PIRENNE : Georges Le Brun (1873-1914) – Sa vie de peintre (1920)

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[ACADEMIA.EDU, Catalogue de l’exposition Georges Le Brun. Maître de l’intime, présentée au musée Félicien Rops, Province de Namur, du 24 octobre 2015 au 6 mars 2016 ] Conférence prononcée par Maurice Pirenne à l’occasion de la première exposition personnelle consacrée à Georges Le Brun, à la salle de la Société des beaux-arts, Verviers, en 1920.

C’est de la vie de peintre, c’est de l’art de Georges Le Brun qu’il va s’agir ici, or, quoique de caractère très différent, je crois avoir été mêlé à son intimité, à son intimité artistique, plus que personne, du moins d’une façon aussi continue. Voilà pourquoi c’est moi, ce n’est que moi, hélas !, qui vais essayer d’en donner une idée.

J’ai écrit ceci d’un seul jet en me servant exclusivement de ma mémoire ; après coup, au moyen de dates, de certains faits oubliés ou ignorés de moi que l’on m’a rappelés ou appris j’ai vérifié mon travail. J’ai constaté qu’à prendre la chose du point de vue rigoureux, historique, certaines parties auraient dû être remaniées.

Le ferai-je ? – Non – Je me suis contenté d’intercaler quelques dates. Je n’ai pas voulu faire une biographie méticuleuse, je ne cherche pas ici la précision, la vérité matérielle, extérieure ; non, ayant eu la chance d’assister au développement de la vie d’un vrai artiste, j’ai rappelé mes souvenirs, je les ai transcrits comme je les voyais et ainsi c’est le temps qui, m’ayant fait perdre de vue les détails inutiles, a créé naturellement cette synthèse.

C’est un même goût, une même passion pour la peinture qui nous a réunis. Nous étions encore en classe, à l’Athénée. Le Brun devait avoir dans les 17 ans. Monsieur Constant Simon, professeur de dessin à l’Athénée lui avait donné quelques leçons d’aquarelle. De suite Le Brun s’y mit avec ardeur. Son père lui avait acheté le traité de peinture à l’aquarelle de Cassagne et consciencieusement le jeune peintre le bûchait. Ce livre ne le quittait plus ; il en citait de longs morceaux de mémoire, il devait en rêver. Intelligent comme il était, il en profita d’une façon étonnante ; ses progrès étaient surprenants.

Son père, Monsieur Léon Le Brun, ingénieur, à l’esprit savant et original, inventeur, s’intéressait naturellement beaucoup aux essais de son fils. Taquin, il s’amusait à contredire ses  opinions, à discuter ses admirations et surtout, à relever ironiquement dans ses études, les moindres fautes de dessin. Ces critiques le piquaient, aussi dès le début Le Brun s’acharna-t-il à dessiner juste ; c’est pourquoi ses aquarelles des premiers temps avaient déjà tant de tenue et de sérieux.

Toutes les heures libres que laissait la classe, elle était devenue l’accessoire, étaient consacrées au seul travail important, peindre. Opiniâtre et robuste rien ne le rebutait, ni le froid, ni le chaud. L’hiver il mettait de l’alcool dans son eau pour qu’elle ne gelât pas et grimpait au Husquet, il habitait alors Dison, laver des effets de neige.

C’est de ce temps-là que l’été, on allait peindre à Maison-Bois. Pendant les vacances nous y passions la journée entière. Isidore Meyers, en villégiature chez Joseph Deru, venait y brosser des sous-bois, dans une pâte riche et claire qui était une révélation pour nous. On se retrouvait autour de la chefnée [sic] à la ferme Bonhomme, pour dîner. Maison-Bois était alors le rendez-vous des artistes et des esthètes verviétois : Smaelen, Debatisse, Henrard, Deru qui suivait les jeunes de son œil bienveillant et narquois… Aujourd’hui, tous ceux-là sont morts et l’on a coupé tous nos arbres.

Binjé, Staquet et Uijtterschaut étaient les trois aquarellistes belges les plus connus alors. Comme il a, aux Salons de peintures, étudié les œuvres, comme il les a discutées, comparées, jugées ! Un jour il écrivit à Staquet pour lui demander de pouvoir lui montrer ses études. Le fin aquarelliste, bonhomme, le reçut plusieurs fois avec la meilleure grâce, fut étonné des rares qualités que montraient les essais du jeune peintre, lui donna d’excellents conseils. Plus tard il ira voir Meunier sans autre recommandation que lui-même. Comme l’aquarelliste le grand statuaire reçut son jeune admirateur avec une parfaite bienveillance et un sincère intérêt pour ses travaux.

Mais la rhétorique est finie, enfin ! Il est bien entendu qu’il sera peintre ; il part pour Bruxelles (1895). Il s’y fait inscrire à l’Académie. Il entre dans la classe de Portaels. Il y resta huit jours…

L’Académie, non, décidément, pas ça ! L’Académie, l’enseignement officiel, le dressage artistique ; l’Académie, horreur ! N’est-elle pas l’éteignoir de tout feu sacré, de toute spontanéité, de toute originalité, de toute hardiesse, de toute vie : l’Académie c’est la mort. Toutes les jeunes revues le proclament, tous les artistes originaux le déclarent ; c’est d’ailleurs une chose qu’on ne discute pas, un article de foi. Ô belle foi dangereuse, ô belle foi juvénile !

S’il va à Bruxelles c’est pour apprendre certes, mais comme il l’entend, en étudiant les maîtres qu’il a choisis, librement, ce n’est pas pour rentrer à l’école, subir la règle. Pour dessiner d’après le modèle vivant, il se fait recevoir membre du cercle La Patte de Dindon réunion de peintres qui travaillent en commun le soir dans les combles de la maison des corporations sur la place de l’Hôtel de ville.

C’est là qu’il connut Laermans. L’art prenant, la note neuve qu’apportait Laermans, qui exposait alors pour la première fois, lui plut extraordinairement. Ils devinrent grands amis. Le Brun en subit quelque temps l’influence. Mais il se dégagea. Il finit par trouver l’art tumultueux du sourd génial trop criant, trop extérieur, gâté, pour lui, comme d’un souci, d’une préoccupation du public. Ça ne satisfaisait plus complètement son goût ; il était devenu difficile. Il avait étudié les maîtres il s’était imprégné du sérieux des grands peintres belges d’après 1830, de ces forts, de ces graves et honnêtes artistes : Leijs, De Groux, de Braekeleer, Stobbaerts, Mellery

Mais au musée ancien l’inégalable XVe siècle l’avait pris : Van Eyck, Memling, Roger de la Pasture, les autres. Puis leur unique continuateur, le vieux Breughel, le seul qui, réfractaire à la mode, à la toute puissante influence de l’Italie évolua dans la tradition nationale. Breughel, il eut toute sa vie, pour lui, un vrai culte ; cet art archaïque et pourtant si vivant avait avec le sien de singulières analogies.

D’avoir contemplé tant d’exemples magnifiques, il était pris d’une grande exaltation. À force d’admirer les vieux maîtres, il était dégoûté de la peinture moderne. En effet, l’art de notre pays au XVe siècle est le sommet dans l’art de peindre ; d’un tel point de vue, les œuvres contemporaines paraissent bien vagues. Aussi ne fut-il pas distrait par l’art de mode ; l’art habile et creux, pour la chasse au succès ; son esprit était ailleurs, il ignorait tout ça.

