Déclaration de Philadelphie (1944)

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Le 10 mai 1944 est adoptée à Philadelphie la Déclaration des buts et objectifs de l’Organisation internationale du travail, ainsi que des principes dont devrait s’inspirer la politique de ses membres. Le texte comprend cinq articles ; voici les principaux extraits des trois premiers :

    1. La Conférence affirme à nouveau les principes fondamentaux sur lesquels est fondée l’Organisation, à savoir notamment :
      1. le travail n’est pas une marchandise ;
      2. la liberté d’expression et d’association est une condition indispensable d’un progrès soutenu ;
      3. la pauvreté, où qu’elle existe, constitue un danger pour la prospérité de tous ;
      4. la lutte contre le besoin doit être menée avec une inlassable énergie au sein de chaque nation et par un effort international continu et concerté dans lequel les représentants des travailleurs et des employeurs, coopérant sur un pied d’égalité avec ceux des gouvernements, participent à de libres discussions et à des décisions de caractère démocratique en vue de promouvoir le bien commun.
    2. Convaincue (…) qu’une paix durable ne peut être établie que sur la base de la justice sociale, la Conférence affirme que :
      1. tous les êtres humains, quels que soient leur race, leur croyance ou leur sexe, ont le droit de poursuivre leur progrès matériel et leur développement spirituel dans la liberté et la dignité, dans la sécurité économique et avec des chances égales ;
      2. la réalisation des conditions permettant d’aboutir à ce résultat doit constituer le but central de toute politique nationale et internationale ;
      3. tous les programmes d’action et mesures prises sur le plan national et international, notamment dans le domaine économique et financier, doivent être appréciés de ce point de vue […]
    3. La Conférence reconnaît l’obligation solennelle pour l’Organisation internationale du travail de seconder la mise en œuvre, parmi les différentes nations du monde, de programmes propres à réaliser :
      1. la plénitude de l’emploi et l’élévation des niveaux de vie ;
      2. l’emploi des travailleurs à des occupations où ils aient la satisfaction de donner toute la mesure de leur habileté et de leurs connaissances et de contribuer le mieux au bien-être commun ;
      3. pour atteindre ce but, la mise en œuvre, moyennant garanties adéquates pour tous les intéressés, de possibilités de formation et de moyens propres à faciliter les transferts de travailleurs […] ;
      4. la possibilité pour tous d’une participation équitable aux fruits du progrès en matière de salaires et de gains, de durée du travail et autres conditions de travail, et un salaire minimum vital pour tous ceux qui ont un emploi et ont besoin d’une telle protection ;
      5. la reconnaissance effective du droit de négociation collective et la coopération des employeurs et de la main-d’œuvre pour l’amélioration continue de l’organisation de la production, ainsi que la collaboration des travailleurs et des employeurs à l’élaboration et à l’application de la politique sociale et économique ;
      6. l’extension des mesures de sécurité sociale en vue d’assurer un revenu de base à tous ceux qui ont besoin d’une telle protection ainsi que des soins médicaux complets […]

d’après MONDE-DIPLOMATIQUE.FR


OIT : communiqué du 10 mai 2019. “Il y a 75 ans, le 10 mai 1944, la Déclaration de Philadelphie avait été adoptée à l’unanimité par la Conférence internationale du Travail lors de sa réunion à Philadelphie. Le texte donnait un nouvel élan au mandat social de l’Organisation Internationale du Travail (OIT à Genève, CH).

Quarante-et-un Etats Membres avaient envoyé leurs délégués à la réunion de Philadelphie, Etats-Unis – à cette époque, le Secrétariat de l’OIT opérait temporairement depuis Montréal, au Canada, en raison de la guerre en Europe. Avec la fin du conflit en vue, l’OIT a cherché à réaffirmer ses principes fondateurs et à les adapter à l’émergence de nouvelles réalités et aux aspirations pour un monde meilleur. La Déclaration de Philadelphie, adoptée à l’unanimité par les délégués, était l’expression de cette vision.

Cette Déclaration est le couronnement et la confirmation des efforts de ceux qui ont rédigé la Constitution il y a vingt-cinq ans. C’est une étoile polaire qui permet aux autorités nationales et internationales d’orienter leur trajectoire avec davantage de certitude qu’auparavant vers la promotion du bien-être commun de l’humanité comme un horizon à atteindre, quelles que soient les tourmentes économiques qu’elles puissent rencontrer.

