KOKELBERG : Rabelais, moine truculent et médecin voyageur (CHiCC, 2022)

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Quatrième enfant d’un avocat, François RABELAIS naît à La Devinière, propriété familiale située non loin de Chinon, berceau de la famille. Sa date de naissance fait l’objet de controverses : 1483, 1489 ou 1494. Des indices divers peuvent accréditer chacun de ces millésimes. Quoi qu’il en soit, il a vécu à l’époque de Colomb, de Luther, d’Érasme, de François Ier, de Charles-Quint, de Jules II, de Léonard de Vinci et de Michel-Ange. Un bouillon d’Humanisme en pleine Renaissance.

Après une instruction à Seuilly (à 1,5 km de La Devinière), Rabelais devient novice puis moine chez les Cordeliers (“de cordes liés” !) à Angers (1509-1519) puis à Fontenay-le-Comte (1520-1525). Mais ces années passées chez les Franciscains (appelés “cordeliers” en France) l’étouffent. La Sorbonne conservatrice lui interdit même de lire les Évangiles à partir du texte grec. Pour se libérer de ce joug, il passe chez les Bénédictins, plus ouverts au travail intellectuel : le voilà à Maillezais, protégé par Geoffroy d’Estissac (les ruines de l’ancienne abbaye, face au marais poitevin, incitent à visiter la Vendée).

En 1530 cependant, après avoir fréquenté plusieurs universités françaises, il s’inscrit à la réputée Faculté de Médecine de Montpellier. Grâce à son immense savoir et à sa mémoire prodigieuse, il est reçu bachelier en moins de deux mois. Il lui reste à exercer pratiquement le métier pour être certifié médecin. Il va soigner 200 malades à l’Hôtel-Dieu de Lyon ; pendant son passage, la mortalité baisse de 3 %. Dans la foulée, il est engagé comme médecin et secrétaire particulier de Jean du Bellay, évêque de Paris – l’occasion de voyager en Italie.

Ce n’est qu’en 1532 – la quarantaine bien sonnée ! – qu’il publie son premier ouvrage Pantagruel, suivi, vu le succès, de la Pantagruéline Prognostication (satire des faiseurs d’horoscopes) et de Gargantua (père de Pantagruel) en 1534.

A travers Pantagruel et Gargantua, il a l’occasion de préciser ses idées en matière d’instruction et d’éducation. Idéalement, l’élève doit devenir “un abysme de science” et s’intéresser à tout : les langues, les maths, le droit, les sciences naturelles et la diététique – préoccupation très avant-gardiste mais qui s’explique par ses connaissances médicales.

Comme piliers, deux préceptes latins : “Mens sana in corpore sano” et “Utile dulci” : si on joint l’utile à l’agréable, la leçon se retient mieux (ex. le jeu de cartes à finalité mathématique).

Les ouvrages rabelaisiens précités sont enrobés dans des récits plaisants où le gigantisme et la bouffonnerie constituent l’enveloppe… mais comme il l’écrit : “L’habit ne fait point le moine.” Il faut dépasser la forme pour s’attacher au contenu.

A côté de ses leçons pédagogiques, Rabelais ne se prive pas de railler la justice, la Sorbonne et le bas-clergé.

Après un silence de 12 ans, il publie le Tiers Livre, opus dans lequel Panurge, compagnon de Pantagruel, consulte 16 spécialistes pour savoir s’il doit ou non se marier, car le risque d’être cocu semble réel dans le mariage.

Si l’on veut bien se laisser porter par le ton et le rythme de son oeuvre, Rabelais apparaît comme un promoteur de la joie de vivre, laquelle se décline en 4 mots : rire, boire, manger…et desbraguetter. Ce sera l’occasion pour Rabelais de faire exploser sa créativité : des rythmes de phrase très puissants et un vocabulaire richissime.