Cependant il voulait produire. Il aspirait à travailler à sa guise, sans influence, en pleine liberté ; maintenant qu’il sait bien ce qu’il veut, il n’a plus besoin que de la nature. Et voilà qu’il se rappelle être un jour passé, au cours d’une excursion en Ardenne, à travers un village perdu en pleine Fagne. Il le revit, maisons de moellons, toits de chaume, hautes haies de hêtres, frustes et gris, avec tout autour la Fagne, jusqu’à l’horizon.

Il ira habiter là.
Il part pour Xhoffraix, tout seul.

Qu’on ne se trompe pas, il ne part pas en dégoûté de la vie, parce qu’il n’a pas su s’adapter : il ne part pas triste, plein d’amertume, en neurasthénique ; jamais la neurasthénie ne l’effleura, non, il part content, il va réaliser son idée, il en est tout joyeux. Et il resta là, plusieurs années, sept ou huit ans, hiver et été, presque continuellement. Ce furent de fameuses années !

Il logeait dans une auberge plus que rustique située à la bifurcation de la  route de la Baraque et de celle de Hoquai, chez Charlier, petite auberge isolée, un peu en dehors du village. Toute la journée il s’acharnait à sa peinture et le soir, il lisait ; Flaubert surtout, religieusement. Il avait fini par savoir Madame Bovary par cœur ; dans l’austère chef-d’œuvre, il puisait comme une direction morale.

Bientôt il connut tous les habitants de l’endroit. Il les interpellait par leur prénom, avait ses entrées chez tous, s’installait au coin du feu, dans la marmaille ; avec hommes et femmes il fraternisait. Il avait vite appris à parler couramment leur wallon, il rendait des services, il donnait des conseils, il se disputait ; plusieurs fois il s’est battu. Il faisait partie du village.

D’habitude, il revenait à Verviers du samedi au lundi. Quand il rapportait des travaux finis, c’était un événement pour moi. J’allais vite les voir et nous les discutions avec sincérité.

Il me montra d’abord de grandes aquarelles d’un faire large et simple, peintes sur un dessin scrupuleux. Les meilleures d’entre ces aquarelles sont des modèles dans le procédé. S’il avait uniquement visé le succès, il n’aurait jamais abandonné ce genre difficile où il avait acquis une vraie maîtrise dans une note bien à lui.

Mais la peinture à l’eau n’est pas faite pour le travail repris, complété, le travail en profondeur. La peinture à l’huile s’y prête mieux. Il l’aborda.

Il a peint à l’huile de nombreux intérieurs. Parfois sans personnage – c’est l’âme des choses qui parle – mais souvent avec l’habitant. On le voit, entre les murs, en bas lambrissés de chêne, en haut blanchis à la chaux, sous le plafond à grosses poutres, sur le rude plancher ou les larges dalles inégales, vaquer aux besognes quotidiennes. Il est assorti à sa demeure faite de matériaux francs, solides, naturels, à ses meubles de chêne qui sont là sans doute aux mêmes places depuis combien de générations monotones.

L’homme qui passe (1900-1903) © Musées de Verviers

Le Brun à toutes les époques de sa vie a peint des intérieurs. Ceux de cette première manière sont des peintures lourdes, appuyées, sombres, d’une sobre intimité. Il a peint aussi à l’huile des têtes de paysans ; ce sont des portraits peints sans artifice, d’une vérité profonde. En même temps que ces peintures, souvent comme études pour elles, il faisait des dessins au fusain. Têtes âprement individualisées, surprenantes de vie, intérieurs grandement, profondément sentis.

De cette époque aussi date cette série de dessins : personnages et animaux au travail. Ils sont le produit d’inlassables notations prises sur le vif ; des heures durant, butant dans les mottes. Il suivait, croquant leur mouvement, les bœufs à la charrue. Ce qu’il y a dans ces dessins, comprimés dans le simple trait qui les cerne, de vérité, de vie !

Comme tout çà [sic] sent la Fagne !

Ces études ont servi à composer des tableaux où l’on voit le naturel du pays avec ses bêtes à la besogne en plein air.

Le plus important de ces tableaux est le triptyque : L’Automne à Xhoffraix : au centre Le Labour, à droite Le Berger, à gauche La Récolte de pommes de terre.

C’est un grand poème rustique peint au pastel ; il est composé d’une façon géniale, je dis le mot, il est juste. Le peintre dit ce qu’il veut dire avec force, avec clarté, avec noblesse, avec originalité. Et c’est grand, ça déborde le cadre, c’est grand comme la terre. Il a créé ce tableau dans la solitude, en 1899, il avait 25 ans.

Cette composition d’art si élevé, ce résultat de tant de labeur, jamais il ne l’a exposé. Il ne le trouvait pas suffisamment réalisé.

Que de nobles choses d’ailleurs parmi celles dont je viens de parler, non seulement ne furent jamais exposées ; presqu’aucune [sic] ne l’a été ; mais ont été détruites par lui. Où sont les aquarelles du début ? Où sont tant de tableaux, de dessins ? Je me rappelle entre autres de magnifiques portraits d’arbres centenaires perdus dans la Fagne, de vieilles haies tordues, de rudes chemins ; je crains bien que la plupart n’existent plus. Il les a laissés se perdre. Que j’aurais voulu revoir tous ces témoignages d’une période de conviction si ardente. Il fut injuste envers ces œuvres, envers lui-même ; il fut trop modeste ou trop orgueilleux ; il était difficilement satisfait ; on aurait trouvé cela bien peut-être, qu’est-ce que cela pouvait lui faire si lui, il voulait mieux.

D’entre les gens bien doués pour les arts il y en a de deux sortes : premièrement, ceux qui, étant donnés [sic] leurs dons, s’en servent pour arriver à obtenir par eux le plus de notoriété et, pardon de devoir prononcer dans un tel entourage le mot ignoble, de l’argent, le plus d’argent possible ; deuxièmement, ceux qui se servent de leurs dons pour arriver à faire le mieux qu’ils peuvent selon l’idée qu’ils se font de la beauté, qui s’efforcent d’approcher le plus près possible de leur idéal ; quant à la répercussion du résultat de leurs efforts sur le public, que celui-ci admire, qu’il se moque, qu’il grogne ou manifeste une parfaite indifférence la chose n’a pour eux aucune importance. De ces deux buts, Le Brun avait choisi le second.

Il y a dans son œuvre plusieurs choses exagérées, frappantes, qui prêtent à la discussion ; un autre les aurait exposées, aurait encore même forcé la note afin d’attirer l’attention, de faire parler de lui. Le Brun, lui, les jugeait, il les trouvait incomplètes et ne les montrait pas.

Heureusement, cependant, beaucoup de ces œuvres nous restent ; dans toutes perce la recherche du caractère, elles sont impressionnantes, elles arrêtent ; c’est précisément cette recherche visible du caractère qui les lui fit renier. Il y trouvait quelque chose d’exagéré, d’extérieur, de déjà vu croyait-il peut-être. Et certes dans ces œuvres fougueuses on sent passer le souffle épique déchaîné par Meunier ; mais comme il y est bien lui-même.

Quand ce ne serait que par une sorte de sécheresse, de gaucherie (que l’on trouve d’ailleurs dans les œuvres qui suivront) qui, à côté de tant de hardiesse, donnent à ces dessins, à ces peintures je ne sais quelle saveur de fraîcheur et d’honnêteté ; car cette sécheresse et cette gaucherie inconscientes attestent une soumission aimante devant la nature admirable.