Edward Phelan, Directeur a.i. et principal auteur de la Déclaration

Après la CIT, le document adopté fut officiellement signé lors d’une cérémonie à la Maison Blanche, à Washington DC, sur le bureau présidentiel de F.D. Roosevelt. La Déclaration a étendu le champ d’action de l’OIT en affirmant la centralité des droits humains pour tous, qu’ils devaient être le but central de toutes les politiques, et a défendu la nécessité pour l’OIT d’examiner et de considérer «à la lumière de cet objectif fondamental, dans le domaine international, tous les programmes d’action et mesures d’ordre économique et financier».

© craps

La Déclaration de Philadelphie peut être considérée comme l’un des documents déterminants qui ont contribué à façonner l’ordre mondial après la Seconde Guerre mondiale ; elle définit les principes directeurs des politiques nationales dans le domaine économique et social au sein de cet ordre. En 1946, la Déclaration a été annexée à la Constitution de l’OIT et a depuis inspiré d’autres instruments internationaux, notamment la Déclaration universelle des droits de l’homme. Les principes fondamentaux de la Déclaration restent aussi pertinents qu’ils l’étaient il y a 75 ans et continuent d’inspirer les travaux de l’OIT à l’aube de son deuxième siècle.”

d’après ILO.ORG


Convenons encore  de mieux vivre ensemble…

HASQUIN : “Avec la cancel culture, on finira par interdire Voltaire” (L’Echo, 2021)

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Dans une interview de Jean-Paul Bombaerts datée du Hervé Hasquin épingle, dans les termes choisis par L’Echo, “les complaisances intellectuelles et les indignations sélectives d’une partie de la gauche.” Libéral affirmé, l’historien règle ses comptes en politique mais ouvre également le débat sur les nouveaux puritanismes et la “cancélisation” (Cancel Culture). En bon colporteur qu’il est, l’obscurantisme qu’on s’efforçait de chasser par la porte revient par la fenêtre, sous la forme d’une nouvelle pensée unique, totalisante et fort peu ouverte à la critique…

“Dans son nouveau livre “Les œillères rouges“, Hervé HASQUIN, historien de l’ULB et figure politique libérale bien connue, dénonce une certaine gauche européenne qui a toujours eu du mal à condamner les totalitarismes de gauche, qu’il s’agisse de Staline, de Mao ou de Pol Pot.

En remontant à 1917, Hervé Hasquin passe en revue un siècle d’errements, de mauvaise foi et de contorsions intellectuelles pour tenter de justifier l’injustifiable. Il épingle aussi les “reports de foi” à répétition qui, telles des modes intellectuelles, font que l’on passe allègrement du stalinisme au castrisme, puis au maoïsme, ensuite au tiers-mondisme et à l’altermondialisme. “Nous vivons encore avec des reliquats de ces attitudes doctrinaires qui s’accaparent le monopole de la vérité“, constate-t-il. Ces reliquats ont pris aujourd’hui les habits de la gauche racialiste et décoloniale.

Pour un intellectuel, bâtir un monde meilleur est un projet exaltant. Le problème surgit lorsque la fin justifie les moyens.

Comment expliquer cet aveuglement d’une partie de la gauche?

On promet des lendemains qui chantent, un avenir radieux. Pour un intellectuel, bâtir un monde meilleur est un projet exaltant. Le problème surgit lorsque la fin justifie les moyens. Et ce quel qu’en soit le prix humain, puisqu’on ne fait pas d’omelette sans casser des œufs, comme on dit. Durant la guerre d’Espagne, les phalangistes de Franco ont commis des atrocités, mais ce fut également le cas des républicains qui ont liquidé 15.000 religieux et religieuses. Des intellectuels en sont arrivés à mettre en valeur des régimes qui leur interdisent d’être des esprits libres. Alors que dès 1938, ceux qui avaient envie de voir et de savoir, disposaient de tous les instruments, comme en attestent les écrits de George Orwell et Arthur Koestler. Mais l’intelligentsia occidentale était tétanisée par la peur de faire le jeu de la droite, de donner des armes aux ennemis de classe. “Il ne faut pas désespérer Billancourt“, clamait Sartre.

Si la gauche occidentale s’est égarée au sujet des dictatures communistes, qu’en est-il du tiers-mondisme de René Dumont ou de Jean Ziegler qui défendent au départ une cause louable? Où cela a-t-il dérapé?