Ses personnages respirent la Gourmandise : Grandgousier et Gargantua (“car grand tu as”… le gosier) et ses cuisiniers sont affublés de jolis noms : “Saulpicquet”, “Paimperdu”, “Carbonnade” et “Hoschepot”.  Notre époque s’en sert encore !

François Rabelais © causeur.fr

Il convient enfin de souligner avec force cette vérité : Rabelais est le plus grand créateur de mots de notre langue française.

Il a popularisé des expressions toujours en vogue… après 5 siècles : “tirait les vers du nez”, “qui trop embrasse peu estrainct”, “saultoyt du coq a l’asne”. Dans le seul Pantagruel, on recense pas moins de 800 néologismes, entièrement imaginés par Rabelais. C’est à lui que l’on doit des mots comme écrabouiller, excrément, frugal, imposteur, intempéries et quinconce. Et quand il soigne les blessés dans son grand nosocome, on comprend mieux l’adjectif dérivé de ce substantif.

Il a aussi parlé de “la sepmaine des troys jeudis”, des “calendes grecques” et de “l’année des couilles molles”. En façonnant ce curieux “calendrier”, il a pu observer qu’il ne fallait pas confondre une femme “folle à la messe”… avec une femme “molle à la fesse”. L’inventeur de la contrepèterie, c’est encore lui, le père François !

Jean KOKELBERG

  • illustration en tête de l’article : Pantagruel par Gustrave Doré © BnF.

La CHICC ou Commission Historique et Culturelle de Cointe (Liège, BE) et wallonica.org sont partenaires. Ce texte de Jean KOKELBERG  a fait l’objet d’une conférence organisée en septembre 2022 par la CHiCC : le voici diffusé dans nos pages. Pour les dates des autres conférences, voyez notre agenda en ligne

Plus de CHiCC ?

LABE : Baise m’encor (Sonnets, 1555)

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Henri de Toulouse-Lautrec, Le baiser (1892)

Baise m’encor, rebaise-moi et baise ;
Donne m’en un de tes plus savoureux,
Donne m’en un de tes plus amoureux :
Je t’en rendrai quatre plus chauds que braise.

Las ! te plains-tu ? Çà, que ce mal j’apaise,
En t’en donnant dix autres doucereux.
Ainsi, mêlant nos baisers tant heureux,
Jouissons-nous l’un de l’autre à notre aise.

Lors double vie à chacun en suivra.
Chacun en soi et son ami vivra.
Permets m’Amour penser quelque folie :

Toujours suis mal, vivant discrètement,
Et ne me puis donner contentement
Si hors de moi ne fais quelque saillie.

Louise Labé, Sonnets (1555)


En citer d’autres…

TABOUROT : Belle qui tiens ma vie (1589)

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Révérence (illustration de l’Orchésographie de Thoinot Arbeau, 1589)

Le pseudonyme Thoinot ARBEAU est l’anagramme de Jehan TABOUROT, chanoine de Langres (FR), né en 1519 à Dijon, mort en 1595. Il serait le fils d’Étienne Tabourot, avocat devenu prêtre en 1530 et pourvu d’un canonicat à Langres en 1574 et il est l’oncle du poète Étienne Tabourot, le “Rabelais de Bourgogne”. Prêtre, licencié en droit il fait ses études à Poitiers et à Dijon. En 1542, il est au chapitre de Langres. En 1545, il a un canonicat à la cathédrale de Langres. En 1562 il est directeur à la réfection de la cathédrale. En 1565, il obtient un canonicat à Bar-sur-Aube. Il est chantre, inspecteur des écoles diocésaines et vicaire général du diocèse de Langres. Son Orchésographie comprend une des plus anciennes notation chorégraphique (des figures symbolisées par des lettres de l’alphabet) et quelques remarques sur la musique. [source : MUSICOLOGIE.ORG]

C’est dans cette Orchésographie et traité en forme de dialogue, par lequel toutes personnes peuvent facilement apprendre et practiquer l’honneste exercice des dances (1589) que l’on retrouve cette pavane à 4 voix, “Belle qui tiens ma vie” :