Par la suite, à force de s’oublier toujours plus dans l’étude de la nature il se trouva plus intimement ; il la rendit avec plus de finesse et d’intimité.

Le procédé du dessin rehaussé de pastel ou d’aquarelle lui plaisait. Il l’a beaucoup pratiqué. C’est dans ce procédé que l’on trouve surtout, venant après ses travaux de la première période à Xhoffraix, une suite de tableaux où son ardeur s’est retenue. Œuvres tranquilles, où le procédé cède s’oublie, où l’aspect matériel, le trait voulu, décoratif, s’effacent pour laisser le sentiment se communiquer sans mélange. Ces œuvres-là, il les a toujours aimées.

Voyez par exemple, L’Homme qui s’en retourne et je cite aussi le délicieux paysage, Les Nuages roses qui est dans ce genre, une œuvre exquise. La recherche de l’effet, de l’heure, est précisée, les nuances y sont, l’œuvre est toute attendrie.

La grande charmille | Les nuages roses, Longfaye (1903) © Musées de Verviers

Ce tableau et plusieurs autres d’entre les plus remarquables de Le Brun étaient la propriété d’Émile Peltzer. Le Brun et lui furent de bons amis ; et je m’arrêterai un moment ici pour rendre hommage à Émile Peltzer. Tout jeune encore il se révéla comme un esthète au goût sûr, délicat, personnel, indépendant ; rien du snob qui suit les modes. Il ne la suivait sûr [sic] pas quand en 1902, il achetait des tableaux à Le Brun. Poussé par son goût pour les arts il s’y laissait aller généreusement et son flair de jeune connaisseur le guidait bien. Émile Peltzer allait venir se fixer à Verviers ; il eût été sûrement le mécène intelligent dont l’art ici avait besoin ; et voilà qu’après avoir échappé au danger de la guerre, car lui aussi s’était engagé, il meurt à 35 ans. C’est pour Verviers une perte sans doute irréparable.

Plus le séjour de Le Brun à Xhoffraix se prolonge, plus sa manière de voir, de peindre, s’affine. Ce qu’il fait est toujours construit, achevé, avec la même conscience, mais il pousse dans des voies nouvelles.

Il s’est mis à étudier, enveloppant les choses, la lumière diffuse. Cette étude devient souvent dominatrice ; elle est caractérisée par plusieurs charmants tableaux dont les titres même qu’il leur donna indiquent la tendance : Symphonie en bleu, Le Soleil qui fuse.

D’autres fois il stylise le dessin, la couleur, avec grande discrétion d’ailleurs, comme dans ce paisible tableau : La Matinée sereine. Et dans certaines toiles même ; parfois, par exemple dans : Le Bouquet de roses, perce une sorte de préciosité.

J’aurais voulu, comme il convient, décrire plus de tableaux et montrer ainsi les tendances, les recherches multiples qui dans toutes ces œuvres qui nous entourent et qui sont si bien parentes indiquent les phases diverses de l’activité intellectuelle de celui qui les a créées. J’ai essayé. Quand j’ai relu ce que j’avais écrit, je n’ai trouvé, pour exprimer les nuances d’une variété originale que lourde monotonie et répétition de mots banaux et usés. Je suis confus, je suis attristé pour Le Brun, de constater si rudement qu’il aurait fallu ici quelqu’un connaissant les secrets de l’art d’écrire.

Les œuvres de la dernière période à Xhoffraix malgré beaucoup d’intentions subtiles et littéraires restent rustiques et fortes ; mais le charme ambigu qui s’en dégage est très différent de celui des premières œuvres. Les dernières sentent moins la Fagne ; arrivé à ce moment l’artiste est poussé par le nouvel élan d’une inspiration plus intime, plus subjective. Dès lors, Xhoffraix ne lui est plus nécessaire, il l’a, si je puis dire, vidé… provisoirement.

Après cette longue réclusion laborieuse il est temps de s’évader, d’aller voir du nouveau, de se rafraîchir les yeux, le cœur, l’esprit ; il est temps de se replonger dans la vie.

Il quitta son village et rentra dans le monde.

Je puis moins intimement suivre cette partie, cette dernière partie de son existence ; mais si par intervalles l’intimité de son esprit m’échappa, du moins j’ai suivi la naissance de toutes ces œuvres.

D’abord il fit un voyage en Italie (3 à 4 mois). Il a laissé une copieuse correspondance et de nombreuses pages où il a décrit cet inoubliable pèlerinage et ses impressions d’art ; d’entre elles, deux lui restèrent palpitantes : la fresque de Benozzo Gozzoli, l’ineffable conteur et le temple de Pæstum ; sa majesté l’avait écrasé.

Puis un séjour de quelques mois à Paris. Il y peint deux curieux tableaux, clairs comme ceux des impressionnistes, mais stylisés : une Vue de Notre-Dame de Paris et Le Pont de la Concorde ; puis enfin, il revient à Bruxelles. Il y travaille dans l’atelier de Blanc-Garin ; académie libre où il se remet à l’étude du dessin. Il se fait des amis, artistes, écrivains, musiciens ; il va dans le monde. Mais voilà qu’un jour, on apprend qu’il fait une retraite à Thimister, dans le pays de Herve.

Il y a peint plusieurs tableaux très poussés où il a mis toute sa persévérance à rendre les objets dans leur réalité. Le détail est représenté à fond, chaque pavé, chaque brique, chaque feuille presque est montrés [sic]. De ce scrupuleux travail où, par la force de sa volonté l’artiste s’absorbe dans son modèle émane une saine impression de calme. Voir : La Ferme au pays de Herve et La Ferme-château (Musée d’Ixelles, salle Maus). À Thimister, il fit aussi de nombreux dessins, rehaussés ou non de couleurs ; personnages et intérieurs ; ils sont très simples et très complets.

Après avoir passé, pendant un an ou deux, la plus grande partie de son temps à Thimister, il rentre à Bruxelles et, grand événement, il se marie (en 1904). Je ne m’occupe pas ici de la vie intime de Le Brun. Il faut cependant dire que sa femme, sa vaillante femme, sentait profondément les arts, qu’elle aimait l’art de son mari, elle le comprenait, elle en était fière. L’harmonie dans le ménage fut toujours parfaite.

Après un séjour de quelques mois à Limburg a/d Lahn, ils vinrent se fixer à Theux. Deux enfants y naissent : un garçon et une fille. L’été le ménage allait souvent faire de longs séjours à Sancourt, près de Cambrai, chez des tantes de Madame Le Brun.

Des voyages, des aventures, des amitiés nouvelles, se marier, avoir des enfants ; il vit, il a des distractions parfois, mais jamais l’art ne l’a lâché.

Le cercle de ses admirations s’est élargi. Il a vu des œuvres nouvelles ; il admire ; il se passionne. Les impressionnistes l’avaient séduit. Il adorait Renoir, comment résister à ce frais Amour de la vie ? Mais Leys, Renoir, quel contraste ? Il s’agit de concilier ces contrastes, et tant d’autres. C’est la crise
que doivent subir tous les artistes d’aujourd’hui. Il en sort d’ailleurs allègrement ; le jugement assoupli ; peignant plus clair ; mais il reste bien lui-même et si les œuvres peintes après son séjour à Xhoffraix sont différentes entre elles ; c’est d’une différence qui n’est que superficielle, qui tient à ce qu’elles furent peintes dans des lieux différents, Limburg, Sancourt, Thimister, Theux, mais par le profond elles sont semblables, et si, sans doute, le degré d’inspiration n’est pas toujours le même, elles sont bien toutes de la même main volontaire. Elle les a toutes réalisées à fond sans jamais rien y laisser de vague ou de hasardeux.