Ziegler part de la vision caricaturale du sud “mis à sac” par le nord. On en viendrait presque à oublier que Ziegler a également été le conseiller de Mugabe et de Mengistu et qu’il a participé à la mise en place du prix des droits de l’homme de Kadhafi. La même dérive intellectuelle se retrouve chez l’ancien directeur du Monde Diplomatique Ignacio Ramonet, fer de lance des altermondialistes et qui continue de vanter les mérites de Chavez et de Maduro.

La droite n’a-t-elle pas, elle aussi, connu des errements avec le  néolibéralisme des années Reagan et Thatcher?

Je ne sais pas trop ce que veut dire le néolibéralisme. Je connais le libéralisme. Le libéral n’a pas à être l’avocat d’un régime d’extrême-droite même si ce dictateur prétend gouverner au nom du libéralisme. Je me suis toujours opposé aux totalitarismes, quels qu’ils soient.

Le PTB est-il communiste ou simplement populiste?

C’est un parti qui ne cache pas ses sympathies communistes. Même le PS a fini par admettre que le PTB est d’obédience communiste. En attendant, le PTB met le PS en difficulté, ce qui conduit ce dernier à pratiquer la surenchère. J’étais atterré lorsque j’ai entendu Paul Magnette, que j’apprécie par ailleurs pour son intelligence, indiquer qu’il soutenait à 200% la grève du 29 mars dernier dans le secteur privé, comme si toutes les entreprises roulaient sur l’or depuis le début de la pandémie.

Beaucoup de gens de gauche sont gênés aux entournures par l’islamo-gauchisme.

Dans une carte blanche parue dans la presse belge en 2019, certains refusent de mettre sur le même pied nazisme et communisme. Sommes-nous face à un deux-poids-deux-mesures?

La résolution du Parlement européen du 19 septembre 2019 mettant sur le même pied les crimes commis par le nazisme et par le communisme passe en effet très mal chez certains intellectuels, universitaires et artistes belges, nostalgiques d’un communisme qui a baigné leur jeunesse. Dans une carte blanche parue dans Le Soir et La Libre, ils n’hésitent pas à assimiler cette initiative européenne à du “révisionnisme historique“. Le parallélisme entre les deux totalitarismes avait pourtant été établi dès 1951 par Hannah Arendt. La question est pourtant simple: en quoi la liquidation d’individus en raison de leur classe serait-elle moins condamnable que la liquidation d’individus en raison de leur race ou de leur religion?

L’accusation d’islamo-gauchisme est-elle fondée ou s’agit-il d’un faux procès?

Beaucoup de gens de gauche sont gênés aux entournures par l’islamo-gauchisme, mais ils hésitent à s’exprimer par peur de faire le jeu de l’extrême-droite. L’islamo-gauchisme est un héritage du tiers-mondisme qui s’appuie sur l’idéologie décoloniale, indigéniste et racialiste. Le discours racialiste se revendique antiraciste, mais de manière trompeuse. Le paradoxe est que cette extrême gauche prône la tolérance, mais tient un discours sans nuances qui s’en prend violemment à ses contradicteurs. L’essayiste française Caroline Fourest en a fait les frais en étant empêchée de s’exprimer lors d’un débat à l’ULB. Dans les universités américaines, le discours militant l’emporte de plus en plus souvent sur le savoir académique. Ceci étant, l’islamo-gauchisme est aussi détestable que les professions de foi anti-arabes ou antimusulmanes.

La cancel culture est une nouvelle forme d’intolérance au nom de la bonne conscience.

Qu’une traductrice néerlandaise d’une poétesse noire américaine, en l’occurrence Amanda Gorman, soit écartée parce que n’étant pas noire vous choque-t-il ?

On ne peut pas accepter cela. Ces pressions sur les réseaux sociaux émanent de mouvements qui mettent en accusation la blanchité. Le blanc est vu comme responsable de tous les maux de la planète. Dans les milieux académiques également, certains remettent en question l’opportunité de confier à des professeurs blancs l’enseignement de certaines thématiques à connotation raciale. Être blanc n’est plus seulement vu comme une couleur de peau, mais comme un statut politique. Ces gens-là font la chasse après ceux qui ne s’alignent pas. C’est ce qui s’est passé récemment avec deux professeurs à Sciences Po Grenoble. Ce sont les mêmes qui pratiquent la Cancel Culture, importée des États-Unis et qui est une nouvelle forme d’intolérance au nom de la bonne conscience. Si on continue dans cette voie, on finira par interdire Voltaire, sous prétexte que ses écrits comportent l’un ou l’autre terme à connotation antisémite. Le meilleur rempart contre ces dérives intellectuelles, c’est l’État libéral et laïque.