Belle qui tiens ma vie
Captive dans tes yeux,
Qui m’as l’âme ravie
D’un sourire gracieux,
Viens tôt me secourir
Ou me faudra mourir.(bis)

Pourquoi fuis-tu mignarde
Si je suis près de toi,
Quand tes yeux je regarde
Je me perds dedans moi,
Car tes perfections
Changent mes actions.(bis)

Tes beautés et ta grâce
Et tes divins propos
Ont échauffé la glace
Qui me gelait les os,
Et ont rempli mon cœur
D’une amoureuse ardeur.(bis)

Mon âme souloit être
Libre de passions,
Mais Amour s’est fait maître
De mes affections,
Et a mis sous sa loi
Et mon cœur et ma foi.(bis)

Approche donc ma belle
Approche, toi mon bien,
Ne me sois plus rebelle
Puisque mon cœur est tien.
Pour mon mal apaiser,
Donne-moi un baiser.(bis)

Je meurs mon angelette,
Je meurs en te baisant.
Ta bouche tant doucette
Va mon bien ravissant.
À ce coup mes esprits
Sont tous d’amour épris.(bis)

Plutôt on verra l’onde
Contre mont reculer,
Et plutôt l’œil du monde
Cessera de brûler,
Que l’amour qui m’époint
Décroisse d’un seul point.(bis)


Ecouter encore…

MONTAIGNE : Les Essais en français moderne (GALLIMARD, Quarto, 2009)

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MONTAIGNE, Les Essais en français moderne (GALLIMARD, Quarto, 2009)

C’est vers 1572 que Michel Eyquem de MONTAIGNE (1533-1592) entreprend de dicter les Essais, qui l’occupent jusqu’à sa mort. Deux ans plus tôt, il a vendu sa charge de conseiller au Parlement de Bordeaux et s’est retiré en son château du Périgord. Non qu’il se consacre exclusivement aux Essais : tout en administrant son domaine, Montaigne joue son rôle de gentilhomme catholique dans divers épisodes militaires ou politiques des guerres de religion. Il voyage, est élu puis réélu maire de Bordeaux, sert enfin d’intermédiaire entre le roi Henri III et le chef protestant Henri de Navarre (futur Henri IV). Les Essais se nourrissent autant de cette expérience que des lectures de l’humaniste dans la “retraite” de sa “librairie”. Montaigne publie les livres I et II à Bordeaux en 1580, puis les augmente et leur adjoint le livre III dans l’édition parisienne de 1588. Il continue ensuite d’enrichir son texte en vue d’une nouvelle édition. De ce travail subsistent deux témoins parfois divergents : un exemplaire des Essais couvert d’additions de la main de Montaigne (dit exemplaire de Bordeaux) et l’édition posthume de 1595.

Ce ne sont pas mes actes que je décris, c’est moi, c’est mon essence. J’estime qu’il faut être prudent pour juger de soi et tout aussi scrupuleux pour en porter un témoignage soit bas, soit haut, indifféremment. S’il me semblait que je suis bon et sage, ou près de cela, je l’entonnerais à tue-tête. Dire moins de soi que la vérité, c’est de la sottise, non de la modestie. Se payer moins qu’on ne vaut, c’est de la faiblesse et de la pusillanimité, selon Aristote. Aucune vertu ne se fait valoir par le faux, et la vérité n’est jamais matière d’erreur. Dire de soi plus que la vérité, ce n’est pas toujours de la présomption, c’est encore souvent de la sottise. Être satisfait de ce que l’on est et s’y complaire outre mesure, tomber de là dans un amour de soi immodéré est, à mon avis, la substance de ce vice [de la présomption]. Le suprême remède pour le guérir, c’est de faire tout le contraire de ce que prescrivent ceux qui, en défendant de parler de soi, défendent par conséquent d’appliquer sa pensée à soi. L’orgueil réside dans la pensée. La langue ne peut y avoir qu’une bien lègère part. (Essais, Livre II, 6).