À Theux dans sa maison il a peint ou dessiné une série d’intérieurs animés de personnages : sa femme et ses enfants ; ces œuvres sont remplies d’intimité, de distinction et de subtilité ; il a peint aussi à Theux des paysages dans la ville et aux environs. Citons le Grand Vinâve, c’est le portrait de sa maison et Le Potager de la Bouxherie d’un charme mystérieux.

Puis il va travailler à Lierneux, Francorchamps, etc. De cette époque date Le Village dans la vallée (Hébronval) d’un style très pur, plein de sentiment, d’une éloquence mesurée. C’est beau, c’est très beau : Le Printemps à [Moulin du] Ruy, fraîche idylle, et des intérieurs d’un métier raffiné, où par exception dans son œuvre, il s’amuse à noter les couleurs pour elles-mêmes. Elles sont observées avec science dans l’aquarelle : La Ferme de la Haase, le ton des lointains bleus est rendu magnifiquement.

La salle à manger, Theux (1906) © Musée d’Ixelles

Toutes ces œuvres ont pour sujet le village de la pleine Ardenne ; elles représentent des motifs analogues à ceux qu’il peignait à Xhoffraix. En effet peu à peu il s’était rapproché de la Fagne : Xhoffraix l’attirait. En le quittant il ne lui avait pas dit un adieu définitif ; il devait y revenir. Car après tout c’est là qu’il est vraiment bien pour travailler ; c’est là, plein de mâles souvenirs, son chez lui intellectuel. Il y retourne, il s’y retrouve, mûri, plus conscient, mais le même. Il va reprendre la tâche interrompue, la compléter, la clôturer ; une œuvre suprême ; où il se mit tout entier, la couronne.

Au Salon de Liège du printemps de 1914, il exposait un grand tableau : La Haute Fagne, l’infini de la morne plaine, les fermes entourées de la charmille sans feuille, la bruyère, le genévrier, le ciel gris d’hiver plein de pluie froide, le départ symbolique de deux routes… L’œuvre fit sensation. En effet l’impression qui s’en dégage est prenante. L’artiste a synthétisé là des impressions diverses du pays, ses admirations. Il a représenté la Fagne comme il l’a vue, aimée, rêvée ; la Fagne selon son cœur, sa Fagne. C’est son chef-d’œuvre ; c’est un chef-d’œuvre. On dirait qu’averti mystérieusement de sa fin prochaine (l’œuvre datée de 1914) il ait voulu, grave adieu, exprimer, en une fois toute son âme. Ce triptyque émouvant est exécuté avec calme et patience. Sur une préparation à l’aquarelle, il est travaillé au pastel et au crayon. De longues études minutieuses l’ont précédé. L’œuvre est savant. La grande ligne est émue ; mais voulue, consciente. Les détails, l’un après l’autre ont été dessinés sertis. Beaucoup d’ingéniosité, de recherches, d’intentions, et pourtant une rude impression de force et de grandeur.

Cette grandeur est subtile, cette rudesse est ingénieuse. Grandeur, subtilité, alliance rare ; chez Le Brun elle est fréquente ; c’est la note caractéristique de son talent. Car Le Brun, son art le crie, ne fut pas un homme aux goûts simples, je parle des goûts de son esprit, comme sa vie à Xhoffraix, sa fraternisation avec les rustres, son insouciance pour tout confort pourraient le laisser croire.

Ce garçon aux nerfs solides, ce blagueur incorrigible, ce nageur émérite, ce boxeur fameux était tout le contraire d’un réaliste ; un romantique plutôt, un idéaliste. Mais ne pataugeons pas dans ces mots vagues qui pour chacun de nous ont sans doute un sens différent. Le certain c’est qu’il aime le rare, le compliqué, il fuit le terre à terre, l’ordinaire, le bourgeois. Moralement et physiquement il se plaît hors de la vie courante ; il lui faut un cadre d’art, mais qui n’ait pas servi.

S’il a aimé Xhoffraix, c’est qu’il a trouvé là un ensemble de gens et de choses qui, depuis des ans et des ans n’avaient pas changé. C’était les mêmes mœurs, les mêmes habitations, les mêmes métiers, les mêmes outils, qu’il y avait des siècles. Dans ce milieu pittoresque, il vivait une vie fruste, brutale parfois, délicieusement rude, hors de la banalité de la vie ordinaire, hors du siècle.

Et si, marié, il a choisi Theux pour résidence, ce fut en grande partie pour habiter dans cette belle maison ancienne dont la façade évocatrice arrête tous les gens sensibles qui traversent la place de la petite ville.

Et comme il a soigné l’intérieur de sa maison ! Comme il l’a complétée, la meublant exclusivement de meubles et d’objets anciens ; bahuts, coffres gothiques, meubles Louis XVI, faïences, étains ! Ce sont les vieilleries habituelles, mais ici choisies par un artiste, présentées d’une façon moderne si personnelle, toutes une à une et dénichées par lui chez le paysan et acquises, avec quelles ruses ! Déjà, au commencement de son séjour à Xhoffraix, quand de retour de Verviers il m’avait montré ses nouvelles peintures, il allait me chercher, par exemple, un vieux plat de faïence dont il me détaillait son admiration pour le dessin, le ton, la matière.

En tout cas, dans ses tableaux on trouve le fini minutieux, le détail rare et la stylisation, un goût pour l’archaïque et la symétrie, le précieux, le naïf, l’ingénieux, mais on trouve aussi la grandeur et la force.

Ce sont des éléments contradictoires pris à part, sans doute, mais leur mélange imprègne ses travaux d’une singulière saveur. À la fois il voyait compliqué et grand et c’est je le répète le piquant de son art. Le Brun n’était pas un sensuel. Sa peinture se goûte avec l’esprit ; elle est bien d’un Wallon d’Ardenne ; elle est bien le produit de la fréquentation depuis l’enfance de notre paysage. Et notre paysage offre aux peintres peu de ressources, semble-t-il ; du moins, c’est un pauvre pays pour un amateur de couleurs, d’effets à grands spectacles.

Sa lumière est sèche, sa couleur monotone est souvent dure.

C’est le dessin qui domine ; c’est lui qui parle surtout. Tous les aspects du pays ont quelque chose de construit ; même quand le rocher n’affleure pas on sent toujours que le sol s’appuie sur sa solidité énergétique. Cette rude assise supporte toute la souple fantaisie de la végétation.

La couleur chez nous, n’a ni rutilance, ni langueur : dans les saisons froides, des gris grêles, d’une variété subtile et qui se contentent modestement de rehausser le dessin, de le compléter, le mot couleur est bien lourd pour désigner cette coloration toute spirituelle, l’été, du vert partout, prairies, haies, collines boisées, vert de plantes vivantes, sans fadeur, plutôt aigre, noir même parfois. Dans les sites resserrés, le détail joue un grand rôle, les fleurs, les fruits sauvages, les pierres, toutes les différentes pierres. Et ses aspects sont variés ; brusquement, à tout bout de champ, ils changent, souvent contradictoires tenant ainsi toujours la sensibilité, l’esprit en activité.