Le concept de “laïcité inclusive” qui promeut le port du voile dans les écoles et les administrations peut-il promouvoir l’émancipation?

Quelqu’un peut-il m’expliquer ce que recouvre le terme de laïcité inclusive? En ce qui me concerne, je suis pour une laïcité ouverte, pas pour une laïcité fermée à tout courant spiritualiste. Pour le reste, il est important dans nos sociétés multiculturelles de pouvoir disposer d’un cadre éthique minimum respectueux de la liberté et sur lequel il n’est pas question de transiger. Si on va plus loin, on prend le risque de sombrer dans l’intolérance. La laïcité se transforme alors en Inquisition. Cessons de vouloir imposer une société uniforme et corsetée.”

  • Source : LECHO.BE
  • L’illustration de l’article est © Kristof Vadino

HASQUIN Hervé, Œillères rouges (préface de Richard Miller ; Bruxelles : La Pensée et les Hommes et CEP, 2021 ; 212 pages, 18,50 euros) est disponible dans la boutique wallonica

 


Parlons contrat social…

HESSEL : textes

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“C’est le best-seller de la fin de l’année 2010 [l’article date du 30-12-2010]. Indignez-vous, de l’ancien résistant Stéphane HESSEL, s’est vendu à plus de 300.000 exemplaires. Quelles sont les raisons d’un tel succès ? Son prix attractif de trois euros ? La longueur de l’ouvrage, soit une vingtaine de page ? Un concours de circonstances : sortie du livre avant Noël ? L’engouement, même inexpliqué, est réel et vire au phénomène de société. On se l’arrache et les libraires peinent à alimenter leurs stocks […] cet appel à l’indignation qui provoque espoir chez certains et déchaîne les passions chez d’autres”

Mieux s’indigner aujourd’hui selon Hessel :
      1. Trouver un motif d’indignation ;
      2. Changer de système économique ;
      3. Mettre fin au conflit israélo-palestinien ;
      4. Choisir la non-violence ;
      5. Endiguer le déclin de notre société.
[d’après LEXPRESS.FR]
Extraits de Indignez-vous ! :

Il nous appartient de veiller tous ensemble à ce que notre société reste une société dont nous soyons fiers : pas cette société des sans-papiers, des expulsions, des soupçons à l’égard des immigrés, pas cette société où l’on remet en cause les retraites, les acquis de la Sécurité sociale, pas cette société où les médias sont entre les mains des nantis, toutes choses que nous aurions refusé de cautionner si nous avions été les véritables héritiers du Conseil National de la Résistance.

 

On ose nous dire que l’État ne peut plus assurer les coûts de ces mesures citoyennes. Mais comment peut-il manquer aujourd’hui de l’argent pour maintenir et prolonger ces conquêtes alors que Ia production de richesses a considérablement augmenté depuis la Libération, période où l’Europe était ruinée ? Sinon parce que le pouvoir de l’argent, tellement combattu par la Résistance, n’a jamais été aussi grand, insolent, égoïste, avec ses propres serviteurs jusque dans les plus hautes sphères de l’État. Les banques désormais privatisées se montrent d’abord soucieuses de leurs dividendes, et des très haut salaires de leurs dirigeants, pas de l’intérêt général. L’écart entre les plus pauvres et les plus riches n’a jamais été aussi important ; et la course à l’argent, la compétition, autant encouragée. Nous leur disons : prenez le relais, indignez-vous ! Les responsables politiques, économiques, intellectuels et l’ensemble de la société ne doivent pas démissionner, ni se laisser impressionner par l’actuelle dictature internationale des marchés financiers qui menace la paix et la démocratie.

 

Nous n’avons plus affaire à une petite élite dont nous comprenons clairement les agissements. C’est un vaste monde, dont nous sentons bien qu’il est interdépendant. Nous vivons dans une interconnectivité comme jamais encore il n’en a existé. Mais dans ce monde, il y a des choses insupportables. Pour le voir, il faut bien regarder, chercher. Je dis aux jeunes : cherchez un peu, vous allez trouver. La pire des attitudes est l’indifférence, dire je n’y peux rien, je me débrouille. En vous comportant ainsi, vous perdez l’un des composantes essentielles qui fait l’humain. Une des composantes indispensables : la faculté d’indignation et l’engagement qui en est la conséquence.