Sur la philosophie de Montaigne (DIMA, Ana-Maria, 2013)

“Montaigne s’appuie sur sa culture humaniste (philosophes de l’antiquité) pour construire sa propre philosophie. Que sais-je ? est une reformulation de la devise Socratique : Je sais que je ne sais rien. Cette docte ignorance est le point de départ d’une attitude philosophique non dogmatique De ce fait, comme Socrate, Montaigne se tourne vers la maïeutique pour accompagner celui qui entame une quête d’identité et faire émerger en lui la liberté.

Elle se prolonge dans un scepticisme, suivant cette fois la voie de Pyrrhon et de ses successeurs : puisque nous sommes parfois trompés par nos sens et nos jugements, nous ne devons pas nous y fier. D’autre part, la confusion possible entre la folie, le rêve et la réalité ne nous permettent pas de garantir la valeur de nos perceptions. Il convient donc de suspendre notre jugement quant aux info transmises par les sens : nous devons demeurer sans opinion (affirmer ou nier) => douter de l’identité entre la représentation du monde que nous nous formons à partir de nos sens et la réalité. Il est, par exemple, impossible d’affirmer si la réalité d’une pomme correspond à la vision que nous en avons, à son goût, à son toucher ; les perceptions varient dans le temps et suivant les personnes… Nous ne devons pas accorder plus de confiance à notre raison dans la mesure où nos pensées nous apparaissent parfois indépendamment de notre volonté. Il faut donc cesser de croire à la certitude de nos raisonnements scientifiques.

Que ne plaît-il un jour à la nature de nous ouvrir son sein et de nous faire voir au propre les moyens et la conduite de ses mouvements, et y préparer nos yeux ! O Dieu ! Quels abus, quels mécomptes nous trouverions en notre pauvre science…

Nous n’avons donc pas de raison de nous sentir supérieurs aux animaux.

Montaigne s’appuie sur la philosophie platonicienne pour relativiser l’importance de la mort : philosopher c’est apprendre à mourir. Mais, c’est la morale Epicurienne qu’il choisit de suivre : limiter ses désirs permet de les satisfaire plus facilement. La fin du trouble causé par le désir est la définition même du plaisir, qui ouvre la voie au bonheur, selon Epicure.

Suivant Platon et Aristote, il pense que l’avenir de l’Etat dépend de la discipline de l’enfance. Mais, il critique le modèle politique prôné dans la République dans le 30e chapitre des Essais. A la suite de Machiavel et avant Montesquieu, il conseille d’observer avant d’agir en politique. De ne changer aisément une loi reçue constitue l’un des chapitres les plus incisifs des Essais. => les lois, les morales et les religions des différentes cultures ont toutes quelque fondement.

A condition de ne pas chercher à acquérir le pouvoir, ce pragmatisme est source de tolérance

  • religieuse : l’Etat ne doit pas imposer un modèle religieux ;
  • culturelle : la culture Européenne ne vaut pas mieux que celle des Indiens.

Enfin, Montaigne prône un enseignement fondé sur des exemples concrets et sur l’expérience, plutôt que les connaissances abstraites acceptées sans aucune critique. Mieux vaut une tête bien faite qu’une tête bien pleine afin de former le jugement.”


Sur l’écriture de Montaigne (DIMA, Ana-Maria, 2013)

“À l’imitation du Grec Plutarque (46-120), Montaigne conçoit ses Essais comme une marqueterie mal jointe, et revendique leur désordre comme gage de sa liberté et de sa bonne foy. Ce désordre vient aussi de la façon même dont les Essais sont écrits : Montaigne pense à haute voix, un scribe (il y en eut trois successifs) prend sa dictée. Préférant à l’organisation didactique et à la rhétorique des pédants une allure poétique, à sauts et à gambades, il mise sur la bigarrure et la diversité. Les cent sept Essais frappent donc par leur variété et par les contrastes qui les animent. Si les plus courts (notamment au livre I) ne sont guère que des notes de lecture, juxtaposant en une ou deux pages quelques anecdotes brièvement commentées, d’autres forment de véritables essais philosophiques, d’inspiration stoïcienne (Que philosopher c’est apprendre à mourir, I, 20) ou sceptique (Apologie de Raimond Sebond, II, 12), de plus en plus nourris de confidences personnelles (De la vanité, III, 9 ; De l’expérience, III, 13).