Ce pays est très difficile à peindre. Beaucoup y renoncent. Il n’y a rien à peindre ici, disent-ils, et ils vont à Venise, en Flandre, en Espagne, en Provence, retrouver dans la nature les sujets consacrés. Comme il est difficile à peindre ! Pourtant il a son charme ; personne ne le nie. Sans hausser la voix il nous dit des paroles fraternelles. Ce charme est inédit, il n’a pas encore été formulé, il est trop complexe, sans doute, pour l’être. Pour le fixer un peu il faut l’avoir senti soi-même, car ici, aucune formule, aucun modèle à imiter. Il faut l’extraire ce charme de la nature, avec son cœur et son esprit. Le Brun avait l’amour, la finesse, la volonté, le désintéressement qu’il faut pour y arriver.

Quant à son métier, il est toujours curieux et personnel, comme tout métier appris seul. Il travaille d’une manière patiente et ingénieuse car il n’a garde de confondre l’expression de la force avec la force de l’expression ; je veux dire qu’il sait bien que ce n’est pas une facture primesautière, agitée, heurtée qui exprime la force, qui en communique l’impression ; ce débraillé est une faiblesse, comment pourrait-il traduire la force profonde que l’artiste sent, qu’il voit dans la nature. Pour y arriver il faut de persévérants,
de méthodiques efforts vers un but bien défini, de la lenteur et ne rien négliger. La puissance du miraculeux Van Eyck peut se regarder à la loupe. Aussi le métier de Le Brun n’est pas celui où s’affiche la facture, le coup de brosse ou le coup de crayon. Sa fougue ne l’entraîne pas, il la domine, même dans ses œuvres de jeunesse. Méthodiquement son travail est mené à bien. Il prépare des dessous et petit à petit, par couches successives il arrive à la réalisation. Séance après séance il reprend son ouvrage, il y vit, il s’y plaît, il est triste quand fini, il faut l’abandonner. Si c’est nécessaire, il attendra un an, le retour de la tache de soleil, à la bonne place dans la chambre. Et toujours il pense à son tableau, le vit, le rêve.

Il le rêve, mais l’étude de la nature est toujours là scrupuleuse ; à tout ce qu’il a produit elle sert d’assise ; c’est la base saine, le rocher solide sur lequel son œuvre est construit.

Le Brun ne tenait pas à montrer le produit de son travail au public. Le public et lui ne s’aimaient guère. On a vu de ses tableaux à divers Salons triennaux ; mais il n’a pas participé à tous. Il envoyait sans goût à ces exhibitions hétéroclites.

En 1903, Octave Maus l’a invité à participer au Salon de La Libre Esthétique ; il y envoya quelques tableaux ; et, dans le courant de sa carrière il a fait à Verviers, Liège et Bruxelles quelques expositions particulières. Ces expositions particulières il les a toujours faites avec d’autres artistes. Il fallait le solliciter pour qu’il se joigne à nous, il acceptait, mais à condition
de n’avoir pas à s’occuper d’autre chose que d’envoyer ses tableaux. Jamais il n’a exposé seul, les embarras que procure l’organisation d’une exposition lui semblaient disproportionnés avec le désir qu’il avait de montrer ses tableaux.

Cette exposition-ci est la première où ses œuvres sont réunies. Pour la première fois l’on peut se rendre compte de son art, quoique nous n’ayons malheureusement pas pu obtenir certaines œuvres intéressantes appartenant à des particuliers.

Chaque fois qu’il a montré ses peintures, elles intéressèrent beaucoup ceux qui comprennent l’art de peindre. Leur charme spécial séduisit un groupe de personnes au goût subtil et même certains critiques d’art les comprirent, les aimèrent, en parlèrent dans les journaux. Dans les journaux, pourtant, son nom n’a pas beaucoup traîné. Il s’occupait peu de ça, il ne faisait vraiment rien pour ça, au contraire. En effet, aimer les grandes époques, ne tenir aucun compte de la mode, vivre de longues années dans la solitude, c’est un bien mauvais moyen pour arriver, rapidement, à la notoriété.

Et puis l’amour propre de Le Brun était énorme. Il était sûr de sa valeur. Il aurait comme un autre accepté le succès : mais s’abaisser, pour l’obtenir il n’aurait pas pu. Il ne s’occupait pas de ça d’ailleurs, je l’ai déjà dit, il s’agissait pour lui de peindre le mieux qu’il pouvait. Le reste était sans importance.

N’était-ce pas ainsi que Leys, de Brackeleer, De Groux et tous les autres qu’il a tant admirés, ont travaillé ? D’entre eux, plusieurs, de leur vivant, ne furent pas plus connus du bourgeois que lui…

Il avait la tête pleine de projets de tableaux, il en avait en train ; bien portant, tranquille, il y travaillait, toujours optimiste, quand la guerre éclata. Il abandonne tout. Il court mettre sa santé, son énergie, au service du pays.

Carabinier volontaire, il a été tué aux premières lignes, à Stuijvekenskerque, le 26 octobre 1914. Il avait 41 ans, il était parti sans calcul ni hésitation, plein d’enthousiasme. Tout le temps de sa courte campagne il s’est conduit comme un jeune brave. Jeune brave, oui, jeune ; à son âge, il n’avait rien perdu dans les hasards de la vie, de la foi, de l’exaltation, du joyeux courage, des mépris, du gaillard de 17 ans qui voulut, mordicus, se faire peintre.

Le quadragénaire était resté digne du jeune homme ; il avait jusqu’au bout vécu son idéal. Selon cet idéal il a fini héroïquement sa vie ; et il aura trouvé çà [sic] bien. Mais nous, regretterons-nous jamais assez une telle vie fauchée dans sa vigueur ?
Mais son œuvre hautaine reste, et son exemple.

Maurice Pirenne (1920)

Ce texte a été publié dans le catalogue de l’exposition Georges Le Brun.  Maître de l’intime, présentée au musée Félicien Rops, Province de Namur, du 24 octobre 2015 au 6 mars 2016, sous la direction scientifique de Denis Laoureux

[INFOS QUALITE] statut : validé | mode d’édition : partage, édition et iconographie | source : Province de Namur ; academia.edu | contributeur : Patrick Thonart | crédits illustrations : en-tête, La haute fagne © Jacques Spitz ; © Musées de Verviers ; © Musée d’Ixelles.


Plus d’arts visuels en Wallonie-Bruxelles…

LEGENDE : La gatte d’or du château de Logne (Ferrières)

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Sur les rives de l’Ourthe, le château de LOGNE occupe un piton rocheux surplombant la rivière. L’emplacement est, comme il se doit pour une forteresse, choisi afin d’offrir un site dominant les alentours et difficilement accessible. En ce temps-là, les châteaux forts faisaient la guerre, pas du tourisme.

En 1521, Charles-Quint, excédé par les meurtres et les rapines de la famille de La Marck, celle du Sanglier des Ardennes, fit raser le château.

Mais bien plus tôt, en l’an 1100, Waleran, duc de Luxembourg habitait les lieux et régnait sur la région. A quelques lieues de là, son vassal le seigneur de Bierloz avait la charge de sécuriser le domaine car le brigandage était fréquent. De Bierloz remplissait sa mission de police avec une certaine aisance, il avait par contre, beaucoup plus de difficultés à surveiller et protéger sa fille Marthe. Marthe de Bierloz était d’une beauté fascinante. Son teint légèrement bistré, sa noire et abondante chevelure, ses grands yeux bruns d’où jaillissaient des éclairs, sa taille haute et fine, son port de reine, tout contribuait au prestige d’une merveille devant laquelle on se sentait pris d’une vive admiration.