 

II faut comprendre que la violence tourne le dos à l’espoir. Il faut lui préférer l’espérance, l’espérance de la non-violence. C’est le chemin que nous devons apprendre à suivre. Aussi bien du côté des oppresseurs que des opprimés, il faut arriver à une négociation pour faire disparaître l’oppression ; c’est ce qui permettra de ne plus avoir de violence terroriste. C’est pourquoi il ne faut pas laisser s’accumuler trop de haine.

 

Comment conclure cet appel à s’indigner ? En rappelant encore que, à l’occasion du soixantième anniversaire du Programme du Conseil national de la Résistance, nous disions le 8 mars 2004, nous vétérans des mouvements de Résistance et des forces combattantes de la France libre (1940-1945), que certes, le nazisme est vaincu, grâce au sacrifice de nos frères et sœurs de la Résistance et des Nations unies contre la barbarie fasciste. Mais cette menace n’a pas totalement disparu et notre colère contre l’injustice est toujours intacte. Non, cette menace n’a pas totalement disparu. Aussi, appelons-nous toujours à une véritable insurrection pacifique contre les moyens de communication de masse qui ne proposent comme horizon pour notre jeunesse que la consommation de masse, le mépris des plus faibles et de la culture, l’amnésie généralisée et la compétition à outrance de tous contre tous.

 

À ceux et celles qui feront le XXIe siècle, nous disons avec notre affection : CRÉER, C’EST RÉSISTER. RÉSISTER, C’EST CRÉER.

Stéphane HESSEL, Indignez-vous !

© lepoint.fr

“Stéphane Hessel (1917-2013), auteur d’Indignez-vous (Editions Indigène) un petit pamphlet vendu à plus de 2 millions d’exemplaires (Source Edistat) depuis sa parution fin octobre 2010, est l’objet d’une polémique. Pour ses détracteurs, ce vieil homme, passé par le camp de concentration allemand de Buchenwald et farouche défenseur des droits de l’homme, aurait “joint sa voix à celle des pires antijuifs” en critiquant l’action de l’armée israélienne menée à Gaza en décembre 2008 et en appelant au boycott des produits israéliens. Pour justifier ce reproche, son action au cours de la guerre 39-45 et sa participation à la rédaction de la déclaration universelle des Droits de l’homme en 1948 ont même été mis en doute. Que sait-on exactement de lui?

Stefan Hessel naît à Berlin le 20 octobre 1917. Son père, Franz Hessel, est issu d’une famille juive convertie au luthéranisme. C’est un homme de lettres francophile qui traduira, dans les années 1920, Proust en allemand en compagnie du philosophe Walter Benjamin.

Franz et Helene Grund, sa femme, ont inspiré le triangle amoureux du roman d’Henri-Pierre Roché Jules et Jim (1953), adapté ensuite par François Truffaut (1962). Franz est l’amant allemand, Henri-Pierre est Jim, le Français, Helene est Catherine. Helene Grund rejoint Henri-Pierre Roché en France en 1925, suivie quelques mois après par son mari et leurs deux enfants, pour former le ménage anticonformiste qui fit rêver les années 1960.

TRUFFAUT, Jules et Jim (1962)

Stéphane Hessel fait de brillantes études en France et il est naturalisé en 1937. En 1939, il est reçu à l’Ecole normale supérieure, où il poursuit des études de philosophie. Il épouse en 1939 Vitia Mirkine-Guetzévitch, une jeune russe d’origine juive, avec laquelle il aura trois enfants.

Il rejoint le Général de Gaulle à Londres en mars 1941. Il y reste jusqu’en 1944 où il revient en France pour une mission, et où il est arrêté. Déporté à Buchenwald, il n’échappe à la peine de mort par pendaison que grâce à une usurpation d’identité organisée par la résistance interne du camp.

Il est admis en 1945 au concours des Affaires étrangères et occupe le poste de directeur administratif au secrétariat général des Nations Unies à New York de 1946 à 1950. En 1948, il est nommé secrétaire de la Commission des Droits de l’Homme des Nations Unies quand celle-ci entreprend la rédaction de la Déclaration universelle des droits de l’homme. S’il n’est pas directement rédacteur, il participe donc bien aux travaux de la Commission, et donc à l’élaboration du texte.

C’est sur les valeurs de cette déclaration de 1948, ainsi que sur celles du Conseil National de la Résistance, qu’il va fonder ses engagements d’après-guerre en faveur d’une “véritable démocratie économique et sociale, impliquant l’éviction des grandes féodalités économiques et financières” (Indignez-vous, p. 10).