À la variété des formes répond celle des sujets : Montaigne, affectant de parler indifféremment de tout ce qui se présente à sa fantaisie, passe sans transition des cannibales (I, 31) aux ordonnances divines (I, 32), des senteurs (I, 60) aux prières (I, 61). Quelques titres trompeurs masquent les chapitres les plus audacieux : Coutume de l’île de Céa (II, 3) discute de la légitimité du suicide ; De la ressemblance des enfants aux pères (II, 37) attaque les médecins ; Sur des vers de Virgile (III, 5) recèle les confessions de Montaigne sur son expérience de l’amour et de la sexualité ; Des coches (III, 6) dénonce la barbarie des conquistadors… Non moins diverses sont les sources innombrables que Montaigne fait dialoguer, confrontant les autorités traditionnelles de l’humanisme à son expérience individuelle : si Plutarque et Sénèque restent ses auteurs de prédilection, historiens et poètes ne sont guère moins sollicités : des centaines de citations en prose ou en vers, en français et en latin, souvent plaisamment détournées, composent un texte à plusieurs voix. Loin de constituer un ornement gratuit ou une autorité paralysante, cet intertexte omniprésent illustre ou sollicite toujours une réflexion personnelle : Je ne dis les autres, explique Montaigne, sinon pour d’autant plus me dire.

Connais-toi toi-même : l’unité des Essais réside dans la démarche originale qui fait de l’enquête philosophique le miroir de l’auteur : C’est moi que je peins. Quel que soit le sujet traité, le but poursuivi est la connaissance de soi, l’évaluation de son propre jugement, l’approfondissement de ses inclinations : Dernierement que je me retiray chez moy, délibéré autant que je pourroy, ne me mesler d’autre chose que de passer en repos, et à part, ce peu qui me reste de vie : il me sembloit ne pouvoir faire plus grande faveur à mon esprit, que de le laisser en pleine oisiveté, s’entretenir soy mesmes, et s’arrester et rasseoir en soy (I, 8). Au-delà de ce projet sans précédent, qui nous dévoile les goûts et les opinions d’un gentilhomme périgourdin du XVIe siècle, comme ses habitudes et ses manies les plus secrètes, le génie de Montaigne est d’éclairer la dimension universelle d’un tel autoportrait : dans la mesure où chaque homme porte la forme entière de l’humaine condition, la mise en œuvre du précepte socratique Connais-toi toi-même débouche sur une exploration vertigineuse des énigmes de notre condition, dans sa misère, sa vanité, son inconstance, sa dignité aussi.

Humaniste par son goût des lettres antiques, Montaigne l’est plus encore au sens philosophique, par sa haute idée de la personne humaine et du respect qui lui est dû. Sa pédagogie non violente, misant sur le dialogue et la curiosité, ses dénonciations courageuses du colonialisme naissant ou de la chasse aux sorcières opposent à toutes les formes de bêtise, d’asservissement, de fanatisme ou de cruauté une ouverture à l’autre et un esprit de tolérance qui font parfois de cet « honnête homme » notre contemporain. Ce relativisme justifie la relation exempte de dogmatisme que Montaigne inaugure avec son lecteur : remettant lui-même en question ses propres dires, soulignant la contingence de ses humeurs et opinions, sujettes au branle et à l’universelle vicissitude (Je ne peins pas l’être, je peins le passage), Montaigne nous laisse une œuvre ouverte, dont l’inachèvement semble une invitation à poursuivre l’enquête et le dialogue.”


