – Lt Colonel (James Ogilvy) Fairlie– Charles Strong Esq – J(ames) O(gilvy) R(eginald) Fairlie Esq – D(avid) Hunter Blair Esq. – J(ohn) Hunter Blair Esq. – Bart H(enri) J(ames) Fairlie Esq – R.N. Fairlie Esq. – F.A. Fairlie Esq. – E(adward) Hunter Blair esq. TREASURER SECRETARY Miss (Anne Elizabeth MAC Leod l’épouse )Fairlie – W.F. Fairlie Esq. The football Club Spa, in Belgium was where the 4th Bart and family went to economise in the 1860’s

(Bart = baron ; Esq =écuyer utilisé après le nom comme un titre de respect pour indiquer une famille de haut rang social)

En résumé, un baron écossais en villégiature à Spa pour vivre économiquement (?), crée un club de foot-ball en 1863 dont les membres du club sont tous issus de son clan ainsi que d’une autre famille alliée, tous du comté d’Ayrshire en Ecosse.

Sir Edward Hunter Blair est le 4e baron de la lignée. Il était gentilhomme, juge de paix, lieutenant de la Royal Navy, né en 1818 et décédé en 1896. Le 8e et le dernier baron de cette famille s’est éteint en 2006 en Ecosse. Les autres personnes citées ci-dessus sont : son épouse, ses fils (David, James et Edward) et une de ses filles (Alice) ainsi que le clan Fairlie composé de 9 personnes. Le couple Edward Hunter Blair – Elizabeth Wauchope a eu 13 enfants dont une fille est née le 16 septembre 1863 à Spa (inconnue dans l’état-civil spadois). Il s’agit vraisemblablement d’Helen Constance Hunter Blair décédée en 1886.

Dans la même liste, Charles Strong, né en 1844 à Ayrshire et décédé en 1942 à 97 ans, père de cinq fils et de deux filles, était le fils du révérend David Strong. Il a été ordonné révérend en 1867 et a été Premier Ministre de la Old West Kirk et plus tard Ministre des églises écossaises à Melbourne en 1875.

Du côté Fairlie, il y a le père colonel James Ogilvy Fairlie né en 1815 et décédé en décembre 1870, son épouse et leurs enfants dont : le baron Henri James Fairlie 22 ans, Isabella Catherine 20 ans, James Ogilvy Réginald 9 ans et David Oswald 10 ans en 1863. Je n’ai pas trouvé les âges des autres.

Nous avons donc deux familles de la noblesse écossaise qui s’installent à Spa, accompagnées du jeune futur révérend Stong. Le mariage des parents Hunter Blair date de 1850 et David, James, Edward ont respectivement : 10 ans, 9 ans, 5 ans. Les Alice, Dorothée, Helen sont connues par leurs dates de décès mais n’étaient pas adultes en 1863. Strong était donc le précepteur de jeunes enfants écossais. Tous les “members ” de la liste sont des garçons ou des hommes. Les vices présidentes et la trésorière sont des femmes adultes. W.F.Fairlie est secrétaire et sans doute homme adulte.

Vital Keuller, “La Sauvenière à Spa” (coll. privée) © Philippe Vienne

Dans le registre des étrangers à Spa de l’année 1863 à la page 12 (9 mai 1863) consulté au Fonds Body, j’ai pu lire : “Sir Edward Hunter BLAIR baronnet, famille et suite Ecosse 16 personnes” au 303 de la rue Sauvenière. Seize personnes comme exactement le nombre de personnes citées dans la composition du comité du club. Mais seize nobles si la suite n’est pas reprise dans le nombre.

Depuis 1861, les Filles de la Croix de Spa avaient ouvert un pensionnat payant pour les enfants de familles aisées. Les premiers enfants accueillis étaient allemands et anglophones. Les garçons ne devaient pas être adolescents tandis que les filles étaient accueillies jusqu’à 18 ans. Il est possible que les enfants aient été hébergés chez les Filles de la Croix pour la saison 1863.

“303 rue Sauvenière” n’est pas l’adresse d’un hôtel mais celle de Guillaume Midrez décédé en 1869 époux de Marguerite Leloup, qui loue vraisemblablement toute sa maison. La rue Sauvenière commençait à cette époque devant l’église de Spa et finissait sans doute à la source de la Sauvenière. Ce numéro est étonnant mais tout à fait normal à l’époque car l’administration communale donnait un n° aux maisons mais seulement pour les situer dans les registres de population.

En novembre de la même année, ce sont les mêmes 14 personnes qui s’installent dans l’hôtel de Rivoli rue Sauvenière. C’est maintenant le Lt Colonel Fairlie qui signe le registre. Deux personnes manquent à l’appel, vraisemblablement Sir Edward Hunter et son épouse qui se repose en Ecosse après l’accouchement du 16 septembre. En mai 1864, soit la saison estivale suivante, James Ogilvy Fairlie, rentier écossais, déjà cité, s’installe avec sa famille et sa suite, dans la villa de Singapore, rue Chelui avec 14 personnes. C’est lui qui était dans l’équipe de la Harrow School en 1873-74. Ces familles sont donc des habituées de la ville thermale, apprécient le séjour et logent dans le même coin spadois.

Le terme “Spa” est entré dans le langage des Britanniques depuis le XVIIIe siècle bien avant l’arrivée de ces écossais. Si un SPA est habituellement un “bain de cure”, ces écossais, par respect pour la ville mondaine qu’est Spa, créent un club de foot dont l’intitulé s’est appelé FOOT BALL CLUB de SPA ! Mais ce club a existé pour se former et jouer en Ecosse !

Mais pourquoi un tel “comité” composé d’adultes, d’enfants, de misses et d’un jeune révérend s’est-il créé pour fonder un club de football dont les règles précises n’existent pas encore ? Les plus éveillés diront : 16 personnes = 11 joueurs (ses) et cinq réserves sur le banc pour une équipe familiale mixte ! Je dois bien être sincère avec le lecteur, je n’ai pas trouvé une raison précise de la création d’un tel club…mais quelques explications supplémentaires mériteraient d’être lues sur la création du football britannique et du club actuel de Spa. Ces explications sont sans doute liées à la création du document cité ci-dessus.

Jean-Luc SERET

  • L’article original est paru dans SPAREALITES.BE.
  • image en tête de l’article © RTBF.be

[INFOS QUALITE] statut : validé | mode d’édition : compilation par wallonica | commanditaire : wallonica.org | contributeur : Philippe Vienne | crédits illustrations : © rtbf.be ; Philippe Vienne


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