Ainsi, les prétendants étaient-ils nombreux à s’attarder aux environs de Bierloz. Les palefrois des chevaliers en visite de courtoisie se croisaient sans cesse sur les chemins, jusque dans la cour du château de Bierloz. La mignonne ne prêtait guère d’attention à ces nobles guerriers, elle n’était pas intéressée par la gloire ou la fortune. C’est Alard qu’elle aimait, un simple page aux yeux bleus et à chevelure blonde. Le page était lui aussi transi d’amour pour la belle et savait que malgré la différence de rang, il deviendrait bientôt l’époux de Marthe. Le seigneur de Bierloz, brave homme, donnerait son consentement à cette union, ainsi qu’à n’en point douter, Waleran le maître du page également.

Waleran était bien le seul homme de toute la région à ignorer la beauté et la personnalité de Marthe. En fait, il ne connaissait pas la jeune femme, tout simplement.

La visite au château, jour maudit

En un jour maudit, le seigneur de Bierloz eut la très mauvaise idée d’envoyer sa fille au château de Logne pour y porter au duc un magnifique coq de bruyère chassé le matin même. Et bien sûr, le duc fut beaucoup plus séduit par la beauté de Marthe que par la chair du coq de bruyère. Le duc en perdit tout sens du devoir, offrit tant et tant d’or et de bijoux à la jeunette que celle-ci à son tour se laissa séduire. Son cœur fut plus sensible au vil attrait de la richesse qu’à l’amour éperdu que lui portait Alard, elle offrit son cœur et son corps au duc.

Le page en mourut de chagrin peu de temps après. Frappé par le déshonneur de la famille, le père de Marthe le suivit de peu. Marthe, elle, restait indifférente au deuil ainsi qu’au mépris et à la réprobation générale. Elle caressait ses bracelets, ses colliers, ses chaines d’or qu’elle amassait sans retenue.

Tant et si bien que, devant une telle avidité, le duc lui-même se détourna de la Belle et finit par enfermer sa concubine dans les souterrains du château. Un jour, on la trouva morte. Son corps était enlacé, emballé peut-on dire, par toutes les richesses qu’elle avait amassées. Les colliers, les chainettes entravaient ses jambes, elle était comme étouffée par ses joyaux. A la Noël suivante, dans les fossés du château, on aperçut une chèvre blanche qui errait. L’animal était couvert de bijoux resplendissants, les témoins reconnurent les parures de Marthe.

© Domaine de Palogne

Depuis lors, toutes les nuits de Noël, les paysans du voisinage se pressent aux alentours du château, espérant apercevoir et détrousser la chèvre. Ils se défient les uns les autres, soulevant de lourdes pierres, sondant les puits, explorant les creux des rochers. Beaucoup au cours de siècles aperçurent la chèvre, mais nul n’est encore arrivé à s’en emparer.

[d’après MEDIARDENNE.NET : adaptation libre selon la version
de Hubert Stiernet pour une édition de l’agence Havas en 1929]

  • Gatte : Désigne une chèvre en langue wallonne ;
  • Palefroi : Alors que le destrier est la monture réservée à la guerre ou à la chasse, le palefroi est le cheval de parade ou de promenade. Le cheval du dimanche, en quelque sorte ;
  • Page : Jeune homme généralement d’origine noble, attaché au service d’un seigneur ;
  • Coq de bruyère : Le tétras lyre était une espèce fréquente en Haute Ardenne jusqu’au début du XXème siècle. Il était un gibier de choix. Aujourd’hui, il est totalement protégé et ne subsiste plus que très difficilement dans les Hautes Fagnes.
  • L’illustration de l’article est © Steve Lemoine

Pendant ce temps, dans le Namurois…

On dit qu’une chèvre d’or vit dans les ruines du château de Fagnolles (Philippeville) et que seul les amoureux peuvent la voir aux douze coups de minuit la nuit de noël. Au village, Jean, un pauvre artisan est amoureux de Catherine, fille d’un gentilhomme. Les deux amoureux se voient en cachette car les parents de Catherine refusent le mariage. Un soir, les deux jeunes décident de capturer la gâte d’or. Ainsi, Jean possédera assez d’argent et demandera sa mie en épousailles. Minuit approche… Ils avancent dans les ruines sombres. Jamais on ne reverra les amoureux. Certaines nuits, lorsque la lune brille et que minuit sonne, la chèvre apparait dans les ruines accompagnée de deux ombres blanches enlacées.

N.B. Gâte signifie chèvre en wallon. En Entre-Sambre-et-Meuse, la gâte s’écrit avec 1 seul t car on ne double pas les lettres en wallon.

[d’après LEGENDAIRESANSFRONTIERE.COM]


D’autres légendes et symboles…

ARDUINA : Serge Darat et Alain van Steenacker, débardeurs à cheval (1997)

Temps de lecture : 8 minutes >

Une profession âpre et passionnante

Combien sont-ils encore en Belgique, les débardeurs à cheval ? Cent cinquante, deux cents ? Question difficile: beaucoup ne sont pas recensés. Arduina en a côtoyé deux sur le lieu de leur travail, en plein effort, un après-midi durant. Tableau d’une profession-passion combinée à l’amour du cheval.

La voiture venait de quitter la route qui file à travers la campagne et se dirigeait vers un des boqueteaux parsemant les prés et les champs légèrement vallonnés. Là opéraient Serge Darat et Alain van Steenacker, deux des derniers débardeurs à cheval du pays.

Cahotant dans les ornières profondes du chemin empierré, le véhicule s’engageait sous les premières frondaisons, quand, juste après la butte d’entrée du petit bois, un hongre apparut, paisible et énorme, relié par sa longe à un arbre et barrant le sentier de toute sa longueur.

Délaissant l’auto, je m’apprêtais à contourner l’animal ; un homme arriva et fit pivoter le quadrupède de façon à ménager un passage. “Serge est là-bas, dit-il, il termine son repas.” Il désignait une petite clairière, un peu plus loin. Sur un tas de bois, un dos massif, arrondi , coiffé de longs cheveux. A l’heure de midi, hommes et bêtes marquaient une pause et prenaient un peu de repos.

Serge Darat se lève pour faire connaissance. Grand, de forte carrure, une barbe de deux jours, le débardeur se veut d’une discrétion coquette sur son âge : tout ce qu’il consentira à dire, c’est qu’il a près de 40 ans. Un autre cheval, un peu moins grand que le premier, est attaché près de lui. Assailli par les mouches et les taons, il paraît nerveux. “Deux belles bêtes, pas vrai ? Nous les nourrissons au grain. Ce matin à 7 heures, ils ont eu droit à 4 kilos d’avoine et d’orge. Nous leur en donnons à nouveau un kilo et demi en milieu de journée, une dernière ration de 4 kilos le soir après le travail, du foin entre 22 et 23 heures, et de la paille pour la litière. En période de travail, ils ont besoin d’accumuler beaucoup d’énergie, qu’ils doivent d’ailleurs absolument dépenser sous peine de complications de santé.