D’autres incontournables du savoir-lire :

MONTAIGNE : textes

Temps de lecture : < 1 minute >
Michel EYQUEM, seigneur de Montaigne dit MONTAIGNE (1533-1592)

Essais, III, 13, De l’expérience​

​Notre grand et glorieux chef-d’oeuvre, c’est vivre à propos.

Les Essais en français moderne (Quarto)

Essais, III, 8, Sur l’art de la conversation

Nous n’aimons pas la rectification​ [de nos opinions] ; il faudrait [au contraire] s’y prêter et s’y offrir, notamment quand elle vient sous forme de conversation, non de leçon magistrale. A chaque opposition, on ne regarde pas si elle est juste​, mais, à tort ou à raison, comment on s’en débarrassera. Au lieu de lui tendre les bras, nous lui tendons les griffes. Je supporterais d’être rudoyé par mes amis : “Tu es un sot, tu rêves”. J’aime qu’entre hommes de bonne compagnie on s’exprime à cœur ouvert, que les mots aillent où va la pensée. Il faut fortifier notre ouïe et la durcir contre cette mollesse du son conventionnel des paroles. J’aime une société et une familiarité forte et virile et une amitié qui trouve son plaisir dans la rudesse et la vigueur de son commerce, comme l’amour le fait dans les morsures et les égratignures sanglantes.


Citez-en d’autres :

RONSARD : textes

Temps de lecture : < 1 minute >
Pierre de RONSARD (1524-1585)

Bonjour mon cœur, bonjour ma douce vie
Bonjour mon œil, bonjour ma chère amie!
Hé! Bonjour ma toute belle,
Ma mignardise, bonjour
Mes délices, mon amour,
Mon doux printemps, ma douce fleur nouvelle,
Mon doux plaisir, ma douce colombelle,
Mon passereau, ma gente tourterelle!
Bonjour ma douce rebelle.

Hé, faudra-t-il que quelqu’un me reproche,
Que j’ai vers toi le cœur plus dur que roche,
De t’avoir laissée, maîtresse,
Pour aller suivre le Roi,
Mendiant je ne sais quoi,
Que le vulgaire appelle une largesse ?
Plutôt périsse honneur, court et richesse,
Que pour les biens jamais je te relaisse,
Ma douce et belle déesse.

[mis en musique par Roland de Lassus en 1564]

Citez-en d’autres :

Réouverture du musée Unterlinden : on va pouvoir revoir le mythique retable d’Issenheim

Temps de lecture : < 1 minute >

“Le musée Unterlinden de Colmar, célèbre pour le retable d’Issenheim, joyau de l’art médiéval, vient de rouvrir après trois ans de travaux et l’adjonction d’un nouveau bâtiment signé des architectes Herzog et de Meuron. Greffe réussie.

Cela fait cent soixante ans que cela dure : un Christ en croix à la peau verdâtre tachetée de brun, pieds et doigts déformés par des clous monstrueux, hypnotise les visiteurs du musée Unterlinden. Au verso, le Christ rayonne et lévite sur fond de soleil psychédélique, les bras levés dans un geste très « Peace and love ». La plupart du temps, les visiteurs restent scotchés dans le silence et le froid, tournant religieusement autour des onze panneaux de tilleul exposés dans la chapelle de l’ancien couvent des Dominicaines, transformé en musée en 1853.

Mondialement célèbre, le retable d’Issenheim, réalisé entre 1512 et 1516 par Mathis Gothart Nithart, dit Grünewald, a toujours aimanté les foules. Jusqu’à la Révolution, il trônait dans l’église de l’hospice des Antonins d’Issenheim, où l’on soignait les personnes atteintes par le mal des ardents, dû à un empoisonnement à l’ergot de seigle. On venait de loin pour le voir…”

Lire la suite de l’article de Sophie CACHON sur TELERAMA.FR (20 décembre 2015)

Avide d’art ?