Il est attaché au cabinet de Pierre Mendès France en 1955. Sa carrière diplomatique le mène ensuite de poste en poste à Saïgon, Alger, New York et Genève où il représente la France aux Nations Unies.

A l’arrivée au pouvoir de François Mitterrand, en 1981, il est “élevé à la dignité d’Ambassadeur de France“. En 1988, il soutient la candidature de Michel Rocard à l’élection présidentielle. Il voit en lui un nouveau Mendès France, avant d’être déçu par son “Nous ne pouvons pas accueillir toute la misère du monde“.

En 1996, il est médiateur dans l’affaire des “sans-papiers” réfugiés dans l’église Saint-Bernard. “Immigré moi-même, le sort des travailleurs immigrés ne pouvait que m’intéresser“, précise-t-il dans ses Mémoires parus en 1997, Danse avec le siècle.

Le 15 juin 2010, à la suite de l’attaque de la flottille d’aide à Gaza par l’armée israélienne, il appelle au boycott des produits israéliens dans le cadre de la campagne “Boycott, désinvestissement et sanctions” lancée par des associations palestiniennes en 2005.

En octobre 2010 à Gaza, il rencontre en compagnie de Régis Debray le chef du Hamas Ismaël Haniyeh. Indignez-vous ! paraît le 22 octobre…” [LEXPRESS.FR]


EAN 9782911939761

“Certes, les raisons de s’indigner dans le monde complexe d’aujourd’hui peuvent paraître moins nettes qu’au temps du nazisme. Mais « cherchez et vous trouverez » : l’écart grandissant entre les très riches et les très pauvres, l’état de la planète, le traitement fait aux sans-papiers, aux immigrés, aux Roms, la course au « toujours plus », à la compétition, la dictature des marchés financiers, jusqu’aux acquis bradés de la Résistance – retraites, Sécurité sociale… Pour être efficace, il faut, comme hier, agir en réseau : Attac, Amnesty, la Fédération internationale des Droits de l’homme… en sont la démonstration. Alors, on peut croire Stéphane Hessel, et lui emboîter le pas, lorsqu’il appelle à une « insurrection pacifique ».” [INDIGENE-EDTIONS.FR]


S’engager plus avant…

Mes données sur Internet ou le consentement prisonnier

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“Faut-il renoncer à maîtriser la circulation de nos données ? Le point sur ces informations personnelles que les acteurs du marché pillent, avec notre accord.

Vous avez l’impression d’être espionné sur le Web et personne ne vous croit? Faites le test de Lightbeam sur votre ordinateur. L’application du navigateur Firefox pour internautes paranos permet de visualiser le voyage de vos informations personnelles au fur et à mesure que vous passez d’une page à l’autre, et c’est bluffant. Tentez ce qui suit. Réservez un voyage, vérifiez l’itinéraire sur Google Maps, et prévenez vos amis sur Facebook: vous vous êtes rendu sur trois sites ou applications; mais, avec ses graphes mobiles qui mangent tout l’écran en quelques minutes, Lightbeam vous montre que, en réalité, une centaine de sites partenaires et régies publicitaires sont au courant de votre visite et ont obtenu de nouvelles données sur vous, sans aucun consentement de votre part…”

Lire la suite de l’article de Catherine FRAMMERY sur LETEMPS.CH (11 février 2018)


Plus de presse…

Le discours des Droits de l’homme est paradoxal : par un acte de langage (la Déclaration), il instaure des droits dont il constate qu’ils sont naturels à l’homme

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“La Déclaration des droits de l’homme et du citoyen d’août 1789 est auto-interprétative :

  • D’un côté, elle se présente comme un constat : “Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droit” (Article Premier), ou bien “La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’homme” (Article XI). Pour être reconnus et acceptés, il faut que les droits de l’homme se présentent comme déjà existants. C’est ce que dit La Fayette : la Déclaration ne fait que décrire ce que tout le monde sait. Pour qu’un consensus s’impose, il faut dénier l’acte performatif, faire en sorte qu’on puisse croire qu’on n’a rien ajouté d’autre que l’énonciation des droits.
  • et d’un autre côté, elle est prescriptive. “Les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l’utilité commune” (suite de l’Article Premier). “Tout citoyen peut parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l’abus de cette liberté, dans les cas déterminés par la loi”.”Ne peuvent” signifie ici : “ne doivent”. C’est un performatif. Comme toute loi, cet acte de langage s’impose par la force. Pour acquérir force de loi, il présuppose un pouvoir…”

Lire la suite sur IDIXA.NET…

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