Alain, l’équipier de Serge, nous rejoint. C’est lui qui a libéré le chemin forestier en poussant Julot, magnifique brabançon de 6 ans et 900 kilos. De la même race, Tino, qui appartient à Serge, est un peu plus léger pour le même âge : 750 kilos seulement, mais le poids n’a pas une importance primordiale. D’ailleurs, Serge prétend que Tino est plus fort que son congénère. Question de mental, de confiance en soi…

Surtout respecter l’animal
Serge et Tino (dans le désordre) © Jacques Letihon

Sous les ordres de leurs maîtres, les deux animaux sont occupés au travail depuis quelques jours dans ce petit bois où la commune, propriétaire des lieux, souhaitait faire pratiquer une éclaircie. Le marchand qui a emporté la soumission fait habituellement appel à nos deux débardeurs, raison de leur présence ici. Ceux-ci viennent sur le terrain après le passage d’autres acteurs : le garde-forestier qui a marqué les arbres destinés à la coupe, puis le bûcheron qui les a abattus et élagués. Précédés par l’arrière-train dodelinant de Tino, nous parcourons les deux cent mètres qui nous séparent du lieu de ramassage. La pluie a détrempé le sol, qu’un soleil timide ne parvient pas à sécher. De part et d’autre du chemin forestier sillonné d’ornières, le terrain accuse une forte pente.

De nombreux bois s’allongent entassés sur les côtés : ce sont les bottes, fruits du travail des jours précédents et de la matinée. Le travail de débardage terminé, une machine les tractera jusqu’à la clairière, où ils seront hissés dans des camions pour être conduits à destination. “Certains troncs sont énormes et pèsent facilement huit cent kilos, voire une tonne. Aussi, il ne faut pas demander l’impossible aux chevaux, précise Serge, et surtout les respecter ! A six ans, ils sont en pleine force, mais si l’on n’y prend garde, on pourrait les tuer en une demi-heure. Ceci dit, ils sont capables de travailler sans problème jusqu’à 14 ans voire même au delà. Respecter son cheval, cela signifie aussi qu’il ne faut pas le laisser sur un échec, qu’il ne puisse pas penser ‘ce type est fou pour me demander de tirer seul un poids pareil’. Dans ce cas, nous y mettons les deux chevaux. Une des raisons pour lesquelles je préfère le travail en équipe ! Une autre étant qu’en cas d’accident, il y a toujours quelqu’un de disponible pour chercher du secours.

Nous voici sur le lieu de travail. Alain est déjà à l’ouvrage avec Julot. Des troncs jonchent le sol en déclivité. Serge en a repéré un, quelques mètres en contre-bas. Il y conduit Tino, dont le collier est muni d’une chaîne avec, au bout, un crochet. Il enroule la chaîne autour de l’arbre, la referme au moyen du crochet et examine scrupuleusement le passage à emprunter pour remonter sur le chemin . Le cheval s’impatiente, lève une jambe puis l’autre en soufflant. Et soudain : “Allez Tino, aar, aar ! Tino ! Allez !” La voix formidable, rugueuse, jaillit des entrailles de l’homme, et, répondant aussitôt à l’injonction, l’animal, tous muscles dehors, s’arc-boutant, hisse la masse énorme vers le sommet.

Aar : à gauche. Ye : à droite. Oh : arrête. Recule, un pas : en français dans le texte. Pas compliqué le langage cheval !

Tino obéit à la perfection, enjambe les troncs couchés et semble se faufiler à toute vitesse entre les arbres avec une agilité et une souplesse étonnantes au vu de sa morphologie. Derrière lui, courbé, Serge court, hurle ses ordres, saute pardessus un tronc, évite un amas de branches mortes, dirige de la voix et de la longe. Il participe totalement, on dirait presque qu’il tire avec son cheval. Quelques efforts de cet acabit et les cheveux collent de sueur aux tempes. Le souffle se fait court. Le T-shirt est trempé. Il faut adapter la longueur de la chaîne. Réflexe professionnel. Serge est attentif à tout, et surtout à son cheval. Toujours le respect.

Rien ne prédestinait Serge Darat à exercer la profession de débardeur. Après ses études secondaires, il tâte un peu du droit à l’Université de Liège. Pas longtemps, et sans succès. Puis, en rupture avec le milieu familial, il s’exile en Afrique durant quelques mois. A son retour, comment subsister ? C’est la crise, la fin des années septante. Un copain lui procure un emploi de bûcheron. Serge cherchait du boulot, il trouve des bouleaux. Professionnellement, c’est son premier contact avec le milieu forestier. Il sympathise avec Alain van Steenacker, un gars de son âge, sorti de l’école forestière, bûcheron lui aussi. Mais le bûcheronnage, c’est difficile, c’est dangereux et le corps souffre énormément. Etre débardeur, cela paraît beaucoup plus simple ! La décision est prise en 1985. Alain :

Nous avons eu l’opportunité d’acquérir un cheval et du matériel, puis nous avons fait nos premières armes absolument seuls. Mais nous avons eu la chance d’avoir un très bon cheval pour débuter. Par après, on s’est renseigné, on a pu travailler et observer les méthodes des anciens. C’est ainsi que l’on apprend le métier, sur le tas. Je ne pense pas qu’il existe une école de débardage. En tous les cas, à l’école forestière ce sujet n’est pas abordé.

Lunettes rondes sur le nez, les cheveux courts à 1,80m du sol, Alain parle d’une voix calme, posée. Il s’adresse à son cheval de la même manière, sans crier outre mesure. Et tout au long de l’après-midi s’est imposée l’osmose entre l’homme et l’animal, ce dernier à l’image de celui qui le commande : Tina, nerveux, tout en muscles et en rapidité, avec Serge, courant, gueulant, jurant. Alain, plus doux, réservé, commandant Julot, cheval placide, distrait, aimant le contact avec l’homme au point d’être triste s’il reste deux mois en pâture. Rien d’étonnant, dès lors, d’apprendre que Serge est meilleur pour faire tirer les chevaux, en obtenir le maximum, alors qu’Alain l’est d’avantage pour le débourrage (le dressage préparatoire).

© fotocommunity
L’animal ou la machine

Après avoir tiré, hissé, mis en bottes plusieurs charges, les travailleurs,  humains et équidés, s’accordent quelques minutes de répit, afin de reprendre leur souffle et des forces pour la suite de leur dur labeur. C’est un moment fort apprécié. On profite des charmes de la forêt, on fait parfois silence. Parfois aussi on discute de tout et de rien, de choses banales, d’autres moins, le prochain rendez-vous chez le maréchal-ferrant, par exemple. On médite, comme Serge : “Il n’y a pas d’école, alors la relève, c’est nous…” (un sourire ironique se dessine sur ses lèvres).

Où apprendre le métier ? Il n’y a pas de cours organisés officiellement. Encore moins un diplôme reconnu. Le métier s’apprend en forêt, en le pratiquant  en compagnie d’un débardeur ! Six mois au minimum sont nécessaires pour apprécier les multiples situations qui se présentent dans l’exercice de cette profession qui peut devenir dangereuse si elle n’est pas exercée correctement, en raison des nombreux paramètres qu’il faut maîtriser. Serge se souvient d’un jeune venu à sa rencontre à l’issue d’un concours de débardage. Le garçon de 15 ans, tombé amoureux du métier, souhaitait ardemment devenir débardeur. Le deal fut le suivant : pendant 3 ans, tout en continuant ses études techniques, l’adolescent a passé ses vacances scolaires à travailler en forêt en compagnie du débardeur. A titre gratuit. En contrepartie, à l’issue de l’apprentissage et à titre de défraiement, Serge lui a acheté un cheval , l’a débourré et a fourni un collier. Devenu adulte, ce jeune est débardeur à cheval depuis 10 ans.

Nos débardeurs s’interrogent : leur métier n’est-il pas un peu désuet? Ils sont encore 200 en Belgique, à tout casser, à utiliser un cheval pour leur profession. Utiliser un cheval au vingtième siècle ! Pour le moment, l’animal et la machine se complètent. Le choix dépend de la personnalité. Serge et Alain préfèrent le premier et ne manquent pas une occasion de prouver sa supériorité : un jour, ils remarquent un attroupement au bord de la route où ils circulent, non loin d’un camion finlandais dont les propriétaires font une démonstration de matériel. Ils utilisent de petites machines munies d’un treuil et montées sur chenilles, et dont la pression au sol ridiculement basse préserve la structure du terrain. La discussion s’engage, tant bien que mal, en anglais. Tour en reconnaissant l’efficacité de la mécanique, Serge et Alain soutiennent que leurs chevaux, qui attendent dans le van, font un travail identique en moitié moins de temps. Des paris sont lancés. Les deux compères sortent Julot et Tino et gagnent le pari.

Evidemment, les machines ne sont pas adaptées à tous les types de terrain, mais les animaux ne vont pas partout non plus. Voilà en quoi ils sont complémentaires. Le reste est affaire de goût, goût de la nature par exemple, sans négliger cependant l’aspect financier. Un cheval est moins cher à l’achat, et les frais pour le nourrir correctement, le soigner et le ferrer
ne sont pas excessifs. Par contre, une machine est onéreuse, les remboursements mensuels sont élevés. Comment faire quand la quantité de travail se réduit ou vient à manquer ?

D’autre part, une fois le moteur à l’arrêt et la machine hissée sur la remorque, la journée de travail est terminée. Le cheval réclame beaucoup de temps et d’attention. Il faut le ramener à l’écurie, le soigner, le panser, le nourrir, entretenir son abri, etc. Pas question non plus de partir trop longtemps en vacances. Les contraintes sont donc plus nombreuses.

Cependant, Serge et Alain n’ont pas d’autres maîtres qu’eux. Ils sont totalement libres d’organiser leur emploi du temps comme bon leur semble, en communion avec la nature, et cette liberté-là n’est pas désuète. Alors ils en profitent tant qu’ils le peuvent encore…”

Eddy DANIEL


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ARDENNES : Arduina, l’éphémère (1997-1998)

Temps de lecture : 2 minutes >

195 FB / 33 FF / 11 FL : des francs belges ou français, des florins, c’est la marque d’une autre époque. On la trouve au pied de la couverture de l’éphémère magazine Arduina, dont trois numéros seulement nous sont parvenus (merci à notre regretté collaborateur David Limage pour cela). La collection est néanmoins complète comme cela et restera disponible dans les ressources de notre documenta.wallonica.org. De courte durée, l’initiative était néanmoins belle  et généreuse, comme le détaille le rédac’chef de l’époque :

“D’ARDUINA À ARDENNE…

Il y a une place pour l’Ardenne dans l’Éternité” a écrit Roger Gillard dans un ouvrage consacré à cette belle région de notre pays.

Cadre de vie active pour les uns, l’Ardenne est terre de tradition et vitrine de
notre patrimoine. Lieu d’évasion pour les autres, elle est, avec ses forêts, source de sérénité et de détente. Une bouffée de grand air et de verdure, c’est d’abord ce que souhaite apporter Arduina, que le titre suggère à lui seul : Arduina signifiant “Profonde” en langue Celte.

Il s’agit bien d’un retour aux sources qui est proposé au moyen de cette publication d’un genre tout à fait original en Belgique. La vocation d’Arduina, le magazine de l’Ardenne, est aussi de mettre en lumière toute une région et par là, son activité rurale et économique. Les aspects culturels et sportifs ne seront pas oubliés, puisque là aussi, Arduina tient à aborder ces domaines importants de la vie.

Arduina compte ainsi s’articuler autour des axes principaux définis comme suit: Tourisme, Découverte, Histoire, Tradition, Sport et Culture, sans oublier un chapitre réservé à l’Environnement et à la Protection de la nature. A ceux-ci viendront s’ajouter différentes rubriques et ‘services’ tels que l’agenda des manifestations et des informations générales.

La fréquence de parution, bimestrielle, c’est-à-dire tous les deux mois, permettra enfin de développer certains thèmes en rapport avec les saisons. Avant tout, transmettre un sentiment d’évasion et de bien-être mélangés, voilà la raison même d’exister que s’est donnée Arduina.

Enfin, détail pratique, pour l’impression du magazine, notre choix s’est porté sur du papier recyclé, qui correspond bien à l’esprit de ce type de publication. Appréciez- vous cette option ? N’hésitez pas à nous le faire savoir…

De votre accueil dépend la confirmation de nos ambitions.
Merci et… bonne lecture”

Christian Léonard, Rédacteur en chef


Et dans la documenta, nous conservons pour vous les trois numéros ‘océrisés’ (c’est-à-dire que vous pouvez sélectionner le texte et le copier-coller pour votre meilleur usage, en respectant les droits selon Creative Commons), un clic et vous découvrez le magazine Arduina n°1 en PDF sur votre écran

 


Plus de presse…

SOREIL : Dure Ardenne (1937)

Temps de lecture : 2 minutes >
Soreil A, Dure Ardenne (Gembloux, Duculot, 1937)
[ISBN-13: 978-2873861339]
SOREIL Arsène, Dure Ardenne (Gembloux, Duculot, 1937)
4ème édition (1947) illustrée par Elisabeth Ivanovsky

Lire la fiche-auteur Arsène SOREIL sur le site de la province du Luxembourg

“On apprend, à Alleur, le décès d’Arsène Soreil, professeur émérite de l’université de Liège, historien d’art et poète. Il était né à Rendeux, en 1893, au pays de Théroigne de Méricourt dont il aimait rappeler le singulier souvenir. Il fit ses études de philosophie et lettres à l’université de Louvain et à l’université de Paris. Il revint de la Grande Guerre avec sept chevrons de front et de… nombreux dessins. Il était doué pour l’art et il rappelait volontiers qu’il s’était initié à l’eau-forte auprès du graveur Galanis. Dès 1937, Arsène Soreil occupe à l’université de Liège une chaire d’esthétique puis il y fait un cours d’explication approfondie d’auteurs français. L’éméritat atteint en 1963, il n’en continue pas moins un cours d’esthétique à l’Institut supérieur d’histoire de l’art et archéologie, à Bruxelles. Il collabore au Soir, auquel il confie des articles consacrés aux actualités de la culture, aux Cahiers mosans et à la revue La Vie wallonne. Son livre Dure Ardenne (1933) connaîtra de nombreuses rééditions. Il s’agit de la plus touchante évocation de l’Ardenne laborieuse au début du siècle. Arsène Soreil était également l’auteur de nombreux livres de poèmes et d’essais littéraires où il a déployé une âme sensible en même temps qu’une érudition fondamentale…”

Lire la suite de l’article de Paul CASO dans LESOIR.BE (8 mars 1989)


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